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Le processus de production du handicap

2. Cadre théorique

2.2. Le processus de production du handicap

Dans l’histoire de la conceptualisation du handicap, la diffusion de la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH) par l’OMS a été, comme décrit plus haut, un moment décisif. En effet, ce modèle linéaire liant directement le handicap à une cause médicale a été considéré par plusieurs comme limitatif (Fougeyrollas, Majeau, Robin et Moffet, 2007). Cela a entraîné l’apparition de modèles

visant à illustrer l’impact de l’environnement dans la production du handicap. Dès 1983, le Québec met en place le modèle d’intervention « À part… égale. L’intégration sociale des personnes handicapées : un défi pour tous », qui modifie le concept de handicap proposé par la CIDIH en relation avec les obstacles présents dans l’environnement de la personne (OPHQ, 1984). Dans ce modèle, le handicap n’est plus une conséquence directe de l’incapacité et donc la responsabilité de la personne, mais plutôt la résultante d’une interaction entre celle-ci et les obstacles dans son environnement (Fougeyrollas, 2010). Ce modèle a beaucoup fait parler à l’international et c’est ainsi qu’un groupe de chercheurs québécois, mené par Patrick Fougeyrollas, a eu le mandat en 1987 suite à une rencontre internationale d’apporter des modifications au troisième niveau de la CIDIH, soit le handicap. Une première version, la Classification québécoise : processus de production du handicap issu de cette collaboration comble les lacunes de la CIDIH en représentant le handicap comme « le résultat situationnel d’un processus interactif entre deux séries de causes, soit les caractéristiques des déficiences et incapacités de la personne (…) et les caractéristiques de l’environnement » (Fougeyrollas, Majeau et al., 2007, p. 51).

À partir de ces démarches, le Modèle du développement humain Processus de production du handicap MDH-PPH (Fougeyrollas, Cloutier, Bergeron, Côté et St-Michel, 1998) a été publié en 1998, puis sa version modifiée, le MDH-PPH2, en 2010 (Fougeyrollas, 2010). Le modèle est présenté dans la Figure 2. Le PPH est un cadre théorique qui voit la situation de handicap comme une conséquence autant médicale que sociale (Fougeyrollas, 1993). « Le modèle du PPH met plutôt en jeu une variation de possibilités ouvertes par des relations dynamiques entre des variables biologiques, fonctionnelles, culturelles et physiques dont nous voulons clarifier les conditions de formation. » (Fougeyrollas, 2010, p. 149) Dans ce modèle, « le handicap n’existe pas en soi et il ne peut y avoir de “statut” de personnes handicapées » (Fougeyrollas, 1993, p. 322). Il permet d’expliquer la réalisation ou non des habitudes de vie, donc la participation sociale ou la situation de handicap, par une interaction entre les facteurs personnels et environnementaux. La notion diagnostique devient moins importante que les manifestations des symptômes et leur interaction avec l’environnement (Fougeyrollas, Cloutier et al., 1998).

Figure 2 : Modèle de développement humain et Processus de production du handicap (MDH-PPH 2) (Fougeyrollas, 2010)

2.2.1. Facteurs personnels

Les facteurs personnels incluent les déficiences ou maladies propres à la personne, mais ne s’y limitent pas. Ils comprennent les facteurs identitaires, les systèmes organiques et les aptitudes (Fougeyrollas, 2010). Ce choix a été fait afin de limiter la relation de cause à effet qui tend à exister entre une atteinte à l’intégrité organique et le handicap. L’information diagnostique sert donc d’information pertinente à la compréhension de la situation de la personne, sans être le seul facteur pouvant avoir une conséquence sur le développement de la personne. Chaque facteur peut être un facilitateur, c’est-à-dire aidant à la réalisation de l’habitude de vie, ou un obstacle, donc nuisant à leur réalisation.

Facteurs personnels

Facteurs environnementaux

MICRO Personnel MESO Communautaire MACRO Sociétal Interaction Flux temporel

Habitudes de vie

Activités courantes Rôles sociaux

FP-FR

Situation de participation sociale Situation de handicap Descripteurs

FP-FR

Situation de participation sociale Situation de handicap Descripteurs Aptitudes FP-FR Capacité Incapacité Descripteurs Systèmes organiques FP-FR Structure/Fonction Intégrité Déficience Descripteurs FP-FR Facilitateur Obstacle Descripteurs FP-FR Facilitateur Obstacle Descripteurs FP-FR Facilitateur Obstacle Descripteurs Légende :

FP-FR : Facteur de protection-Facteur de risque

Référence : FOUGEYROLLAS, Patrick (2010). La funambule, le fil et la toile. Transformations réciproques du sens du handicap. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 315 p.

© RIPPH 2010 www.ripph.qc.ca Facteurs identitaires FP-FR Facilitateur Obstacle Descripteurs

Les facteurs identitaires sont les caractéristiques sociodémographiques de la personne. Celles-ci incluent l’âge, le sexe, l’appartenance socioculturelle, son degré de scolarité et son revenu, mais aussi ses valeurs, ses croyances, son histoire et ses objectifs de vie (Fougeyrollas, 2010). Un système organique s’explique « comme un ensemble de composantes corporelles concernant une fonction commune. La nomenclature des systèmes organiques comprend donc les composantes de tout corps humain » (Fougeyrollas, 2010, p.155). La description de ces atteintes permet de faire un portrait des structures affectées, sans en évaluer les conséquences sur les aptitudes. Quant aux aptitudes, elles se définissent par « la possibilité pour un individu d’accomplir une activité physique ou mentale » (Fougeyrollas, 2010, p.157). La description de celles-ci permet de faire un portrait de la capacité de la personne à effectuer des activités telles que marcher, voir, comprendre ou entendre.

2.2.2. Facteurs environnementaux

Les facteurs environnementaux sont définis comme « les dimensions sociales ou physiques qui déterminent l’organisation et le contexte d’une société » (Fougeyrollas, Cloutier et al., 1998, p. 16). Ces derniers, comme les facteurs personnels, peuvent agir comme facilitateur ou obstacle à la participation sociale. Dans ceux-ci, le modèle distingue deux catégories, soit les facteurs sociaux et les facteurs physiques.

Le PPH distingue trois catégories de facteurs environnementaux : l’environnement personnel (micro), l’environnement communautaire (méso) et l’environnement sociétal (macro) (Fougeyrollas, 2010). L’environnement personnel désigne les éléments dans l’environnement immédiat de la personne tels que sa famille et son domicile. L’environnement communautaire inclut les organismes et services extérieurs à la maison avec lesquels la personne interagit de même que son quartier. Enfin, l’environnement sociétal concerne les programmes, les lois et les réalités sociales qui peuvent influencer la participation sociale de la personne.

2.2.3. La participation sociale : réalisation des habitudes de vie

Dans le PPH, la participation sociale est évaluée en fonction de la réalisation des habitudes de vie. Ainsi, celle-ci se situe sur un continuum allant de la pleine participation sociale à une situation de handicap complète (Fougeyrollas, 2010; Fougeyrollas, Cloutier et al., 1998). L’interaction entre les facteurs personnels et environnementaux doit se faire

dans le contexte de vie réelle de la personne. Il faut tenir compte du moment de l’évaluation : la situation de handicap peut varier selon le moment où elle est évaluée.

Une habitude de vie est « une activité courante ou un rôle social valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses caractéristiques » (Fougeyrollas, Cloutier et al., 1998, p.135). Elle est nécessaire à l’épanouissement et à la survie d’une personne en société. Les activités courantes incluent la nutrition, la condition corporelle, les soins personnels, la communication, l’habitation et le déplacement. Les rôles sociaux, pour leur part, correspondent aux responsabilités, aux relations interpersonnelles, à la vie communautaire, à l’éducation, au travail et aux loisirs (Fougeyrollas, 2010; Fougeyrollas, Cloutier et al., 1998).