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1. L’APPROCHE DU PARCOURS DE VIE D’ELDER

1.2 Les cinq principes de l’approche du parcours de vie

Cinq principes orientent également l’analyse des parcours de vie individuels et sociaux selon cette approche elderienne. Ces principes guideront l’analyse du parcours de vie des personnes immigrantes qui sera réalisée pour ce mémoire en contribuant à la compréhension de l’ancrage et de l’ampleur des transitions et des points tournants. Ils ne seront donc pas au cœur de l’analyse, mais soutiendront la mise en relation des éléments entre eux.

1.2.1 Développement tout au long de la vie (Life-Span Development)

Le développement global d’une personne (biologique, psychologique et social) se déroule de sa conception à sa mort et est influencé par des expériences vécues lui faisant vivre des changements fondamentaux et entraînant des gains et des pertes (Elder et al., 2003; Sapin et al., 2007/2014). Pour comprendre le processus de développement, une perspective à long terme (passé-présent-futur) est utilisée (Elder et al., 2003; Fournier et al., 2016; Sapin et al., 2007). Selon Heinz, Huininck, Swader et Weymann (2009), « l’analyse des événements marquants et des transitions ne peut être restreinte à la situation présente où se produit l’événement et doit être resituée dans l’ensemble de la

24 Les noms des cinq principes traduits en français sont tirés de Sapinet al. (2007), alors que les termes anglophones proviennent d’Elder et al. (2003).

temporalité biographique de la personne » (cités dans Fournier et al., 2016, p.120). Ainsi, dans le présent mémoire, la temporalité biographique (passé, présent et futur) sera prise en compte lors des analyses, plus particulièrement pour les événements pouvant être resitués comme des points tournants.

1.2.2 Capacité d’agir (Agency)25

Ce principe « exprime la capacité des individus d’être acteur de leur vie, de ne pas subir passivement les influences du contexte social et des contraintes structurelles, mais au contraire, de faire des choix et d’accepter des compromis face aux alternatives qui s’offrent » (Sapin et al., 2007/2014, p.33-34). La capacité d’agir peut être variable selon les possibilités avant la migration et celles après la migration, qu’elles soient anticipées, perçues ou expérimentées réellement. Cette variation peut venir influencer les aspirations socioprofessionnelles, car elle nécessite une réactualisation de ce qui est perçu comme étant réalisable ou non dans le nouveau contexte socioculturel. Ainsi, dans le présent mémoire, les personnes immigrantes sont considérées comme des personnes qui ont la capacité d’être actrices de leur vie, et ce, même devant les obstacles qui peuvent parsemer leur parcours de vie. Cette mise en action dans le parcours de vie des personnes participantes de ce mémoire sera parfois soulignée.

25 Pour ce principe, plusieurs auteurs, dont Supeno (2013) ainsi que De Montigny Gauthier et De Montigny (2013) ont utilisé le terme « agentivité ». Le mot « intentionnalité » est également choisi, entre autres, par Sapin et al. (2007/2014) qui utilisent les appellations « capacité d’agir » et « intentionnalité ».

1.2.3 Insertion des vies dans un temps historique et un lieu (Time and Place)

Selon Elder et al. (2003), le parcours de vie des individus est ancré et façonné par les temps et les lieux historiques rencontrés. Selon ces derniers auteurs, ce principe important de cette approche est parfois omis lors de la présentation des principes. Un lieu est teinté de trois aspects : son emplacement géographique, sa culture et un investissement porteur de sens et de valeurs (Gieryn, 2000 dans Elder et al., 2003). Par exemple, le mariage d’une personne d’origine indienne ne sera pas vécu de la même manière par cette personne s’il se déroule en Inde ou au Québec ni s’il a lieu en 1980 ou en 2015. Ces différences sont notamment dues aux changements de la société, dont l’augmentation de l’âge moyen au premier mariage, qui serait relié, selon Dommaraju (2009), à la scolarité des femmes en Inde qui devient plus élevée au fil du temps. Dans cet exemple, le changement amène des modifications de valeurs et de mentalité. Les transitions ou les points tournants seront analysés en considérant le temps et le lieu où ils se sont déroulés.

1.2.4 Temporalité des événements de la vie (Timing)

Ce principe fait référence à l’impact d’une transition selon le moment où elle survient dans la vie d’une personne. Il arrive que deux sphères de vie entrent en conflit, entre autres lorsque des occasions s’offrent ou arrivent en même temps, mais qu’elles semblent contradictoires (ex. : un nouveau poste de cadre et une grossesse). Dans un tel cas, l’individu se retrouve devant un dilemme et il doit prendre une décision que Sapin et al. (2007/2014) nomment comme étant la sélection de ce qui semble être « le moindre

mal » (p.122) et comme n’étant pas réellement un choix. Par exemple, une personne qui arrive au Québec au moment de débuter ses études post-secondaires vivrait certes une transition, mais elle vivrait sa transition dans une temporalité commune à plusieurs autres personnes étudiantes de son programme. Une personne qui vivrait ces mêmes études pendant son parcours migratoire pourrait trouver cela plus difficile puisqu’elle vivrait possiblement cette transition dans une temporalité différant de celle des autres. Elle pourrait également vivre des difficultés à faire reconnaître les études effectuées dans son pays d’origine et devrait peut-être recommencer ce qui a déjà été fait. La transition de la première personne suivrait celle des autres étudiants commençant leurs études dans un nouveau programme aussi et se créant de nouvelles relations, même si d’autres variantes seront présentes et nécessiteront aussi des adaptations (ex. : normes sociales du lieu d’accueil). Au cours de l’analyse des résultats, si une transition ou un point tournant survient à un moment particulier qui pourrait avoir un impact supérieur dans la vie d’une personne que si la temporalité avait été différente, cela sera souligné.

1.2.5 Vies liées (Linked Lives)

Pour analyser les parcours de vie des personnes immigrantes, la conception d’Elder et al. (2003) voulant que les vies soient liées sera retenue. « Chaque individu est intégré dans un réseau social comprenant de multiples relations » (Gherghel, 2013, p.46). Les vies des gens de ce réseau étant interdépendantes, le parcours de l’un influence le parcours de l’autre (De Montigny Gauthier et De Montigny, 2014; Elder et al., 2003; Gherghel, 2013; Sapin et al., 2007). Donc, les décisions des proches d’un individu ont

des répercussions, positives ou négatives, sur celui-ci, pouvant aller jusqu’à entraîner une transition ou un point-tournant (Elder et al., 2003). Par exemple, des personnes d’âge adulte peuvent décider d’immigrer au Québec pour permettre à leurs enfants d’avoir de meilleures conditions de vie. Leur parcours de vie aura donc un impact sur celui de leurs enfants, mais également sur celle des membres de leur famille restés dans leur pays d’origine, si tel est le cas. À certains moments dans la section des résultats, la présence ou l’absence d’une personne ayant eu une influence sur la décision d’une personne participante ou sur le déroulement du parcours migratoire sera mentionnée.