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Les difficultés émotionnelles et sociales chez les personnes avec SPW restent encore aujourd’hui très peu documentées, alors que celles-ci sont omniprésentes au quotidien. Certains auteurs suggèrent que les troubles du comportement tiendraient leurs origines dans un déficit du traitement de l’information sociale et émotionnelle (localisation orbito-frontale), plutôt qu’un déficit exécutif à proprement parler (Koenig, Klin, & Schultz, ; Walley & Donaldson, ).

Sur les aspects sociaux, les individus avec SPW démontrent une faiblesse dans les capacités d’adaptation sociales. Cela se traduit par des comportements de retrait social (tendance à préférer les activités solitaires), des difficultés pour engager, maintenir ou réguler la relation et l’interaction, ou encore un manque d’empathie (Dimitropoulos, Ferranti, et al., ; Reddy & Pfeiffer, ; Rosner et al., ). Dans leur étude, Koening et coll ( ) concluent que les individus avec SPW ont des difficultés pour comprendre les autres et les situations sociales. Ils éprouvent une faiblesse marquée dans l’interprétation et l’utilisation des informations sociales, en particulier présentées visuellement. Dans le cadre d’une tâche d’attribution sociale, les auteurs montrent que les participants avec SPW n’utilisent que % des informations sociales pertinentes pour juger la situation. Autrement dit, il y a potentiellement % des éléments informationnels qui leur échappent. Associé au fait que ces personnes ont tendance à s’attacher aux détails, il est donc difficile pour eux de se faire une représentation globale de la situation rendant l’interprétation et l’inférence erronée ou complexe.

Ces difficultés s’expriment au-delà du déficit cognitif et semblent ainsi constituer une spécificité du SPW (Koenig et al., ; Reddy & Pfeiffer, ; Rosner et al., ). Il apparait que les difficultés de socialisation s’accentuent progressivement au cours de l’enfance, pour être particulièrement fréquentes à la période de l’adolescence. Ainsi Steinhausen ( ) montre une nette augmentation des comportements antisociaux dans le groupe des adolescents ( ans et plus) comparé aux deux groupes d’enfants ( - ans ; ans et moins). Dans la même veine, Glattard ( ) observe dans son

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échantillon de participants qu’aucun enfant du groupe des plus jeunes (i.e. groupe de ans ½ à ans ½ ) ne présente un score pathologique concernant les aspects de retrait social, tandis que % des enfants du groupe des plus âgés ( ans ½ à ans) atteignent le seuil.

Concernant les aspects émotionnels, le peu d’études menées montre que globalement les personnes avec SPW présentent un déficit marqué dans la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles. Comparées à la population typique, les personnes avec SPW reconnaissent globalement moins bien les émotions, et les résultats sont très variables selon le type d’émotion et la tâche (e.g. identification, appariement, dénomination, tri, etc). Elles conservent néanmoins le même profil que la population typique concernant les proportions de reconnaissance selon les types d’émotion. Ainsi, la joie (entre - % de bonnes réponses) est l’émotion la mieux reconnue, suivi de la colère (entre -

% de bonnes réponses) et de la tristesse (entre - % de bonnes réponses). La peur (entre – % de bonnes réponses), la surprise (entre – % de bonnes réponses) et le dégout (autour - % de bonnes réponses) sont les émotions généralement les moins bien reconnues (Debladis et al., submitted; Glattard, ; Whittington & Holland, ). Le déficit persiste au-delà du retard de développement cognitif, et ce, pour la majorité des émotions. Seule la peur est l’émotion pour laquelle les individus avec SPW obtiennent des taux de reconnaissance supérieurs à ceux des enfants typiques ayant un âge de développement comparable (Glattard, ). Aussi, Chevalère ( ) met en évidence un biais de positivité dans des tâches de jugement émotionnel d’image. En effet, peu importe la valence cible des images (positive, négative ou neutre), les participants avec SPW démontrent une tendance à les juger plus positives que les participants contrôles.

Glattard ( ) a également exploré les capacités des enfants avec SPW à attribuer une émotion en fonction du contexte de la situation (i.e. compréhension des émotions). À ce niveau également, les enfants avec SPW présentent un déficit marqué pour toutes les émotions. Les taux d’attribution sont tous inférieurs au niveau observé dans la population typique, même pour un âge de développement équivalent. Néanmoins, ils conservent un profil similaire à la population typique sur les proportions de bonnes réponses selon le type d’émotion (i.e. joie > tristesse > colère > peur > surprise). L’auteur a également exploré les justifications des enfants quant à leur choix d’attribution. Il apparait clairement que la majorité est focalisée sur des détails de la situation et ne formule pas de réelles inférences ( % des réponses correctes et % des réponses erronées). Ceci corrobore les résultats obtenus par Koenig et coll ( ).

Plus largement, sur le traitement des visages et des expressions faciales, les études mettent, là encore, en évidence un déficit chez les personnes avec SPW (Feldman & Dimitropoulos, ; Glattard, ; Halit, Grice, Bolton, & Johnson, ). Ainsi Feldman et Dimitropoulos ( ) observent dans leur étude que près de % de leurs participants avec SPW présentent un déficit limite ou sévère sur

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les tâches de discrimination faciale et d’appariement selon l’angle du visage et selon l’expression. Halit et coll. ( ) observe également des difficultés marquées chez les participants avec SPW (notamment avec délétion) sur les taches de détection du regard. Ils montrent que leur fonctionnement neuronal s’apparente à celui observé chez les personnes autistes. Enfin, Tager-Flusberg et coll. ( ) mettent en évidence que les personnes avec SPW éprouvent plus de difficultés pour reconnaitre les expressions faciales à partir de la zone des yeux que les personnes avec syndrome de Williams-Beuren (SW) ou au développement typique. Cette tendance est également constatée dans la très récente étude de Debladis et coll. (submitted), qui montre également une stratégie d’exploration faciale atypique chez les patients avec SPW. Ces derniers portent davantage leur intérêt sur la région de la bouche, et explorent moins la région des yeux (spécifiquement pour les disomies).

Enfin, il nous a semblé important de relater l’unique étude à notre connaissance qui a exploré les capacités perceptives visuelles et auditives chez les personnes avec SPW. Salles et coll. ( ) ont utilisé une tâche de discrimination vocale et une tâche de détection de stimuli présentés sous une forme soit unimodale, soit bimodale. Les auteurs montrent que les personnes avec SPW présentent un déficit spécifique dans la discrimination des voix humaines parmi des sons environnementaux. Par ailleurs, contrairement aux individus au développement typique, les personnes avec SPW ne semblent pas tirer profit de la présentation multimodale (i .e. visuel et auditif) des stimuli pour les détecter. Selon les auteurs, les personnes avec SPW ne seraient pas en mesure de faire converger les informations émanant des différents canaux.