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2. Données interprétatives

2.2. Trois types de données interprétatives

2.2.3. Données en deuxième personne

2.2.3.2. Procédures de recueil des données en deuxième personne

Une structure particulière de l’entretien respectant un « principe de progressivité »

Les situations d’entretiens sont des situations particulières de dialogue. Elles se caractérisent par une « dissymétrie des rôles » (Vermersch, 1994, p. 106) entre, d’un côté, l’intervieweur qui questionne, et de l’autre, l’interviewé qui informe. Dans l’entretien d’explicitation, le chercheur, par son questionnement, tente de pénétrer « dans l’intimité psychique du sujet » (Vermersch, 1994, p. 108) et d’aborder « sa pensée privée ». Il s’agit

d’abandonner l’attitude naturelle36

(Husserl, 1928) caractéristique des situations courantes de dialogue au profit d’un retour aux choses mêmes, à l’expérience telle qu’elle a été vécue par le sujet. Cet accès à la pensée privée de l’acteur nécessite de prendre des précautions supplémentaires par rapport aux situations habituelles de dialogue rarement dirigées vers la pensée privée : « il n’est, déontologiquement pas souhaitable et, techniquement pas possible d’aller dans ce domaine [intime] sans précautions ni garanties pour l’interviewé » (Vermersch, 1994, p. 108). Or, l’accès à la pensée privée n’est « ni spontané, ni immédiat; ni direct; ni facile » (Vermersch, 1996, p. 1).

Pour faciliter l’accès à l’expérience vécue, la méthode a consisté à structurer l’entretien selon un « principe de progressivité ». Il s’agissait de commencer l’entretien par ce qui se donne le plus facilement au sujet. Selon Vermersch, « ce qui vient spontanément ce sont des généralités, des morceaux d’anecdotes truffées de mes théories naïves implicites »

36 L’attitude naturelle se caractérise par une position de parole abstraite, formelle. Les interlocuteurs dialoguent

sur la base des idées qu’ils se font de ce qu’ils font, sans revenir à la façon dont ces idées se sont constituées dans l’immanence de leur expérience. Le dialogue courant s’effectue sur la base de transcendances non questionnées.

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94 (Vermersch, 1996, p. 2). L’entretien débutait alors par ces aspects en adoptant un point de vue extérieur du sujet sur son expérience. Ce point de vue extérieur est également qualifié d’extime en opposition à un point de vue intime faisant référence à l’expérience telle qu’elle a effectivement été vécue de l’intérieur. Il permet par exemple de recueillir des éléments relatifs

à l’histoire personnelle du sujet37

en relation avec l’activité étudiée.

L’entretien débutait ainsi par des questions du chercheur sur les activités pratiquées par le sujet participant en milieu associatif, ce qui lui a plu ou déplu dans le cycle qu’il a vécu (« Tu

as aimé ce que vous avez fait en natation ? Gym ? » etc. ; « Qu’est ce qui t’a plu ? Déplu ? »),

son histoire dans l’APSA étudiée (« Tu avais déjà fait de la natation avant ? » ; « Est ce que

des fois tu vas à la piscine ? » ; « Quand tu y vas, qu’est ce que tu aimes faire ? » etc.). En

commençant par ce genre de questions proches de la manière dont les sujets parlent habituellement de leur expérience, les participants à l’étude sont mis en confiance par la facilité d’accès à ce qu’ils peuvent spontanément dire.

Cette façon d’entrer dans l’entretien complète la phrase d’amorce préconisée par Vermersch (1994) pour établir un climat de confiance avec le participant et passer un contrat de communication avec lui. Pour accéder à l’intimité de l’expérience, Vermersch propose en effet de « mettre en place, dès le départ, un contrat de communication explicite », c'est-à-dire de demander « l’autorisation à l’autre de pousser le questionnement » et de lui indiquer « que son engagement n’est pas obligatoire, qu’il est basé sur un volontariat et que tout refus sera respecté » (Vermersch, 1994, p. 108). Vermersch formule ce contrat de communication sous la forme d’une phrase d’amorce : « Je te propose, si tu es d’accord, de prendre le temps de

laisser revenir un moment [de la leçon d’EPS de ce matin]… Prends tout le temps dont tu as besoin, et fais-moi signe lorsque tu as trouvé un moment… ».

En situation d’entretien avec des élèves, l’emploi de cette phrase d’amorce nous est apparu peu « naturel ». Alors qu’un dialogue s’instaurait spontanément avant le début de l’entretien, l’énoncé de cette phrase d’amorce provoquait généralement une rupture dans le climat ambiant. Ce dernier devenait plus pesant et moins favorable à l’investigation du vécu intime du participant. De plus, l’usage de cette phrase d’amorce pourrait laisser penser que la confiance que le participant nous accorde, ainsi que sa capacité à expliciter son vécu intime se décrètent. Or, le fait que le participant déclare être d’accord lors de l’énoncé de la phrase d’amorce ne suffit pas à garantir38

qu’il le restera tout au long de l’entretien, ni qu’il

37

Les résultats de recherche (Rolland, 2011) montrent d’ailleurs que les entraineurs experts en gymnastique ont une connaissance de l’histoire personnelle de leurs gymnastes et que cette connaissance biographique impacte leur façon d’intervenir auprès d’eux.

38Vermersch précise l’importance de la congruence entre le verbal et le non verbal lors du passage du contrat de

95 parviendra à verbaliser le vécu de son action plutôt que ses croyances ou théories implicites. Le sujet peut notamment être d’accord en début d’entretien pour parler de son expérience, puis ressentir nos questions comme intrusives. Il peut aussi être d’accord pour expliciter son vécu intime et ne pas y parvenir dans les faits.

L’étude défend l’hypothèse selon laquelle la confiance ne se décrète pas mais se construit. Par conséquent, l’emploi de la phrase d’amorce a été abandonné au profit du principe de progressivité de l’entretien. Il s’agissait alors d’entrer dans l’entretien de manière moins artificielle et de rendre progressive la rupture entre les situations habituelles de dialogue et la situation d’entretien.

La confiance s’instaurait alors progressivement avec les élèves grâce aux questions banales et simples du début de l’entretien. Le début de l’entretien restait ainsi relativement proche des dialogues ordinaires. En favorisant ce qui se donne le plus facilement au participant, nous avons contribué à instaurer un climat de confiance propice à l’investigation de l’intimité de son expérience.

Le climat de confiance s’est d’abord amorcé sur le terrain des situations de classe, au moment de filmer les séquences soumises à l’étude. Notre présence répétée dans la classe a permis aux participants de nous côtoyer une à deux fois par semaine, d’échanger avec nous, de nous poser des questions. Lors des premiers contacts, les élèves ne savaient pas pourquoi nous étions là parmi eux. Cela leur a pourtant été dit, mais au départ, ils s’en font une idée relativement approximative. La représentation qu’ils se font d’une « tierce » personne parmi eux dans leur classe se construit au fil des rencontres. La relation de confiance est néanmoins facilitée par le fait que cette tierce personne s’intéresse à eux, cherche à les comprendre.

Néanmoins, le point de vue intime des élèves sur leur expérience n’était pas facile à acquérir. En effet, « il est beaucoup plus facile [pour le participant] de parler des autres, des circonstances dans lesquelles les choses se sont passées, (…), de l’énoncé de l’exercice que de soi même » (Vermersch, 1994, p. 46). Plusieurs élèves répétaient par exemple les consignes que leur avait données l’enseignant alors que nous tentions d’attirer leur attention vers ce qu’ils avaient effectivement fait.

Pour favoriser l’adoption d’un point de vue intime par les participants, nous devions être

capables de repérer le domaine de verbalisation39 dans lequel ils se situaient en fonction de ce

chercheur comme intrusives au fur et à mesure de l’entretien et s’en défendre en parlant d’autre chose que ce qui touche à l’intimité de son expérience vécue. D’où l’importance de construire un climat de confiance dès la présence du chercheur sur le terrain de l’étude.

39 Lorsque le sujet parle de son expérience il peut le faire sous plusieurs facettes. Les domaines de verbalisations

renvoient aux différentes façons dont le sujet peut parler de son expérience. Vermersch (1994) les organise en trois groupes qui traduisent l’orientation de l’activité de verbalisation du sujet : descriptive, conceptuelle et

Partie 3 : Méthodologie – Chapitre 1 : Recueil des données

96 qui nous intéressait pour notre objet d’étude. Il s’agit ici de repérer les moments où le sujet se situe dans la dimension procédurale du vécu de son action (Vermersch, 1994), dans laquelle il documente son expérience corporelle, c'est-à-dire l’intimité de ses sensations, de ses émotions, de ses perceptions ou de ses impressions.

Lorsque de tels aspects sont abordés par le participant, nous pouvons proposer des relances destinées à affiner, à approfondir, à fragmenter sa description. Par exemple, le participant peut évoquer la sensation de lourdeur lorsqu’il réalise le saut de mains en gymnastique. Nos relances peuvent alors porter sur le moment précis où le sujet a ressenti cette sensation, sa localisation corporelle, ou encore le sentiment associé à cette sensation de lourdeur. Les verbes d’action exprimés par les participants sont également propices à la fragmentation : par exemple, le verbe respirer utilisé en natation peut référer à plusieurs dimensions ou aspects plus précis de l’expérience corporelle, notamment les différentes régions corporelles impliquées : le nez, la bouche, les deux, la gorge, langue, ou plus globalement la poitrine, le ventre, etc. Respirer peut être décrit également du point de vue de sa durée subjectivement vécue (long, court, sentiment associé de ne pas avoir le temps de prendre suffisamment d’air), de son intensité, son degré de facilité (« ça se fait tout seul », « c’est un effort », « je me

concentre dessus »), le sentiment ou l’impression associée, etc.

Le participant est ainsi progressivement guidé pour documenter des aspects de moins en moins superficiels et de plus en plus profonds de son expérience vécue. Cette progressivité de l’entretien permet au participant d’identifier ce qui, dans son expérience, nous intéresse sans que nous ayons besoin de le lui dire de façon trop explicite.

Les verbalisations recherchées au niveau de l’intimité du vécu restent toutefois largement contre-intuitives, à la fois pour nous en tant que chercheurs, dans nos questionnements, et pour les élèves dans leurs réponses, car ce qui se donne spontanément à la conscience réflexive, et du coup, à la narration de l’expérience, ne concerne pas l’intimité de cette expérience mais plutôt des transcendances, c’est-à-dire des jugements, des connaissances ou idées associées à cette expérience. D’où la difficulté relevée par les philosophes phénoménologues de « revenir aux choses mêmes », à l’immanence de l’expérience.

La progressivité de l’entretien peut également être entendue du point de vue de sa structure temporelle. La temporalité sert en effet de fil conducteur narratif au participant pour décrire son vécu. « Tout vécu peut être analysé, décrit en suivant d’abord la temporalité. Inversement tout ce [qu’il sera possible de dire] d’un vécu sera toujours rapportable à son déroulement imaginaire. Le domaine de verbalisation visé par l’étude concerne la description du vécu de l’action (mais le sujet peut aussi verbaliser la description du vécu émotionnel, sensoriel, ou du vécu de la pensée encore dit

97 temporel » (Vermersch, 2005, p. 50). Vermersch insiste sur la nécessité de dérouler les vécus pour en prendre connaissance : « les dessins de vécus sont "temporels", et il est plus difficile d'en prendre connaissance car, pour ce faire, il faut les dérouler. Ils ne sont accessibles que par une "lecture" complète » (Ibid., p. 49). Le déroulement du vécu se fait rarement de façon linéaire mais le sujet est capable d’identifier dans les événements qu’il décrit ce qui vient

avant, juste avant, après, juste après, mais aussi ce qui se déroule simultanément. En

évoquant un épisode passé, le sujet participant peut commencer par narrer un aspect de ce vécu passé qui lui était apparu comme particulièrement significatif, puis à l’aide du chercheur, porter tour à tour son regard sur ce qui est advenu juste avant ou juste après.

Pour le chercheur, la temporalité représente ainsi un fil conducteur pour guider le sujet dans l’explicitation de son vécu. Il peut relancer le sujet sur deux grands types de temporalités

proches de ce que Cahour (2006) désigne de « profondeur » et de « largeur40 ».

Les relances peuvent aider le sujet à dérouler son vécu en « largeur », c’est-à-dire selon des

structures temporelles qualitatives (Vermersch, 2005) qui l’organisent dans le temps (avant,

juste avant, après, juste après, etc.). Les résultats de recherche obtenus dans le domaine de l’entrainement de haut niveau en gymnastique (Rolland, 2011) montrent d’ailleurs que les entraineurs ont une intelligibilité de l’organisation motrice du gymnaste qui passe par sa dimension temporelle. Ils savent par exemple ce qui fait ou sent le gymnaste ou ce qu’il doit chercher à faire ou à sentir avant, juste avant, après, juste après, en même temps, plus tôt, plus

tard, en avance, en retard, pour réussir l’habileté La connaissance de ces aspects par le

chercheur lui offre des pistes pour aider le participant à décrire son vécu en largeur.

Le vécu peut aussi être décrit en « profondeur », à l’aide de relances destinées à « fragmenter » ce qui vient d’être dit en vue d’accéder à une description de plus en plus fine. Cette description en profondeur fait référence à « une autre structure temporelle qualitative [qui] relève d'une organisation quasi fractale, chaque action pouvant être fragmentée en étapes qui la composent, chaque étape pouvant être fragmentée en opérations élémentaires, etc. » (Vermersch, 2005, p. 50). Cette fragmentation renvoie aux différentes couches de vécus (Vermersch, 1994, 2000, 2005) et à la granularité41 de la description selon lesquelles il est

toujours possible de décrire plus finement un épisode vécu. « Chaque description d'une succession temporelle peut être fragmentée en unités de description plus fines, produisant un changement d'échelle et faisant apparaître des événements inaperçus à l'échelle supérieure »

40

« On peut dire métaphoriquement qu’on obtient un accès plus en largeur avec l’EdAC (entretien d’autoconfrontation) et plus en profondeur avec l’EdE (entretien d’explicitation), si l’on considère comme

profondeur ce qui est moins directement accessible à la conscience réfléchie, sachant aussi que le pré-réfléchi

peut devenir réfléchi (…) » (Cahour, 2006, p. 8).

Partie 3 : Méthodologie – Chapitre 1 : Recueil des données

98 (Vermersch, 2005, p. 50). Ces différentes couches s’apparentent aux différentes échelles utilisées en cartographie.

La finesse de la description peut également consister à recueillir le compte rendu du sujet selon différents éclairages, en lien avec la notion d’horizon employée par Husserl. Le sujet peut en effet porter son regard tour à tour sur tel ou tel aspect de son expérience. Pour l’aider à « naviguer » ainsi sur son vécu passé, les résultats de recherche en entrainement de haut niveau en gymnastique offrent de nouvelles perspectives de questionnement lors des entretiens. Bien qu’ils bricolent in situ, les entraineurs experts ont une connaissance de l’ordre

rythmique (Rolland, 2011) de l’action éprouvée par le gymnaste. Cet aspect rythmique

représente une direction de questionnement susceptible d’aider le sujet à rendre compte de ce qu’il a vécu. La connaissance fine que les experts possèdent des propriétés dynamiques du mouvement produit par le gymnaste semble être un autre aspect sur lequel nous pouvons diriger nos relances. Il s’agira par exemple d’amener le sujet à documenter la façon dont il éprouve la tonicité de son corps lorsqu’il réalise une habileté motrice (gainé, mou, dur, serré,

relâché, etc.) ainsi que les actions qu’il recherche (appuyer, tirer, pousser, lancer, jeter, enfoncer, etc.) dans le présent de l’agir.

La rétroaction vidéo ou l’autoconfrontation dans l’esprit de l’explicitation

L’entretien d’explicitation (Vermersch, 1994) est une méthodologie qui s’inscrit dans une théorie psycho-phénoménologique (Vermersch, 1996, 1999a). La psycho-phénoménologie reprend à son compte les apports de la phénoménologie de Husserl pour documenter la pensée privée du sujet. Elle vise à réintroduire le « niveau phénoménologique », c'est-à-dire « le niveau de ce qui apparait au sujet » (Vermersch, 1996, p. 1) dans une démarche psychologique ayant longtemps délaissé le point de vue en première personne. Husserl développe une méthode de description des vécus qui s’appuie sur des exemples, ceux-ci ayant une valeur démonstrative. En tant que psychologue, Vermersch reprend à son compte cette valeur démonstrative des exemples choisis par Husserl, mais pour en faire une méthode de recueil de données empiriques. Autrement dit, c’est la méthode de description des vécus saisie à travers les exemples pris par Husserl que Vermersch retient, pour en faire une méthode de recueil de données de recherche.

En se focalisant sur l’accès à l’expérience vécue, la méthode vise une conversion du regard du sujet sur sa propre expérience vécue. Cette conversion du regard est une authentique

99 possibilité théorique introduite par Husserl et reprise par Vermersch sous le terme de

réfléchissement42.

Pour cadrer théoriquement la sollicitation de cet acte de réfléchissement, Vermersch s’appuie sur une théorie de la mémoire concrète (Gusdorf, 1951). Encore dite affective ou

involontaire, il s’agit de la « mémoire du vécu avec tout ce qu’il comporte de sensorialité et le

cas échéant d’émotion » (Vermersch, 1994, p. 100). Elle est « expériencée par le sujet comme particulièrement vivace, au point de lui donner parfois l’impression de revivre un moment passé » (Ibid., p. 100). Cette mémoire concrète a pour caractéristique de se déclencher fortuitement, dès lors que le sujet rencontre un évènement fortement chargé émotionnellement ou sensoriellement, qui lui rappelle un vécu passé l’ayant particulièrement affecté. La mise en œuvre de la mémoire concrète favorise une prise de parole particulière chez le sujet : la

« position de parole43 incarnée » (Varela, Thompson et Rosch, 1993) en opposition à une

position de parole abstraite, formelle ou distante dans laquelle l’acteur s’exprime plutôt « à partir de son savoir que de son expérience » (Vermersch, 1994, p. 56). Qualifier cette position de parole d’ « incarnée» montre que le sujet retrouve un « souvenir vivace de la situation » (Cahour, 2006, p. 3) au point que « la situation passée est plus présente pour le sujet que la situation actuelle d’interlocution » (Vermersch, 1994, p. 57). La position de parole incarnée se rapporte à un vécu sur le mode du « revécu », associé à un sentiment d’être « à nouveau dans la situation passée de manière vive et sensoriellement fondée ».

Néanmoins, l’ancrage phénoménologique sur lequel Vermersch adosse la méthode d’entretien d’explicitation ne nécessite pas, par principe, d’être complété par une théorie de la mémoire concrète. En effet, l’idée husserlienne de conversion du regard affirme une possibilité théorique qui peut autoriser différentes approches méthodologiques, et notamment celles qui utilisent la rétroaction vidéo pour présenter au participant certaines traces de son expérience.

La technique de rétroaction vidéo consiste à présenter au participant l’enregistrement vidéo de certains épisodes de son activité. Si la rétroaction vidéo constitue un « instrument privilégié » (Tochon, 1996, p. 467) pour analyser l’activité, son utilisation est inféodée aux ancrages théoriques qui « cadrent » cette utilisation. C’est ainsi que Tochon (1996) répertorie

42 Vermersch a emprunté la notion de réfléchissement à Piaget (1974b). Piaget distingue l’acte de réfléchissement

de la réflexion sur le vécu. Dans le cas de la réflexion, le sujet réfléchit sur ce dont il a déjà conscience : il prend « pour objet de réflexion le contenu de la représentation, lui-même produit du réfléchissement de l’agi » (Vermersch, 1994, p. 79). L’acte de réfléchissement vise à faire passer au plan de la représentation ce qui était seulement agi et donc vécu sur un mode pré-réfléchi. Il s’agit de rendre explicite ce qui n’était qu’implicite dans l’action du sujet. Le réfléchissement correspond ainsi au passage du pré-réfléchi au réfléchi.

43

Par « position de parole », Vermersch entend « la relation subjective qu’entretient le sujet avec ce à quoi il fait référence dans son discours au moment où il le prononce » (Vermersch, 1994, p. 37).

Partie 3 : Méthodologie – Chapitre 1 : Recueil des données

100 les différents usages de la rétroaction vidéo en fonction de leurs cadrages théoriques respectifs. Parmi ces usages, celui dont l’étude s’inspire le plus est celui de la réflexion

partagée. Celle-ci mobilise la rétroaction vidéo dans une orientation phénoménologique