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Les mécanismes moléculaires de la production des anticorps

Chapitre 4 Les efforts d’intégration des résultats de la recherche biologique

4.2 Les systèmes somatiques de reconnaissance: les mécanismes

4.2.1 Les mécanismes moléculaires de la production des anticorps

La recherche dans ce domaine fascinant de la biologie a découvert que la capacité du système immunitaire de cibler correctement un grand nombre d’antigènes différents est la conséquence d’un processus de recombinaison de certains segments d’ADN contenant les gènes responsables de la structure de protéines qui font partie de la membrane cellulaire de chaque lymphocyte. Cette recombinaison a lieu dans la moelle épinière ou dans le thymus pendant le développement des lymphocytes, et est expliquée par la théorie du clonage

sélectif, dont les postulats principaux, dans leurs grandes lignes, sont les

suivants188:

1. Chaque lymphocyte porte un seul type de récepteur avec une spécificité immunologique unique: Tous les composants cellulaires du système immunitaire

tirent leur origine des cellules hématopoïétiques qui se trouvent dans les tissus de la moelle épinière. Celles-ci engendrent un type particulier de cellule possédant une capacité de différenciation plus réduite que celle des cellules hématopoïétiques originaires et qui devient le précurseur commun de deux types de lymphocytes fonctionnellement distincts, les lymphocytes B, qui continueront de se développer dans la moelle épinière, et les lymphocytes T, qui se développeront ailleurs, dans le thymus. La genèse de chaque lymphocyte est marquée par un nombre indéterminé d’étapes successives de réarrangement et d’expression fonctionnelle des différents gènes encodant les longues chaînes protéiques qui formeront ses anticorps particuliers. Ces gènes sont organisés en segments, quelques-uns de composition fixe, quelques autres de composition variable. Cette variabilité naturelle résulte de la recombinaison de l’ADN du lymphocyte s’enroulant en boucles sur lui-même à des emplacements précis. Comme il existe une énorme diversité de segments et une quantité innombrable de combinaisons possibles, la probabilité que chaque étape de différentiation cellulaire engendre

une séquence distincte de ces gènes est très élevée. Lorsque cette séquence réussit à synthétiser une molécule complète s’exprimant dans la forme d’une protéine membranaire, les processus cellulaires qui permettront au lymphocyte d’avancer à l’étape suivante de son développement sont initiés. En l’absence de ces processus, le lymphocyte en développement dépérit. En général, la recombinaison génétique se poursuit jusqu’à l’accomplissement d’un arrangement génétique produisant une molécule fonctionnelle, mais il est possible aussi que les recombinaisons successives ne réussissent pas à y parvenir. Ainsi, chaque lymphocyte atteignant la maturité finit par porter en lui un arrangement génétique unique capable de synthétiser une protéine membranaire singulière. Cette sorte de protéine, qui dans le cas du lymphocyte constitue l’immunoglobuline ou anticorps, est appelée d’une manière générique un récepteur biochimique.

2. L’interaction entre une molécule étrangère et un récepteur lymphocytaire capable de se lier à cette molécule avec une affinité élevée résulte dans l’activation du lymphocyte: Le lymphocyte mûr nouvellement engendré, dénommé

lymphocyte naïf, accède au flux sanguin et circule alternativement entre les vaisseaux sanguins et les vaisseaux lymphatiques, y restant inactif jusqu’au moment où son récepteur biochimique s’attache fermement à une molécule étrangère. En général, la rencontre entre cette molécule et le lymphocyte se produit dans les tissus des divers organes du système lymphatique avec la participation d’autres cellules et d’autres molécules médiatrices, et elle déclenche la série de changements cellulaires qui aboutiront à la mitose du lymphocyte ( c’est-à-dire au processus de division cellulaire où chaque chromosome se dédouble, de sorte que les deux cellules résultant de cette division possèdent, en nombre égal, les mêmes chromosomes que la cellule d'origine ). Le lymphocyte devient alors actif.

188 Janeway, C.A., Travers, P., Walport, M., and M.J. Schlomchik, Immunobiology, 6th edition, Garland

3. Les lymphocytes engendrés par un lymphocyte actif porteront des récepteurs biochimiques ayant la même spécificité immunitaire que celle des récepteurs du lymphocyte originaire: Les lymphocytes ainsi activés grossissent en préparation de

leur division cellulaire et sont attrapés temporairement par les tissus lymphatiques, où ils prolifèrent en se divisant de deux a quatre fois toutes les vingt-quatre heures pendant une période de trois à cinq jours. C’est de cette façon que chaque lymphocyte naïf est capable d’engendrer en moyenne un millier de cellules identiques, toutes de même spécificité immunologique. Ces cellules sont toutes effectivement des clones, portant le même récepteur biochimique de la cellule originaire. Chez l’être humain, la diversité de lymphocytes qui résulte de cette recombinaison génétique forme un répertoire immunitaire capable de produire au minimum cent millions d’anticorps différents189.

4. Les lymphocytes dont les récepteurs biochimiques se lient en quantités significatives à des molécules appartenant à l’organisme sont éliminés ou neutralisés à l’état de développement: Lorsqu’un récepteur lymphocytaire s’attache

à une molécule constitutive de l’organisme, le développement du lymphocyte auquel ce récepteur appartient est arrêté temporairement par un processus de signalisation biochimique qui dépende fortement de la nature du lien moléculaire établi, ainsi que de celle de la molécule attachée, molécule appelée d’une façon générique un ligand. En règle générale, la fixation d’un ligand par un récepteur lymphocytaire déclenche un processus de signalisation qui provoque le groupement de plusieurs autres récepteurs biochimiques du lymphocyte autour du récepteur lié. Quand le ligand est présent en abondance dans des emplacements localisés, comme serait le cas, par exemple, d’un grand nombre de protéines membranaires, ce groupement favorisera l’attachement d’autres récepteurs en quantité amplement suffisante pour réactiver le processus de recombinaison génétique à une échelle réduite, causant la restructuration partielle du récepteur.

189 Janeway, C.A., Travers, P., Walport, M., and M.J. Schlomchik, Immunobiology, 6th edition, Garland

Si la structure modifiée du récepteur ne s’attache plus à des molécules constitutives de l’organisme, le cours normal du développement du lymphocyte est rétabli; autrement, la mort graduelle du lymphocyte s’ensuit. Par contre, quand le nombre de récepteurs liés ne suffit pas pour réactiver le processus de recombinaison génétique, comme il arrive souvent lorsque la dispersion du ligand ne permet pas des groupements assez forts ( ce serait le cas, par exemple, des

molécules en solution présentes dans l’organisme, tel que les

neurotransmetteurs ), un processus encore inconnu finit par bloquer la voie de signalisation de tous les récepteurs du lymphocyte de façon permanente. Le lymphocyte poursuit son développement, mais désormais il demeure non fonctionnel. Et finalement, quand le ligand s’attache aux récepteurs avec des forces moléculaires faibles, ou qu’il le fait en quantités insignifiantes, aucun signal pour arrêter le développement lymphocytaire ne se produit et le lymphocyte mûrit normalement, mais il reste potentiellement réactif contre le matériel propre à l’organisme. C’est précisément l’activation éventuelle de cette dernière sorte de lymphocytes naïfs qui se trouve à la racine des maladies dites auto-immunes190.