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1. LES POINTS TOURNANTS ET LES TRANSITIONS

1.2 Nicolas, 35 ans, Europe de l’Ouest

Nicolas est né en Europe de l’Ouest. Dès l’âge de 12 ans, Nicolas a un intérêt pour les voyages et il a envie de venir en Amérique, stimulé par les cours de géographie et les beaux paysages. Il a envie de voir ce qu’il y a de l’autre côté de l’océan Atlantique et plus particulièrement le Québec. En 2009, un ami revient du Québec après y avoir travaillé et dit à Nicolas que c’est à son tour d’y aller. C’est l’élément déclencheur qui amène Nicolas à songer à cette idée. À ce moment, Nicolas est près de la fin de ses études en ostéopathie qui est prévue en septembre, soit quelques mois plus tard. Celle-ci aurait déjà entraîné un changement (transition entre les études et l’entrée sur le marché du travail). Finalement, avec la décision de Nicolas en juin de venir habiter au Québec après ses études, ce moment transitoire peut être considéré comme un point tournant, car il provoque un changement substantiel dans la vie de Nicolas.

Nicolas commence immédiatement à faire des démarches pour trouver un emploi. Il fait sa première visite au Canada au mois d’août avec un ami ostéopathe qui partageait son projet à ce moment-là, pour rencontrer des employeurs potentiels. À son arrivée à Montréal, il vit un grand stress lorsque personne ne peut lui répondre sur la manière de rendre dans les Laurentides. Finalement, il réussit à s’y rendre et la réalisation de cette étape de son projet se déroule très bien pour lui :

[Ça] a été marquant. Parce que pour moi, j’avais jamais traversé l’océan Atlantique. Je connais l’Europe, mais moi, l’Amérique, je savais pas ce que c’était. Puis je sais pas si vous savez, mais nous, en Europe,

l’Amérique, c’est grandiose, c’est… C’est les grands espaces. Tous les colons qui sont venus ici, il faut voir ça. Puis dès que je débarque sur le sol… c’est magique. C’est traverser l’Océan Atlantique. Parce que c’est grand, l’Océan Atlantique. C’est quand même 6 000 kilomètres. […] C’était assez, significatif, puis un rêve, de voyager (Nicolas)

La réaction des gens autour de lui en lien avec sa décision est difficile : ses parents sont tristes, mais lui disent de faire ce qu’il pense qu’il doit faire, et ses amis lui reprochent de renier son pays d’origine. Il est content d’obtenir rapidement son visa pour venir travailler au Québec au mois d’octobre, soit moins de six mois après le début de son parcours migratoire et presque immédiatement après la fin de ses études. Il souligne dans l’entrevue qui lui arrive de se demander s’il aurait annulé son projet d’immigration si le délai avait été plus long puisqu’il aurait pu être influencé par les commentaires de sa famille. La famille est très importante pour lui. Cette temporalité des événements dans la vie de Nicolas lui a donc évité de prendre une décision non souhaitée due à la tension qu’il aurait vécue entre deux sphères de sa vie, soit sa famille et son immigration au Canada.

Contrairement à son projet initial, Nicolas vient seul au Québec, car son ami n’est pas venu. À son arrivée, le couple chez qui il loge vient le chercher à l’aéroport. Il commence son emploi d’ostéopathe rapidement dans une clinique, mais il trouve qu’il travaille trop d’heures dans une semaine et que cette situation est partagée par beaucoup de personnes immigrantes. Il explique cela par le fait que les patrons sont conscients que

les personnes ayant un visa de travail dépendent d’eux et que certains employeurs en profitent.

Tranquillement, les choses se développent dans sa vie au Québec, une transition à la fois : son ami avec lequel il avait visité en 2009 vient le rejoindre après une rupture avec sa conjointe; en 2012, Nicolas rencontre son amoureuse actuelle; ensemble, ils choisissent une nouvelle région pour aller habiter en 2013, région qui correspond davantage à ce qu’ils recherchent, après avoir trouvé un nouvel employeur. L’obtention de la résidence permanente en 2013 semble être le point tournant permettant de clore son parcours migratoire. Cependant, lorsqu’il arrive quelque chose d’important à un des membres de sa famille toujours en Europe, il trouve cela difficile d’être loin de celle-ci. Néanmoins, il se dit content d’habiter ici et ne voudrait pas partir :

Je suis très content. Mais là, actuellement, il y a eu des événements dernièrement qui font que j’ai beaucoup de choses qui sont un peu remises en question. [...] Des décès : mon grand-père, tout ça. Papi puis ma tante, puis… Puis quand je suis ici, je me dis : « Ah! Je peux prendre un avion en deux secondes, il y a plein d’avions. » Puis le jour où ma tante est décédée, bien j’ai dit : « Je vais prendre l’avion, je rentre. » Puis finalement, il y avait pas d’avion avant trois jours. Il y avait plus de place dans les vols. Donc là, je me suis beaucoup posé trop de questions. (Nicolas)

Dans le récit de Nicolas, la décision de venir au Québec en juin 2009 semble être le premier point tournant du parcours migratoire, qui est d’ailleurs également le début de celui-ci. C’est cette décision, après avoir pensé à l’ensemble de ses sphères de vie, dont sa situation amoureuse, qui a déclenché les démarches de recherche d’emploi, le voyage au mois d’août pour rencontrer les employeurs potentiels, et le départ au mois d’octobre après la fin de ses études en septembre. Puisque les changements avaient été préparés et planifiés avant son immigration, celle-ci semble davantage être une transition où le changement survient, surtout que les choses se sont majoritairement passées comme prévu, donc aucun choc ou déstabilisation ne semble avoir été vécu. Il y a tout de même eu des situations dans lesquelles Nicolas a dû utiliser des stratégies pour s’adapter, telles que les conditions de travail dans la première clinique. Des transitions dans différentes sphères de sa vie sont survenues, puis l’obtention de sa résidence permanente en 2013 qui le rendait plus indépendant d’un employeur a semblé être le point tournant final de son parcours migratoire. Il était à ce moment-là en couple, avec un travail d’ostéopathe et entouré d’un réseau social, dont son ami d’Europe. Au moment de l’entrevue, cinq années plus tard, Nicolas avait la même conjointe, habitait dans la région qu’il souhaitait et y avait un emploi d’ostéopathe.