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5.1. Rappel sur les constats des auteurs

Les outils mis à disposition des orthophonistes décrivent les troubles du langage oral chez l’enfant en les répertoriant selon leur sémiologie et leurs étiologies possibles, d’où découlent les principales classifications. Celles-ci mentionnent les anomalies génétiques pouvant parfois être à l’origine de difficultés langagières et neuropsychologiques. Néanmoins, elles ne s’attardent pas sur le profil linguistique des sujets présentant un SK, moins étudié que celui rencontré dans le cas d’autres anomalies génétiques comme la trisomie 21 ou le syndrome de l’X fragile. Cette particularité pourtant fréquente, qui correspond à la formule chromosomique 47,XXY et qui engendre une dysfonction testiculaire et hormonale, nécessiterait d’être mieux connue des orthophonistes. Plusieurs études font en effet état d’une prévalence significative de difficultés de langage chez ces sujets. Elles décrivent des atteintes du langage, mais aussi d’autres fonctions cognitives telles que l’attention, la mémoire, et les fonctions exécutives, chez l’enfant et chez l’adulte. Les difficultés, qui semblent présentes depuis le début du développement et perdurent à l’âge adulte dans de nombreux cas, touchent préférentiellement certains aspects du langage oral et de la communication :

- le traitement phonologique ; - l’évocation lexicale ;

- la compréhension d’énoncés complexes ; - l’organisation du discours ;

- la pragmatique du langage.

Les auteurs signalent des déficits de mémoire de travail, notamment auditivo- verbale, de flexibilité mentale et d’inhibition, ainsi qu’une distractibilité, sans qu’ait été démontré à notre connaissance de lien avec une éventuelle déficience intellectuelle. Des études portant sur le comportement et la personnalité évoquent la possibilité d’une fragilité psycho-affective propre aux sujets atteints de l’anomalie.

Ces caractéristiques langagières, neuropsychologiques et comportementales, qui peuvent être sévères, ont souvent des conséquences sur la vie sociale et les apprentissages. Les enfants et adolescents atteints, selon les auteurs, souffrent, dans une proportion plus élevée que dans la population générale :

- de difficultés relationnelles, dont on ignore encore précisément si elles sont secondaires aux difficultés de langage, à l'annonce du diagnostic, ou inhérentes à la neuropsychopathologie des sujets ;

- de difficultés scolaires, notamment en langage écrit, qui pourraient avoir leurs sources dans les difficultés de manipulation du langage oral, et en logico- mathématique.

5.2. Constats des parents et cliniciens

Ces atteintes et leurs retentissements sont mentionnés par de nombreuses études, et sont également remarqués par les cliniciens et leurs parents, qui souffrent du manque de reconnaissance des difficultés et du handicap scolaire de leur enfant. Il ressort par ailleurs que la population des sujets souffrant de SK, de même que pour les troubles somatiques et hormonaux, est caractérisée par une remarquable hétérogénéité sur ces plans. On retrouve une variabilité quantitative, les taux de prévalence des troubles étant variables au sein des études et entre études, mais aussi qualitative, tous les sujets n’étant pas atteints de la même manière et leur tableau clinique n’étant pas clairement établi.

Les connaissances théoriques et cliniques sur les caractéristiques linguistiques et neuropsychologiques des sujets atteints sont encore insuffisantes et trop peu unifiées. Les conclusions des études, qui se basent pour beaucoup sur des outils anglo-saxons disparates, ne fournissent pas aux professionnels francophones la base de données nécessaire à une bonne connaissance de la symptomatologie langagière de l’enfant avec SK. Cette carence actuelle en données francophones, ajoutée à l’inconstance des troubles retrouvés, a des répercussions sur la qualité des diagnostics des troubles du langage et de leur prise en charge. Le tableau linguistique pourrait pourtant être spécifique à cette particularité, diagnostiquée malheureusement relativement tard à l’heure actuelle. On observe d’ailleurs bien souvent rétrospectivement qu’un nombre significatif de sujets dont le SK est détecté à l’adolescence, comme souvent, présentent des difficultés de langage depuis la petite enfance. Il arrive en outre que des enfants présentant des troubles sévères voire déviants du langage, pris en charge par des neuropédiatres, soient diagnostiqués comme ayant un SK après réalisation d'un caryotype. Les spécialistes des difficultés d’apprentissage semblent donc confrontés de manière significative à

cette particularité. Ils ne disposent pas des éléments théoriques et cliniques leur permettant d’orienter le choix des épreuves du bilan de langage ni les axes de rééducation en fonction de la présence de cette particularité. Ceci pourrait être approprié dans le cas d’une spécificité du tableau langagier et neuropsychologique.

5.3. Objectifs de recherche

Face au manque actuel de connaissances unifiées dans le milieu des orthophonistes francophones, nous proposons un mémoire qui vise si possible : - à caractériser les aspects déficitaires et préservés du langage oral des jeunes garçons présentant un SK, voire à déterminer si ces caractéristiques pourraient correspondre à un profil linguistique spécifique ;

- à mettre en relation ces interprétations langagières avec les déficits relevés concernant des compétences neuropsychologiques transversales fondamentales, afin d’évoquer des hypothèses sur les mécanismes cognitifs mis en jeu dans le SK ; - à déterminer les domaines à privilégier lors de l’évaluation du langage oral d’un enfant présentant un SK et à fournir des pistes d’axes de rééducation orthophonique adaptés aux troubles les plus fréquemment rencontrés ;

- à procurer aux professionnels des données issues de méthodes francophones reconnues, qui pourraient permettre à l'avenir la constitution d’un inventaire de signes en faveur d’un caryotype en cas de troubles du langage inexpliqués.

5.4. Hypothèses de recherche

En menant une étude mettant en jeu la réalisation de bilans de langage oral auprès de jeunes garçons recrutés sur le critère d’une formule chromosomique 47,XXY, nous chercherons donc à explorer leur symptomatologie langagière. Nous étudierons les hypothèses :

- portant sur l’unité et la spécificité d’un profil linguistique en cas de SK ;

- portant sur l’inclusion de la symptomatologie langagière en cas de SK dans le champ nosographique des TSDL ;

- portant sur le caractère significatif de difficultés précoces de langage oral et/ou de communication en cas de SK ;

- portant sur l’existence de risque de développer des difficultés d’entrée dans l’apprentissage de la lecture en cas de SK.