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PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE DE L’AGENCE

ENVIRONNEMENTALE POUR L ’ INVESTISSEUR

2 PROBLEMATIQUE, CADRE THEORIQUE ET OUTILS

2.1 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE DE L’AGENCE

Notre travail de recherche se situe dans le cadre de la théorie de l’Agence. Dès 1776, dans son ouvrage « The Wealth of Nations », Adam Smith prétendait que les grandes sociétés par actions constituaient une forme organisationnelle moins efficace du fait de la séparation entre

Page | 132 les dirigeants chargés de la gestion de la société et les propriétaires de la société. La théorie de l’Agence part de ce constat et repose sur deux hypothèses comportementales des individus : (1) ils agissent de façon à maximiser leur fonction d’utilité et (2) ils sont capables d’anticiper rationnellement et sans biais l’incidence des relations d’agence sur la valeur future de leur patrimoine (Charreaux et Martinet, 1987). Ainsi, la relation d’agence entre dirigeants et investisseurs peut donner naissance à divers conflits d’intérêt (dit conflits d’agence) résultant de l’asymétrie d’information entre le mandataire (l’actionnaire) et le mandant (le dirigeant).

Selon Welker (1995) : « l’asymétrie d’information traduit la situation dans laquelle deux ou plusieurs partenaires à une transaction ne sont pas équivalents au niveau de l’accès aux informations relatives à cette transaction, certains disposants d’un avantage informationnel (informations privées) par rapport aux autres ». Comme nous le mentionnions dans le chapitre liminaire, l’asymétrie d’information peut avoir au moins deux conséquences : la

« selection adverse » ou « antisélection » (ex-ante) où l’une des parties fausse ou dissimule une partie des informations en vue d’amener plus facilement une transaction ; le « moral hazard » ou « aléa moral » (ex-post) où l’une des parties du contrat cherche à prendre des risques après la conclusion de l’échange afin d’en tirer un bénéfice supérieur. Dans la relation d’agence dirigeants-actionnaires, en contribuant à la réduction de l’asymétrie d’information, le reporting des entreprises limite l’aléa moral car il permet le contrôle des actions des dirigeants. Il limite aussi le risque d’antisélection en garantissant aux investisseurs la disponibilité de l’information utile à leurs décisions d’investissement.

Ce chapitre vise à déterminer si l’information environnementale divulguée par l’entreprise contribue à réduire l’asymétrie d’information entre dirigeants et investisseurs et permet ainsi une meilleure valorisation des actions de l’entreprise. Notre objectif est de répondre à la question suivante : « l’information environnementale est-elle utile aux investisseurs ? ». A cette fin, nous nous proposons d’analyser le lien entre information environnementale et asymétrie d’information, considérant que l’information environnementale est d’autant plus utile à l’investisseur que l’asymétrie informationnelle est faible.

Avant d’exposer les outils mobilisés pour mesurer l’asymétrie d’information, il nous semble important de préciser ce que nous entendons par « investisseur ».

Page | 133 2.2 INVESTISSEURS ET ANALYSTES FINANCIERS

Dans le chapitre liminaire, à l’instar de l’OCDE44, nous englobions sous le terme

« investisseurs » les particuliers et institutions financières qui opérent sur les marchés financiers ou influençent les transactions sur ces marchés : actionnaires, obligataires, banques, organismes de notation, analystes, etc. En effet, même si leurs besoins informationnels diffèrent, ces entités sont conscientes de l’importance croissante de l’information extra financière dans l’estimation de la valeur des entreprises. Nichols (1989), Schipper (1991), Bercel (1994), Walther (1997)45 cités par Dhaliwal et al. (2012, p.724) considèrent toutefois que les analystes financiers sell-side sont les meilleurs représentants des investisseurs dont ils influencent de manière significative les jugements et les comportements. En ce sens, ils préconisent de se focaliser sur les analystes financiers lorsqu’il s’agit d’étudier les attitudes ou préférences des actionnaires. A l’instar de ces auteurs, nous analyserons l’utilité de l’information environnementale pour l’investisseur en nous focalisant sur la production des analystes sell-side.

Selon l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), « les analystes financiers sont des personnes physiques ou morales qui exercent l’activité d’analyse financière telle que définie à l’article L. 544-1 du code monétaire et financier : « on entend par ‘recherche en investissement’ ou

‘analyse financière’ des travaux de recherche ou d’autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d’investissement, explicitement ou implicitement, concernant un ou plusieurs instruments financiers ou les émetteurs d’instruments financiers, y compris les opinions émises sur le cours ou la valeur présente ou future de ces instruments, destinés aux canaux de distribution ou au public ». Ainsi, selon cette définition, un analyste financier a pour mission de recommander ou de suggérer une stratégie d’investissement aux investisseurs potentiels.

44 Lignes directrices sur les indicateurs de la responsabilité d’entreprise dans les rapports annuels, New York et Genève, 2008, p.7.

45 Nichols, D. R. (1989). The handbook of investor relations. Irwin Professional Pub.

Schipper, K. (1991). Commentary on analysts’ forecasts. Accounting Horizons, 5 (December), 105–121.

Bercel, A. (1994). Consensus expectations and international equity returns. Financial Analysts Journal, 50, 76–

80.

Walther, B. (1997). Investor sophistication and market earnings expectations. Journal of Accounting Research, 35 (2), 157–179.

Page | 134 Selon la SFAF (Société Française des Analystes Financiers), il existe plusieurs types d’analystes financiers46 :

L'analyste Sell-Side travaille pour un intermédiaire en valeurs mobilières ou une banque d’affaires. Son rôle est d’interpréter les informations économiques, stratégiques, comptables et financières propres aux sociétés cotées afin d'établir des prévisions sur leurs résultats à venir et d'en donner une évaluation. Il établit des recommandations d'investissement en combinant ces estimations avec ses vues sur l'évolution du marché boursier. Ses rapports d’analyse, qui se concluent généralement par une (ou des) prévision(s) de bénéfice, une recommandation d’investissement (achat, conservation, vente), un objectif de cours (price target) sont publics. Ils sont largement diffusés, notamment au moyen d’Internet, sans coût pour l’utilisateur.

L'analyste Buy-Side est employé par une société de gestion, un investisseur institutionnel ou un investisseur privé. Il produit ses propres prévisions, mais il centralise et diffuse aussi les informations fournies par les Sell-Side. Les conseils et recommandations de l’analyste Buy-Side sont exclusivement réservés aux gestionnaires de fonds de la société qui l’emploie. Ils ne sont en aucun cas publics.

L'analyste Crédit apprécie le risque de crédit des émetteurs de dettes, c’est-à-dire la capacité des emprunteurs à faire face à leurs échéances et à rembourser les montants convenus aux dates prévues. Il est employé par une banque offrant des prêts aux entreprises ou par une agence de notation. Comme pour l’analyste Buy-Side, les avis des analystes crédit employés par une banque ne sont aucunement publics. En revanche, les avis des analystes crédit employés par une agence de notation sont largement diffusés. Ils sont sans coût pour l’investisseur qui y recourt.

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous intéresserons uniquement aux analystes sell-side car ce sont les seuls dont les productions (prévisions de résultat, recommandations d’achat ou vente, objectifs de cours, etc.) sont publiques, largement diffusées et systématiquement recensées par diverses bases de données.

46 Source : site Internet de la SFAF : www.sfaf.com

Page | 135 Dans le paragraphe suivant, nous allons notamment voir que la précision ou la qualité des prévisions des analystes financiers est un indicateur de l’asymétrie d’information, donc de la qualité de l’information publiée par les entreprises.