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IV.2. Des gains d’efficience qui restent à faire dans la prescription de produits de santé courants

IV.2.2. Des prescriptions non-conformes aux recommandations

La tendance française au report des prescriptions vers les médicaments récents non génériqués peut conduire à des prescriptions nouvelles qui ne répondent pas aux recommandations de bon usage.

Aussi, à l’inefficience économique est susceptible de s’ajouter une moindre qualité de la pratique. Au cours des dix dernières années, plusieurs exemples sont susceptibles d’illustrer ce phénomène notamment celui des anti-diabétiques oraux.

L’exemple du diabète : un marché dynamique avec de forts enjeux

Le traitement pharmacologique du diabète de type 1 repose sur l’administration par voie injectable d’insuline. Pour le diabète de type 2, la panoplie thérapeutique est beaucoup plus large, et la classe des antidiabétiques se caractérise par un rythme d’innovation qui est demeuré soutenu, avec la mise sur le marché de sept générations différentes de produits sur une période de 50 ans (tableau 1).

Les derniers produits commercialisés ont pour cible d’action l’incrétine, hormone naturellement secrétée par le tube digestif, qui augmente la secrétions d’insuline à la fin du repas. Il y a deux classes thérapeutiques: les inhibiteurs de la dipeptylpeptidase-4 (DDP4) et les agonistes du récepteurs du glucagon like peptides (GLP1). Ces deux classes ont bénéficié de prix et de cout de traitements très supérieurs aux traitements les plus anciens que sont les biguanides (metformine) et les sulfamides.

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Tableau 23 - Présentation de la classe des antidiabétiques (hors insuline)

Classe AMM Coût de

(1) Les couts de traitements mensuels sont issus de la fiche mémocouts des antidiabétiques de mars 2014.

http://www.ameli.fr/professionnels-de-sante/medecins/exercer-au-quotidien/aide-a-la-pratique-memos/les-memos-medico-economiques/antidiabetiques-en-monotherapie-hors-insuline_rhone.php

(2) Source : Médicam 2013, extrapolation tous régimes (3) Source : Medicam

Le montant remboursé des antidiabétiques de type 2 (hors insuline) est passé de 381,5 millions d’euros en 2008 à 631,5 millions d’euros en 2013, soit une augmentation de + 65,5%. Les deux médicaments de référence du diabète de type 2, metformine et sulfamide ont vu leur volume de remboursement global diminuer de - 6,8% sur cette même période, passant d’un montant remboursé de 206,4 millions d’euros en 2008 à 192,4 millions d’euros en 2013. À l’inverse, les montants remboursés de gliptines (seules ou en association) et d’analogues du GLP1 sont en augmentation, représentant en 2013 63,8% du montant total remboursé. Le coût de traitement journalier a en conséquence augmenté de plus de 30% en 5 ans.

Ce rythme d’arrivée de produits va se maintenir dans les années à venir avec l’obtention d’AMM pour de nouvelles molécules, de nouvelles indications ou de nouvelles formes galéniques.

Des recommandations qui positionnent les nouveaux produits, avec des ASMR IV ou V, en troisième intention

Pour le cas général, les recommandations accordent une place centrale à la metformine, les sulfamides hypoglycémiants et l’insuline. La metformine puis les sulfamides sont des traitements de première ligne. L’ajout d’insuline doit être envisagé dès que les traitements de 1ère ligne sont d’efficacité insuffisante.

A l’inverse, les médicaments agissant au niveau de l’incrétine, gliptine et agoniste GLP1, sont des médicaments de troisième intention, leur prescription n’est envisageable qu’en cas d’échec ou d’intolérance des thérapeutiques classiques.

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Une large fraction des prescriptions de gliptines et d’ AGLP1 non-conformes aux indications de l’AMM ou aux indications thérapeutiques remboursables

Le Tableau 24 récapitule, pour les gliptines, les indications de l’AMM et les indications thérapeutiques remboursables, c’est-à-dire celles pour lesquelles la HAS a considéré que le service médical rendu (SMR) était suffisant. Pour résumer :

 les gliptines ne sont pas prises en charge en monothérapie (SMR insuffisant) ;

 elles ne peuvent être prises en charge qu’en cas de : o bithérapie avec metformine ou sulfamide

o trithérapie associées à la metformine et à un sulfamide

o trithérapie associée à un traitement par metformine et insuline.

Tableau 24 – Récapitulatif des indications de l’AMM et des indications thérapeutiques remboursables (1)

Type de traitement Association avec ….. AMM ITR

Monothérapie oui non

Bithérapie

Metformine oui oui

Sulfamide oui oui

Insuline oui non

autre (glinide, inh α glucosidase,

AGLP1) non non

Trithérapie

metformine + sulfamide oui oui

metformine +insuline oui oui

sulfamide + insuline non non

autre (glinide, inh α glucosidase,

AGLP1) non non

Quadrithérapie ou plus

antidiabétiques oraux

(metformine, sulfamide, glinide, inh α glucosidase) ou injectables (insuline, AGLP1)

non non

(1) : les indications thérapeutiques remboursables sont celles pour lesquelles le médicament a obtenu un service médical rendu considéré comme suffisant par la HAS

Par rapport à ces recommandations, l’analyse des prescriptions (Tableau 25) montre qu’en 2013, les prescriptions étaient :

 hors AMM pour environ 163 000 patients (19,4%),

 hors ITR pour environ 66 000 patients (7,8%),

 soit 229 000 patients au total, soit 27,2% des prescriptions de gliptines.

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Tableau 25 – Nombre de patients traités et montants remboursés selon les situations de prescription des gliptines - 2013

metformine + gliptine 241 976 284 678 33,85% 38 615 526 136 290 093 24,72%

sulfamide+metformine + gliptine 204 570 240 671 28,62% 43 242 408 152 620 263 27,68%

Gliptine 46 350 54 529 6,48% 6 619 261 23 362 098 4,24%

sulfamide+ gliptine 39 870 46 906 5,58% 7 785 151 27 477 003 4,98%

metformine+ glinide+ gliptine 36 448 42 880 5,10% 7 489 354 26 433 012 4,79%

metformine+ gliptine+ insuline 33 846 39 819 4,73% 13 611 825 48 041 736 8,71%

sulfamide+ metformine + gliptine+ insuline 25 970 30 553 3,63% 10 422 272 36 784 488 6,67%

sulfamide+ metformine+ inh glucosidase+

gliptine

11 331 13 331 1,59% 3 119 904 11 011 428 2,00%

glinide+ gliptine 10 158 11 951 1,42% 1 895 398 6 689 640 1,21%

gliptine+ insuline 9 463 11 133 1,32% 3 646 221 12 869 016 2,33%

metformine+ glinide+ gliptine+ insuline 8 175 9 618 1,14% 3 271 982 11 548 170 2,09%

sulfamide+ gliptine+ insuline 5 599 6 587 0,78% 2 224 190 7 850 082 1,42%

Autres 41 076 48 325 5,75% 14 288 697 50 430 696 9,15%

Total 714 832 840 979 100,00% 156 232 188 551 407 722 100,00%

Grille de lecture : lignes mauves = hors AMM – lignes oranges = hors ITR

Source : Sniiram – Traitement Cnamts – Champ : régime général, y compris SLM, France entière -Patients diabétiques de type 2 (ayant eu au moins 3 délivrances d’antidiabétiques en ville hors insuline) -Classe ATC remboursée sur 4 mois

(septembre à décembre 2013), extrapolation tous régimes et à l’année entière

Les AGLP1, eux, n’ont pas d’AMM pour être utilisé en monothérapie. Les recommandations de bonne pratique de la HAS les présentent clairement comme des alternatives à l’insuline dans des cas particuliers (obésité IMC ≥ 30, risque hypoglycémique ou prise de poids sous insuline avérés et préoccupants). Ils doivent être prescrits uniquement en association avec les antidiabétiques de première intention que sont la metformine, les sulfamides ou l’insuline. Lors de l’instauration d’une insulinothérapie, le maintien d’un analogue GLP1 relève d’un avis spécialisé.

L’analyse faite sur le principal AGLP1 (Victoza®, qui domine largement le marché) montre pourtant (Tableau 26) qu’en 2013, environ 2 700 patients ont eu une prescription hors AMM (2,3%) et 46 000 une presription hors ITR (40,3%) : soit plus de quatre prescriptions sur dix non conformes à l’AMM ou à l’évaluation du service médical rendu par la HAS.

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Tableau 26 – Nombre de patients traités et montants remboursés selon les situations de prescription des AGLP1 (Victoza®) - 2013

Grille de lecture : lignes mauves = hors AMM – lignes oranges = hors ITR

Source : Sniiram – Traitement Cnamts – Champ : régime général, y compris SLM, France entière -Patients diabétiques de type 2 (ayant eu au moins 3 délivrances d’antidiabétiques en ville hors insuline) -Classe ATC remboursée sur 4 mois

(septembre à décembre 2013), extrapolation tous régimes et à l’année entière

Un enjeu de santé publique et un enjeu économique

L’enjeu principal est la pertinence des traitements et la qualité des soins aux patients diabétiques, en conformité avec les recommandations de la HAS. Mais l’enjeu économique est aussi important : pour mémoire, l’objectif de maîtrise médicalisée sur ce thème des antidiabétiques, qui s’inscrit dans l’ensemble des actions menées pour respecter l’ONDAM, est de 60 millions d’euros. Or l’économie qui serait générée par une prescription totalement conforme aux référentiels actuels serait de plus du double (Tableau 27).

Tableau 27 – Impact financier du respect de l’AMM, des ITR et des recommandations de bonne pratique pour les gliptines et les AGLP1 - 2013

Nature des traitements Référentiels Economie estimée

Gliptine en monothérapie Avis de Commission de la Transparence :

hors ITR (SMR insuffisant) 19,9 M€

AGLP1 en monothérapie AMM (hors AMM) 3,3 M€

Bithérapie gliptine + metformine Avis de la Commission de la Transparence

sur les gliptines (population cible) 65,3 M€ (56,6 M€ + 8,7 M€) Association gliptine + glinide AMM de la répaglinide et AMM des

gliptines 3,6 M€

Association gliptine + insuline RBP de la HAS de janvier 2013 50 M€

Total 142,1 M€

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De nouveaux enjeux peuvent par ailleurs être anticipés avec les médicaments qui arrivent sur le marché, AGLP1 avec injection hebdomadaire et gliflozines.

IV.2.3. Une recherche d’efficience nécessaire : l’exemple du traitement du