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2.5 La chirurgie partielle horizontale

2.5.2 Les laryngectomies partielles supracricoïdiennes (LPSC)

2.5.2.1 Principes chirurgicaux

La laryngectomie supracricoïdienne avec crico-hyoïdo-épiglotto-pexie (CHEP). Cette intervention proposée par Majer en 1959 et généralisée en France par Piquet en 1974 est, dans la plupart des cas, réalisée dans les cancers du plan glottique d’in- dication difficile (T2/T3). Il s’agit de tumeurs du pli vocal avec envahissement de la commissure antérieure et/ou du ventricule, du cartilage thyroïde, dans lesquelles une diminution de la mobilité du pli vocal est constatée voire une fixité totale de ce pli vocal. Le cartilage aryténoïde doit, toutefois, rester mobile. Elle consiste en l’ablation totale du cartilage thyroïde, des deux plis vocaux, des deux plis ventriculaires, avec conservation d’un ou des deux cartilages aryténoïdes. La particularité de cette inter- vention réside dans la conservation d’une partie de l’épiglotte (cf. figure 2.7). Du point de vue de la suture, la trachée est remontée du fait que le cricoïde est rattaché à l’os hyoïde et à la portion de l’épiglotte restante. Cette reconstruction permet la fixation de l’épiglotte pour éviter sa bascule en arrière. La phonation réside dans la mise en vibration d’une néoglotte. Néanmoins, la qualité de la phonation peut être très alté- rée à cause de l’affrontement frontal ou latéral de l’aryténoïde conservé, avec la face postérieure de l’épiglotte.

2.5. La chirurgie partielle horizontale 45

Figure 2.7 – Laryngectomie supracricoïdienne avec crico-hyoïdo-epiglotto-pexie (d’après Lefebvre & Chevalier 2005).

La laryngectomie supracricoïdienne avec crico-hyoïdo-pexie (CHP). Cette chi-

rurgie, réalisée par Labayle dès 1970, concerne les cancers du vestibule laryngé trop importants pour bénéficier d’une laryngectomie horizontale supraglottique. Elle est une alternative à la laryngectomie totale dans des cas particuliers de cancers supraglot- tiques et transglottiques de type T3 avec atteinte du ventricule, du plan glottique et/ou de la mobilité du pli vocal. Cette intervention, proche de la CHEP, requiert l’ablation totale de l’épiglotte (cf. figure 2.8). Selon l’infiltration tumorale, un cartilage aryté- noïde peut être reséqué. Au niveau de la reconstruction, nous pouvons constater la remontée de la trachée par rattachement du cricoïde à l’os hyoïde. Celle-ci a pour vo- lonté de permettre l’affrontement de la muqueuse de la langue avec celle du cartilage aryténoïde afin de conserver une fonction phonatoire.

Figure 2.8 – Laryngectomie supracricoïdienne avec crico-hyoïdo-pexie (d’après Lefebvre & Chevalier 2005).

2.5.2.2 Conséquences sur la phonation

Les études acoustiques et perceptives de la voix après LPSC sont peu nombreuses. Sur le plan perceptif, les auteurs font état d’une voix rauque, soufflée et serrée. D’un point de vue acoustique, ces recherches démontrent une forte perturbation de l’en-

semble des paramètres, à savoir la F0, le jitter, le shimmer ou le HNR, entre autres

(Pech & al. 1988, Laccourreye & al. 1995, Crevier Buchman & al. 1995, Crevier Buch- man & al. 1998, Crevier Buchman & al. 2001, Crevier Buchman & al. 2002, Crevier Buchman & al. 2003, Crevier Buchman 1999, Makeieff & al. 2005, 2007). Les tra- vaux les plus complets concernant la voix et la parole après LPSC-CHEP sont ceux réalisés par Crevier Buchman. Dans sa thèse de 1999 portant sur une étude longitudi- nale de 20 patients traités par CHEP, celle-ci met en évidence les points suivants : sur le plan perceptif, l’échelle GRBAS n’est pas adaptée à l’analyse de ce type de voix de substitution. Le voisement, la sonie, la hauteur, la mélodie et le débit seraient des paramètres pertinents à prendre en compte. Sur le plan acoustique, la voix après LPSC- CHEP reste très instable tant en fréquence qu’en amplitude. L’auteur met également

l’accent sur les problèmes de détection de la F0 par les différents logiciels d’analyse

vocale. Sur le plan articulatoire, Crevier Buchman précise que ces patients privilégient le lieu d’articulation des consonnes au détriment du trait de voisement. Ainsi, un dévoi- sement des consonnes voisées au profit de leurs correspondantes non voisées (même lieu et mode d’articulation) est réalisé. Les confusions de lieu concernent essentielle- ment les consonnes palato-vélaires au profit des consonnes alvéolaires (par exemple, la consonne [k] est perçue [t]). L’auteur ne note toutefois aucune confusion sur le mode d’articulation (occlusive vs. fricative) et sur le trait de nasalité. Sur le plan aérodyna- mique, le seul paramètre pris en compte est le temps maximal de phonation (TMP). Celui ci semble être fortement perturbé en période post-opératoire. En 2003, dans sa thèse portant sur l’étude de quelques paramètres aérodynamiques, Hans a mis en lu- mière que la pression intra-orale (PIO) de ces patients était statistiquement plus élevée que celle de patients traités par cordectomie ou laryngectomie fronto-latérale. Makeieff & al. (2005) établissent une corrélation entre des mesures acoustiques/aérodynamiques et des notes perceptives chez 61 patients traités par LPSC-CHEP. Ceux-ci concluent que la majorité des patients étaient classés G3 ou G4, indice d’une dysphonie sévère. En outre, les auteurs précisent que les paramètres du jitter, du shimmer, de la PSGE, du HNR et du débit d’air oral sont corrélés aux différents grades perceptifs de dys- phonies. Dans une étude de 2007 sur 25 patients traités par LPSC-CHP, Makeieff & al. insistent principalement sur l’intérêt de coupler aux analyses acoustiques des ana- lyses morphologiques et laryngoscopiques. Ce type d’analyse permet de visualiser les mouvements ainsi que les occlusions de la néoglotte. Ainsi, les phénomènes de com- pensation peuvent être mis en lumière et l’image vidéolaryngoscopique peut servir d’explication aux altérations des divers paramètres acoustiques (Pech & al. 1988, Ar- noux Sindt 1992, Crevier Buchman 1999). De plus, d’un point de vue prosodique, Wallet (2007) a démontré que les patients traités par LPSC-CHEP/CHP avaient des modulations aléatoires dans la production de phrases interrogatives et déclaratives du

2.6. Conclusion 47

vue acoustique, la focalisation n’a jamais été réalisée correctement par ce groupe de patients. L’auteur relève également une hausse de l’intensité par rapport à la cohorte

des sujets contrôles, signe d’une compensation éventuelle des irrégularités de F0.

2.6

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons pu mettre en évidence et décrire quelques unes des chirurgies partielles laryngées disponibles dans le traitement des cancers du larynx. La taille, la localisation et l’extension de la tumeur sont des indices dans le choix de la meilleure chirurgie à adopter. Néanmoins, aujourd’hui, le concept de préser- vation d’organes reste une priorité pour les praticiens afin de conserver intactes les trois principales fonctions laryngées : la respiration, la déglutition et la phonation. En conséquence, nous avons vu que les chirurgies partielles étaient de bonnes alternatives aux laryngectomies totales. Les laryngectomies partielles se divisent en deux groupes distincts : les chirurgies verticales (qui concernent un hémilarynx) et les chirurgies horizontales (qui concernent un étage ou plus du larynx). Chacune de ces interven- tions doit être choisie selon des principes et indications particulières et requiert une technique chirurgicale complexe. Du point de vue des conséquences sur la voix, nous avons pu noter que plus la résection était importante et plus les caractéristiques de la voix (acoustiques, perceptifs, aérodynamiques et prosodiques) étaient perturbées. Les paramètres de la voix et de la parole après laryngectomie partielle verticale (en par- ticulier la cordectomie par voie externe et la laryngectomie frontolatérale), bien que perturbés par rapport à des populations témoins, restent bien meilleurs que leurs cor- respondantes après laryngectomie horizontale (en particulier les laryngectomies par- tielles supracricoïdiennes). Mais qu’en est il réellement pour le type de chirurgie dont il est question ici, la cordectomie par voie endoscopique au laser CO2 ?

En résumé...

L’ablation tumorale complète associée au principe de conservation d’organes sont au coeur des préoccupations des chirurgiens.

Nous relevons trois types de chirurgies conservatrices laryngées : la chirurgie partielle verticale du plan glottique, la chirurgie partielle horizontale supraglottique et la chirurgie partielle horizontale supracricoïdienne.

Les études sur les résultats fonctionnels montrent une altération des paramètres pho- nétiques proportionnelle à l’étendue de l’exérèse.

Chapitre

Chapitre

3

La cordectomie laser : ap-

proche multiparam´etrique

"Ce qui est dans la parole est dans le silence." – Proverbe berbère

R´esum´e

Ce chapitre est une description des différentes cordectomies laser. Nous présen- tons une revue de la littérature qui met en évidence les résultats fonctionnels après chirurgie, et surtout qui insiste sur la dimension multiparamétrique des approches scientifiques. C’est à partir des années 70 que la cordectomie laser fut introduite pour les tumeurs limitées au pli vocal (Strong 1975, Brasnu & al. 2005). Celle- ci connut un essor du fait de ses nombreux avantages : diminution de la durée d’hospitalisation, de la morbidité et des coûts médico-économiques par rapport aux chirurgies par voie externe. Nous présentons cinq types de cordetomies laser qui sont classées en fonction de l’étendue de l’exérèse. La plus simple emporte uniquement l’épithélium et la plus complexe va jusqu’à la résection du pli vocal dans son ensemble ainsi que certaines structures adjacentes. Le développement ré- cent de ces chirurgies a vu émerger un certain nombre de recherches portant sur la qualité vocale en postopératoire. Après avoir évoqué ces différents travaux, nous avons souligné que l’hétérogénéité des populations étudiées, la diversité des seuils de normalité adoptés ou la différence entre les logiciels utilisés, ainsi que la di- vergence des méthodologies (matériels de prises de données et corpus constitués) rendent les comparaisons transversales difficiles. Néanmoins, les différents auteurs s’accordent quant à l’importance d’effectuer des analyses multiparamétriques afin de mieux comprendre le comportement laryngé de ces patients : analyses percep- tives, analyses acoustiques, mesures aérodynamiques et morphologiques.

3.1

Introduction

Le concept d’exérèse des tumeurs laryngées par voie endoscopique est ancien. Avant même l’apparition du laser, les chirurgiens pratiquaient ce type d’intervention. C’est à partir des années 70 que la cordectomie par voie endoscopique au laser CO2 fut introduite pour les tumeurs limitées au pli vocal (Strong 1975, Brasnu & al. 2005). Ac- tuellement, cette chirurgie connait un essor du fait de ses nombreux avantages : dimi- nution de la durée d’hospitalisation, de la morbidité et des coûts médico-économiques. En outre, de récents travaux rapportant des résultats oncologiques et vocaux positifs plaident en faveur de l’exérèse par voie endoscopique au laser. Cette chirurgie attestée pour les états précancéreux, les carcinomes in-situ et les tumeurs T1 (cf. classification TNM exposée dans le chapitre 2) se développe de plus en plus pour certaines tumeurs classées T2 ou T3. Cette technique permet une récupération fonctionnelle rapide mais les résultats sur la phonation dépendent largement de l’étendue de l’exérèse. Le but principal de ce chapitre est, d’une part, de décrire les principes chirurgicaux corres- pondant aux différentes cordectomies laser et d’autre part, de faire une revue de la littérature détaillée des divers articles impliquant les résultats fonctionnels sur la voix. Finalement, nous ferons un rappel des principales mesures acoustiques, perceptives, aérodynamiques et morphologiques utilisées dans les études présentées.

3.2

Principes chirurgicaux

De manière générale, nous distinguons plusieurs types de cordectomies par voie endoscopique au laser CO2, la plus simple emportant uniquement l’épithélium et la plus complexe reséquant l’ensemble du pli vocal. La Société Européenne de Laryn- gologie propose en 2000 une classification de ces différentes interventions que nous exposons ci-dessous (Remacle & al. 2000) :