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Problématique liée à la dose hors-champ

2.4 Estimation de la dose hors-champ par la méthode Monte Carlo

2.4.3 Problématique liée à la dose hors-champ

Une simulation Monte-Carlo permet l’estimation d’une espérance via le calcul d’une dose moyenne sur de nombreux échantillons ou histoires de particules primaires (il s’agit ici d’un électron émis par l’accélérateur). Bien qu’elle converge vers l’espérance recherchée à mesure que des échantillons sont tirés, cette moyenne est elle-même une variable aléatoire : le résultat sera toujours différent d’une simulation à l’autre. Elle possède une certaine variance, qui est fonction du nombre d’échantillons utilisés, et qui dénote la variabilité que l’on peut attendre sur les différentes estimations réalisées au cours de différentes simulations. Elle établit ainsi, par le biais d’une intertitude statistique, le niveau de confiance que l’on peut avoir dans le résultat obtenu.

La variance du résultat de la simulation (moyenne des doses déposées pour toutes les histoires simulées) est proportionnelle à la variance de la variable aléatoire échantillonnée (dose déposée pour une histoire). Or, dans le cas des régions hors-champ, ou seules quelques particules interagissent par rapport à la totalité des particules simulées, la variance de la dose déposée pour une histoire peut être très élevée. Les doses déposées présentent donc d’énormes écarts d’une histoire à l’autre, étant nulles pour la plupart des échantillons et non-nulles pour seulement un petit nombre d’entre eux, et le résultat obtenu est peu fiable. Cet effet est illustré sur la figure24ci-dessous, présentant un profil de dose estimé dans une cuve d’eau, le long d’un axe perpendiculaire au faisceau.

(a) Représentation d’une cuve à eau traversée par un faisceau de photons unidirectionnel et monoénergétique (1 MeV)

(b) Profil de dose obtenu le long de l’axe en pointillés

Figure 24 – Illustration de la problématique de la dose hors-champ : le calcul du profil dans une cuve à eau, représentée en (a), montre l’augmentation rapide de l’incertitude sur le résultat (b) à mesure que l’on s’éloigne du faisceau.

Dans ce cas, le nombre de particules déposant de l’énergie décroît de manière exponentielle avec la distance au faisceau. Il en résulte une augmentation très rapide de l’incertitude, à

tel point qu’il devient difficile de donner une estimation de la dose au-delà de quelques centimètres de l’axe du faisceau.

Bien que la variance de la variable échantillonnée ne varie pas, l’incertitude sur l’estimation, elle, décroît avec le nombre d’histoires simulées (plus de détails sont donnés dans la partie dédiée en 3.2.2). Il est alors possible d’obtenir un résultat exploitable en augmentant le nombre de particules suivies, mais le temps de calcul nécessaire peut alors s’avérer être bien trop élevé, en particulier pour une utilisation clinique. Il s’agit de l’une des barrières principales à l’utilisation de la méthode Monte-Carlo pour le calcul de la dose hors-champ.

Modélisation des conditions d’irradiation

La seconde difficulté liée à la dose hors-champ tient dans la constitution du modèle. S’il ne reproduit pas correctement les différentes sources de diffusion contribuant à la dose hors-champ, la dose estimée peut converger vers une valeur très différente de celle recherchée. Peu importe le temps de calcul, celle-ci est alors impossible à connaître.

Nous avons vu en2.2.1que le type d’accélérateur utilisé influe fortement sur la dose hors-champ. Son estimation demande une modélisation précise de la tête de l’appareil, incluant les composants internes mais également le blindage [Joostenet al., 2011], pour prendre en compte correctement à la fois les fuites, les diffusions, et les électrons de contamination

[Kryet al., 2017]. Toutefois, il est souvent impossible de connaître parfaitement tous les

composants de la machine utilisée. Une modélisation fidèle est, de plus, coûteuse en temps de calcul : plus la géométrie de la tête de l’accélérateur est complexe, et plus les particules doivent y être suivies longtemps.

Les plans de traitement complexes sont également largement plus difficiles à modéliser. Une majorité d’études des doses hors-champ par simulation se contente ainsi de faisceaux fixes et de plans simples, faute de pouvoir modéliser des traitements avec modulation d’intensité et plusieurs faisceaux. Généralement, les études consistent à développer un modèle d’accélérateur suffisamment précis pour déterminer les doses hors-champ dans des cas simples. Notamment, en 2006, S. Kry et al développent un modèle d’accélérateur Varian à 6 MeV pour le calcul de la dose hors-champ [Kryet al., 2006], puis, en 2007, ils l’étendent à une énergie de 18 MeV [Kryet al., 2007c]. De même, en 2009, B. Bednarz et al développent des modèles d’accélérateurs médicaux Varian destinés au calcul de la dose hors-champ pour des énergies de 6 et 18 MeV [Bednarz and Xu, 2009]. Toujours dans le même but, en 2019, J. Colnot et al élaborent un modèle Monte-Carlo d’une machine Cyberknife®

[Colnotet al., 2019].

2.5 Conclusion

De précédents travaux ont montré trois sources distinctes de rayonnement secondaire, qui irradient les régions saines du patient lors d’un traitement malgré la collimation du faisceau. En raison des caractéristiques différentes de chaque composante de ce rayonnement, la variation spatiale de la dose déposée peut être complexe. À proximité du champ, elle provient principalement des diffusions dans le patient et elle est donc très liée à la taille du champ. À distance, en revanche, les diffusions et les fuites dans l’accélérateur prennent de

l’importance par rapport à cette première source, et la dose varie plus lentement. Elle reste malgré cela très liée aux conditions d’irradiation, et en particulier la taille du champ.

Une irradiation peut se faire dans des conditions très variées, selon la technique utilisée : le champ, notamment, peut être plus ou moins grand et de forme complexe lors de l’utilisation d’un MLC, et le temps d’irradiation (lié au nombre d’unités moniteur nécessaires) peut grandement varier d’une technique à l’autre. Ainsi, la dose périphérique peut également présenter une ample gamme de valeurs : en particulier, la RCMI et les techniques basées sur cette dernière augmentent considérablement la dose périphérique. Cette hausse est principalement due au temps plus élevé nécessaire à l’irradiation de la tumeur, laissant les fuites irradier plus longtemps à distance. Elle est également liée à l’augmentation du volume touché, elle-même due au nombre de faisceaux plus important.

L’augmentation de la dose périphérique entraîne un risque d’effets secondaires largement plus élevé pour la plupart des techniques avancées que pour les techniques conventionnelles, en particulier pour la RCMI. Puisqu’elles tendent à être de plus en plus utilisées, il devient primordial de connaître la dose hors-champ délivrée au cours d’un traitement. Cette dose peut être connue par des mesures, mais le choix du détecteur est délicat et peut nécessiter d’avoir déjà des connaissances sur la composition du rayonnement mesuré pour étalonner le dosimètre. Sa mesure est ainsi difficile (voire impossible) en clinique, et n’est donc pas pratiquée.

Au niveau de son estimation par calcul, il ressort de l’ensemble des études que les TPS ne sont pas fiables pour le calcul des doses hors-champ, donnant souvent des résultats erronés dès les limites du champ, et étant limités à quelques centimètres au-delà. D’autres outils, élaborés à partir de mesures de la dose périphérique, sont capables de l’estimer dans des conditions simples et même parfois en RCMI, mais peuvent aboutir à des erreurs importantes. Ils ne sont, de plus, pas adaptés aux traitements plus complexes.

Cette dose peut, finalement, être estimée par le calcul à l’aide de la méthode Monte-Carlo. Bien qu’elle soit aujourd’hui largement utilisée et validée dans le domaine médical, elle est cependant limitée à la fois par la précision de la modélisation de l’accélérateur et par le temps de calcul nécessaire, qui devient de plus en plus important à mesure que l’on s’éloigne du champ d’irradiation. L’objectif de ce travail de thèse est de contribuer à la résolution de ce problème de lenteur du calcul en gardant un résultat exploitable. Il consiste, pour cela, à choisir puis étudier une méthode de réduction de variance destinée à accélérer les estimations en dehors du champ, pour ensuite l’implémenter dans un code de simulation. La validité et l’apport de ces techniques sont directement liés à la manière dont la méthode Monte-Carlo permet l’estimation d’une grandeur physique par une succession de tirages aléatoires. Le chapitre suivant donne ainsi quelques éléments clés nécessaires à sa compréhension, avant de présenter le principe des méthodes de réduction de variance.

3 Estimations par la méthode Monte Carlo

3.1 Introduction

Ce chapitre est dédié à une description plus détaillée de la méthode Monte-Carlo appliquée au transport de particules, qui est au coeur de ce travail. La première partie concerne la définition des différents concepts qui seront utilisés par la suite : ce qu’est l’espérance d’une variable aléatoire, comment elle est approchée par un estimateur, comment sa variance est elle-même estimée, et comment la notion d’efficacité permet d’évaluer la qualité d’une simulation. Ensuite, la seconde partie a pour but de montrer pourquoi le transport d’une particule par pas successifs pour calculer l’énergie déposée par celle-ci équivaut à l’échantillonnage d’une variable aléatoire. Cette étape est essentielle pour la formalisation de la méthode de réduction de variance qui sera implémentée, car celle-ci s’apparente à une modification du transport des particules et donc à un changement de variable aléatoire. La dernière partie met en avant le principe des méthodes de réduction de variance, d’abord de manière générale, puis détaille certaines méthodes couramment utilisées ou utiles pour la construction de nouvelles méthodes composites.