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Chapitre 3 État actuel de la recherche scientifique concernant les

3.7 La recherche contemporaine en neurobiologie

3.7.1 Les processus de signalisation neurale

Principalement appartenant au domaine de la biologie moléculaire, cette aire de recherche examine les composants cellulaires et les mécanismes moléculaires qui participent à la génération, à la transmission et à la modulation de l’impulsion nerveuse au sein de chaque neurone, entre neurones et entre groupes de neurones. Car bien que les impulsions nerveuses soient produites par des mécanismes physicochimiques similaires dans les divers types de neurones, mécanismes bien caractérisés de nos jours, la signalisation interneuronale dans sa dimension de signification propre à chacune des différentes fonctions du système nerveux reste à être décrite d’une manière satisfaisante.

En effet, il existe une diversité de mécanismes moléculaires ayant la fonction de transducteurs ou de conducteurs nerveux au sein de chaque neurone. En général, la transduction nerveuse, c’est-à-dire la transformation de la stimulation sensorielle en l’impulsion nerveuse, est initiée par l’action d’un neurotransmetteur ou d’une hormone particulier s’attachant à une ou plusieurs molécules spécifiques connues comme récepteurs chimiques. À leur tour, ces récepteurs chimiques mettent en action un ensemble de protéines et d’enzymes capables de réguler l’ouverture et la fermeture des différents canaux ioniques ainsi que la synthèse d’autres protéines et enzymes agissant sur le métabolisme de leurs substrats respectifs, déterminant

de cette manière la fonction du mécanisme dans la chaîne d’événements participant à la transformation et à la propagation de l’influx nerveux.

La biologie moléculaire a découvert plus d’une centaine d’agents biochimiques ayant la fonction de neurotransmetteurs et, comme tels, la capacité de moduler la transmission nerveuse en la favorisant ou en l’inhibant progressivement, en l’initiant ou en la bloquant selon les circonstances. Avec un tel nombre de substances impliquées dans les processus de signalisation et d’autres à être dévoilées encore, la variété d’interactions chimiques possibles et le nombre de significations probables se révèlent considérables. Cette abondance d’agents moléculaires est censée permettre au système nerveux de donner une réponse appropriée aux excitations lui venant du milieu extérieur dans le contexte d’un horizon spatial et temporel variable. Pourtant, le passage du phénomène physicochimique à la signification fonctionnelle qualitative n’a pas été compris qu’à ses niveaux les plus élémentaires. Nous avons un exemple de ce niveau de compréhension fondamentale dans les mécanismes propres à la vision, qui en raison de son accessibilité et de son importance a été le système sensoriel le plus étudié.

En effet, dans la plupart de systèmes sensoriels l’activation d’un récepteur par un stimulus adéquat cause la dépolarisation de la membrane neuronale, événement qui, à son tour, produit toujours un potentiel d’action autour des +40 mV et la libération d’un neurotransmetteur vers les autres neurones qui sont en contact avec la cellule ainsi stimulée. Les photorécepteurs de la rétine, par contre, ne génèrent pas un potentiel d’action unique de cette magnitude, mais produisent une série de potentiels membranaires par degrés successifs. Plus précisément, la stimulation lumineuse engendre un changement graduel dans le potentiel membranaire qui cause un changement proportionnel dans le débit de libération de neurotransmetteur vers les neurones post-synaptiques.

En l’absence de la lumière, les photorécepteurs maintiennent un potentiel membranaire approximatif de -40 mV, comme le font les autres récepteurs

sensoriels au repos. Mais à la différence de ceux-ci, les photorécepteurs se comportent comme s’ils étaient déjà dépolarisés, de sorte qu’un nombre relativement grand de canaux de calcique voltage dépendants sont déjà ouverts à ce potentiel membranaire et, par conséquent, le débit de libération de neurotransmetteur dans leurs synapses est élevé. Qui plus est, une augmentation progressive subséquente de l’intensité de la lumière qui tombe sur le photorécepteur cause une hyperpolarisation membranaire et non pas une dépolarisation; c’est-à-dire qu’elle provoque un potentiel encore plus négatif, jusqu’à la limite d’une valeur de saturation approximative de -65 mV. À ce potentiel de seuil, le nombre de canaux de calcique voltage dépendants ouverts diminue considérablement, et le débit de libération de neurotransmetteur est réduit à son minimum.

On ignore la raison de la réponse extraordinaire du photorécepteur, mais on sait que la seule condition nécessaire pour la reprise de la sensation est la présence d’une relation proportionnelle adéquate entre les variations d’intensité lumineuse et les fluctuations du débit de neurotransmetteur libéré.

La chaîne d’événements moléculaires aboutissant à la modulation de ce débit premier de neurotransmetteur commence lorsqu’un photon est absorbé par le pigment propre au photorécepteur. Une partie spécifique de la molécule de son pigment particulier est reliée à une entre plusieurs autres protéines possibles appartenant à la famille des opsines. Ces protéines ont la vertu d’ajuster la sensibilité du pigment à une bande déterminée du spectre lumineux en lui donnant une résistance structurelle proportionnelle à l’énergie vibratoire des photons qui se déplacent à ces amplitudes d’ondes et à ces fréquences. L’absorption d’un photon possédant une quantité d’énergie adéquate par la molécule du photorécepteur provoque un changement dans l’agencement spatial des atomes de son pigment ( par exemple, le groupe rétinal de la molécule de rhodopsine, qui se trouve dans les bâtonnets de la rétine, est changé de sa configuration 11-cis à la configuration complète de son isomère trans ). Les changements que cette nouvelle disposition atomique cause dans le composant protéique du photorécepteur déclenchent une

série de réactions biochimiques qui comportent successivement l’activation d’un messager intracellulaire de nom transducine, l’activation d’une enzyme de la famille des phosphodiesterases, et l’hydrolyse d’un nucléotide ( MPGc ou mono phosphate de glycine cyclique ) qui cause, à la fin, la fermeture des canaux membranaires des ions de sodium et de calcique. Cette fermeture provoque une baisse de la concentration d’ions de calcique à l’intérieur du neurone, ce qui cause à son tour une réduction du débit de libération du neurotransmetteur dans les synapses du photorécepteur. C’est précisément la diminution de la concentration d’ions de calcique qui a l’effet secondaire remarquable d’entraîner la série de changements dans la chaîne de phototransduction qui provoquent la réduction de la sensibilité du récepteur à la lumière, phénomène qui est compris par la neurobiologie comme un mécanisme d’adaptation du récepteur à l’intensité lumineuse. D’autres mécanismes sont initiés en même temps dont le dessein est celui de limiter la durée de cette cascade d’événements et dont le résultat final est le retour de toutes ces différentes molécules à leur état structurel d’inactivité82. Ce processus de régénération du pigment est essentiel au maintien de la sensibilité des photorécepteurs.

Un autre aspect important de cette chaîne complexe de réactions biochimiques est le niveau d’amplification du signal qu’elle peut produire. Par exemple, dans le cas du pigment rhodopsine, l’absorption d’un seul photon est capable de causer la fermeture d’environ deux cents canaux ioniques ( approximativement 2% du nombre total de canaux du photorécepteur ouverts au repos ) et de produire un changement dans le potentiel membranaire de l’ordre de -1 mV.

82 Par exemple, la protéine arrestine bloque la capacité de la rhodopsine active de mettre en fonctionnement la

protéine transducine, et facilite la dissociation du trans rétinal de la molécule d’opsine. Le trans rétinal est alors diffusé dans le cytosol, où des enzymes spécialisés le transforment en 11-cis rétinal, devenant ainsi capable de se rassembler une fois de plus avec la molécule d’opsine. ( Purves et al., p. 240 ).

Dans le cas des photorécepteurs associés à la formation de l’image ( les neurones nommés bâtonnets ), la régulation quantitative du débit de neurotransmetteur libéré est supposée permettre au système de la vision d’ajuster la finesse de sa sensibilité discriminative, d’une part, à l’égard du niveau d’illumination du champ visuel ( intensité de la lumière ) et d’autre part, par rapport à la localisation spatiale des objets dans le champ visuel ( résolution de l’image ).

Pareillement, on sait que la sensation de la couleur est fondée sur la réponse de trois types différents de photorécepteurs ( les neurones appelés cônes ) à trois longueurs d’onde différentes qui correspondent à la gamme des couleurs bleu ( onde courte ), vert ( onde moyenne ) et rouge ( onde longue ). Pourtant, les observations expérimentales ont montré que la réponse de chaque photorécepteur dépend autant du nombre de photons absorbés par son pigment spécifique que de leur énergie vibratoire ( longueur d’onde )83. Il est, donc, impossible de déterminer si le changement dans le potentiel membranaire d’un récepteur particulier est le résultat d’une grande quantité de photons absorbés à des longueurs d’onde auxquels son pigment est peu sensible, ou bien à une quantité plus petite de photons absorbés à ces longueurs d’onde auxquels le pigment est notamment sensible. Pour éliminer cette ambiguïté naturelle de la réponse du photorécepteur le système visuel doit être capable de comparer l’activité des différentes classes de photorécepteurs à des niveaux plus élevés de la voie neurale visuelle. Comme nous le verrons par la suite, quelques-uns des mécanismes neuraux qui participent au traitement des différents niveaux d’illumination en vue de l’amélioration du contraste et de la définition du stimulus visuel ont été précisés, mais les

83 « In fact, individual cones, like rods, are entirely color blind in that their response is simply a reflection of the

number of photons they capture, regardless of the wavelength of the photon (or, more properly, its vibrational energy). » ( Purves et al., p. 246 ).

mécanismes neuraux sous-jacents à la sensation de la couleur demeurent un mystère84.