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La philosophie naturelle d'Aristote et le problème contemporain de l'inscription corporelle de l'esprit

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La philosophie naturelle d’Aristote et le problème contemporain

de l’inscription corporelle de l’esprit

Thèse

Sergio Antonio Mendoza Bustos

Doctorat en philosophie

Philosophiae doctor ( Ph.D. )

Québec, Canada

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RÉSUMÉ

En raison du progrès soutenu des sciences expérimentales et des technologies de l’information, plusieurs chercheurs en neurosciences affirment que nous sommes plus près que jamais de montrer la façon dont la physiologie et l’organisation du cerveau produisent les fonctions supérieures du système nerveux. Ainsi, des scientifiques de renom ont commencé à formuler des hypothèses, à construire des théories et à développer des modèles de simulation numérique en vue d’expliquer l’apparition de la conscience à partir des mécanismes de signalisation neuronale et de la modification adaptative des circuits nerveux cérébraux.

Les philosophes aussi cherchent maintenant à formuler la solution au problème de l’explication de l’unité du corps et de l’esprit sur les bases de ces connaissances. Mais étant donné que cette approche implique la compréhension des phénomènes mentaux en termes de phénomènes physiques, leur réflexion conduit, en général, soit à une description réductionniste de l’esprit, soit à un dualisme de propriétés. C’est pourquoi certains d’entre eux ont proposé récemment de chercher dans la philosophie naturelle d’Aristote la direction que devrait emprunter cette recherche. Pourtant, plusieurs des arguments avancés par ces savants contemporains à l’appui de leurs thèses comportent des erreurs de principe, de compréhension ou de méthode qui mettent sérieusement en doute la solidité de leurs propositions. Cette recherche analyse en détail ces arguments dans le dessein de faire ressortir les principales difficultés et de les enlever pour juger d’une façon plus éclairée de la vraie contribution de ces connaissances à notre compréhension de l’unité naturelle que forment le corps et l’esprit.

Sa démarche se divise en trois étapes principales. La première vise à prendre connaissance de l’état actuel de la recherche expérimentale en neurobiologie, la deuxième évalue deux modèles représentatifs de la recherche théorique des neurosciences et la troisième se propose de parvenir à comprendre le plus exactement possible la façon dont Aristote rend compte de l’unité du corps et de l’esprit.

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Trois observations générales résultent de cet examen.

Premièrement, qu’en réalité la neurobiologie ne cherche pas à comprendre l’aspect phénoménal des fonctions supérieures du cerveau, mais uniquement leurs fondements neuraux, car elle est consciente de ses limites naturelles en tant que science expérimentale.

Deuxièmement, que les arguments avancés par ces modèles théoriques de la conscience en faveur de la compréhension biologique des fonctions supérieures du système nerveux se servent principalement de l’altération du sens des mots du vocabulaire associé à la cognition pour accomplir le passage des phénomènes biologiques aux phénomènes mentaux, proposant essentiellement de comprendre ces derniers comme le résultat d’une inférence statistique accomplie par la signalisation neuronale grâce à la structuration adaptative des circuits nerveux. Troisièmement, que la philosophie naturelle d’Aristote accomplit réellement l’unité du corps et de l’esprit, mais qu’elle ne parvient pas à expliquer cette unité à partir des mécanismes de la perception et du mouvement de l’animal, mais plutôt à partir des principes qui fondent son étude de la nature, et que les objections formulées à ses arguments découlent d’une lecture fragmentaire ou biaisée de ses écrits et d’une compréhension superficielle ou erronée de ses concepts fondamentaux de sa philosophie.

Ces observations permettent de conclure que la tâche de la philosophie de la nature n’est pas celle d’accommoder sa réflexion concernant l’unité que forment ensemble le corps, l’âme et l’esprit aux résultats des sciences expérimentales, mais celle de formuler des principes aptes à unifier les différents aspects de la réalité sur lesquels portent ces différentes sciences.

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ABSTRACT

The steady progress of experimental science and information technologies has led several researchers in the neurosciences to affirm that we are now closer than ever to disclosing the way in which the physiological organisation of the brain produces the higher functions of the nervous system. Consequently, these renowned scientists have proposed hypotheses, elaborated theories and developed numerical simulation models in order to explain the emergence of consciousness from the mechanics of neural signaling and the adaptation of the brain’s neural circuits.

Philosophers are currently also seeking the solution to the problem of explaining the unity of body and mind on the basis of this knowledge. But as this approach implies describing mental phenomena in terms of the underlying physical phenomena, their reflections generally lead either to a reductionist description of the mind or to a dualist theory. For this reason, certain of them have recently proposed that such research should look for inspiration in the natural philosophy of Aristotle.

However, several of the arguments advanced by these contemporary researchers in the support of their theses are flawed by errors of principle, of comprehension or of method, which place serious doubt upon the solidity of their propositions. In the present dissertation these arguments are placed under detailed scrutiny in order to pinpoint the main difficulties and discard them, allowing a clearer evaluation of the true contribution of these propositions to our understanding of the natural unity formed by body and the mind.

This project is divided into three major sections. The first is intended to present the current state of experimental research in neurobiology; the second evaluates two representative models from current theoretical research in neuroscience; and the third endeavours to come to as exact an understanding as possible of the way in which Aristotle treats the unity of the body and the soul, to which the intellect

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belongs in the particular case of man and whose concept does not exactly match the contemporary concept of mind.

There are three general observations that can be drawn from this examination. Firstly, in reality neurobiology does not seek to explain the phenomenal aspects of the brain’s higher functions, only their neurological bases, because as an experimental science it is bound by natural limits.

Secondly, the arguments put forth by theoretical models of consciousness in favour of a biological understanding of the higher neurological functions are mainly based on the alteration of the meaning of words associated with cognition in order to make the transition from biological to mental phenomena. These phenomena would then be understood essentially as the result of statistical inference accomplished by neuronal signaling, made possible by the adaptive restructuring of neural circuits.

Thirdly, Aristotle’s natural philosophy truly succeeds in uniting body and soul, but his explanation of this unity is not founded on the mechanisms of perception and movement in the animal, but rather on the principles underlying his study of nature, and the objections that have been raised against his arguments have been based on fragmentary or biased readings of his writings, and on an erroneous or superficial understanding of the fundamental concepts of his philosophy.

These observations allow us to draw the conclusion that the proper task of the philosophy of nature is not to accommodate its reflections concerning the unity of body, soul and spirit to the results of experimental science, but rather that of formulating the principles that unify the different aspects of reality upon which the different sciences are based.

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé ...iii

Abstract ... v

Table des matières...vii

Remerciements ... xiii

Chapitre 1 Introduction ... 1

Chapitre 2 Méthodologie ... 17

Chapitre 3 État actuel de la recherche scientifique concernant les fondements corporels de l’esprit ... 31

3.1 L’histoire de l’étude biologique des fonctions cérébrales et de l’ensemble du système nerveux... 31

3.2 La nature et le traitement des données expérimentales de la neurobiologie... 39

3.2.1 Les observations cliniques et les essais de laboratoire... 39

3.2.2 Les limitations associées à l’expérimentation et à l’observation clinique... 40

3.2.3 La modélisation mathématique... 42

3.2.4 La représentation contemporaine du cerveau ... 44

3.3 Les éléments anatomiques et fonctionnels du système nerveux ... 47

3.3.1 L'encéphale ... 48

3.3.2 La moelle épinière ... 50

3.3.3 Les centres végétatifs... 51

3.3.4 La substance grise et la substance blanche... 52

3.4 Les éléments cellulaires du système nerveux ... 53

3.4.1 Le neurone ... 53

3.4.2 Les cellules gliales ... 53

3.4.3 Les cellules épendymaires ... 55

3.4.4 Les circuits neuraux ... 55

3.4.5 Le signal nerveux ... 57

3.5 Les quatre principes fondamentaux gouvernant l’organisation neurale... 59

3.6 Les mécanismes moléculaires de la signalisation neuronale ... 60

3.7 La recherche contemporaine en neurobiologie ... 64

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3.7.2 La sensation et le traitement de la signalisation sensorielle... 73

3.7.3 La douleur ... 85

3.7.4 Le mouvement corporel et son organisation centrale... 88

3.7.5 La plasticité neurale ... 93

3.7.6 Les fonctions cérébrales complexes ... 96

Chapitre 4 Les efforts d’intégration des résultats de la recherche biologique contemporaine dans un tout explicatif du comportement du vivant ... 115

4.1 Les mécanismes moléculaires de la mémoire... 120

4.2 Les systèmes somatiques de reconnaissance: les mécanismes moléculaires de la réponse immunitaire... 135

4.2.1 Les mécanismes moléculaires de la production des anticorps... 141

4.2.2 Les mécanismes moléculaires de la réaction antigénique ... 144

4.2.3 Les mécanismes moléculaires de la mémoire immunitaire ... 146

Chapitre 5 Une théorie biologique de l’apparition de la conscience ... 151

5.1 La Théorie de la sélection de groupes neuronaux de Gerald M. Edelman... 151

5.2 Examen critique de la théorie... 171

5.2.1 Relativement à l’objectivité de la science ... 172

5.2.2 Relativement à la théorie de l’évolution... 173

5.2.3 Relativement à la description de la conscience... 176

5.2.4 Relativement à l’approche des sciences cognitives ... 180

5.2.5 Relativement à la théorie de la sélection naturelle. ... 199

5.2.6 Relativement à la suffisance de la théorie... 205

5.2.7 Relativement à la compréhension de la nature et de l’emploi correct des grandeurs et des outils propres à la théorie des probabilités... 215

5.2.8 Relativement au problème de la subjectivité de la conscience... 232

Chapitre 6 Une théorie mathématique de l’apparition de la conscience... 247

6.1 La Théorie de l’information intégrée de Giulio Tononi... 249

6.2 Examen critique de la théorie... 266

6.2.1 La différence entre le concept technique de l’information et l’information proprement dite à l’égard de la réduction de l’incertitude... 278 6.2.2 Le désaccord entre la nature abstraite des rapports d’association

statistique calculés à partir du concept technique de l’information et la nature réelle des rapports de cause à effet qui pourraient

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résulter de l’information proprement dite à l’égard de la

perception et du comportement ... 294

6.2.3 L’illégitimité du passage du domaine des mathématiques au domaine de la neurobiologie et vice-versa au moyen de l’interprétation objective du calcul de probabilités ... 309

6.2.4 La signification réelle des expressions mathématiques proposées par la théorie de la communication de Claude E. Shannon... 327

6.3 Les conséquences pour la recherche contemporaine de la lecture non réfléchie de la Théorie de l’information intégrée de Giulio Tononi... 347

Chapitre 7 Clarification des principaux doutes et malentendus qui se sont installés dans le débat contemporain sur la psychologie d’Aristote... 353

7.1 De la possibilité de l’existence d’une pluralité de théories ( compatibles ou incompatibles ) concernant la nature de l’âme et ses rapports avec le corps... 362

7.2 De la possibilité de l’existence d’un conflit interne entre une conception mécaniste de la nature et son explication téléologique... 388

7.3 De l’obstacle que la conception purement matérielle de la substance pose à la bonne compréhension de l’unité substantielle de l’âme et du corps ... 402

Chapitre 8 L’unité de la matière et de la forme dans la philosophie naturelle d’Aristote... 409

8.1 De l’unité substantielle de la matière et la forme comme le fondement de la solution d’Aristote au problème de la compréhension des rapports entre l’âme et le corps... 409

8.2 Les fondements de l’unité substantielle de la forme avec son substrat matériel et la relation des parties au tout dans la philosophie d’Aristote ... 422

8.2.1 La nature de la matière et de la forme... 422

8.2.2 La nature des parties de la substance... 433

8.2.3 Le problème de l’intellect... 437

Chapitre 9 Les principes de la perception dans la philosophie naturelle d’Aristote... 441

9.1 Le rôle de la perception... 442

9.2 Puissance et acte dans la sensation et dans l’intellection: la réception de la forme par le corps et par l’âme... 445

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9.4 L’unité de la perception ... 459

Chapitre 10 Les principes de l’intellection dans la philosophie naturelle d’Aristote... 465

10.1 L’unité de l’intellect... 465

10.2 L’unité de la pensée avec l’âme, le corps et le monde... 497

Chapitre 11 La nature du corps et de l’âme dans la philosophie naturelle d’Aristote... 513

11.1 Le concept aristotélicien de l’âme ... 513

11.2 La nature de la forme des vivants: ἐνέργεια ou ἐντελέχεια ? ... 516

11.3 La définition du mouvement: ἐντελέχεια et κίνησις... 529

11.4 La nature de la matière des vivants: le σώματος φυσικοῦ ὀργανικοῦ... 533

11.5 La définition générale de l’âme ... 542

Chapitre 12 Conclusions ... 545

12.1 De l'unité de la substance dans la philosophie naturelle d'Aristote ... 545

12.2 De la recherche contemporaine des fondements de l'esprit... 551

12.3 De la critique philosophique des démarches contemporaines ... 557

12.4 De la puissance explicative de la philosophie d'Aristote ... 565

Bibliographie... 579

Ouvrages de référence: Neurosciences, mathématiques et philosophie de l’esprit... 579

Articles scientifiques ... 582

Œuvres d’Aristote, traductions et commentaires... 590

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REMERCIEMENTS

À M. Thomas De Koninck pour son enseignement exemplaire, sa direction opportune et son encouragement toujours affectueux.

À M. Luc Langlois pour son soutien continu et sa confiance en mes aptitudes. À Mme Joanne Langevin pour son aide toujours bienveillante avec les démarches administratives.

À M. Paolo C. Biondi pour sa lecture soignée de ma dissertation et pour ses commentaires éclairés.

Aux chercheurs du Laboratoire d’organogenèse expérimentale de la faculté de chirurgie de l’Université Laval: Mme Julie Fradette, Mme Lucie Germain, Mme Véronique Moulin, Mme Roxane Pouliot, M. François A. Auger, M. François Berthod, M. Stéphane Bolduc et M. François Gros-Louis pour nos années de collaboration professionnelle au cours de ce projet et pour leur intérêt à sa réussite.

À Mme Martha Campbell pour le cadeau de soutien moral, d’amitié et de tendresse qu’elle a donné à ma famille pendant ces années d’intense labeur académique. À Mme France Vermette pour son amitié et son enthousiasme sincères et pour sa contribution constante à l’éducation et au bon encadrement de mes enfants.

À Mme Marcelle d’Amours et à M. Guy Robichaud pour leur appui soutenu à la réalisation de ce projet et pour leur souci du bien-être de ma famille.

À mes parents pour le don de l’éducation et des principes de vie qui forment les assises de ce projet.

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CHAPITRE 1

INTRODUCTION

Le développement hardi et fécond des sciences physiques et des technologies, ces soixante dernières années, a rendu possible la fabrication d’instruments de mesure et de calcul chaque fois plus complexes, plus fins et plus précis. Grâce à la puissance de tels instruments, de nouvelles techniques de recherche ont permis aux investigateurs des sciences de la vie de scruter le corps humain vivant à un niveau de détail extraordinaire, révélant ainsi non seulement les secrets de la cellule et de ses organelles, mais encore ceux de son métabolisme et de ses interactions avec le reste de l’organisme à l’échelle moléculaire.

L’enthousiasme soulevé par les fruits de ces observations a été particulièrement remarquable dans le champ de la neurobiologie1, où motivés par leurs découvertes et par les hypothèses que celles-ci leur ont permis de formuler, des chercheurs très réputés ont pris position fermement en faveur d’une compréhension purement

1 « Les connaissances dans ce domaine [les sciences du système nerveux] ont connu au cours des vingt

dernières années une expansion qui ne se compare, par son importance, qu’à celle de la physique au début de ce siècle, ou à celle de la biologie moléculaire vers les années 50. La découverte de la synapse et de ses fonctions rappelle, par l’ampleur de ses conséquences, celle de l’atome ou de l’acide désoxyribonucléique. » (Changeux, J.P., L’homme neuronal, A. Fayard, Paris, 1983, p. 8. ).

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matérielle de l’esprit2. Encouragés par de telles attitudes, d’autres chercheurs, en psychologie, en sciences du langage et en cybernétique ( surtout dans les domaines de la robotique et de l’intelligence artificielle ), entre autres, ont emboîté le pas et fait leur cette réduction.

De son côté, tout au long de ces mêmes années de progrès scientifique, la réflexion philosophique concernant le problème de l’inscription corporelle de l’esprit a été, elle aussi, abondante et variée. Mais elle ne paraît pas avoir été aussi féconde qu’on le voudrait.

C’est ainsi que John R. Searle a pu résumer l’état de la philosophie de l’esprit contemporaine en termes d’une division d’opinion entre une majorité qui pense qu’il s’agit simplement de trouver la manière de réduire les phénomènes mentaux à des phénomènes physiques, et une minorité affirmant qu’en raison de la nature irréductible et subjective des opérations propres de l’esprit, le problème est pratiquement insurmontable. À son avis, les deux groupes sont dans l’erreur et nous trompent en nous faisant croire qu’il n’est que deux positions possibles en l’occurrence3. Searle fait aussi remarquer que, pour un regard attentif, plusieurs thèses en vogue s’avèrent en désaccord avec notre expérience intime et notre

2 Jean-Pierre Changeux, par exemple, affirme que « Les données déjà obtenues, bien que fragmentaires,

suffissent pour nous permettre de conclure avec sécurité que tout comportement, toute sensation s’expliquent par la mobilisation interne d’un ensemble topologiquement défini de cellules nerveuses, une graphe qui lui est propre. La "géographie" de ce réseau détermine de manière critique la spécificité de la fonction. … L’homme n’a dès lors plus rien à faire de "l’Esprit", il lui suffit d’être un Homme Neuronal. » Changeux, J.P., L’homme neuronal, A. Fayard, Paris, 1983, pp. 167 et 227. ». Gerald M. Edelman, un peu plus modéré que Jean-Pierre Changeux mais aussi enthousiaste que lui, résume les propos de son travail de la manière suivante: « la thèse fondamentale que je compte défendre consiste à dire que l’esprit est un processus d’un type particulier qui dépend de certaines formes particulières d’organisation de la matière. » (Edelman, G.M., Biologie de la Conscience, trad. A. Gerschenfeld, Odile Jacob, 1992, p. 15 ).

3 « If one surveys the field of the philosophy of mind over the past few decades, one finds it occupied by a

small minority who insist on the reality and irreducibility of consciousness and intentionality and who tend to think themselves as property dualists, and a much larger mainstream group who think themselves as materialists of one type or another. The property dualists think that the mind-body problem is frightfully difficult, perhaps altogether insoluble. The materialists agree that if intentionality and consciousness really do exist and are irreducible to physical phenomena, then there really would be a difficult mind-body problem, but they hope to "naturalize" intentionality and perhaps consciousness as well. By "naturalizing" mental phenomena, they mean reducing them to physical phenomena. […] I believe that both sides are profoundly mistaken. [ …] It is essential to show that both dualism and monism are false because it is generally supposed that these exhaust the field, leaving no other options. » ( Searle, J.R., The Rediscovery of the

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expérience objective du monde4; il souligne qu’on a intérêt à envisager plutôt les deux aspects de la réalité de l’expérience humaine sans craindre d’aboutir pour cela à une forme ou une autre de pensée dualiste5.

Hilary Putnam, un autre philosophe de renom qui ne paraît pas satisfait de l’état actuel de la question, pour des raisons analogues à celles avancées par John R. Searle6, va dans le même sens que ce dernier en ajoutant cependant que nous bénéficions d’un exemple concret de la pertinence d’une telle approche dans la philosophie naturelle d’Aristote7. Dans un article de fond, Hilary Putnam et Martha C. Nussbaum résistent, de surcroît, à la critique voulant que la pensée d’Aristote concernant l’esprit ne serait plus valable parce que fondée sur une biologie périmée8; au contraire, c’est précisément la direction de la pensée aristotélicienne, à savoir celle de chercher la solution du problème dans l’unité naturelle du spirituel

4 « Properly understood, many of the currently fashionable views are inconsistent with what we know about the

world both from our own experiences and from the special sciences. » ( Searle, J.R., The Rediscovery of the

Mind, The MIT Press, Cambridge, Mass., 1994, p. 4. ).

5 « What I want to insist on, ceaselessly, is that one can accept the obvious facts of physics –for example, that

the world is made up of entirely of physical particles in fields of force– without at the same time denying the obvious facts about our own experiences – for example, that we are all conscious and that our conscious states have quite irreducible phenomenological properties. […] My view is emphatically not a form of dualism. […] The deep mistake is to suppose that one must choose between these views. » ( Searle, J.R., The

Rediscovery of the Mind, The MIT Press, Cambridge, Mass., 1994, p. 28. ).

6 « Perhaps it is enough if I have succeeded in indicating that the question of those "dualities in our

experience" which don’t seem to go away is still very much with us. » ( Putnam, H., How old is the mind ?, dans Putnam, H., Words and Life, J. Conant (ed.), Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1994, p.18 ).

7 « We can have nonreductionism and the explanatory priority of the intentional without losing that sense of the

natural and organic unity or the intentional with its constitutive matter that is one of the great contributions of Aristotelian realism. » ( Putnam, H. and M.C. Nussbaum, Changing Aristotle’s Mind, in Nussbaum, M.C. and A.O. Rorty (eds.), Essays on Aristotle's de Anima, Oxford University Press, Oxford, p. 55 ).

8 « Aristotle’s view of mind, he [Myles Burnyeat] argues, cannot be defended as we [Putnam and Nussbaum]

defend it, since, properly interpreted, it is wedded to, "cannot be understood apart from", a view of the material side of life that we [all of us] can no longer take seriously. » ( Putnam, H. and M.C. Nussbaum,

Changing Aristotle’s Mind, in Nussbaum, M.C. and A.O. Rorty (eds.), Essays on Aristotle's de Anima, Oxford

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avec sa matière constitutive, que devrait prendre le traitement de la question aujourd’hui9.

Il n’empêche que la renaissance de la pensée aristotélicienne dans la recherche contemporaine que ces auteurs nous proposent10 ne se produira pas sans peine. Ainsi, par exemple, dans ce même article Putnam et Nussbaum affirment que c’est précisément le fait d’avoir pensé l’âme en termes de notre «organisation en vue du fonctionnement» qui permet à Aristote de distinguer les questions concernant proprement l’esprit de celles portant sur ses aspects purement matériels, tout en gardant leur unité intrinsèque11. Pourtant, Aristote réfute lui-même cette conception lorsqu’il examine la position de ceux qui avancent que l’âme est une sorte d’harmonie ou proportion ( DA I.4, 407b27-408a30 )12.

D’autres auteurs récents proposent aussi des analogies entre le traitement aristotélicien des rapports de l’âme et du corps et certaines théories physicalistes contemporaines de l’esprit. Tel est le cas, par exemple, de Michael V. Wedin et de Victor Caston, qui proposent que la discussion de l’altération, ou ἀλλοίωσις, au chapitre 3 du livre VII de la Physique décrit la relation de dépendance des réalités causales de l’ordre supérieur du psychologique des réalités causales de l’ordre inférieur du physique en conformité avec la thèse contemporaine de la survenance, où les états mentaux sont affirmés « survenir » aux états physiques,

9 « We shall go on to defend Aristotle’s position philosophically, as a tenable position even in the context of a

modern theory of matter. Explain the doings of natural beings "neither apart from matter nor according to the matter" – so Aristotle instructs the philosopher of nature (Ph. 194a13-15). » ( Putnam, H. and M.C. Nussbaum, Changing Aristotle’s Mind, in Nussbaum, M.C. and A.O. Rorty (eds.), Essays on Aristotle's de

Anima, Oxford University Press, Oxford, p. 23. ).

10 En effet, les articles par Putnam et Putnam et Nussbaum que nous venons de citer font partie d’une section

intitulée « The Return of Aristotle ».

11 « Thinking of the psuche as our organization to function permitted Aristotle to separate questions about

specific material composition (which he at times discusses) from the main questions of psychology. » ( Putnam, H. and M.C. Nussbaum, Changing Aristotle’s Mind, in Nussbaum, M.C. and A.O. Rorty (eds.),

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être irréductibles à ces derniers et différer les uns des autres selon leurs états physiques respectifs13. Pourtant, les chapitres 6 et 7 du traité Du mouvement des animaux14 et les chapitres 9 et 10 du troisième livre du traité De l’âme15 exposent clairement l’ordre de causalité inverse. C’est pourquoi, d’autres auteurs, comme Robert Heinaman16 et Theodore Scaltsas17, proposent de reformuler la pensée

12 Si l’âme était une harmonie ( une organisation ), elle serait la composition des parties du corps, l’harmonie

étant une certaine proportion ou une composition des choses mélangées, et l’âme ne peut être ni l’une ni l’autre, comme le démontre bien Aristote. Nonobstant cette claire objection, Putnam assure que « If the Aristotelian psyche corresponds to any contemporary notion it is to the extremely up-to-date notion of our "functional organisation", not to the present popular notion of the mind. » ( Putnam, H., How old is the mind ?, in Putnam, H., Words and Life, J. Conant (ed.), Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1994, p. 4 ).

13 « What is so remarkable about Physics VII 3 is that Aristotle repeatedly makes modal claims that share the

same order as (S) and so affirms necessitation from the bottom up in a diverse number of cases. Physics VII 3 is intriguing, therefore, and I would argue that it does offer us a version of a supervenience thesis. But I am not as sanguine as Wedin about the significance of this thesis, and we differ on details in ways that matter. Aristotle does hold that certain changes supervene on other changes. But this only amounts to a form of weak supervenience for events – a form, moreover, that is not reducible to property supervenience [6]. But this, I will argue, is all for the best, since strong supervenience would drive Aristotle too close to reduction, a thesis everyone agrees he would have been unwilling to countenance. Admittedly, there is more than one way to thwart reduction, and so the possibility remains that Aristotle might have tried to avoid reduction even if he were committed to strong supervenience. But he need not have ceded even this much ground in the first place, and to my mind there is no reason to think that he actually did so. » ( Caston, V., "Aristotle and Supervenience", The Southern Journal of Philosophy, 31(Supp.), p. 108 ). Mots en italiques par l’auteur. Le texte de la note [6] est le suivant: It is a type of supervenience that has recently been called "coordinated multiple domain supervenience"; see Appendix. Voir aussi Wedin, M.V., "Content and Cause in the Aristotelian Mind", The Southern Journal of Philosophy, 31(Supp.), 1993, pp. 49-105.

14 « En effet, tous les animaux meuvent ou sont mus en vue d’une fin, si bien que ce qui est pour eux le terme

de tout le mouvement c’est la fin qui les fait agir. » ( MA 6, 700b15-16, trad. P. Louis, 1973 ); « Ainsi donc, il est bien évident que l’action représente la conclusion. Quant aux propositions qui préparent l’action, elles sont de deux ordres, celui du bien et celui du possible. » ( MA 6, 701a22-25, trad. P. Louis, 1973 ).

15 « Toujours, en effet, c’est en vue d’une fin que ce mouvement de locomotion s’accomplit, et il est

accompagné soit d’imagination, soit de désir, car aucun animal, à moins de désirer ou de fuir un objet, ne se meut autrement que par contrainte. » ( DA III.9, 432b15-17, trad. J. Tricot, 1969 ); « Puisque tout mouvement suppose trois facteurs, le premier étant le moteur, le second ce par quoi il meut, et le troisième le mû; qu’à son tour le moteur est double, d’une part ce qui est immobile, d’autre part ce qui est à la fois moteur et mû, il s’ensuit qu’ici le moteur immobile, c’est le bien pratique, le moteur mû, le désirable (car le mû est mû en tant qu’il désire, et le désir est une sorte de mouvement ou plutôt un acte) et le mû, l’animal. Quant à l’instrument par lequel meut le désir, c’est dès lors quelque chose de corporel: aussi est-ce dans les fonctions communes au corps et à l’âme qu’il doit être étudié. » ( DA III.10, 433b13-21, trad. J. Tricot, 1969 ).

16 « I have argued that Aristotle believes the soul to fall into the second class of forms [ A form which is not an

immediate structural or physical feature of matter but is supervenient and dependent for its existence on immediate physical features of matter - such as the power of a drug, according to Alexander, and the soul, according to Aristotle. ]. Since this makes his position very like that of present day "emergent dualists", it is, I think, best to classify Aristotle as a dualist. » ( Heinaman, R., "Aristotle and the Mind-Body Problem",

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d’Aristote en termes de la thèse de l’émergence à causalité descendante, où les propriétés émergentes sont en mesure de provoquer des changements au même niveau ou à des niveaux plus bas de la réalité, mais il reste que cette thèse est aussi une théorie physicaliste dualiste.

Il nous semble donc que, tout en reconnaissant la valeur et le potentiel de l’approche aristotélicienne, ces auteurs manquent l’occasion de faire avancer l’état de la question à cause d’un manque de compréhension adéquate de la pensée du Stagirite.

En outre, certains traducteurs et commentateurs de renom sont convaincus que, malgré ses efforts intellectuels et d’observation de la nature, le grand philosophe de Stagire ne réussit pas à donner une explication cohérente et adéquate de l’unité du corps ( σῶμα ) et de l’âme ( ψυχή )18, et moins encore de celle de l’âme et de l’esprit ( νοῦς )19. Par exemple, William D. Ross conclut, comme le fait François Nuyens, que le traitement des rapports entre l’âme et le corps dans les Petits

17 « I will argue that Aristotle's theory of perception does not compel us to attribute this conception of biological

matter to him. I will show that his theory of perception does allow, for example, that perceptual powers are emergent properties of matter. In other words, even if the perceptual powers are irreducible to physical properties, such irreducibly mental powers need not be taken to be primitive powers of matter. Rather, they may be powers that emerge only when matter is organised in a particular way, according to a specific principle or mean (arche or mesoteta, Anim. 424b 1-21). Thus the matter, when differently organised - without the emergent properties - is inanimate. » ( Scaltsas, T., "Biological Matter and Perceptual Powers in Aristotle’s De Anima", Topoi, 15, 1996, p. 25 ). Termes en italiques par l’auteur.

18 « c’est le grand mérite et l’originalité de M. Nuyens d’avoir découvert entre les vues initiales d’Aristote,

encore tout imprégnées de platonisme, et de la doctrine classique du Traité de l’Âme, où la théorie hylémorphique est appliquée au composé humain, une théorie intermédiaire qui fait la transition entre ces deux positions extrêmes. Le Stagirite ne met plus d’opposition entre l’âme et le corps, leur union est à ses yeux une union naturelle, mais c’est l’union de deux êtres en quelque mesure indépendants l’un de l’autre: l’âme logée dans un organe central, le cœur, meut et gouverne l’organisme qu’elle anime; le corps est, vis-à-vis d’elle un instrument qu’elle manie du dehors. » ( Nuyens, F.J.C.J., L’évolution de la psychologie

d’Aristote, trad. A. Mansion, Louvain, Institut Supérieur de Philosophie, 1973, pp. IX-X ).

19 « Mais cette question [ celle des rapports de l’âme et de l’intellect ] devient un problème, et un problème

qu’Aristote s’efforcera en vain de résoudre de manière satisfaisante, du jour où il aura fait de l’âme la forme substantielle du corps et l’aura déclarée de ce chef périssable lors de la dissolution du composé humain, tout en maintenant d’autre part que l’intellect est immatériel et ne périt pas avec l’organisme vivant. » ( Nuyens, F.J.C.J., L’évolution de la psychologie d’Aristote, trad. A. Mansion, Louvain, Institut Supérieur de Philosophie, 1973, p. X ).

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traités d’histoire naturelle implique effectivement une théorie de deux substances20, et René-Antoine Gauthier et Jean-Yves Jolif considèrent que l’Éthique à Eudème et l’Éthique à Nicomaque sont fondées aussi sur la relation entre deux substances différentes21, tout cela sans oublier le débat toujours vivant concernant le problème de la séparabilité de l’intellect agent affirmée par Aristote au cinquième chapitre du troisième livre du traité De l’Âme, traité qui est censé proposer une théorie d’une seule substance22. Pourtant, Pierre-Marie Morel, un traducteur récent, affirme que les Petits traités d’histoire naturelle ont été rédigés à la lumière du traité De l’âme, et alors, qu’il n’y a pas de contradiction réelle entre l’aspect biologique et l’aspect psychologique de la philosophie naturelle d’Aristote23.

Le débat actuel abonde en difficultés semblables à celle que nous venons d’illustrer, lesquelles posent avec une nouvelle acuité la question de savoir s’il serait en réalité possible d’intégrer la sagesse d’Aristote d’une manière juste et profitable dans la discussion contemporaine concernant le problème de l’inscription corporelle de l’esprit.

20 « But such indications as we find in the De Sensu show clearly that Aristotle still holds a two-substance view,

as he certainly does in the more biological parts of the Parva Naturalia. » ( Aristotle, Parva Naturalia. A Revised Text with Introduction and Commentary by Sir David Ross, Clarendon Press, Oxford, 1955, p. 16 ).

21 « En résumé, l’Éthique à Eudème est la première ébauche et l’Éthique à Nicomaque l’expression achevée

de la morale qui répond à la nouvelle conception de l’homme qu’a élaborée l’Aristote de la période de transition. Cette conception, d’une part, reste fortement hiérarchique et assure à l’âme une supériorité incontestée sur le corps son instrument, mais elle ne lui assure plus aucune transcendance; d’autre part, si elle proclame la collaboration de l’âme et du corps, elle n’a pas encore découvert leur unité substantielle. » ( Aristote, L’Éthique à Nicomaque. Introduction, traduction et commentaire par A.-R. Gauthier et J.-Y. Jolif, Louvain, 1958, Tome I, p. 30 ).

22

Par exemple, François Nuyens affirme que: « Aristote admet un double νοῦς. a. D'abord, un νοῦς entendu comme faculté intellectuelle de l'homme (la fonction de la pensée en lui). b. À côté de cette faculté et en rapport étroit avec elle, un νοῦς, substance pensante. C'est précisément cette distinction qu'Aristote développe dans les chapitres 4 et 5 du livre III [du De Anima]. … Ainsi, dans le cas présent, il est clair que la conjonction du νοῦς entendu comme οὐσία et de l'individu humain ne pourra jamais aboutir à former une unité substantielle et personnelle. » ( Nuyens, F.J.C.J., L’évolution de la psychologie d’Aristote, trad. A. Mansion, Louvain, Institut Supérieur de Philosophie, 1973, pp. 310 et 312 ).

23 « Le projet des PN ne peut dès lors se comprendre que par leur relation au DA. Les nombreuses références

explicites à ce dernier [29], quelle qu’en soit l’authenticité, le confirment déjà. En retour, le DA paraît bien annoncer les PN à plusieurs reprises. » ( Aristote, Petits traités d’histoire naturelle, traduction et présentation par Pierre-Marie Morel, G.F. Flammarion, Paris, 2000, pp. 16-17 ). Mots en italiques par l’auteur. Le texte de la note de pied de page est le suivant: [29] Douze, selon le dénombrement de Ross [1955], p. 17.

(22)

D’autre part, le manque de résultats capables de faire avancer l’état de la question a provoqué une forte critique de la part de scientifiques notables qui, comme Gerald M. Edelman, s’intéressent fortement à la solution de cette problématique à l’aide des instruments de la science. En effet, dans le même ouvrage où il présente au grand public sa théorie biologique de la conscience, ce célèbre chercheur lauréat du prix Nobel s’exprime de la façon suivante au sujet de la philosophie:

« Pour un scientifique, la philosophie est parfois déconcertante. En effet, la science est censée fournir une description des lois de ce monde et des façons éventuelles de les appliquer, tandis que la philosophie n’a pas de thème qui lui soit propre. Au contraire, son but est d’analyser la clarté et la cohérence des autres domaines de la connaissance. De plus, contrairement à la science, on peut dire qu’elle manque de modestie. Il n’y a pas de philosophie partielle; chaque philosophie formule une théorie complète. Comme un enfant qui tout à coup se met à comprendre le langage, le philosophe ne se doit pas simplement de décrire un environnement donné; il se doit de construire entièrement le monde. À chaque nouvelle tentative de construction philosophique, on trouve en toile de fond une certaine vision du monde, qui est personnelle. … En fait, la philosophie est un véritable cimetière aux "ismes". Dans ce cas, pourquoi s’en préoccuper ? Parce que la philosophie tente de réfléchir à tous les aspects de notre existence individuelle et collective; parce que son histoire est intimement liée à celle de la psychologie; et aussi parce que la mise au point d’une nouvelle vision scientifique de l’esprit, fondée sur la biologie,

pourrait aider la philosophie à prendre un nouveau départ dans la vie. » ( Edelman,

G. M., Biologie de la conscience, trad. Ana Gerschenfeld, Odile Jacob, Paris, 2000, pp. 242-243 ). Mots en italiques et mots entre guillemets par l’auteur.

Bien que du point de vue de la philosophie cette critique puisse s’avérer injuste, hâtive et mal fondée, elle a cependant le mérite de montrer clairement que la discussion scientifique contemporaine attend de cette connaissance universelle un discours cohérent, informatif et conforme à la réalité, mais qu’à sa place elle n’entend qu’une pluralité d’arguments voulant faire valoir une diversité de vaines abstractions, quelque chose de très différent de la vraie spéculation qui occupe l’attention de la science. C’est ainsi que cet auteur lance à la philosophie le même défi qu’il se propose de relever avec son projet de recherche, qui, à date,

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représente l’effort le plus complet pour construire une théorie de l’émergence de la conscience en se fondant sur la plasticité neurale, sur le concept de la sélection somatique et sur la biologie du développement.

Et même si la nature et les bornes de l’investigation scientifique ont été discutées et clairement établies par la philosophie depuis l’antiquité grecque, il serait une grave erreur que celle de passer sous silence cette mise en question de l’aptitude de la philosophie contemporaine à contribuer d’une façon constructive, éclairée et adéquate aux développements de la science et de la technologie. Car l’essor de ces dernières a fait resurgir avec une force renouvelée plusieurs des arguments fallacieux ou mal fondés qui ont été avancés depuis toujours en défense de la compréhension purement matérielle de l’univers, arguments que la philosophie a clairement réfuté tout au long de l’histoire de la pensée, mais dont les diverses erreurs, ainsi que leurs conséquences, passent encore inaperçues aux regards voilées par l’admirable progrès en apparence illimité de nos connaissances, entraînant ainsi dans la fausse direction le cheminement de la science:

« Les philosophes pour qui l'Univers est un, et qui admettent une seule nature comme sa matière, matière corporelle et possédant l'étendue, tombent évidemment dans une foule d'erreurs. En effet, ils posent seulement les éléments des corps sensibles, à l'exclusion des êtres incorporels, alors qu'il existe aussi des êtres incorporels. Et puis, en s'efforçant d'expliquer les causes de la génération et de la corruption, et en construisant un système matériel de l'Univers, ils suppriment le principe du mouvement. En outre, en aucun cas ils ne reconnaissent pour cause l'essence ou la forme. De plus, ils adoptent sans examen, comme principe des êtres, n'importe quel corps simple, à l'exception de la Terre, sans réfléchir sur le mode de production mutuelle des éléments, je veux dire le Feu, l'Eau, la Terre et l'Air. Or ces éléments naissent les uns des autres, soit par union, soit par participation, distinction qui est de la plus haute importance pour déterminer leur antériorité et leur postériorité relatives. » ( Métaph. I.8, 988b22-34, trad. J. Tricot, Tome I, 1991 ).

En effet, même si les connaissances que les anciens possédaient de la nature ne sont plus valables dans le contexte des sciences expérimentales contemporaines,

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il reste que l’explication des réalités immatérielles, qui sont celles de la perception et de l’esprit, ainsi que celles qui constituent les fondements de la vie, demeurent hors de la portée de leurs méthodes et de leurs observations, comme nous le montrerons au cours de notre dissertation.

C’est pourquoi, ne pouvant aucunement se soustraire à ces limitations, Gerald Edelman a dû se servir d’analogies pour formuler les principes et les concepts de sa théorie de l’émergence de la conscience24 et de modèles numériques pour représenter les phénomènes que cette théorie prétend à élucider25, motivant ainsi à ceux qui ont continué de la développer à chercher l’explication de l’expérience subjective et de la causalité de la conscience dans les rapports mathématiques qui se produisent au sein de ces modèles de simulation plutôt que dans la réalité concrète26.

Cette façon d’aborder la compréhension de la nature, n’étant pas nouvelle, n’a pas échappé non plus à l’attention d’Aristote, qui au premier livre de la Métaphysique, écrit:

24 « Pour relier les notions de biologie des populations aux idées sur l’esprit, il me faut détailler quelques-unes

des implications de cette façon de penser, ainsi que celles du processus d’évolution proprement dit. Pour cela, je vais faire appel à un certain nombre de termes qui sont probablement nouveaux pour le lecteur, du moins dans leur acception spécialisée. Parmi eux se trouvent des termes comme "instruction", "sélection", "reconnaissance", "mémoire", ou "héritabilité". Remarquez que, à l’exception du dernier, tous ces mots sont d’usage courant; mais ici, je vais les utiliser dans un sens quelque peu différent. » ( Edelman, G. M., Biologie

de la conscience, trad. Ana Gerschenfeld, Odile Jacob, Paris, 2000, p. 114 ). Les termes "catégorie",

"concept", "catégorisation perceptive", "catégorisation conceptuelle", "apprentissage" et "conscience" ont aussi une signification particulière au sein de cette théorie.

25 « How are the operations of these segregated cortical areas integrated to produce the basis for a

perceptually unified picture of the world ? To provide a theoretical approach to this problem, we have used computer simulations to demonstrate how the properties of disparate visual maps can be integrated by processes of reentrant signaling. The RCI [Reentrant Cortical Integration] model provides a unitary explanation for a number of visual illusions involving interactions between multiple visual attributes (such as contour, depth, and motion) in terms of activation of reentrant pathways. In doing so, the model takes account of a dominant anatomical feature of the mammalian cortex – the massive systems of interareal corticocortical connections. » ( Finkel, L.H and G.M. Edelman, "Integration of Distributed Cortical Systems by Reentry: A Computer Simulation of Interactive Functionally Segregated Visual Areas", The Journal of Neuroscience,

9(9), 1989, p. 3203 ).

26 « features of experience that seem impossible to account for in neural terms – like the redness of red or the

differences between spatial vision and color vision or between vision and sound – should instead be accounted for in mathematical terms. » ( Tononi, G. "Integrated information theory of consciousness: an updated account", Archives Italiennes de Biologie, 150, 2012, p. 317 ).

(25)

« Ceux qu'on désigne sous le nom de Pythagoriciens font appel à des principes et à des éléments plus éloignés que ceux des physiciens (la raison en est qu'ils ne les dérivaient pas des objets sensibles, car les Choses mathématiques rentrent dans la classe des êtres sans mouvement à l'exception de celles dont traite l'Astronomie): leurs discussions et leurs recherches n'en portent pas moins toutes sur la Nature, car ils décrivent l'origine du Ciel et ils observent ce qui se passe dans ses différentes parties, ses modifications et ses fonctions. C'est à cette étude qu'ils dépensent entièrement leurs principes et leurs causes, d'accord apparemment avec les autres physiciens pour penser que la réalité se réduit strictement à ce qui est sensible et à ce qui est contenu dans ce que nous appelons le cercle du Ciel. Et cependant leurs causes et leurs principes sont, ainsi que nous l'avons dit, suffisants, selon leur propre système, pour les hausser à la conception d'un ordre de réalités plus élevé, et s'y adaptent mieux qu'à leurs théories physiques. De quelle manière, cependant, se produira le mouvement, alors qu'on ne pose rien d'autre que la Limite et l'Illimité, avec l'Impair et le Pair ? Ils n'en fournissent aucune explication, pas plus qu'ils n'expliquent comment peuvent s'opérer, sans mouvement et sans changement, la génération et la corruption, ou les révolutions des Corps qui se meuvent dans le Ciel. Bien plus: accordons-leur, ou admettons qu'il soit démontré que l'étendue résulte de leurs principes; comment cependant expliquer la légèreté ou la pesanteur des corps ? D'après ce qu'ils supposent eux-mêmes et déclarent, ils doivent rendre compte

aussi bien des corps sensibles que des corps mathématiques. » ( Métaph. I.8,

989b29-990a16, trad. J. Tricot, Tome I, 1991, avec nos corrections ).

En effet, quantifiés et séparés du mouvement, les rapports de causalité de la nature se transforment en des relations conditionnelles de dépendance d’une ou de plusieurs grandeurs inconnues par rapport à une ou à plusieurs grandeurs mesurées, relations qui ne doivent que satisfaire les critères de nécessité ou de suffisance prescrits par les principes qui les gouvernent pour être considérées adéquates. Mais ces grandeurs et relations ne sont que des représentations d’une réalité qualitative dont le contenu a été laissé de côté.

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Et pourtant, un savant contemporain s’exprime de la façon suivante au sujet des possibilités qui semble ouvrir cette « nouvelle » formulation du problème du corps et de l’esprit:

« These ideas are also consonant with the Information Integration Theory (IIT) of consciousness [137], which is emerging as a leading candidate among the fundamental theories of mental content. … A crucial and unique outcome of IIT, however, is that the definition of integrated information enables a geometric characterization of mental states or qualia [142]. This can in principle provide a neurally based bottom-up correlate to the spaces that emerge from top-down semantic mapping of natural language. If the information processing product of neural network activity can be shown to correspond mathematically to a quantitative description of subjective mental content, the brain-mind problem would be effectively resolved. » ( Ascoli, G.A., "The Mind-Brain Relationship as a Mathematical Problem", ISRN Neuroscience, 2013, p.8, Article ID 261364, doi:10.1155/2013/261364 ). [137] G. Tononi, “Consciousness as integrated information: a provisional manifesto,” Biological Bulletin, vol. 215, no. 3, pp. 216–242, 2008. Les références citées [142] . Balduzzi and G. Tononi, “Qualia: The geometry of integrated information,” PLoS Computational Biology, vol. 5, no. 8, Article ID e1000462, 2009.

Il est donc apparent que si la juste évaluation de la conception aristotélicienne des rapports entre le corps, l’âme et l’intellect à l’égard du traitement contemporain de cette problématique exige un effort additionnel de compréhension, les observations du Stagirite concernant les fautes commises par ses prédécesseurs en abordant erronément l’étude de la nature, par contre, s’avèrent claires et valides encore de nos jours.

C’est pourquoi nous entreprendrons de parvenir à comprendre, dans un premier mouvement, la nature, l’évolution et l’état actuel des connaissances de la neurobiologie dans le but de déterminer si, comme l’affirment ces savants, elles sont aptes à rendre compte de l’apparition et des activités des fonctions supérieures du cerveau, et plus en particulier, de celles de la conscience et de l'esprit, pour ainsi prendre connaissance de la véritable position de cette science moderne à l’égard de cette problématique.

(27)

Nous déterminerons ensuite, dans un deuxième mouvement, les voies qui sont ouvertes légitimement à la recherche scientifique contemporaine en contrastant le travail expérimental d’élucidation des fondements physiologiques de la mémoire accompli par Eric Kandel, chercheur lauréat du prix Nobel, avec le compte rendu théorique de la conscience que nous propose Gerald M. Edelman, pour faire ressortir ainsi les artifices et les contradictions auxquels est nécessairement vouée la défense de toute théorie réductionniste face à la variabilité manifeste des divers comportements adaptatifs du vivant.

Et comme les théories de cette sorte ont introduit dans le domaine de la biologie des concepts propres à certaines techniques de modélisation mathématique, nous examinerons attentivement, dans un troisième mouvement, les arguments d’une théorie de la conscience qui prétend rendre compte des fondements neuraux de l’expérience subjective en se servant des outils mathématiques de la Théorie de la communication de Shannon, pour démontrer que, outre que la réponse adaptative de l’animal ne saurait être décrite comme un certain ensemble d’associations statistiques, ces arguments ont été construits à partir d’une compréhension complètement erronée de cette théorie. Cet examen s’avère d’un intérêt particulier, car ces théories continuent d’induire en erreur à ces chercheurs et philosophes qui se laissent emporter par les analogies suggérées directement par le vocabulaire

(28)

technique sans vérifier leur vraie signification dans le contexte où elles ont été formulées27.

Ayant ainsi établi la véritable nature et la portée des connaissances des sciences naturelles, et plus en particulier, de celles de la neurobiologie, nous aborderons, par la suite, le problème de parvenir à comprendre correctement les rapports entre l’âme et le corps tel que les conçoit Aristote, de manière à être en mesure de juger justement du possible apport de sa philosophie naturelle à la recherche concernant l’inscription corporelle de l’esprit.

Pour ainsi faire, nous tâcherons, premièrement, à lever les principaux doutes et malentendus exprimés par ses commentateurs récents en examinant les passages contestés à la lumière d’une lecture plus ample et plus approfondie de l’œuvre d’Aristote, étant donné que la plupart de ces erreurs de compréhension, comme

27 Par exemple, le philosophe espagnol Alfredo Marcos écrit: « By knowledge I mean the distributions of

probabilities of the possible states of the system of reference in the receiver. Knowledge, therefore, should be understood here along the lines suggested by Karl Popper (1990) in a very general way: Can only animals know? Why not plants? Obviously, in the biological and evolutionary sense in which I speak of knowledge, not only animals and men have expectations and therefore (unconcious) knowledge, but also plants; and, indeed, all organisms [...] Flowering plants know that warmer days are about to arrive [...] according to sensed changes in radiation. (pp. 9, 10, 35). In a remarkably parallel way, Rosen (1985) states: "I cast about for possible biological instances of control of behavior through the utilization of predictive models. To my astonishment I found them everywhere [...] the tree possesses a model, which anticipates low temperature on the basis of shortening days" (p. 7). This understanding of "knowledge" does not necessarily imply consciousness, so the notion is applicable to human and non-human living systems, and even to a computer. ». Qui plus est, outre que cet auteur ne comprend pas que l’information dont il est question dans le calcul de probabilités n’est pas une connaissance réelle qui se produit dans la nature et qui pourrait être communiquée ou provoquer un certain comportement, il interprète la relation entre la probabilité et l’information exactement à l’inverse de sa signification mathématique, où plus l’événement est certain, mois informatif il dévient: « We can describe information (I) as a relationship between a message (m), a receiver (R), and a system of reference (S). To this relationship there belong the triad formed by a message, receiver, and system of reference where the message alters the receiver’s previous knowledge of the system of reference (Dretske, 1981, 2007). Moreover, the more probable an alternative is to a receiver, the more information will be received when a message says that a different one has occurred, unless it is a simple contradiction. So, for example, the introduction of a certain genetic message into the cytoplasm increases the probability of the cell carrying out a certain function, for the probabilities of alternative behaviour decrease. Now we can say that the receiver knows or knows better how to do something. ». C’est ainsi que cet auteur parvient à conclure erronément, comme plusieurs autres, que les modèles probabilistes correspondent effectivement à des mécanismes causaux dans le monde réel. ( Marcos, A. Bioinformation as a Triadic

Relation., in Terzis G. and Arp R. (eds.), Information and Living Systems: Philosophical and Scientific Perspectives, MIT Press, Boston, 2011, p. 66 et 80 ). Les références citées sont les suivantes: Popper, K.

(1990). Towards an Evolutionary Theory of Knowledge, in K. Popper, A World of Propensities, Thoemmes, Bristol, pp. 27-51; Rosen, R. (1985). Anticipatory Systems, Pergamon Press, Oxford; Dretske, F. (1981).

Knowledge and the flow of information, Cambridge Univ. Press; Dretske, F. (2007). Epistemology and Information. in J. van Benthem, and P. Adriaans (eds.) Handbook on the Philosophy of Information. Elsevier.

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nous le montrerons, sont la conséquence d’avoir abordé le texte sous une perspective chronologique visant à retracer l’évolution de sa pensée plutôt qu’à la saisir en son ensemble.

Ayant enlevé ces obstacles, nous examinerons par la suite, aussi à l’aide du texte aristotélicien, la nature de la matière et de la forme pour établir solidement les fondements de l’unité de la substance et de ses parties, fondements qui formeront les assisses de notre étude de la façon dont Aristote explique l’unité de la sensation, de la perception et de l’intellect. Cette dernière étant tellement contestée, nous analyserons attentivement les deux analogies dont le Stagirite se sert pour expliquer la nature du principe agent de l’intellect, afin de montrer qu’elle n’implique pas nécessairement un intellect séparé, et nous montrerons aussi, en outre, que le traitement de l’intellection des indivisibles suppose effectivement l’unité de l’intellect avec le corps et l’âme.

Et finalement en considérant les rapports entre l’âme, le corps, la perception, la pensée et le monde, nous tâcherons à déterminer la nature de la substance des êtres vivants, d’abord, en faisant la distinction entre l’acte de celle-ci et l’acte des autres substances, et ensuite, en différenciant, à partir de cette distinction, la nature de la puissance de la matière des vivants de celle de la puissance de la matière des autres substances, pour parvenir ainsi à comprendre correctement la définition générale de l’âme.

Cette analyse devrait nous permettre de porter un jugement plus éclairé de la façon dont la philosophie naturelle d’Aristote pourrait contribuer à la recherche scientifique contemporaine, ainsi que de la façon dont la philosophie doit réfléchir au sujet des connaissances scientifiques et du cheminement de la science.

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(31)

CHAPITRE 2

MÉTHODOLOGIE

Outre que notre démarche a pour but principal celui d’atteindre ses objectifs en puisant directement aux sources des raisonnements des différents auteurs qui occuperont notre attention, elle vise en plus, du point de vue de sa méthodologie, à éviter deux problèmes qui malheureusement se produisent fréquemment dans la discussion contemporaine.

Le premier concerne le vide qui s’installe le plus souvent entre les réfutations ou les démonstrations fondées sur des principes, qui constituent le fondement de l’argumentation des philosophes, et celles basées sur les promesses de l’avenir de la science, qui constituent le fondement des arguments de tous ceux embrassant une compréhension purement matérielle de l’univers.

En effet, que c’est la fonction qui explique le mécanisme et non pas à l’inverse est, pour plusieurs philosophes, quelque chose d’évident, tandis que pour ceux qui ne trouvent pas de limites aux pouvoirs explicatifs des sciences et des technologies modernes, il va de soi que la position de ces philosophes est la conséquence de leur incapacité à comprendre ces pouvoirs, ne possédant pas un esprit scientifique ou manquant une formation adéquate dans les sciences naturelles28.

28 « Or, nos cerveaux (et en particulier ceux des philosophes) ne sont pas très doués pour visualiser des

organisations aussi complexes. » ( Edelman, G. M., Biologie de la conscience, trad. Ana Gerschenfeld, Odile Jacob, Paris, 2000, p. 215 ).

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Le second consiste à argumenter sur les bases d’une lecture fragmentaire ou biaisée d’un auteur, ou de la compréhension erronée d’une théorie, d’un principe ou d’un résultat d’un domaine spécialisé de la connaissance.

Ce manque de rigueur dans la formation d’une opinion ou dans la construction d’une théorie est souvent la cause principale des erreurs et des contradictions que l’on trouve dans les conclusions de plusieurs auteurs récents29.

C’est pourquoi notre étude comporte trois volets de recherche qui diffèrent par la nature de leurs objectifs particuliers et par la façon correcte de procéder pour les atteindre, mais qui, ensemble, nous permettront de répondre adéquatement à la question qui nous occupe. Le premier concerne les connaissances actuelles de la neurobiologie, le deuxième les propositions de deux théories réductionnistes contemporaines de l’émergence de la conscience et le troisième le débat concernant le traitement de l’unité du corps, de l’âme et de l’esprit par Aristote.

1. Le savoir de la neurobiologie.

L’objectif de cette investigation est celui de nous équiper des connaissances nécessaires pour juger adéquatement de la portée explicative des découvertes de la neurobiologie, ainsi que de leur pertinence pour la réflexion philosophique contemporaine.

Nous avons divisé notre rapport de recherche en deux parties principales:

29 Par exemple, C.A. Van Peursen reconnaît clairement que: « Des mots isolés peuvent être dépourvus de

sens et ne recevoir leur signification que si on les place à l’intérieur de la phrase ou du contexte d’idées, de la proposition entière ou de la démonstration totale. », et pourtant, il conclut à l’égard de la nature de l’esprit dans la pensée aristotélicienne que « comme le montre Nuyens [pp. 274-286], on peut, en s’autorisant de l’image de la lumière et des couleurs, parler de la présence dans l’âme d’une réalité qui, de par sa nature, n’appartient pas à l’âme ». Or, Nuyens se propose effectivement de montrer que pour Aristote l’esprit est une substance différente de l’âme en traduisant DA II.2, 413b25-27 ( ἀλλ’ ἔοικε ψυχῆς γένος ἕτερον εἴναι ) comme « Mais en ce qui touche l’intellect et la faculté théorique, rien n’est encore évident: mais il semble que ce soit là un genre d’être différent de l’âme. », traduction grammaticalement possible mais contextuellement invraisemblable, comme bien le signale Hicks [p. 326], ce que Nuyens reconnaît dans son texte mais que Van Peursen ne considère pas en dépit de sa lucide observation première. ( Van Peursen, C.A., Le corps –

l’âme – l’esprit. Introduction à une anthropologie phénoménologique, Martinus Nijhoff, La Haye, 1979, pp.

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La première partie ( chapitre 3 ) consiste essentiellement en un compte rendu général de l’évolution des méthodes, des outils et des observations de la neurobiologie dès leurs origines et jusqu’à nos jours, tiré d’ouvrages de référence reconnus. Elle vise à nous renseigner le plus exactement possible au sujet de la nature des données expérimentales de cette science, ainsi que des limitations propres à leur acquisition par le moyen de l’expérimentation et de l’observation clinique.

Cette partie comporte un aperçu historique du système nerveux, un exposé sommaire de son anatomie, de ses composants cellulaires, des mécanismes moléculaires qui produisent le signal nerveux et des principes qui gouvernent son organisation fonctionnelle, et finalement, un abrégé des principaux champs d’étude de la neurobiologie contemporaine, des découvertes les plus importantes en chacun de ceux-ci et de la direction de la recherche future.

La deuxième partie ( chapitre 4 ) considère attentivement les méthodes, les observations et les conclusions de la recherche scientifique accomplie par deux célèbres lauréats du prix Nobel en physiologie ou médecine, Eric R. Kandel (2000) et Gerald M. Edelman (1972), concernant, respectivement, les mécanismes cellulaires et moléculaires de la mémoire corporelle et ceux de la réponse immunitaire, étant donné qu’à la racine de la poursuite de l’explication purement matérielle de l’esprit se trouve la croyance que celle-ci sera rendue possible grâce aux découvertes progressives des mécanismes sous-jacents au fonctionnement du système nerveux, aux systèmes somatiques de sélection et aux processus évolutifs et de développement des vivants.

2. Deux théories contemporaines de l’émergence de la conscience.

Le but de cette recherche est de nous permettre de formuler une critique éclairée de deux théories de la conscience représentatives des travaux spéculatifs de

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