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Les mécanismes moléculaires de la signalisation neuronale

Chapitre 3 État actuel de la recherche scientifique concernant les

3.6 Les mécanismes moléculaires de la signalisation neuronale

Dans pratiquement toute cellule animale il existe une différence de charge électrique, ou potentiel de repos (PR), de l’ordre de -70 mV (milivolts) entre le cytoplasme et le milieu extracellulaire. Un mince feuillet moléculaire qui délimite le contour de la cellule est responsable de l’inégalité de répartition des ions entre le milieu intracellulaire et le milieu extracellulaire. Cette membrane plasmique est constituée d’une double couche lipidique dans laquelle sont incluses des protéines, l’ensemble formant une sorte de mosaïque fluide. Les ions potassium (K+) sont les cations majoritaires dans le milieu intracellulaire. Ils s’y trouvent en équilibre avec les protéines, qui ont une charge négative et qui abondent dans le cytoplasme. Les ions sodium (Na+) sont présents à de fortes concentrations dans le milieu extracellulaire, où ils sont équilibrés par une concentration égale d’ions chlorure (Cl-). La double couche lipidique est imperméable aux ions ainsi qu’à la plupart des protéines polaires, hydrophiles, mais les ions inorganiques ( Na+, K+, Cl-, Ca2+ ) peuvent la traverser par le moyen de conduits spécialisés formés par des protéines transmembranaires nommées protéines-canaux. D’autres protéines spécialisées, appelées pompes ou transporteurs, rétablissent continuellement l’inégalité de répartition des ions entre les deux milieux par leur transport actif. Au repos, c’est-à- dire en l’absence de toute excitation, seuls les ions potassium (K+) peuvent traverser la membrane de l’intérieur à l’extérieur de la cellule sous la force du gradient de concentration. Ce mouvement ionique laisse la surface intérieure de la membrane cellulaire avec un léger excès de charge négative, tandis que la surface extérieure de la membrane acquiert une légère charge positive en raison de l’attraction exercée par cette charge négative sur les ions potassium (K+) sortant du milieu intracellulaire. L’équilibre ionique entre le milieu intracellulaire et le milieu extracellulaire maintient ce potentiel de repos membranaire constant autour de -70 mV.

Le potentiel de repos est particulièrement important dans le cas du neurone, car tout le procès de signalisation du système nerveux est fondé sur des changements de ce potentiel. En effet, la membrane plasmique qui délimite le contour du

neurone depuis les épines dendritiques jusqu’aux terminaisons axonales inclut des protéines-canaux spécifiques qui lui donnent la capacité de produire, de recevoir et de transmettre des signaux électriques en réponse à une excitation. Quand la membrane cellulaire du neurone est stimulée suffisamment, elle commence à se dépolariser, ou dit autrement, son potentiel de repos est réduit sous l’action de l’excitation. Lorsque ce potentiel atteint un certain seuil, généralement situé autour de -55 mV, des protéines-canaux d’ions sodium (Na+) s’ouvrent instantanément, permettant l’entrée subite de ces ions au milieu intracellulaire pendant un millième de seconde. Ce mouvement ionique change aussitôt le potentiel de repos membranaire approximativement de -70 mV à +40 mV, ce qui cause à son tour la fermeture immédiate des protéines-canaux d’ions sodium (Na+)et l’ouverture des protéines-canaux d’ions potassium (K+) voltage dépendants, provoquant ainsi une sortie massive d’ions potassium (K+) vers le milieu extracellulaire qui persiste jusqu’au rétablissement de la valeur de repos du potentiel membranaire. Cette inversion subite, intense et transitoire du potentiel membranaire de repos est nommée le potentiel d’action (PA) du neurone et constitue le signal nerveux.

Chaque potentiel d’action laisse le neurone avec un excès d’ions sodium (Na+) à l’intérieur et un excès d’ions potassium (K+) à l’extérieur. Des protéines pompes s’occupent alors de transporter l’excès d’ions sodium (Na+) à l’extérieur du neurone et la quantité adéquate d’ions potassium (K+) à l’intérieur de la cellule nerveuse, rétablissant éventuellement les gradients de concentration originels de chacun de ces ions.

Le potentiel d’action, qui est de l’ordre de 110 mV, obéit à la loi de « tout ou rien » et se propage sans atténuation tout au long de la membrane de l’élément excité. Le potentiel d’action généré au niveau du segment initial stimule la région de membrane voisine, ce qui a pour effet d’y créer un potentiel d’action qui excite à son tour la région suivante. Ce processus, qui comporte l’ouverture et la fermeture consécutives des protéines-canaux de Na+ et de K+ voltage dépendants tout au long de la membrane plasmique, assure la conduction de l’influx nerveux tout le long de l’axone vers ses branches terminales. Une fois arrivé au niveau des

boutons terminaux, le potentiel d’action provoque l’ouverture de canaux de calcique voltage dépendants. Les ions de calcium (Ca2+) entrent alors à l’intérieur du bouton terminal sous l’effet du gradient de concentration, où l’augmentation de la concentration en calcium intracellulaire fait libérer par exocytose76 une substance chimique spécialisée, appelée neurotransmetteur, dans l’espace intercellulaire qui formera la synapse ( les synapses purement électriques étant relativement rares ). Les différents neurotransmetteurs agissent sur un autre neurone, une cellule musculaire ou une cellule glandulaire en se fixant sur des protéines particulières de sa membrane, les récepteurs, ce qui provoque l’ouverture ou la fermeture de canaux ioniques spécifiques dans le neurone postsynaptique. Ainsi, dans les circuits nerveux les plus simples, les neurones sensoriels transforment leurs excitations propres en une dépolarisation membranaire, et la dépolarisation membranaire des motoneurones se transforme en une contraction musculaire ou en une sécrétion glandulaire par le moyen des synapses.

La nature excitatrice ou inhibitrice de l’action postsynaptique est déterminée par la perméabilité ionique spécifique du canal ciblé par chaque neurotransmetteur en particulier, ainsi que par le gradient de concentration de ses ions correspondants77. En règle générale, une action excitatrice rapproche le potentiel membranaire du

76 Le passage de différents substances ( ions, glucides, acides aminés, acide gras, oxygène, gaz carbonique

et autres ) à travers la membrane cellulaire se fait par le moyen des mécanismes de transport moléculaire dont il existe deux variétés: le transport actif et le transport passif. Les deux principaux transports, l'exocytose et l'endocytose, qui permettent aux grosses particules et aux macromolécules de traverser la membrane vers l'extérieur et l’intérieur de la cellule respectivement, font partie des transports actifs de la cellule. Cette forme de transport s'appelle également transport vésiculaire ou transport en vrac, et il tire l’énergie nécessaire pour son accomplissement de l’hydrolyse du tri phosphate d’adénosine ( TPA ), comme le font plusieurs autres mécanismes cellulaires. Avant d'être éliminés par la cellule, les éléments destinés à leur expulsion du milieu intracellulaire sont enfermés dans un sac constitué d'une membrane, que l'on appelle la vésicule. L'étape suivante est la migration de cette vésicule en direction de la membrane cytoplasmique, puis sa fusion avec celle-ci. Pour terminer, le contenu de la vésicule est déversé dans l’espace extracellulaire. La vidange de la vésicule ne peut être accompli que si elle s’intègre à la membrane entourant la cellule. Pour faire cela, les protéines d'amarrage qui entrent dans la composition des deux membranes se lient mutuellement et fusionnent entre elles.

neurone postsynaptique du seuil de déclenchement du potentiel d’action, tandis qu’une action inhibitrice l’éloigne davantage78.

Chez les animaux multicellulaires complexes, différents types de neurones forment différents circuits de signalisation plus ou moins compliqués, mais l’influx nerveux est toujours véhiculé et livré de la même manière aux différents composants de ces circuits pour se transformer directement en une réponse particulière, ou au cerveau pour son traitement subséquent79. On estime que le cerveau humain contient un minimum de cent milliards de neurones et quelques fois ce nombre de cellules de support. Le nombre de connexions synaptiques de chaque cellule nerveuse varie entre une et cent mille. Avec l’organisation particulière de la membrane cellulaire en vue de la propagation du potentiel d’action, cet ample intervalle et la complexité morphologique de l’arborescence dendritique qu’il implique ( et alors, du neurone en général ) sont tenus comme des signes de la fonction principale de la cellule nerveuse, qui est celle d’intégrer et de communiquer les signaux lui provenant des autres neurones qui constituent les différentes parties du système nerveux.

77 « Whether the postsynaptic actions of a particular neurotransmitter are excitatory or inhibitory is determined

by the ionic permeability of the ion channel affected by the transmitter, and by the concentration of permeant ions inside and outside the cell. » ( Purves, D., G.J. Augustine, D. Fitzpatrick, W.C. Hall, A.S. LaMantia, J.O. McNamara, S.M.Willams (eds.), Neuroscience, 3e edition, Sinauer Associates, Inc., Sunderland, Mass., USA, 2004., p. 93 ).

78 « Although the particulars of postsynaptic action can be complex, a simple rule distinguishes postsynaptic

excitation from inhibition: An EPSP has a reversal potential more positive than the action potential threshold, whereas an IPSP has a reversal potential more negative than threshold (Figure 5.19D). Intuitively, this rule can be understood by realizing that an EPSP will tend to depolarize the membrane potential so that it exceeds threshold, whereas an IPSP will always act to keep the membrane potential more negative than the threshold potential. » ( Purves et al., pp. 122-123 ).

79 Ce résumé a été élaboré à partir des explications de ces divers phénomènes que nous avons trouvées dans

Horcholle-Bossavit, G.;Tyc-Dumont, S. (2005), Le neurone computationnel. Histoire d’un siècle de