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Les approches de modélisation et d’optimisation présentées dans le paragraphe précédent ne permettent pas de prendre en compte l’ensemble des incertitudes que nous avons mis en évidence dans le chapitre III. Sur la base de ce constat, nous proposons dans ce paragraphe un modèle de représentation et de spécification des trajectoires de déconstruction permettant dans la suite d’intégrer les différentes incertitudes inhérentes au domaine de la déconstruction.

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2.1. Trajectoire et processus

Les processus de déconstruction sont des processus industriels. Ils sont définis par un ensemble d’activités interactives coordonnées pour transformer progressivement des éléments d’entrée en éléments de sortie. Ces éléments peuvent être matériels ou immatériels. Dans le cadre de la déconstruction, une activité générique consiste à générer un certain nombre de produits (éléments de sortie) à partir d’un seul (élément d’entrée). Une autre activité générique concerne les actions de valorisation des produits de la déconstruction qui consistent à les traiter pour en tirer une valeur (prise en charge par une filière de recyclage).

Les trajectoires de déconstruction d’un système représentent la logique d’enchaînement de ces deux types d’activités suivant les flux de produits déconstruits. En ce sens, les trajectoires sont une représentation minimale d’un processus de déconstruction. Elles caractérisent en effet l’ossature des processus de déconstruction en identifiant d’une part les activités de déconstruction et les activités de valorisation et, d’autre part, en formalisant les relations logiques (précédence, parallélisme, …) entre celles-ci. D’autres niveaux de modélisation peuvent être ajoutés à cette ossature afin de spécifier, pour chaque activité :

- les ressources permettant sa réalisation,

- d’autres types d’entrée / sortie (préparation de l’activité, …), - les paramètres de contrôle de l’activité (politique de réalisation, …), - les perturbations et leurs effets sur ces activités.

D’autres activités telles que les opérations logistiques ou les tâches de préparation peuvent aussi être introduites pour décrire un processus de déconstruction.

2.2. Modélisation d’une activité

Dans l’objectif d’évaluer les processus industriels en présence d’incertitude, les réseaux bayésiens sont un outil adapté [Weber et Suhner, 03] [Godichaud et al. 08b]. Sur la Figure IV.2, une modélisation d’une activité, notée x et modélisée par la variable A(x), est représentée. On retrouve les quatre types de flux définissant une activité :

- les entrées qui sont transformées par l’activité (variable PEi(x), i=1,....nx),

- les sorties qui caractérisent le résultat (variable PSj(x), j = 1, ..., mx),

- les contrôles et les contraintes qui influencent la réalisation (variable C(x)), - les mécanismes et ressources qui permettent la réalisation (variable RS(x)).

Les variables utilisées pour modéliser une activité décrivent l’état des flux et la réalisation de l’activité. L’utilisateur peut introduire autant de variables qu’il y a de flux identifiés pour une activité donnée (lorsqu’il n’y a qu’une seule variable en entrée (resp. en sortie), nous n’utilisons pas les indices i (resp. j)). Les arcs caractérisent les interactions entre les flux et les activités. Ce type de modèle permet la prise en compte et la gestion de l’incertitude sur les états des variables ainsi que la caractérisation des causes et des effets des perturbations sur le processus.

109 A partir de cette représentation générique d’une activité, un exemple de modélisation d’une trajectoire de déconstruction par un réseau bayésien est présenté sur la Figure IV.3. On considère dans cet exemple la déconstruction d’un produit P. Le flux d’entrée PE(1) correspond au produit P à déconstruire. L’opération de déconstruction A(1) va générer à partir de celui-ci deux produits C1 et C2. Le produit C1 peut alors être recyclé par la réalisation de l’activité A(2). Deux activités sur le produit C2 sont possibles : un recyclage matière (activité A(3)) ou un recyclage fonctionnel (activité A(4)). Une seule activité doit cependant être sélectionnée. Une variable de contrôle C ayant comme modalité {3, 4} est intégrée au modèle sous forme de nœud de décision pour représenter la sélection qui doit être réalisée par le décideur (sélection de l’activité 3 ou 4).

Après avoir fixé la représentation graphique du modèle d’une trajectoire, le paramétrage des nœuds permet de spécifier l’enchaînement logique des activités.

2.3. Caractérisation des variables

L’ensemble des modalités d’une variable « activité » (A(x)) correspond aux différents modes de réalisation de l’activité (voir chapitre III). Dans le cas minimum, permettant de décrire l’enchaînement des activités du processus, deux modalités sont nécessaires :

Activité 1 : déconstruction P Activité 2 : recyclage matière C1 Activité 3 : recyclage matière C2 Activité 4 : recyclage fonctionnel C2 PE (1) (produit P) A(1)

A(2) A(3) A(4)

PS (1) = PE (2) (produit C1) PS(1)=PE(3)=PE(4) (produit C2) PS (2) PS (3) PS (4)

Figure IV.3 – Représentation d’une trajectoire de déconstruction par réseau bayésien

C=C(3)=C(4) Activité x Contrôles Ressources A(x) 𝑃𝐸1(𝑥) 𝑃𝑆1(𝑥) 𝑃𝑆𝑚𝑥(𝑥) C(x) RS(x)

Figure IV.2 – Représentation d’une activité par réseau bayésien 𝑃𝐸𝑛𝑥(𝑥)

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- « r » : l’activité est réalisée,

- « nr » : l’activité n’est pas réalisée.

Les variables « produit » (PEi(x), i=1,....nx, et PSj(x), j=1, ..., mx) permettent de modéliser l’état des

flux en entrée et en sortie d’une activité. Les principaux flux dans une trajectoire de déconstruction correspondent aux constituants d’un système en fin de vie (sous-ensembles et composants élémentaires). Pour décrire le déroulement d’une trajectoire, il est nécessaire de considérer au minimum deux modalités pour ces variables :

- « a » : le flux est activé c’est-à-dire que la condition de début de réalisation de l’activité modélisée par la variable est réalisée,

- « na » : le flux n’est pas activé.

D’autres conditions de réalisation d’une activité peuvent être prises en compte telles que la disponibilité d’une ressource (variable RS(x)), une politique de réalisation (décision de pilotage) ou encore des contraintes diverses. Dans ces différentes situations, le décideur peut introduire de nouvelles variables comme nous l’avons fait avec la variable C dans l’exemple de la Figure IV.3.

2.4. Spécification de l’enchaînement des activités

L’enchaînement des activités est spécifié au travers du paramétrage des différents nœuds. Le mécanisme de base à modéliser est caractérisé par la répétition des phases suivantes : activation des flux (obtention des produits) et réalisation des activités.

L’activation des flux est modélisée au travers de la relation entre les variables « activité » et les variables « produit » (flux de sortie). Si on considère une variable « activité » en relation avec une variable « produit », le mécanisme à modéliser est le suivant :

- lorsque l’activité n’est pas réalisée (variable prenant la modalité « nr »), le produit n’est pas généré (modalité « na » correspondant à la non activation),

- lorsque l’activité est réalisée (variable prenant la modalité « r »), le produit est généré (modalité « a »).

En l’absence d’incertitude, la modélisation de l’activation des flux est spécifiée au niveau des TPC des variables « produit » comme illustré sur le Tableau IV.1. Celui-ci se lit de la manière suivante :

- Pr(PS(x) = a / A(x) = r) = 1, c’est-à-dire que la variable « produit » prend la valeur « a » avec une probabilité égale à 1 lorsque la variable « activité » prend la modalité « r » (il s’agit ici d’un nœud déterministe),

- Pr(PS(x) = na / A(x) = nr) = 1, la variable « produit » prend la modalité « nr » avec une probabilité égale à 1 lorsque la variable « activité » prend la modalité « na ».

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A(x) PS(x)

a na

r 1 0

nr 0 1

Tableau IV.1 – TPC d’un nœud de type « produit »

Suivant un principe similaire, la réalisation des activités est caractérisée au niveau des TPC des variables « activité » en relation avec des variables « produit » (relation entre un flux d’entrée et une activité). Une activité ne peut être réalisée que si le produit à transformer est disponible. La modélisation de la réalisation d’une activité est spécifiée comme sur le Tableau IV.2 (sans incertitude).

PE(x) A(x)

r nr

a 1 0

na 0 1

Tableau IV.2. TPC d’un nœud de type « activité »

Sur la Figure IV.4, le lien entre les deux principes est représenté par un réseau bayésien modélisant ainsi le déroulement d’une opération de déconstruction (génération de deux produits à partir d’un seul). Cette représentation d’un réseau bayésien (issue du logiciel NETICA www.norsys.com) permet de mettre en évidence les résultats d’inférence au niveau de chaque nœud.

Nous avons vu sur l’exemple de la Figure IV.3 que dans le cadre de la représentation de trajectoires de déconstruction, la sélection des options de valorisation par le décideur était modélisée par des nœuds de décision. Ils sont placés en amont des variables « activité » (arcs allant du nœud de décision vers les nœuds représentant les variables « activité » concernées) pour caractériser le fait que les réalisations des activités sont conditionnées par leur sélection (décision). Le modèle de cette situation, dans le cas de deux activités A(x) et A(y), est présentée sur la Figure IV.5. Le nœud de décision C(x,y) caractérise la sélection de A(x) ou A(y) : la modalité x (respectivement y) indique la sélection de l’activité A(x) (respectivement A(y)). Nous avons ajouté une modalité « arrêt » pour caractériser la situation où le décideur peut ne pas débuter l’activité.

Nous avons décrit la situation où le décideur devait sélectionner A(x) ou A(y). D’autres situations peuvent aussi être modélisées. On rencontre couramment dans la représentation de processus des relations de type : relation de A(x) et A(y).

Figure IV.4 – Modélisation de la réalisation d’une activité

A(x) PE(x) PS1(x) PS2(x) A(x) PE(x) PS1(x) PS2(x)

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Nous venons de présenter un modèle de représentation des trajectoires de déconstruction reposant sur l’utilisation des réseaux bayésiens et des diagrammes d’influence. Nous avons montré comment ils permettaient de spécifier les relations logiques entre les activités d’une trajectoire. A partir de ce modèle, nous présentons à la suite comment intégrer les incertitudes et optimiser les trajectoires.