• Aucun résultat trouvé

Un processus modulé par des facteurs contextuels et individuels

2. CADRE THEORIQUE : LE ROLE DES PERSONAS DANS LES DEMARCHES D’INTERVENTION

2.2. L ES PERSONAS EN TANT QUE SUPPORT D ’ IDEATION

2.2.2 Induction d’un état émotionnel positif

2.2.2.3. Un processus modulé par des facteurs contextuels et individuels

L’impact des états émotionnels dépend également de facteurs contextuels et des caractéristiques émotionnelles des individus, qui permettent de rendre compte de certains effets spécifiques.

Ainsi, le rôle de la tonalité hédonique, ou valence, des émotions doit être relativisé. Baas, De Dreu et Nijstad (2008) ont réalisé une méta-analyse des recherches conduites sur le lien entre émotion et créativité. Il ressort que la créativité est favorisée par un état émotionnel positif, associé à deux aspects de l’humeur, qui peuvent être induits par le contexte :

- Un niveau d’activation assez élevé de l’état émotionnel

Un état émotionnel, outre sa valence, se caractérise également par un degré d’activation. Ainsi, des émotions positives peuvent être associées à un certain degré d’activité. C’est par exemple le cas des personnes joyeuses. Ces émotions peuvent également être ressenties dans un état d’inactivité, comme en témoignent les personnes calmes et relaxées.

- Un processus d’auto-régulation centrée sur la recherche et non l’évitement

Selon la théorie du Focus Régulateur (Higgins, 1997), deux processus d’auto-régulation, qui prennent leur origine dans les instincts de survie, peuvent être distingués : la recherche et l’évitement. Ils correspondent, respectivement à des besoins d’accomplissement et de sécurité et peuvent être induits, de manière temporaire, par des éléments situationnels, tels que la présence de dangers ou de gains potentiels. Or, une autorégulation orientée sur l’exploration et ne traduisant pas

Aspect qualitatif ou quantitatif de la créativité. Le contexte en tant qu’inducteur du niveau d’activation et du processus de régulation.

une aversion au risque favorise les performances créatives, qu’il s’agisse d’une production créative ou d’une résolution créative de problèmes (Friedman & Förster, 2002).

De plus, le contexte fournit des éléments susceptibles d’influer sur le rôle joué par les émotions. Selon le modèlede l’émotion en tant que « input » (Schwarz & Clore, 2003), l’humeur est une source d’information, dont l’importance et les conséquences dépendent du contexte. Selon le contexte, un état émotionnel positif ou négatif pourra ainsi avoir des effets inverses ce qui permet de réconcilier les résultats apparemment contradictoires obtenus jusqu’alors. Par exemple, Martin, Ward, Achee et Wyer (1993) ont demandé à des participants, placés dans un état émotionnel positif ou négatif, de lire des énoncés sur une personne, afin de se former une impression sur cette personne. Pour la règle d’arrêt consistant à demander aux participants d’interrompre leur lecture quand ils considéraient avoir assez d’informations, les participants avec une humeur positive se sont arrêtés de lire plus tôt. Les autres estimaient qu’ils devaient encore persévérer. En revanche, quand les instructions consistaient à s’arrêter quand ils ne trouvaient plus la tâche agréable, ce sont les participants avec une humeur négative qui ont stoppé le plus tôt, les autres percevant la tâche de manière plus positive.

Au niveau des facteurs individuels, des études suggèrent que certaines caractéristiques émotionnelles stables chez les individus, telles que la clarté émotionnelle, modulent l’impact des expériences émotionnelles sur la créativité (George & Zhou, 2002). Suite à ces travaux, Zenasni et Lubart (2008) ont montré par exemple que plus les individus avaient des difficultés à traiter l’information émotionnelle et se trouvaient à un niveau d’activation élevé, moins ils généraient d’idées. Selon leur modèle (figure 23), les caractéristiques émotionnelles stables des individus et leurs états émotionnels ont un effet direct sur les performances et s’articulent également pour aboutir à des effets distincts. De plus, l’impact de l’état émotionnel dépend de la nature de la tâche.

Le rôle du contexte dans l’interprétation des émotions. L’impact des caractéristiques émotionnelles stables.

Figure 23. Schéma illustrant les effets potentiels des états émotionnels et des caractéristiques émotionnelles individuelles sur les aspects quantitatifs et qualitatifs des performances créatives

(d’après Zenasni & Lubart, 2008)

Le degré d’expertise des participants intervient également dans le rôle joué par l’état émotionnel positif. Sur base des études entre créativité et émotions, ainsi que des travaux scientifiques actuels sur l’attirance du visage (Baudouin & Tiberghien, 2004), Bonnardel et Marmèche (2005) ont proposé des sources d’inspiration véhiculant un affect positif ou négatif. Il ressort que l’évocation de nouvelles sources a été facilitée uniquement chez les novices et non chez les concepteurs expérimentés. L’ensemble de ces résultats donne à penser que l’action des émotions sur la cognition créative se déroule selon des processus distincts, qui varient en fonction des caractéristiques individuelles, de la nature de la tâche et des facteurs contextuels, pour agir sur la production créative, au niveau qualitatif et quantitatif.

Au-delà des effets transitoires, les émotions peuvent également être envisagées en tant que substrat émotionnel associé à des souvenirs concernant des objets, des événements ou encore des personnes. Selon le modèle de résonance émotionnelle proposé par Lubart et Getz (1997), un concept source, activé à partir d’une tâche, peut mobiliser des concepts très différents au niveau cognitif, dans la mesure où ils véhiculent la même nature d’émotion. Ce processus psychologique, cohérent avec les travaux de Damasio (1994) sur la propagation des émotions en mémoire, permet ainsi de rendre compte de la génération des métaphores. Ces métaphores jouent par ailleurs un rôle clé dans la pensée créative car elles ouvrent de nouvelles perspectives en conduisant, par exemple à de nouvelles associations entre des concepts différents.

Modèle de résonance émotionnelle.

Le modèle de résonance émotionnelle repose sur trois composants (figure 24) : - Les endocepts, qui sont des émotions vécues par un individu et associées à des concepts ou représentations en mémoire. Spécifiques à chaque individu, ils sont liés aux expériences vécues ;

- Le mécanisme automatique de résonance, selon lequel une vague émotionnelle, initiée par une image ou un concept, se propage en mémoire et active des endocepts, qui eux-mêmes activent d’autres endocepts, en fonction de la nature de l’émotion. Des objets ou des événements apparemment sans lien peuvent donc être associés. La force de résonance de chaque endocept dépend de la similarité de l’émotion qui y est rattachée, par rapport à l’endocept activé en amont. Parallèlement, des activations d’ordre cognitif peuvent également se produire. Ces activations reposent sur des liens préétablis, alors que la résonance émotionnelle se propage comme une vague ; - Un seuil de détection de résonance, en fonction duquel un endocept activé entre ou non en mémoire de travail. Il dépend d’une part de la perception d’un individu de ses propres émotions et d’autre part de l’intensité de la résonance entre deux endocepts. L’environnement peut également favoriser la résonance émotionnelle, un stimulus présent dans l’environnement étant susceptible d’abaisser la limite de détection de la résonance.

Les éléments source n’ont pas tous la même capacité à initier le processus de résonance émotionnelle. Un objet chargé émotionnellement favorise ainsi les performances associatives, en particulier en ce qui concerne l’originalité. La pensée créative repose donc, au-delà des associations établies cognitivement, sur la capacité d’une source à activer des représentations émotionnelles, ou endocepts.

Figure 24. Mécanisme de résonance émotionnelle (d’après Lubart & Getz, 1997).

2.2.2.4. Emotions et créativité dans les groupes de travail