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Les processus cognitifs dans les activités créatives

2. CADRE THEORIQUE : LE ROLE DES PERSONAS DANS LES DEMARCHES D’INTERVENTION

2.2. L ES PERSONAS EN TANT QUE SUPPORT D ’ IDEATION

2.2.1 Le soutien des mécanismes cognitifs impliqués dans les activités de conception

2.2.1.2. Les processus cognitifs dans les activités créatives

Dans le domaine de la cognition créative, différents modèles ont été développés, qui ont mis en évidence les processus cognitifs mis en œuvre dans la créativité, ainsi que les opérations mentales impliquées. A la suite de la description proposée par Wallas, d’un processus créatif en quatre étapes, se dégagent de la littérature le modèle des processus multiples (Sternberg & Davidson, 1982) et le modèle Geneplore (Fink, Ward & Smith, 1992).

2.2.1.2.1 Un processus en quatre étapes

Wallas, en 1926 (cité par Bonnardel, 2006), fut l’un des premiers à proposer un processus créatif, en quatre étapes :

- La préparation. Durant cette phase, l’individu explore les données du problème.

- L’incubation. Le problème se situe alors dans le domaine de l’inconscient. L’individu est confronté à des événements extérieurs et des pensées qui n’ont pas nécessairement de lien avec le problème en cours mais qui peuvent conduire à des associations d’idées et contribuer ainsi à résoudre le problème (Simonton, 2003).

- L’illumination, ou insight. L’idée créative parvient à la conscience. Cette phase est souvent précédée par un pressentiment chez l’individu d’être sur le chemin de la solution.

- La vérification, qui consiste à évaluer l’idée de manière consciente. Les études réalisées suite aux travaux de Wallas ont néanmoins remis en cause le modèle et montré la nécessité d’adopter une approche plus détaillée.

Mesure de la créativité.

2.2.1.2.2 Le modèle des processus multiples

La pensée créative peut également être abordée en référence avec le traitement des informations. Selon le modèle des processus multiples (Sternberg & Davidson, 1982), la pensée créative relève de trois procédés distincts :

- La saisie sélective. Un enjeu important consiste à filtrer, parmi toutes les informations qui nous parviennent, celles qui sont susceptibles d’être utiles à la réalisation de notre objectif. La découverte de la pénicilline par Fleming peut ainsi être considérée comme résultant d’une opération de filtrage efficace, le scientifique s’étant centré sur le fait que la bactérie avait été détruite par la moisissure, et non sur d’autres considérations. - La combinaison sélective, qui consiste à combiner de manière nouvelle et

pertinente les informations sélectionnées.

- La comparaison sélective, qui repose sur la comparaison des informations anciennes avec de nouvelles connaissances.

Au travers de ce modèle, les auteurs mettent en avant le fait que la créativité est un processus qui peut revêtir de multiples formes.

Selon l’approche de la cognition créative, la créativité résulte d’opérations mentales de base qui s’appliquent à des structures de connaissance existantes. Dans cette perspective, Fink, Ward et Smith ont développé en 1995 le modèle Geneplore, qui vise à décrire les processus cognitifs impliqués dans des activités créatives, indépendamment du domaine considéré (Smoliar, 1995).

2.2.1.2.3. Le modèle Geneplore

Ce modèle postule que la créativité résulte d’une interaction entre : - des processus génératifs

Ils interviennent lors de la phase de génération, pour produire des idées qui ne peuvent pas toujours être considérées comme créatives. En tant que représentations mentales incomplètes, elles sont ainsi qualifiées de structures préinventives. Les processus de recherche en mémoire, la combinaison conceptuelle ou le transfert analogique sont des processus mentaux qui interviennent plus particulièrement au cours de cette phase.

- des processus exploratoires

Ils étendent, modifient, ou bien rejettent les structures préinventives élaborées durant la phase d’exploration, de manière à satisfaire les buts de la tâche en cours. Les idées retenues sont alors de nouveau soumises aux processus génératifs, ce qui augmente leur degré de créativité. Durant cette phase clé, se déroulent des interprétations et des déplacements conceptuels, des inférences, des vérifications d’hypothèses et des recherches de limitations. Les auteurs font l’hypothèse que l’association et le transfert analogique sont susceptibles d’intervenir également au cours de cette phase. Les deux phases identifiées sont donc en constante interaction. De plus, les contraintes relatives au résultat escompté interviennent au niveau des deux phases, tel qu’illustré sur la figure 19.

Le rôle des contraintes.

Sélectivité des processus.

Figure 19. Les composants du modèle Geneplore de Fink, Ward et Smith (1992) (d’après Smoliar, 1995).

Les processus globaux Génération de structures pré-inventives et Exploration / interprétation des structures pré-inventives regroupent des processus spécifiques que les auteurs ont ensuite cherché à préciser. Ils ont décrit en particulier les opérations mentales suivantes (Ward, 2004) :

- La combinaison conceptuelle. Elle consiste à réunir deux concepts ou images pour former une nouvelle unité avec des propriétés différentes. Cette unité constitue alors le point de départ pour des idées qui sont ensuite transformées, développées, voire rejetées. Dans le domaine de la conception de produits, l’association peut porter sur des concepts a priori

antinomiques ou des besoins variés d’utilisateurs, qu’il s’agit de satisfaire avec un produit unique. C’est ainsi que la firme Avon a crée une crème qui éloigne les moustiques, tout en protégeant du soleil et en hydratant la peau. Les produits numériques qui combinent plusieurs fonctions reposent également sur ce principe.

- L’analogie. Elle désigne l’application d’une connaissance issue d’un domaine familier à un domaine moins familier. Pour la conception de produits, cela consiste à appliquer les principales caractéristiques d’un produit qui a du succès à un nouveau produit.

- La formulation du problème. Il s’agit de redéfinir un problème, qui a par ailleurs été présenté de manière plus ou moins abstraite, pour retrouver en mémoire les informations pertinentes. Le fait de redéfinir un problème avant de chercher à le résoudre augmente le nombre d’options envisagées. Différentes expériences ont conduit les auteurs à dresser les constats suivants :

- Se référer à des structures de connaissance en lien avec la catégorie conceptuelle de la production créative peut inhiber le processus créatif.

« Les idées créative n’apparaissent pas à partir de rien dans l’esprit de leurs auteurs, mais doivent au contraire être élaborées à partir des connaissances préexistantes de ces personnes. »8 (Ward, 2004, p. 176). Pour trouver une idée dans un domaine particulier, les individus ont tendance à mobiliser dans leur mémoire un

8 Traduit par nos soins

Structure de connaissance et catégorie conceptuelle du produit.

exemple typique appartenant à la même catégorie conceptuelle. La production est alors peu originale car elle partage avec cet exemplaire les mêmes caractéristiques de base (Ward, 1994). Raisonner à partir d’exemples typiques restreint donc la créativité. Des étudiants à qui il était demandé de dessiner des animaux susceptibles de vivre sur des planètes très différentes de la Terre se sont ainsi en majorité basés sur des animaux existants, et ont gardé des caractéristiques telles que la symétrie bilatérale ou les yeux sur le haut du corps. Le fait d’utiliser des exemples spécifiques d’animaux a conduit à des productions moins originales. Selon le modèle du moindre effort (« path-of-least-resistance model »), les individus auraient en effet tendance à limiter leur charge cognitive.

- L’accès à des informations de nature abstraite favorise la créativité.

En regard, par exemple, d’informations axées sur la structure de l’objet, les informations plus abstraites favorisent la créativité car l’information est moins spécifique et donc moins contraignante. Les étudiants à qui il était demandé de créer des « choses vivantes » et non pas des animaux se sont ainsi révélés plus créatifs (Ward & Sifonis, 1997). De même, la prise en compte des besoins divers, en lien avec le développement d’un objet n’est pas directement en lien avec les caractéristiques de l’objet. Ce type d’information présente donc un niveau d’abstraction assez élevé pour favoriser la créativité.

Le modèle « Geneplore » représente une contribution significative en psychologie cognitive dans le sens où il porte l’accent sur la génération d’informations dans des situations nouvelles. Sur base de ce modèle, Bink et Marsh (2000) ont tenté de détailler les mécanismes qui permettent d’aboutir, à partir d’un but défini de manière imprécise, à un produit nouveau.