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Compte tenu du manque de consensus entre chercheurs, les classifications internationales font preuve de prudence dans la formulation de leurs critères diagnostiques. Le DSM-IV (quatrième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) distingue au sein des dysphasies de l'enfant, opposées au trouble d'articulation (T.A.), troubles expressif et mixte, sur la base du critère d'exclusion. Il

ne distingue pas caractères développemental et acquis ni spécifique et secondaire. La CIM-10 (dixième édition de la Classification Internationale des Maladies) ne tient pas non plus compte des déviances ni du degré de gravité des troubles (Billard et al., 2007). DSM-IV et CIM-10 insistent sur leur caractère persistant (Bishop et Edmundson, 1987).

Il est difficile de superposer les sous-composantes des classifications existantes, étant donné leurs différences de critères diagnostiques, l'écart à la moyenne nécessaire étant moindre chez les anglophones que chez les francophones, par exemple. Maillart et Parisse (2010) font néanmoins correspondre le concept de TSDL à celui de dysphasie développementale, en raison des critères communs d'exclusion et d'écart entre niveaux d'efficience langagière et cognitif général. De nombreux auteurs ont choisi d'employer les termes de dysphasie et de retard de langage au pluriel compte tenu de l'importante diversité des tableaux cliniques répertoriés (Piérart, 2004). Le terme de TSDL peut désigner selon les auteurs qui l'emploient des profils tellement variés que les critères diagnostiques pré- établis ont été remis en question par des auteurs comme Maillart et Parisse (2010).

L'établissement de la possibilité de coexistence de handicaps dont la dysphasie a fait vaciller la primauté du diagnostic par exclusion (Piérart, 2004). Mazeau a notamment décrit des cas d'enfants présentant une déficience intellectuelle dont la sévérité ne pouvait à elle seule expliquer la sévérité et le caractère atypique des troubles du langage observés, d'où le concept de « dysphasie relative » (1997). Il arrive par ailleurs qu'un tableau de TSDL soit par la suite expliqué par la découverte d'une anomalie, notamment un SK. Tout ceci remet en question les critères d'exclusion mais aussi de spécificité (Maillart et Parisse, 2010).

Gérard a de son côté récemment remis en cause ses marqueurs de déviance, en raison de leur instabilité, pour les remplacer par les critères minimaux de différenciation syndromique (2010). Cette notion de déviance reste d'actualité chez les cliniciens car est souvent liée à un langage anormal donc d'un trouble spécifique (Mazeau, 1997). Coquet et Roustit préfèrent le terme d'« indicateurs », éléments linguistiques quantitatifs et qualitatifs significatifs mis en évidence lors de la rencontre avec le sujet (2007).

En outre, de récentes études ont remis en question la pertinence de « sous- catégories correspondant à différents déficits » (Maillart et Parisse, 2010, page 3). La sémiologie linguistique d’un même sujet peut en effet correspondre à des sous-

groupes différents de dysphasies au cours de son développement (Botting et Conti- Ramsden, 2004; Maillart et Parisse, 2010). Les cliniciens doivent tenir compte de cette variabilité intra-individuelle et donc considérer avec recul ces classifications.

Un minimum de sévérité de l'atteinte n'étant pas requis par toutes les classifications diagnostiques, cette variété clinique pourrait renforcer l'hypothèse du continuum des troubles du langage oral. Chevrie-Muller s’inspira d'ailleurs d’anglo- saxons comme Leonard pour faire apparaître dans sa classification l’idée de ce continuum sous-tendu par des substrats linguistiques communs (1996). Bishop insiste sur la multiplicité des facteurs influençant l'évolution des structures cérébrales linguistiques et donc le développement des compétences langagières (2006). Tenant compte de la nécessité d'une prise en compte de ces multiples facteurs, Maillart et Parisse fournissent une classification différente (2010).

Considérant le substrat psychoneurolinguistique des troubles d'un point de vue longitudinal, elles suggèrent l’utilisation de critères tant langagiers que non- langagiers comme marqueurs des altérations sous-jacentes au tableau de TSDL (Maillart et Parisse, 2010). Des signes cognitifs non-langagiers pourraient en effet être évocateurs, tel un déficit de la mémoire à court terme (Gathercole et Baddeley, 1990, 1995). Reprenant les catégories décrites par Bishop (2004), elles proposent trois types de syndromes:

- la dyspraxie développementale verbale, caractérisée par des problèmes de programmation des mouvements permettant la production du langage ;

- la dysphasie linguistique (c’est-à-dire les TSDL typiques), impliquant des difficultés morphosyntaxiques majeures ;

- les troubles pragmatiques du langage, marqués par des difficultés d’appropriation du langage en tant que moyen de communication adapté au contexte, et se rapprochant des troubles des autistes de haut niveau.

Les TSDL correspondraient à « un ensemble de syndromes qui correspondent à des états pathologiques du système langagier », et chacun des trois syndromes à « un état spécifique du système langagier » (Maillart et Parisse, 2010, page 4). Ils résulteraient de la conjonction de dysfonctionnements multiples de sous-systèmes interdépendants spécifiquement langagiers, mais aussi non-langagiers (Ellis Weismer et al., 2005). Les symptômes langagiers sont pour Maillart consécutifs à des déséquilibres neurocognitifs impliquant une « sous-spécification des représentations phonologiques ou sémantiques », et une « faiblesse d'utilisation de

la morphologie » (Coquet et Roustit, 2007). Nespoulous adopte d’ailleurs le point de vue de la neuropsychologie cognitive en faisant une analogie intéressante entre les erreurs des enfants dysphasiques et les paraphasies des aphasiques (1996). Les travaux plus anciens de De Weck (1996) mentionnent des « difficultés de planification discursive » et conversationnelle (Coquet et Roustit, 2007, page 79). La prise en compte des aspects fonctionnels du langage est donc fondamentale, d'où l'importance d'une évaluation de la pragmatique lors d'une investigation du fonctionnement langagier. Le système langagier relèverait d'un état de fonctionnement normal de par les sous-systèmes sous-jacents, lorsque le profil de surface est homogène sans déficit communicationnel (cas du retard non spécifique) (Maillart et Parisse, 2010). La recherche ayant encore à nous apprendre sur leurs facteurs nombreux et variés, il n’est malheureusement pas encore possible de délimiter ces troubles sur le plan étiologique.

Ces nouvelles conceptions apportent un éclairage novateur et cognitiviste, par leur focalisation sur les aspects sous-jacents, à la connaissance des pathologies du langage, spécifiques ou non. Nous choisissons de les retenir pour notre démarche d'appréhension des difficultés de langage des enfants présentant un SK dans une perspective multifactorielle et développementale.