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Brève revue des théories sociales s’appliquant à la compréhension du phénomène du handicap

2. Cadre théorique

2.1. Brève revue des théories sociales s’appliquant à la compréhension du phénomène du handicap

2.1.1. Évolution conceptuelle dans le champ du handicap

La notion de handicap en tant qu’objet d’étude est relativement récente. De la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1940, le modèle diagnostic curatif médical, visant à identifier le problème de santé puis le soigner, était au centre des interventions auprès des personnes vivant des conséquences de maladies, traumatismes ou autres atteintes à l’intégrité ou au développement de la personne (Fougeyrollas, 2010). À cette époque, les progrès de la médecine permettaient de traiter de plus en plus de problèmes de santé : l’évolution attendue de la situation est la mort ou la guérison. Ce n’est qu’à partir des années 1930, au Québec, avec la Commission des accidents de travail, que le gouvernement a commencé à indemniser les victimes et à reconnaître le besoin de compensation pour une perte des capacités physiques. Le réel changement dans la vision de l’intervention, qui place la réadaptation au centre du processus, est survenu après la Deuxième Guerre mondiale, lors du retour des vétérans au pays. Plusieurs nécessitaient une prise en charge afin de retourner au travail, malgré les blessures et traumatismes subis au front (Fougeyrollas, 2010). Au-delà de la reconnaissance des besoins associés à ces situations particulières, cette période marque aussi l’émergence des préoccupations en santé publique face à l’augmentation des maladies chroniques et de la morbidité non associée aux traumatismes, par le fait même l’importance d’actions préventives et curatives (Fougeyrollas, 2010). Par la suite, de nombreux programmes et services destinés aux personnes handicapées ont été mis en place (Boucher, 2002). Les années 1960 et 1970, au plan international comme au Québec, ont marqué la montée de mouvements sociaux revendicateurs, souhaitant mettre fin aux violations des droits sociaux vécus par leurs membres. Cette mobilisation incite l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à faire les démarches pour mettre en place un modèle d’analyse des conséquences des traumatismes, maladies et déficiences.

Au début des années 70, l’organisme a confié au Professeur Wood le mandat de développer un supplément à la Classification internationale des maladies, en vigueur depuis 1948, afin de prendre en compte les conséquences des maladies et blessures dans un sens large incluant toutes les maladies dans une approche plus holistique

(Fougeyrollas, 2002). Différents modèles ont par la suite été développés, pouvant se classer en trois catégories, soit les modèles biomédical, social et interactif.

2.1.2. Le modèle biomédical

L’OMS a choisi une première approche en 1980, le modèle biomédical du handicap, modèle (voir Figure 1) qui est incidemment la base de la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH) (Barnes, Shakespeare et Mercer, 1999). Il s’agit de l’un des premiers modèles dont l’objectif est de faire le portrait des phénomènes liés aux conséquences à long terme des problèmes de santé (Boucher, 2001). Dans cette perspective, la maladie ou le trouble est considéré comme la cause principale des problèmes vécus par la personne. Selon ce modèle, les déficiences sont les fonctions et structures des organes atteints par la maladie ou le trouble. Les incapacités, pour leur part, sont les comportements et les activités que la personne a de la difficulté à accomplir avec cette déficience. Enfin, les handicaps sont les désavantages liés aux rôles sociaux provoqués par ces incapacités (Wood, 1989).

Figure 1 : Modèle de la CIDIH (Organisation mondiale de la santé [OMS], 1988)

Ce modèle a été critiqué par les associations de personnes handicapées, dont l’Organisation mondiale des personnes handicapées (OMPH) à la suite de sa publication, car il mettait la responsabilité du handicap seulement sur la condition de la personne et ne tenait pas compte du contexte dans lequel cette dernière se situait (Barnes, Shakespeare et al., 1999; Fougeyrollas, 2010; Oliver, 1990). Le travail de réadaptation se faisait donc seulement auprès de l’individu concerné, sans une évaluation des paramètres environnementaux. De plus, la linéarité de cause à effets du modèle ne tenait pas compte des interactions possibles d’autres facteurs dans le processus (Fougeyrollas, 2010). En réponse à ces critiques et en continuité avec les mouvements sociaux revendicateurs par rapport aux droits de la personne des années 1960 et 1970, l’OMPH a proposé un nouveau modèle conceptuel du handicap, soit le modèle social.

Maladie ou troubles •Situation intrinsèque Déficience •Situation extériorisée Incapacités •Situation objectivisée Handicap •Situation socialisée

2.1.3. Le modèle social

Le modèle social vient s’opposer au modèle biomédical, en ce sens qu’il définit le handicap comme un phénomène causé par la présence de barrières dans l’environnement plutôt qu’uniquement par la présence de maladies ou traumatismes chez une personne (Fougeyrollas, 2010). Dans ce modèle, la déficience correspond à un problème à un membre, un organe ou un système du corps humain. Le handicap, pour sa part, est un désavantage ou une restriction dans les activités liées à un contexte social qui ne prend pas en considération les personnes avec une déficience (Oliver, 1990). La priorité d’intervention doit donc être de changer l’environnement social et physique.

2.1.4. Les modèles interactifs

En réponse aux critiques du modèle biomédical et dans la foulée des mouvements sociaux et du modèle social qui prend de plus en plus d’importance, des auteurs ont tenté d’introduire la relation individu/environnement dans le processus de clarification des concepts liés au handicap. Parmi ceux-ci, on compte les membres du Comité québécois sur la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CQCIDIH), travaillant sur la révision du modèle de l’OMS de 1980 notamment de la dimension handicap. En se basant sur le modèle proposé par Pierre Minaire (Minaire, 1983) et sur les travaux de Bronfenbrenner sur l’écologie du développement humain (Bronfenbrenner, 1977, 1979; Bronfenbrenner, Moen, Elder et Lüscher, 1995), ces derniers ont proposé, au début des années 1990, un modèle illustrant le handicap comme un processus interactif entre les caractéristiques individuelles et les caractéristiques de l’environnement créant des obstacles ou facilitant l’accomplissement des rôles ou activités dans une situation. Ces travaux sont à la base de la création du modèle conceptuel du Processus de production du handicap (Fougeyrollas, 2010). Ce modèle fait l’objet de la prochaine section.