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III. A CCES AUX SOINS DES POPULATIONS VULNERABLES

III.3. La prise en charge des soins dentaires

La prise en charge des soins dentaires est un sujet récurrent d’analyses, de propositions de réforme depuis une quinzaine d’années et a fait l’objet de nombreux travaux notamment de la part des corps de contrôle de l’Assurance Maladie. Les principaux constats se recoupent, et insistent sur le trop faible niveau de rémunération des soins dits conservateurs, qui n’incite pas les chirurgiens-dentistes à les réaliser alors qu’ils bénéficient d’une liberté tarifaire sur les soins prothétiques qui, de ce fait, sont mal pris en charge.

Il faut ajouter à cela l’existence de soins utiles qui ne sont actuellement pas inscrits au panier de soins remboursables, situation que la CCAM a clairement mis à jour en décrivant l’ensemble des actes réalisables par les chirurgiens-dentistes. Ces actes sont donc désormais décrits et codés mais ne sont pas tarifés. Les professionnels sont libres d’en fixer les honoraires. Il s’agit, par exemple, des actes relatifs au traitement des maladies de la gencive (parodontologie) et de l’implantologie.

L’évolution des honoraires et des dépassements

Les honoraires des chirurgiens-dentistes s’élèvent à plus de 10 milliards d’euros en 2013, dont près de la moitié sont constitués de dépassements.

Depuis 2005, ces honoraires ont crû à un rythme d’environ 1,8 % par an (Figure 30). Si cette croissance est en partie liée à l’augmentation de l’activité du secteur, elle l’est encore plus à l’augmentation des tarifs des actes à entente directe. Ces derniers ont augmenté de 2,8 % par an sur l’ensemble de la période, contre 0,7 % pour les honoraires à tarifs réglementés.

Figure 30 - Évolution des honoraires des chirurgiens-dentistes de 2005 à 2014 - Base 100 en 2005

Au final, la collectivité ne prend en charge que le tiers des coûts liés aux soins dentaires, les organismes complémentaires en assurant 40 % et les ménages 27 %. Pour la population spécifique des ACS, la simulation de la Cnamts (Encadré 4) conduit même à un reste à charge de près de 50 % du coût total pour les soins prothétiques.

Ces restes à charge varient également en fonction de la localisation des chirurgiens-dentistes (Figure 31). En moyenne, sur les soins prothétiques, la part des tarifs à entente directe des dentistes libéraux est de 289% mais varie de 193% (La Réunion) à 406% (Paris). C’est en région parisienne, dans le Sud-est et en Alsace que les assurés auront à supporter les taux de dépassements les plus élevés.

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2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Honoraires à tarifs opposables tarifs à entente directe Total

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Figure 31 - Taux de dépassement sur les soins prothétiques des chirurgiens-dentistes libéraux en 2013 (Tous patients confondus)

Source : Cnamts

De fait, le reste à charge sur les soins dentaires, et tout particulièrement des soins prothétiques et de l’orthodontie (qui sont à l’origine de 96 % des dépassements), constitue une réelle source d’inégalité et pose clairement un problème d’accès pour les plus démunis, sachant qu’il existe une forte corrélation entre le niveau social et l’état bucco-dentaire. Ainsi, les enquêtes de santé en milieu scolaire de la Drees montrent qu’en 2006, 7,5% des enfants de cinq à six ans avaient au moins deux dents cariées non soignées (deux points de moins par rapport à 2000), mais avec de fortes inégalités sociales : moins de 2% des enfants de cadres, contre 11% des enfants d’ouvriers, et 17%

des enfants scolarisés en ZEP (6% pour ceux scolarisés hors ZEP).

L’importance des dépassements induit des renoncements aux soins parmi les personnes les plus défavorisées. D’après l’enquête ESPS de 2012, les soins dentaires sont en tête des soins auxquels les ménages renoncent pour des raisons financières (plus de 40 % des assurés sans complémentaire et 16 % des assurés qui bénéficient d’une complémentaire) (Figure 32).

Figure 32 – Taux de renoncement aux soins pour raisons financières

Selon le rapport parlementaire relatif à l’accès aux soins des plus démunis (2013), le renoncement aux soins pour raisons financières obéit à plusieurs facteurs souvent cumulatifs :

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 le coût du soin, son niveau de remboursement et le reste à charge d’une part ; dans toutes les études disponibles, l’absence de complémentaire santé étant un facteur majeur de renoncement aux soins ;

 d’autre part, la disponibilité financière du moment, en lien avec les ressources disponibles : pour les personnes ne bénéficiant pas du tiers payant, le coût des soins peut être insupportable spécialement quand il s’agit de soins coûteux comme les soins dentaires. Ces situations peuvent se traduire par le report des soins et/ou une négociation avec le praticien pour un encaissement différé ou le fractionnement de la facture.

Les évolutions récentes

En 2006, une revalorisation des soins conservateurs a été réalisée en modifiant l’assiette de la participation de l’Assurance Maladie aux cotisations sociales maladie des chirurgiens-dentistes pour la limiter aux seuls honoraires dont le tarif opposable est respecté. Cependant l’accord n’a pu être conclu qu’en supprimant le plafonnement des tarifs de prothèse mis en place dans la convention de 1997.

En 2014, la CCAM des actes bucco-dentaires a été mise en place, comme le préconisait également la Cour des Comptes. Elle permet désormais de disposer de la description détaillée et validée par la HAS de l’ensemble des actes réalisés par les chirurgiens-dentistes. Compte tenu du contexte financier contraint, cette mise en place s’est faite à panier de soins constant et s’est accompagnée d’une revalorisation des soins conservateurs d’environ 56 millions d’euros en montants remboursés (soit environ 81 millions en montants remboursables).

À cette occasion, un nouveau dispositif de prévention concernant les femmes enceintes qui présentent un risque carieux particulier a également été négocié et vient compléter le dispositif de prévention prévu pour les enfants ou adolescents de 6, 9, 12, 15 et 18 ans mis en place à partir de la fin des années 90. Un devis-type conventionnel a été également rendu obligatoire par la Convention compte tenu de l’obligation issue de la loi Fourcade d’août 2011.

Malgré ces éléments favorables à l’amélioration de la prise en charge, auxquels il faut ajouter la signature par l’Unocam des deux derniers accords avec la profession, la maîtrise des dépassements, la revalorisation des soins conservateurs et l’adaptation du panier des soins aux besoins nouveaux restent des sujets centraux pour améliorer l’accès aux soins dentaires.

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Proposition sur l’accès aux soins dentaires

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 Proposition 9 – Explorer dans la négociation conventionnelle avec les chirurgiens-dentistes une option permettant une modération des tarifs des soins prothétiques

Le constat de difficultés d’accès aux soins dentaires concerne surtout les soins prothétiques et orthodontiques soumis à entente directe.

Compte tenu du niveau des dépassements actuels, il n’est pas possible de procéder à une revalorisation de l’ensemble des soins conservateurs pour l’ensemble des chirurgiens-dentistes jusqu’à une hauteur suffisante pour rendre opposables les tarifs de soins prothétiques et orthodontiques.

Une voie d’amélioration de l’accès à ces soins a été cependant ouverte par l’accord national qui doit être conclu en juillet 2015 entre l’assurance maladie et les centres de santé. Afin de réduire le reste à charge des patients pour ces soins, cet accord prévoit une option conventionnelle innovante de maîtrise des dépassements des tarifs des actes de prothèses dentaires et d’orthopédie dento-faciale.

Les centres de santé pratiquent d’ores et déjà des taux de dépassement relativement maîtrisés sur ces actes, et l’objectif de cette mesure est de les encourager à s’engager davantage dans la modération de leurs tarifs, tout en favorisant la pratique de soins conservateurs dentaires pour limiter le recours trop précoce aux actes prothétiques. Ainsi, en adhérant à ce contrat, pour une durée de trois ans, le centre de santé dentaire pourra s’engager à maintenir ses tarifs et son taux de dépassement moyen constaté. En contrepartie, il bénéficiera d’une rémunération forfaitaire supplémentaire fondée sur le montant de ses honoraires pour les actes de soins conservateurs et chirurgicaux.

L’extension d’une option de ce type aux chirurgiens-dentistes libéraux sera à aborder dans le cadre de la prochaine négociation conventionnelle. Celle-ci a vocation à s’engager avant la fin du premier semestre 2016. La négociation devra également permettre de mettre en œuvre les tarifs sociaux introduits par l’article 20 du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

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IV. L

ES PRODUITS DE SANTE

:

DES EFFORTS A POURSUIVRE SUR L

EFFICIENCE DE LA