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La prise en compte du niveau d’effort dans la détermination des primes

Les primes comme incitation à l’effort :des discours à la réalité

Section 2. La rémunération à la performance dans la fonction publique : un phénomène empiriquement marginal

2.1. La prise en compte du niveau d’effort dans la détermination des primes

Nous étudierons dans un premier temps les règles mises en place dans quelques administrations, relativement à la modulation des primes en fonction du niveau d’effort. Dans un second temps, nous étudierons l’efficacité incitative de ces primes.

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2.1.1. La modulation des primes en fonction du niveau d’effort dans quelques administrations

Certaines administrations ont introduit des primes permettant de récompenser les agents ayant fourni un effort important. Nous observerons en particulier les pratiques des administrations suivantes : le ministère de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale, la préfecture de Chambéry, la DDE d’Ille et Vilaine, la mairie de Rennes et le CHU de Rennes.

Le ministère de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale

La modulation indemnitaire est importante dans les administrations centrales du ministère de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale. Dans ce ministère, un montant moyen indemnitaire a été défini pour chaque grade ; ce montant est dénommé taux de référence budgétaire annuel (TRB). Ces taux, multipliés par les effectifs, servent au calcul des enveloppes indemnitaires63.

Les montants individuels doivent se situer entre un montant plancher et un montant plafond. Le montant plancher correspond à 80 % du TRB. Le montant plafond correspond à 120 % du TRB. Toutefois, il est possible d’attribuer un montant individuel, en dehors de ces limites, à concurrence de 20 % de l’effectif.

L’attribution individuelle d’une prime est déterminée en fonction de la manière de servir, appréciée notamment au regard de la qualité du travail fourni et de l’assiduité. L’entretien d’évaluation doit intervenir dans la détermination du montant de la prime. Dans une note de service relative aux règles de détermination des primes, il est en effet écrit : « une cohérence devra être recherchée entre les conclusions partagées de l’entretien d’évaluation annuel et le niveau indemnitaire de l’agent ». Par ailleurs, la note de service indique que « pour les agents dont le montant de l’attribution aura subi une diminution, ainsi que pour les agents dont le montant des primes est inférieur au montant plancher retenu pour le grade, le responsable hiérarchique, devra au cours d’un entretien motiver sa décision et la confirmer par écrit. Cette motivation pourra être fondée sur les négligences répétées dans le service, des erreurs aux conséquences graves, un comportement individuel préjudiciable au travail du

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groupe, même si ces fautes ne sont pas de nature à entraîner parallèlement une mesure disciplinaire ».

La modulation effectivement pratiquée apparaît importante, et cela pour toutes les catégories d’agents. En outre, on constate une tendance à la distribution de primes minorées.

Ainsi, pour les administrateurs civils, 46,7 % des effectifs ont une prime inférieure à 90 % du TRB, 63,4 % une prime inférieure à 95 % du TRB et 75,1 % ont une prime inférieure au taux de référence. En outre, si relativement peu d’administrateurs perçoivent une prime majorée, on constate toutefois que 13,3 % d’entre eux touchent une prime comprise entre 115 et 120 % du TRB. On trouve en fait peu de primes entre 100 et 110% du TRB. Pour les attachés, les gestionnaires semblent plus généreux. Toutefois, plus d’un quart des effectifs ne perçoit qu’une prime comprise entre 80 et 95 % du TRB, et 62,4 % ont une prime inférieure au taux de base. A l’opposé, on peut constater l’importance des effectifs touchant une prime supérieure à 120 % du TRB.

Pour les secrétaires et les adjoints administratifs, la répartition entre les différents taux est plus homogène : 51,7 % des secrétaires administratifs et 42,5 % des adjoints perçoivent une prime inférieure au taux de référence.

Les agents administratifs et les assistants techniques connaissent des taux de primes particulièrement faibles : 49,1 % des agents administratifs et 62,5 % des assistants techniques ont une prime inférieure à 85 % du TRB ; 89,5 % des agents administratifs et 75 % des assistants techniques ont une prime inférieure au taux de base.

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Tableau 12. Répartition des primes suivant les taux attribués et suivant les grades - Ministère de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale. Administration centrale Emploi

Administrateur Attaché Secrétaire administratif Adjoint administratif Agent administratif Assistant technique  80 % 0 1 5,3 6,4 7 12,5  80 % et  85 % 21,7 25,9 14,5 15 42,1 50  85 % et  90 % 25 12,2 9,2 9,4 17,5 0  90 % et  95 % 16,7 8,6 12,1 11,6 12,3 0 95 % et  100 % 11,7 14,7 10,6 6,9 10,5 12,5 100 % et 105 % 5 11,2 11,6 10,3 0 12,5  105 % et  110 % 1,7 5,6 8,7 9,9 1,7 12,5 110 % et  115 % 0 4,6 9,7 8,1 5,3 0  115 % et  120 % 13,3 5,6 6,3 5,1 1,7 0  120 % 5 10,7 12,1 17,2 1,7 0 TOTAL 100 100 100 100 100 100

Source : Ministère de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale. Rémunérations accessoires. Bilan social 2003.

La préfecture de Chambéry

Comme au ministère de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale, le régime indemnitaire des personnels de préfecture est défini par rapport à un taux de base, dénommé ici taux moyen d’objectifs (TMO)64 et les primes distribuées peuvent varier autour de ce taux de plus ou moins 20 %, en fonction de la valeur de l’agent. La préfecture de Savoie n’use toutefois pas de cette possibilité. Aussi bien les représentants syndicaux que la hiérarchie s’y opposent. En effet, récompenser un agent en lui majorant sa prime de 20 % par rapport au taux moyen implique nécessairement de sanctionner un autre agent en lui retirant 20 %. Or cette nécessaire complémentarité entre les majorations et les réductions de taux est jugée source de tensions et de conflits.

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Le TMO comprend l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, l’indemnité d’administration et de technicité et l’indemnité d’exercice de mission des préfectures.

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Si la préfecture de Chambéry ne module pas cette prime, elle a toutefois mis en place en 1997 une prime récompensant l’effort collectif. Le reliquat de fin d’année65 est en effet utilisé au titre des « contributions collectives » pour récompenser des équipes ayant dû faire face à des difficultés particulières ou à un surcroît d’activité momentané. Environ 50 agents en bénéficient chaque année, soit 25 % des agents du cadre national des préfectures.

Tableau 13. Répartition du reliquat à la préfecture de Chambéry en 200366

Nombre d’agents Motifs Par motifs Total Montant du reliquat

Compensation d’absences non remplacées 14

Renfort service du courrier 4

Préparation de la globalisation des crédits 7

Activités exceptionnelles 13

Contraintes liées à des dossiers spécifiques 6

Travail en équipe pour le contrôle de la légalité 5

49 16 276,6

Source : Document interne à la préfecture de Chambéry

Par ailleurs, les indemnités versées au titre du reliquat peuvent être modulées de manière individuelle. En effet, si leur taux moyen est uniforme quel que soit le thème retenu, chacun des chefs de service concerné peut moduler le montant de la prime allouée à chaque agent en fonction de son implication personnelle dans le thème retenu.

Chaque chef de service affecte en effet à chaque agent concerné par la prime un taux individuel de prime. En 2002, il existait 6 taux différents : le taux plein (égal à 1), le taux à 0,25, le taux à 0,33, le taux à 0,5, le taux à 1,25 et le taux à 1,5. Le taux plein était égal à 421,30 euros. Les primes s’échelonnaient ainsi de 105,32 à 631,95 euros.

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L’enveloppe destinée théoriquement au paiement des heures supplémentaires est peu utilisée dans la mesure où la direction des ressources humaines de la préfecture invite son personnel à récupérer les heures supplémentaires. Les crédits délégués au titre des heures supplémentaires, ainsi que les crédits non consommés au titre des spécificités et des commissions médicales, sont alors affectés à un reliquat de fin d’année.

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Tableau 14. Répartition des agents bénéficiaires de la prime de reliquat selon les taux attribués en 2002

Taux 0,25 0,33 0,5 1 1,25 1,5

Nombre d’agents 2 2 13 27 1 1

Source : Document interne à la préfecture de Chambéry

En 2003, les taux ont été quelque peu modifiés. En effet, les taux à 0,25 et 0,33 ont été supprimés, tandis qu’un nouveau taux est apparu : 0,75. En outre, le montant du taux plein a diminué, il est passé de 421,3 à 350 euros.

Ainsi, le montant minimum de la prime pouvant être alloué a augmenté mais l’éventail des taux de primes s’est resserré.

En 2003, le montant de la prime distribuée s’étageait de 175 euros à 525 euros. Lors du comité technique paritaire local du 9 décembre 2003, la responsable du service des moyens et de la logistique explique que la volonté manifestée par les membres du groupe de travail a été de répartir ce reliquat de manière ciblée plutôt que de le distribuer à tout le monde. Cette volonté croissante de cibler la prime est confirmée dans les chiffres. En effet, le montant moyen annuel de la prime distribuée augmente fortement depuis 1999.

Tableau 15. Montants moyens annuels de la prime de reliquat distribuée depuis 1997 (en euros)

Année 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Prime 381 257, 3 191 201, 3 218,9 318,4 332,2

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La DDE d’Ille et Vilaine

A la DDE d’Ille et Vilaine, le régime indemnitaire est composé pour le personnel technique d’une indemnité spécifique de service (ISS)67 et d’une prime de rendement68, et pour le personnel administratif de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) ou de l’indemnité d’administration et de technicité (IAT)69 suivant le grade considéré.

La prime de rendement est théoriquement modulable en fonction de l’importance du poste et de la qualité des services rendus. La prime effectivement allouée à un agent ne peut être supérieure au double du taux moyen fixé pour chaque grade. La fixation d’un taux moyen permet de déterminer une dotation globale (égale au taux moyen multiplié par les effectifs). Une dotation globale étant allouée a priori, une majoration de la prime de rendement pour un agent implique nécessairement une minoration de cette prime pour un autre agent. Concrètement, à la DDE d’Ille et Vilaine, la prime de rendement n’est pas modulée70.

Au sujet des autres indemnités, les critères de modulation des primes diffèrent suivant la catégorie concernée. En ce qui concerne la catégorie A, l’ISS et l’IFTS sont différenciées en fonction de la valeur de l’agent, des résultats obtenus, de l’implication personnelle dans différentes actions (participation à des groupes de travail nationaux ou locaux, formation, etc…) et du niveau du poste.

L’entretien d’évaluation, obligatoire dans la fonction publique depuis 2002, existe depuis une quinzaine d’années au ministère de l’Equipement. Il donne une base à la modulation dans la mesure où il délivre des informations sur l’effort accompli par l’individu dans le cadre de son travail (voir encadré). Toutefois, pour les catégories A, dans la répartition de la prime, l’effort individuel joue à la marge, le critère principal de différenciation étant le niveau d’emploi occupé71.

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L’indemnité spécifique de service est déterminée en fonction du grade, de l’implantation géographique, du temps de présence, du poste occupé et de la qualité des services rendus. Voir en annexe une présentation de cette indemnité.

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La prime de service et de rendement, allouée aux fonctionnaires techniques du ministère de l’équipement et du logement, a été instituée par le décret n° 72-18 du 5 janvier 1972.

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Cette indemnité a été présentée dans le chapitre 3. Section 2.

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Selon le responsable des ressources humaines de la DDE d’Ille et Vilaine, cela est vrai dans la plupart des services de l’équipement.

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