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La prise en charge du SPW doit être pluridisciplinaire et il apparait que les traitements hormonaux ne sont clairement pas suffisants. Ainsi, les prises en charge et les domaines d’interventions vont varier selon les besoins prioritaires et en fonction de l’âge de la personne (Cassidy et al., ; Diene et al., ; Glattard, ) :

- Concernant les problématiques autour de la sphère orale et langagière. Dès la naissance les bébés ont besoin d’être suivis par un phoniatre et/ou un orthophoniste afin d’améliorer rapidement les capacités de succion et de déglutition (et éviter au maximum le gavage par sonde gastrique). Ce soutien permet de stimuler la motricité bucco-faciale et d’assurer une guidance parentale concernant les troubles de la déglutition. L’enfant pourra ensuite être suivi par un orthophoniste durant toute son enfance pour soutenir le développement du langage et de la communication ; mais également aider aux apprentissages scolaires.

- Concernant les problématiques alimentaires, la personne pourra être suivie par un nutritionniste. Dans tous les cas, le régime alimentaire à vie est crucial pour les personnes avec SPW et doit être accompagné d’une activité physique adaptée régulière.

- Concernant les problématiques liées à l’hypotonie. Dès les premiers mois, les enfants peuvent être suivis par des kinésithérapeutes ou des psychomotriciens afin d’améliorer le développement musculaire et la coordination motrice, en particulier pour favoriser l’acquisition des positions assises et de la marche. La prise en charge en psychomotricité se poursuit ensuite durant l’enfance de façon à remédier aux problématiques de posture (scoliose), de coordination motrice, mais également de repères dans l’espace. Une prise en charge en orthopédie peut être nécessaire notamment en ce qui concerne le traitement des scolioses et des problèmes de postures. Un suivi ophtalmologique est recommandé compte tenu des risques de strabismes et une rééducation orthoptique peut être requise.

- Un suivi psychologique et/ou psychiatrique apparait également être nécessaire pour accompagner le développement socio-affectif, l’autonomie, mais également les apprentissages scolaires. Il peut ainsi apporter un soutien concernant les problématiques comportementales. Une prise en charge est requise pour les personnes présentant des troubles psychiatriques. Elle peut aussi être mise en place au titre de prévention.

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EN RÉSUMÉ de ce chapitre,

Le SPW est une maladie génétique rare localisée sur le chromosome qui amène à un dysfonctionnement important du système de régulation hormonale. Il se caractérise notamment par un retard de croissance, de l’hypotonie, des troubles alimentaires et du sommeil.

Le SPW provoque un trouble neurodéveloppemental complexe qui touche de nombreuses fonctions psychologiques :

 Sur le plan cognitif : un déficit intellectuel, des dysfonctionnements mnésiques, exécutifs et perceptifs

 Un retard du langage (articulation, syntaxique, sémantique)  Un retard en motricité globale et surtout fine

 Sur le plan social : des difficultés d’ajustement social, une tendance à l’isolement et à la recherche de relation exclusive

 Sur le plan émotionnel : un déficit en reconnaissance, compréhension et régulation des émotions (labilité émotionnelle)

 Des troubles du comportement de type impulsifs et obsessionnels / anxieux. Le SPW nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et soutenue.

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PROBLÉMATIQUE

Les émotions, nous l’avons vu, sont fondamentales au quotidien, autant dans l’établissement et la régulation des relations interpersonnelles, que pour l’adaptation de manière générale. Elles contribuent au développement global de la personne. Ceci est notamment rendu possible par la capacité de l’individu à utiliser ses émotions au quotidien, via des compétences émotionnelles. Quatre compétences émotionnelles majeures sont répertoriées : l’expression, la reconnaissance, la compréhension et la régulation des émotions. Elles peuvent être appréhendées selon trois niveaux : le niveau de connaissance, le niveau d’habileté et le niveau des dispositions (Mikolajczak et al., ).

Actuellement nous disposons de connaissances très lacunaires sur le fonctionnement émotionnel des personnes avec SPW et encore plus sur son développement pendant l’enfance. Si les aspects médicaux du SPW ont été particulièrement étudiés, les difficultés comportementales et notamment émotionnelles ont été longtemps délaissées. Pourtant très tôt, les diverses études s’intéressant à ce syndrome décrivent une symptomatologie telle que des crises de colère, une labilité émotionnelle, des comportements impulsifs, anxieux et des difficultés d’adaptation sociale, suggérant des troubles dans les compétences émotionnelles (Dimitropoulos, Ho, et al., ; Glattard, ; Reddy & Pfeiffer, ; Rosner et al., ; Whittington & Holland, ).

Les quelques études menées sur le fonctionnement émotionnel des personnes avec SPW rapportent des difficultés dans la reconnaissance et la compréhension des émotions de base. On observe notamment que les individus avec SPW font en moyenne à % plus d’erreurs d’identification et d’attribution des émotions que la population typique, même avec un âge de développement similaire (Glattard, ; Whittington & Holland, ). Il apparait en effet que les personnes avec SPW présentent des particularités dans le traitement de l’information suggérant que ceci pourrait en partie être responsable de ces lacunes. Les individus avec SPW ne prennent en compte que très peu d’éléments informationnels pour juger une situation. Ils s’attachent à des détails qui sont la plupart du temps non pertinents. Ajouté à cela, ils éprouvent une grande difficulté pour avoir une représentation globale de la situation. Concernant le traitement des visages, on observe que ces personnes ont tendance à négliger la région des yeux alors qu’il s’agit de la partie du visage qui comporte le plus d’éléments informationnels sur les expressions (en particulier pour la distinction des émotions négatives). Ils ont alors tendance à se focaliser sur la partie centrale et basse du visage. On observe qu’ils explorent particulièrement la partie du nez, alors qu’il s’agit d’une région du visage qui renseigne peu sur la nature des expressions (Debladis et al., submitted; Feldman & Dimitropoulos, ; Halit et al., ; Koenig et al., ; Tager-Flusberg et al., ). En outre, par définition, les émotions se caractérisent par leur aspect multimodal et dynamique, ce qui permet de faire face aux contraintes

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situationnelles dans lesquelles elles s’établissent. Il apparait que les personnes avec SPW démontrent des difficultés pour faire converger les informations émanant de différents canaux. En effet, contrairement à ce qu’on observe dans la population typique, les personnes avec SPW ne semblent pas tirer profit de la présentation multimodale des stimuli pour les détecter (Salles et al., ). Cette particularité est ainsi susceptible de compromettre leur capacité de reconnaissance émotionnelle et donc de les mettre en difficulté dans les situations quotidiennes (adaptation).

En somme, les personnes avec SPW présentent de fortes lacunes dans le traitement de l’information émotionnelle, rendant l’élaboration des connaissances sur le processus émotionnel difficile. Ainsi, dans le cadre du SPW, les émotions sont au cœur de la problématique neurodéveloppementale.

Les études menées sur le fonctionnement émotionnel des personnes avec SPW contiennent beaucoup de limites. Tout d’abord, du fait de la rareté du syndrome, de nombreuses études ont été réalisées sur des échantillons avec des écarts d’âge importants (englobant enfants, adolescents et adultes). Par exemple, l’échantillon de l’étude de Whittington et Holland ( ) était composé de personnes avec SPW âgés de à ans, et celui de l’étude de Feldman et Dimitropoulos ( ) de personnes âgées de à ans. Ajouté à cela, le SPW, comme beaucoup de troubles neurodéveloppementaux, présente une forte variabilité individuelle. Ceci pose la question de l’interprétation des résultats et de leur représentativité. Aussi, ceci empêche d’envisager une certaine évolution des difficultés émotionnelles en fonction de l’âge.

L’approche développementale apparait fondamentale pour mieux caractériser les difficultés émotionnelles liées au SPW. Glattard ( ) a pu montrer dans une étude transversale que les enfants avec SPW de à ans présentent des faiblesses dans les tâches de reconnaissance et de compréhension des émotions. Les enfants avec SPW présentent un déficit spécifique qui n’est pas uniquement imputable au retard cognitif. Ils semblent néanmoins suivre une trajectoire développementale similaire à la population typique, laissant penser à un retard important, plutôt qu’à un profil atypique. Ces travaux ont permis d’alimenter les connaissances sur le développement émotionnel des enfants avec SPW. Cependant, les aspects d’expression et de régulation émotionnelle dans le SPW ne sont toujours pas exploités, et ceci ne permet pas d’avoir une vision complète du développement émotionnel. Pourtant l’expression émotionnelle parait être le point d’ancrage dans le développement des compétences émotionnelles. Elle contribue au développement des capacités de reconnaissance et de compréhension des émotions, qui elles-mêmes sont cruciales dans le développement des capacités de régulation. Cette capacité est au fondement de l’établissement des relations inter-personnelles, elle correspond au premier mode de communication du bébé avec son entourage. Elle reflète également la capacité de contrôle corporel. Il semble alors essentiel d’explorer

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cette capacité dans le cadre du SPW compte tenu des difficultés manifestes dans les autres compétences émotionnelles, mais aussi cognitives. De plus, les nombreuses atteintes du système moteur et neuro- moteur suggèrent que les capacités expressives puissent être impactées. De la même manière, la littérature décrit des difficultés certaines dans les capacités de régulation émotionnelle sans pour autant les préciser. Il conviendrait en effet de pouvoir connaitre les particularités éventuelles dans les stratégies de régulation. À notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée à ce sujet. Pourtant ceci permettrait d’éclairer le développement émotionnel à la lumière des spécificités du SPW.

Les émotions, au fondement des interactions sociales, mobilisent de nombreuses sphères telles que la cognition, le langage, la motricité, la perception. Ainsi il apparait que les capacités langagières détiennent un rôle dans le développement de la compréhension, de l’expressivité, de l’autorégulation des émotions (Beck et al., ; Fujiki et al., ; Roben et al., ; Vallotton & Ayoub, ). Par ailleurs, les capacités perceptives (visuelles, auditives) et cognitives sont centrales dans l’interprétation des situations émotionnelles et par conséquent dans la compréhension des émotions. Aussi, les capacités expressives sont dans une certaine mesure fonction des capacités motrices. Dans le cadre du SPW, tous ces domaines sont également déficitaires. Appréhender le déficit émotionnel des enfants avec SPW au regard de cette atteinte pluridimensionnelle devrait permettre de le caractériser précisément et de proposer une prise en charge adaptée et précoce.

Le SPW nécessite clairement une prise en charge pluridisciplinaire soutenue (Glattard, ; Tauber et al., ). Aussi, il apparait que les difficultés émotionnelles manifestées par les personnes avec SPW se répercutent sur de nombreux domaines de prises en charge et peuvent régulièrement entraver le travail thérapeutique et de rééducation. L’accompagnement des compétences émotionnelles apparait alors comme fondamental et doit s’inscrire dans un parcours de soin global. Néanmoins, les thérapeutes semblent actuellement manquer d’outils et de protocoles adaptés pour traiter la problématique des émotions avec ces enfants. Il convient alors de répondre à ces besoins et de concevoir ces types d’outils afin d’améliorer la qualité des prises en charge.

L’enjeu majeur de ce travail de recherche réside dans le fait d’élaborer un programme qui s’insère dans un parcours de soin global et dont les bénéfices pourraient se répercuter sur les différents domaines de la vie quotidienne (famille, école, etc). Il s’agit en effet de mettre au point un programme permettant aux enfants avec SPW d’augmenter leur niveau de connaissance sur le processus émotionnel et de renforcer leur niveau d’habileté, c’est-à-dire leur capacité à utiliser ces connaissances en situation émotionnelle. En définitive, il s’agit de favoriser le processus de théorisation des émotions chez ces enfants. Pour favoriser le transfert des acquisitions et leur mise en pratique dans la vie quotidienne, un certain nombre de conditions semblent requises à la lumière des programmes existants. Il convient en effet d’utiliser au maximum des tâches et exercices écologiques, d’englober

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l’ensemble des acteurs gravitant autour de l’enfant et de considérer l’ensemble des compétences émotionnelles.

L’objectif de ce projet de recherche (projet « EMOT ») est donc double : augmenter les connaissances sur le développement émotionnel des enfants avec SPW et tester auprès d’eux l’effet d’un programme d’intervention thérapeutique centré sur les compétences émotionnelles.

Le premier objectif fait l’objet d’une étude transversale intitulée « Étude des compétences émotionnelles chez des enfants avec SPW âgés de à ans ». Cette étude vise à évaluer le niveau des compétences émotionnelles (expression, reconnaissance, compréhension et régulation émotionnelle) auprès de enfants avec SPW âgés de à ans. Leur niveau est comparé à celui d’enfants au développement typique apparié d’une part sur l’âge chronologique, et d’autre part sur l’âge développemental. Une attention particulière est portée sur l’établissement de profils développementaux au regard des corrélats entre les différentes compétences.

Le second objectif fait l’objet d’une étude longitudinale intitulée « Étude de l’effet d’un programme d’intervention thérapeutique centré sur les émotions auprès d’enfants avec SPW : le programme EMOT ». Le programme EMOT a été élaboré dans l’optique d’aider les enfants avec SPW à améliorer leurs compétences émotionnelles. Le programme a été proposé par un des thérapeutes habituels des enfants et s’est établi sur six semaines. L’effet du programme est mesuré sur la base d’une comparaison entre l’évaluation pré-test (cf. étude transversale) et deux évaluations post-tests. Une attention particulière est portée sur l’évolution des compétences émotionnelles au travers des trois évaluations (robustesse) selon le profil développemental et mise en perspective avec le niveau de référence des enfants au développement typique de l’étude transversale.

L’ensemble des travaux de recherche sont présentés dans la partie suivante qui est divisée en trois chapitres. Chacun des chapitres est constitué d’une introduction qui permet de contextualiser et de définir précisément les objectifs, et d’une discussion qui permettra de faire le lien avec la théorie. Le chapitre vise à précisément rendre en compte des outils méthodologiques utilisés dans les deux études suivantes. La seconde partie de ce chapitre présente une description détaillée des enfants avec SPW qui ont constitué notre échantillon. L’étude transversale est présentée dans le chapitre , et l’étude longitudinale dans le chapitre . Ce manuscrit s’achèvera par une discussion générale permettant de faire des liens entre les différentes études et de les discuter à la lumière de la littérature, d’évoquer les limites et les points forts de ces travaux et enfin d’évoquer des pistes de réflexion pour des perspectives futures.

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PARTIE

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CHAPITRE 1

MÉTHODOLOGIE ET DESCRIPTION GÉNÉRALE

DE L’ÉCHANTILLON SPW

. INTRODUCTION

L’étude du développement des émotions suscite, nous l’avons vu, beaucoup d’intérêt. La méthodologie employée y est extrêmement variable, dépendante de la conception théorique de référence, mais également de l’âge des enfants constituant les échantillons.

Ce premier chapitre a pour objectif de rendre compte des outils utilisés dans les présents travaux de recherches, compte tenu de l’objectif principal qui est d’explorer le niveau des enfants avec SPW dans les quatre compétences émotionnelles retenues (l’expression, la reconnaissance, la compréhension et la régulation des émotions). Les outils pour évaluer les capacités de reconnaissance sont particulièrement nombreux, tandis que ceux pour évaluer les capacités d’expression des émotions sont presque inexistants. Aussi, certaines capacités ne sont évaluées que par des outils de type questionnaires, par exemple pour la régulation des émotions.

Dans les travaux de recherche qui suivent, il est question de créer une batterie d’évaluation complète des compétences émotionnelles, combinant à la fois des outils basés sur le point de vue d’un tiers (rendant compte d’un fonctionnement quotidien), et des outils basés sur l’observation directe de l’enfant. Par ailleurs, il est également question d’élaborer un programme d’intervention dont les outils utilisés sont différents de ceux utilisés en évaluation, mais sensiblement proches pour favoriser un transfert des acquisitions. Pour les mêmes raisons, l’enjeu est également d’avoir recours à des stimuli qui se réfèrent à des situations réalistes de la vie quotidienne. La première section de ce chapitre vise donc à présenter les formulaires et questionnaires utilisés pour rendre compte des caractéristiques détaillées de la population d’étude, ainsi que les outils utilisés dans la batterie d’évaluation des compétences émotionnelles et dans le programme d’intervention EMOT.

Une très forte variabilité inter-individuelle se manifeste au sein des populations présentant un trouble neurodéveloppemental. Ajouté à cela, le SPW amène à une atteinte pluridimensionnelle particulièrement importante. Il convient donc de considérer un certain nombre d’informations concernant les participants qui peuvent entrer en jeu dans la variabilité des profils existant. La seconde partie de ce chapitre vise donc à rendre compte de manière détaillée des caractéristiques de l’échantillon constituant nos travaux de recherche sur la base des données descriptives des participants.

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