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Chapitre 3 État actuel de la recherche scientifique concernant les

3.2 La nature et le traitement des données expérimentales de la

3.2.3 La modélisation mathématique

Cependant, ces diverses difficultés n’ont pas arrêté le progrès de la recherche, car quand l’obtention de données expérimentales a été hors de sa portée, elle a eu recours à l’analyse théorétique des mécanismes nerveux par le moyen de la modélisation mathématique. En effet, la création du premier modèle du « neurone

66 Par exemple, « Rita Lévi-Montalcini, prix Nobel de Médecine en 1986 pour ses travaux d’embryologie sur la

neurogenèse et sa découverte du facteur de croissance des nerfs (Nerve Growth Factor), écrivait en 1964 que les "phénomènes de développement sont d’une complexité infinie et qu’il faudra beaucoup de temps pour les maîtriser" et qu’elle avait le sentiment d’encore tout ignorer bien que sa carrière fut déjà longue. … Près de quarante ans plus tard, on constate que les connaissances sur les mécanismes responsables du développement des dendrites restent encore très parcellaires, descriptifs et difficiles à interpréter. » ( Horcholle-Bossavit, G.;Tyc-Dumont, S. (2005), Le neurone computationnel. Histoire d’un siècle de

recherches. CRNS Editions, Paris, p. 49 ). [ Mots en italiques par les auteurs. ]

67 « Très peu de données quantitatives existent chez l’homme … Les données dont on dispose sont obtenus

sur des systèmes neuroniques différents, à des âges différentes et avec des techniques différentes. » ( Horcholle-Bossavit, G.;Tyc-Dumont, S. (2005), Le neurone computationnel. Histoire d’un siècle de

recherches. CRNS Editions, Paris, p. 59 ).

68 « Chez l’adulte, la structure dendritique spécifique des neurones n’est pas figée. Elle peut être remaniée en

fonction des modifications de l’environnement liées soit à des régulations physiologiques internes, soit à des conditions externes, soit encore à des facteurs pathologiques. Les dendrites et leurs épines sont sensibles à une multitude de changements biologiques ainsi qu’à diverses situations expérimentales: l’état hormonal, l’hibernation, l’alcoolisme, l’épilepsie, la maladie d’Alzheimer, des pathologies génétiques, la malnutrition, la déshydratation, l’hypoxie. Les facteurs d’environnement intervenant dans l’apprentissage peuvent modifier la structure dendritique, le nombre d’épines et de synapses dans différents types neuroniques. » ( Horcholle- Bossavit, G.;Tyc-Dumont, S. (2005), Le neurone computationnel. Histoire d’un siècle de recherches. CRNS Editions, Paris, p. 54 ).

69 « Les questions non résolues, qui sont la fiabilité des données, c’est-à-dire le problème des artefacts, des

critères pour effectuer l’échantillonnage des points, subjectifs et arbitraires, et la mesure des diamètres prédisposée à l’erreur car dépendant des performances optiques et mécaniques du système de mesure ne sont jamais discutées. Le bruit présent dans les données originales, le partage des données par Internet, source d’erreur, et le contrôle de leur qualité, restent de problèmes non triviaux, rarement abordés. » ( Horcholle-Bossavit, G.;Tyc-Dumont, S. (2005), Le neurone computationnel. Histoire d’un siècle de

formel » par Warren S. McCulloch et Walter Pitts en 194370, ainsi que celle du concept du « motoneurone standard » par John C. Eccles en 195771 sont des exemples notables de cette approche scientifique.

Le premier de ces deux modèles permet de traiter mathématiquement le cerveau comme une machine logique en représentant chaque neurone comme un calculateur élémentaire symbolisé par une fonction booléenne à seuil, comme serait le cas des divers éléments d’une machine de Turing72. L’état de sortie d’un tel neurone est binaire: 0 ( pas de potentiel ), ou 1 ( présence d’un potentiel d’action ), selon la valeur atteinte par le potentiel membranaire. Ce « neurone formel » est une équation, il n’y a pas de dimension et donc pas de dendrites. Ainsi, l’impossibilité pratique de tirer cette conclusion à partir de la contribution individuelle de l’innombrable quantité de synapses possibles des différentes arborisations dendritiques est surmontée.

Le deuxième modèle voudrait rendre compte des effets synaptiques enregistrés par une microélectrode insérée dans le soma ( ou corps cellulaire ) d’un motoneurone lorsqu’il est soumis aux actions de différents types de courants afférents connus en traitant la cellule d’une manière idéale, c’est-à-dire comme s’il s’agissait d’une sphère de 70 µm de diamètre avec cinq ou six départs de troncs dendritiques cylindriques, chacun de 5 µm de diamètre. En faisant ainsi, les potentiels synaptiques enregistrés au corps du neurone sont calculés comme la sommation algébrique de tous les courants synaptiques circulant passivement dans l’arborisation dendritique. Ces potentiels sont propagés numériquement par

70 McCulloch, W.S., et Pitts, W.H., « A logical calculus of the ideas immanent in nervous activity », Bull.

Mathemat. Biophys., 1943, 5: 115-133.

71 Eccless, J.C., (ed.), The physiology of nerve cells, Baltimore, The John Hopkins Press, 1957. Un

motoneurone est une cellule nerveuse directement connectée à un muscle ( synapse neuromusculaire ) et qui commande sa contraction à l’aide d’une impulsion nerveuse. Cette cellule peut agir sur un petit ou un grand nombre de fibres musculaires. L’ensemble formé par le motoneurone et ces fibres musculaires est appelé une unité motrice ( Horcholle-Bossavit, G.;Tyc-Dumont, S. (2005), Le neurone computationnel.

Histoire d’un siècle de recherches. CRNS Editions, Paris, p. 162 ).

72 Une machine de Turing est un mécanisme hypothétique capable de manipuler des symboles selon un

le modèle avec une atténuation décroissante vers le soma. Lorsque la polarisation qui en résulte atteint un niveau critique, le modèle produit un ou plusieurs potentiels d’action dans l’axone. Les possibles effets d’un courant provenant de dendrites situées à une distance du soma supérieure à 300 µm sont jugés négligeables.

Ces deux premiers modèles, mis à l’épreuve et développés davantage par la suite, ont inspiré la création de modèles chaque fois plus amples et plus compliqués, aboutissant à la production des célèbres « cartes fonctionnelles » des arborisations actives, qui proposent un début d’explication fonctionnelle à la complexité structurelle des dendrites dans l’espace tridimensionnel73. Ces modèles intégratifs récents se trouvent à la base de plusieurs développements théoriques concernant les fonctions supérieures du système nerveux.