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3. Optimisation des trajectoires de déconstruction : approche statique

3.3. Prise en compte des incertitudes

La prise en compte des incertitudes inhérentes au problème de la déconstruction, nécessite la modification de l’ensemble des modalités des variables précédemment mentionnées. Dans le cadre du modèle que nous proposons, nous présentons la représentation et la spécification des incertitudes portant sur :

- l’état du système,

- les opérations de déconstruction,

- les options de valorisation et les actions qui leur sont associées.

Nous avons identifié dans le chapitre III l’origine de ces incertitudes avant de les caractériser. Nous abordons maintenant leur intégration et leur modélisation dans le cadre de la modélisation et de l’optimisation des trajectoires de déconstruction.

3.3.1. Incertitudes relatives à l’état d’un système

L’incertitude sur l’état des produits est prise en compte au niveau des variables « produit ». Celles-ci caractérisent alors les différents niveaux de dégradation de chaque constituant du système en fin de vie. L’impact de l’état d’un constituant sur les trajectoires est principalement le suivant : lorsqu’un élément est dans un état plus dégradé que la normale, certaines activités peuvent ne pas être réalisables.

Pour prendre en compte les différents états des constituants, l’ensemble des modalités de chaque variable « produit » est modifié. La modalité « na » (non activé) est gardée pour modéliser la logique de fonctionnement du processus. La modalité « a » (activé) de ces variables est ainsi remplacée par plusieurs autres caractérisant différents niveaux de dégradation.

Nous présentons les principes de modélisation de ces incertitudes et leur impact sur les trajectoires à partir d’un exemple ; les principes présentés peuvent facilement être adaptés à différentes situations. Sur la Figure IV.10, un produit pouvant être dans deux états de dégradation est modélisé par la variable « Produit_i ». Le paramétrage du nœud indique, lorsque celui-ci est activé, la probabilité pour que le produit soit dans un état « bon » ou dans un état « mauvais ». D’autres états peuvent ainsi être ajoutés suivant le contexte et le degré d’incertitude. Les causes de ces incertitudes peuvent être modélisées par des variables précédant la variable « produit » considérée. Les modes d’utilisation du système durant sa phase d’exploitation peuvent, par exemple, influencer l’état de ses constituants. Certaines opérations de déconstruction peuvent aussi présenter des risques de dégradation des constituants (opérations destructives notamment). Une des conséquences de l’état dégradé des produits est que certaines activités peuvent ne pas être possibles. L’exemple de la Figure IV.10 représente deux activités de valorisation sur un produit. L’activité de recyclage A(RM) est ici possible quel que soit l’état du produit contrairement à l’activité de réutilisation A(RU) qui n’est réalisable que si l’état du produit est « bon ». Les politiques de valorisation de chaque produit sont alors fonction de son état. On peut aussi modéliser un risque de non réalisation d’une action en fonction de l’état du produit en entrée.

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3.3.2. Incertitudes relatives aux opérations de déconstruction

Nous avons vu précédemment (cf. chapitre III) que l’on pouvait envisager différents modes de réalisation des opérations de déconstruction représentant les modalités des variables de type « activité ». Ces modes de réalisation peuvent être caractérisés par un certain nombre de paramètres. Dans le cadre de l’évaluation des trajectoires, on s’intéresse généralement plus particulièrement à la durée de réalisation de l’activité et aux ressources utilisées pour leur réalisation. Ce sont en effet les principales caractéristiques soumises à des incertitudes.

Pour une variable représentant une opération de déconstruction, on a par exemple les modalités suivantes :

- « n » : elle correspond à un mode de réalisation normal de l’opération c’est-à-dire que sa durée est celle de référence et la ressource utilisée est celle initialement prévue,

- « l » : il s’agit d’un mode lent c’est-à-dire que la durée de réalisation est plus longue que la durée de référence,

- « ab » : elle correspond à l’abandon de l’opération lorsque la durée de l’opération est trop importante ou que l’opération n’est pas réalisable,

- « nr » : l’opération n’est pas réalisée.

L’utilisateur peut ainsi envisager d’autres modes de réalisation suivant le même principe. Le changement d’une ressource pour la réalisation de l’opération peut correspondre à un autre mode de réalisation caractéristique. Il sera alors représenté par une autre modalité de la variable correspondante. Il n’existe pas de situation générique pour la spécification des incertitudes au niveau de chaque variable « activité ». Les variables représentant une opération de déconstruction peuvent en effet être conditionnées par d’autres variables différentes suivant l’environnement de l’opération. On peut cependant mettre en évidence trois situations courantes de paramétrage d’une variable A(𝑂𝑃𝑃)

modélisant une opération de déconstruction :

- évaluation directe : l’incertitude sur les modes de réalisation est fonction de facteurs non modélisés c’est-à-dire que la variable n’est pas conditionnée par une autre variable du modèle : l’utilisateur évaluera alors la probabilité P(A(𝑂𝑃−𝑃)),

- évaluation en fonction de l’état des produits : l’état du produit déconstruit au cours de l’opération va influencer l’incertitude sur les modes de réalisation ; la variable est alors conditionnée par la variable PE(𝑂𝑃−𝑃) modélisant le produit : la probabilité

P(A(𝑂𝑃−𝑃)/PE(𝑂𝑃−𝑃)) doit alors être évaluée,

- évaluation en fonction de la ressource utilisée : lorsque différentes ressources peuvent être utilisées pour une opération, elles peuvent influencer différemment la réalisation de l’opération : l’utilisateur doit évaluer P(A(𝑂𝑃𝑃)/RS(𝑂𝑃

−𝑃)) avec RS(𝑂𝑃−𝑃) modélisant les

ressources de l’activité A(𝑂𝑃𝑃).

Un exemple de modélisation de l’incertitude liée à la réalisation d’opérations sur un produit est donné sur la Figure IV.11. On a deux activités de désassemblage possibles sur un produit « Produit_i » ayant

Figure IV.10 – Modélisation des différents états d’un produit

A(RM)

A(RU)

= PS(RM) = PS(RU) =PE(RU)=PE(RM)

119 chacune deux modes de réalisation tels que ceux présentés précédemment. En mode normal « n », l’activité « démonter » a un coût cd1=-20 et l’activité « découper » a un coût cd2 =-10 (le temps de la première activité est supérieur à celui de la deuxième). Si l’on ne considère que ce mode de réalisation, il est préférable de choisir l’activité « découper » plutôt que l’activité « démonter ». Il existe cependant un risque que les deux activités aient des durées plus longues que prévue. Cette situation est caractérisée par les modes « lents » de chacune des activités ayant pour coûts cd1 =-50 et cd2 =-40. Etant données les différentes incertitudes sur les modes de réalisation des deux activités présentées sur les TPC du Tableau IV.5, l’exploitation du modèle (mécanismes d’inférence et d’optimisation que nous présentons dans la suite) donne un coût espéré de -23 pour l’activité « démonter » et de -25 pour l’activité « découper ». Il est donc préférable de sélectionner l’activité « démonter » pour minimiser les coûts de traitement du produit.

C(1) PE(1) A(1) n l nr 1 (démonter) a 0.9 0.1 0 2 (découper) a 0 0 1 1 (démonter) na 0 0 1 2 (découper) na 0 0 1 A(1) n l nr PS(1) -20 -50 0 C(2) PE(2) A(2) n l nr 1 (démonter) a 0 0 1 2 (découper) a 0.5 0.5 0 1 (démonter) na 0 0 1 2 (découper) na 0 0 1 A(2) n l nr PS(2) -10 -40 0

Tableau IV.5 – Spécification d’incertitude et évaluation d’activités de déconstruction

3.3.3. Incertitudes relatives aux actions de valorisation

Dans le cadre de l’évaluation d’une action de valorisation, on s’intéresse aux coûts de réalisation de l’activité, au revenu qu’elle peut générer mais aussi aux coûts liés à la gestion des stocks. Les incertitudes sur les actions de valorisation sont prises en compte au niveau des variables « activité » associées et des variables « contexte » modélisant la demande associée au produit valorisé.

Le principe de modélisation de ces activités est identique à celui appliqué aux activités modélisant les opérations de déconstruction. Une variable est ainsi associée à chaque activité avec différentes modalités correspondant aux modes de réalisation de l’activité. Deux modalités au minimum doivent être définies pour décrire le fonctionnement du processus indiquant si l’activité est réalisée ou non. On considère qu’une action de valorisation est réalisée lorsque le produit concerné (en flux d’entrée de l’activité) est effectivement pris en charge par la filière de valorisation. Dans ce cas, le flux de sortie de l’activité correspond aux revenus générés par la valorisation mais aussi aux coûts de l’activité (nettoyage, conditionnement, restauration, …). Dans le cas contraire, le produit est stocké et génère des coûts de stockage lorsque la demande issue de la filière de valorisation n’est pas immédiate.

Figure IV.11 – Exemple d’incertitudes sur des activités de déconstruction

A(1) A(2) =C(1)=C(2) PS(1) PS(2) A(1) A(2) =PE(1)= PE(2) =C(1)=C(2) PS(1) PS(2) =PE(1)= PE(2)

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D’autres états peuvent ensuite être ajoutés afin de prendre en compte différents modes de réalisation associés aux temps de réalisation de l’activité (i.e. temps avant l’enregistrement d’une demande). La modélisation de ces mécanismes est présentée sur la Figure IV.12. Elle représente une activité de valorisation d’un produit. Les deux modes de réalisation de l’activité sont proposés. Le mode normal « n » correspond au temps moyen de stockage et de réalisation de l’activité avant l’enregistrement d’une demande pour ce produit. Le mode « l » correspond à un temps de stockage plus long en raison de l’absence de demande pour le produit. La différence entre les revenus et les coûts induits par chaque mode de réalisation est modélisée au niveau du nœud d’utilité Rv. Les revenus générés par la réalisation de l’activité suivant le mode « l » sont plus faibles en raison des coûts de stockage plus élevés. L’utilisateur peut aussi disposer d’indicateurs pour estimer la demande en produit à un instant donné. Dans cette situation, l’incertitude sur le mode de réalisation de l’activité peut être diminuée. L’exemple modélisé sur la Figure IV.12(a) montre que lorsque l’utilisateur estime la demande comme étant « élevée », le mode de réalisation de l’activité est de type normal « n » avec cependant une probabilité de 0.1 d’être en mode «l». Le cas inverse (demande « faible ») est représenté sur la Figure IV.12(b).

Nous venons de présenter la modélisation des incertitudes pour les variables caractérisant les trajectoires (produits, opérations et actions de valorisation). L’un des avantages du modèle proposé est de pouvoir intégrer facilement d’autres variables afin de mieux représenter la connaissance (incertaine) de la trajectoire et adapter la modélisation à différentes situations.

Le modèle présenté permet de représenter et spécifier l’ensemble des trajectoires de déconstruction d’un système en fin de vie et les incertitudes associées. Le décideur doit en sélectionner une. Nous proposons pour cela à la suite une démarche d’optimisation.