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5.5 Etude n°3 : l’intensité intrinsèque et le shimmer sur des voyelles tenues

5.5.2.1 L’intensité

La figure 5.20 met en évidence les différences inter-groupes pour le paramètre de l’intensité pour les trois voyelles étudiées. Visuellement nous remarquons que les intensités moyennes des patients sont légèrement plus hautes que celles des témoins pour chacune des voyelles.

Intensité (en dB) 0 20 40 60 80 100 A I U Voyelles témoins patients

Figure 5.20 – Valeurs moyennes de l’intensité (en dB) des voyelles [a], [i], [u] des témoins et des patients (les barres d’erreurs représentent les écarts-types) (n = 60).

Afin de déterminer si les intensités moyennes des patients sont significativement différentes de celles des témoins, nous avons conduit une série de tests-t non appa- riés sur les données issues de la production de nos trois voyelles stables. Le tableau 5.20 met en évidence les résultats de cette expérience pour le paramètre de l’intensité moyenne :

5.5. Etude n°3 : l’intensit´e intrins`eque et le shimmer sur des voyelles tenues isol´ees 149 ¯ x s t(18) p [a] témoins patients 62.20 68.4 2.5 4.1 4.12 .0007 [i] témoins patients 59.65 66.2 5.12 5.4 2.78 .0122 [u] témoins patients 59.90 66.67 4.72 5.84 2.85 .0106

Table 5.20 – Résultats des tests-t non appariés conduits sur les valeurs de l’inten- sité (en dB) des voyelles [a], [i] et [u] (¯x représente la moyenne arithmétique de l’échantillon, s l’écart-type non biaisé, t(18)la valeur du test de Student pour un

degré de liberté égal à 18 et p la probabilité) (n = 60).

Nous remarquons que pour nos deux populations les valeurs moyennes de l’inten- sité de la voyelle basse [a] sont plus élevées que celles des voyelles hautes [i] et [u]. Ainsi, cet ordre caractéristique peut être résumé de cette manière : I[a]>I[i,u]. Aussi, pour les trois voyelles, nous trouvons une différence statistiquement significative entre les valeurs moyennes de l’intensité des témoins et celles des patients. Pour [a], la p- value entre les deux populations est de p = .0007 ; pour [i], la p-value est de p = .0122 et enfin pour [u] la p-value est de p = .0106.

5.5.2.2 Le shimmer

En ce qui concerne le paramètre du shimmer, la figure 5.21 met en évidence les dif- férences inter-groupes pour les trois voyelles étudiées. Visuellement nous remarquons que les pourcentages du shimmer des patients sont plus élevés que ceux des témoins pour chacune des voyelles.

Shimmer (en %) 0 2 4 6 8 10 A I U Voyelles témoins patients

Figure 5.21 – Valeurs moyennes du shimmer (en %) des voyelles [a], [i], [u] des témoins et des patients (les barres d’erreurs représentent les écarts-types) (n = 60).

Afin de déterminer si les pourcentages de shimmer moyen des patients sont signi- ficativement différents de ceux des témoins, nous avons conduit une série de tests-t non appariés sur les données issues de la production de nos trois voyelles stables. Le tableau 5.21 résume les principaux résultats de ces tests :

¯ x s t(18) p [a] témoins patients 4.71 6.13 1.53 2.39 1.59 .129 [i] témoins patients 3.47 5.82 .61 4.001 1.84 .0823 [u] témoins patients 3.59 5.44 1.17 2.55 2.08 .0517

Table 5.21 – Résultats des tests-t non appariés conduits sur les valeurs du shimmer (en pourcentages) des voyelles [a], [i] et [u] (¯x représente la moyenne arithmétique de l’échantillon, s l’écart-type non biaisé, t(18)la valeur du test de Student pour

un degré de liberté égal à 18 et p la probabilité) (n = 60).

Bien que les valeurs moyennes du shimmer des patients soient plus élevées que celles des témoins, nous pouvons remarquer qu’il n’existe aucune différence statis- tiquement significative entre les deux populations. Seules les voyelles [i] et [u] pré- sentent un seuil de significativité proche de .05 entre les deux groupes avec, respecti- vement, p = .0823 et p = .0517.

5.5.3

Discussion des résultats

5.5.3.1 L’intensité

Intensité intrinsèque. Nous avons pu remarquer que les intensités moyennes de nos

deux populations suivent un ordre de grandeur caractéristique puisque l’intensité de [a] est supérieure à l’intensité de [i] et [u], soit I[a]>I[i,u]. Cet ordre est prévisible et reflète l’intensité intrinsèque — ou spécifique — des voyelles. Comme nous l’avons déjà évoqué dans le chapitre précédent, la notion d’intensité renvoie à l’ampleur d’une grandeur physique. C’est une énergie proportionnelle au carré de l’amplitude d’un son pur (Martin 2008). De manière générale, l’intensité vocale est directement liée aux va- riations de pression et aux conditions aérodynamiques autour de la glotte (Ladefoged & McKinney 1963 ; Isshiki 1964 ; Holmberg & al. 1988). Les chercheurs ont égale- ment pu mettre en évidence le rôle majeur du conduit vocal dans les ajustements de l’intensité, et plus spécifiquement les changements de dynamiques articulatoires (Dro- mey & al. 1995 ; Geumann & al. 1999 ; Geumann 2001). Dans ce sens, une étude physique récente se basant sur le modèle à deux masses (Ishizaka & Flanagan 1972) a cherché à démontrer l’influence du couplage entre la source et le conduit vocal pour la puissance intrinsèque des voyelles. Par un principe de simulation des différentes

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configurations du tractus vocal liée à des coefficients de commandes préétablis (où P s renvoie à la PSG et Q est une variable aléatoire qui renvoie aux divers réglages du filtre) pour la production des voyelles orales du français, les auteurs se sont intéressés aux caractéristiques intrinsèques de l’intensité. Selon eux, ces caractéristiques peuvent être imputables soit à la source soit aux configurations du conduit vocal. Après avoir mesuré l’intensité du signal de la source pour deux ensembles distincts de commandes et pour des couplages correspondants à toutes les voyelles, ces derniers ont pu rele- ver de très faibles différences entre les niveaux d’intensité, ce qui leur a permis de rejeter la première hypothèse. Par contre, une seconde expérimentation concernant les simulations du conduit vocal a permis d’affirmer que la puissance intrinsèque dépend essentiellement de la fonction de transfert du tractus vocal (Teffahi & Kherouf 2010).

Néanmoins, peu de recherches se sont intéressées à ce paramètre car celui-ci semble complexe et requiert une méthodologie rigoureuse pour éviter les problèmes de cali- brage. L’intensité sonore parait être le paramètre le moins exploité dans les travaux contemporains. Cependant, ce déficit relatif n’exclut pas la présence d’études explo- ratoires dans plusieurs langues. Les premières études concernent majoritairement la langue anglaise. Ainsi, Fairbanks & al. (1950), Lehiste & Peterson (1959) et Peterson & Lehiste (1961) ont pu relever des différences de 3,5 à 5,1 dB entre les productions des voyelles [a] et [i]. Pour le hongrois, une étude de Fonagy (1966) a pu mettre en évidence des écarts de 10 dB entre les voyelles [a] et [i] en discours lu contre 6 à 7 dB en discours spontané, ce qui suggère un effet de surarticulation. A l’autre extrême, l’étude sur le japonais de Nishimura (1977) révèle un écart intrinsèque mineur entre ces voyelles, de l’ordre de 2,5 dB. Pour le français standard, les conclusions des études de Rossi (1971), Di Cristo (1985) ou Bartkova & al. (1993) montrent un écart signifi- catif d’environ 3 dB entre les voyelles hautes et basses. Les résultats pour le français québécois suivent les conclusions du français standard et montrent un écart de 3 à 4 dB entre les deux types de voyelles (Ouellon & al. 1993). Finalement, même si nous re- marquons des différences de valeurs relatives à l’intensité intrinsèque d’une recherche à l’autre, toutes les conclusions convergent néanmoins vers un même postulat : les voyelles basses ou ouvertes sont réalisées avec une intensité spécifique supérieure aux voyelles hautes ou fermées. A la lumière de ces résultats, Di Cristo (1985) a établi deux groupes distincts pour classifier les voyelles du français : les voyelles dites fortes (les voyelles moyennes et basses) qui ont une intensité intrinsèque élevée et les voyelles faibles (les voyelles hautes) dont l’intensité spécifique est moins importante. Ces diffé- rences d’intensité intrinsèque seraient liées majoritairement à l’aperture de la mâchoire et à la position verticale de la langue (Rossi 1971, Geumann & al. 1999, Geumann 200, Möbius 2003, entre autres). Dans ce sens, Rossi (1971 :129) précise qu’il existe :

« une corrélation très étroite entre le diamètre du conduit vocal aux incisives et l’intensité spécifique de chaque voyelle. En un mot, l’intensité spécifique est fonction du degré d’ouverture »

Sur le plan acoustique, des études ont montré que l’ouverture plus importante des mâ- choires pour la production de voyelles en voix forte implique une augmentation de la

Teffahi & Kherouf (2010), qui précisent qu’il s’agit d’une caractéristique acoustique déterminante pour l’intensité intrinsèque des voyelles. De même, Vaissière (2001 :7) ajoute que ce lien étroit entre intensité et F1 joue un rôle dans la perception :

« les voyelles [i] et [u] sont faibles perceptivement alors que [a] est plus saillant ».

D’un point de vue physiologique, l’intensité vocale est directement liée au réglage de l’amplitude de la variation du débit d’air au cours de la vibration glottique. Ainsi, l’intensité dépend donc de la PSG et des débits d’air spécifiques, de la forme glottique, de la force d’adduction des plis vocaux et de la configuration du tractus (Teffahi & Kherouf 2010). Finalement, nous pouvons affirmer que la puissance intrinsèque des voyelles hautes est diminuée par la forme du conduit vocal. Ainsi, la production des voyelles hautes implique un élargissement de la cavité pharyngale, provoquant un effet modérateur de l’excitation du signal (Lehiste & Peterson 1959, Möbius 2003).

Différences d’intensité entre nos deux populations. Comme nous avons pu le dé-

montrer dans cette recherche, les intensités intrinsèques des voyelles des patients sont significativement plus élevées que celles des témoins. La discussion de ces résultats semble difficile car, à notre connaissance, aucune étude ne s’identifie à la nôtre d’un point de vue méthodologique. Ce manque d’étude résulte vraisemblablement d’une connaissance partielle de ce paramètre et de ses corrélats ainsi qu’une difficulté dans le recueil des données. Les uniques recherches qui traitent de l’intensité après cordec- tomie par voie endoscopique sont des études comparatives avec un groupe de patients irradiés (McGuirt 1994, Sjögren & al. 2008 et Motta & al. 2008, Jotic & al. 2011). Ainsi, nous ne pouvons comparer ces valeurs avec notre étude car nous ne possé- dons pas de valeurs de référence. Néanmoins, nous décrirons les conclusions de ces quelques travaux afin de dégager une tendance générale du comportement de la puis- sance vocale des patients après de tels traitements. Seul le mémoire de Mirghani (2009) semble être le plus proche de notre étude tant du point de vue de la méthodologie que des valeurs d’intensité, bien que ses conclusions divergent par rapport à notre étude.

La recherche de McGuirt (1994) reste très évasive quant à la méthode de prise de mesures de l’intensité. En conséquence, nous ne pouvons pas en tirer de conclusions formelles. L’auteur précise toutefois qu’il existe une différence de 2 à 3 dB entre le groupe de patients traités par cordectomie laser et le groupe de patients irradiés. Pour la voyelle [a], il relève une moyenne de 49,7 dB pour le laser et une moyenne de 50,25 dB pour la radiothérapie. De la même manière, pour la voyelle [i], ce dernier relève une moyenne de 48,8 dB pour le laser et une moyenne de 51,35 dB pour la radiothé- rapie. Néanmoins, aucune valeur de référence pour ces voyelles n’est adoptée. Nous ne pouvons donc pas établir de comparaison avec une norme pour les voyelles tenues. Cependant, l’auteur réalise également une comparaison des intensités moyennes de ces deux groupes sur un paragraphe lu avec une référence issue de la littérature (70 dB). Les deux groupes présentent des intensités moyennes équivalentes (43,3 dB pour le laser et 43,5 dB pour la radiothérapie) pour cette tâche de lecture. Ce qui est impor- tant de noter ici, c’est l’importante différence qui existe entre les intensités moyennes

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des deux groupes de patients et la valeur normative prise par McGuirt. Les matériels de prise de mesures n’étant pas spécifiés, nous pouvons nous interroger sur la validité d’une telle comparaison. L’auteur souligne, néanmoins, que les traitements sélection- nés dans le cadre de carcinomes des plis vocaux entraînent une baisse significative de la puissance vocale, ce qui est contraire à nos conclusions.

De ce point de vue, les résultats de Motta & al. (2008) contredisent également nos conclusions. En effet, les auteurs notent que quel que soit le sous-groupe analysé, les valeurs moyennes de l’intensité pour la voyelle [a] sont toujours inférieures à celles de la population de témoins. En effet, cette recherche présente une moyenne de 72,05 dB pour la cohorte de sujets contrôles alors que les moyennes d’intensité pour l’ensemble des sous-groupes mis en évidence s’échelonnent de 38 à 56,93 dB. Néanmoins, une fois encore, le matériel de prises de mesures n’est pas décrit dans cet article, ce qui peut porter à caution la différence de plus de 15 dB relevée entre les deux groupes.

Au contraire, les résultats de Sjögren & al. (2008) semblent tendre vers nos conclu- sions. En effet, bien qu’aucun groupe de témoins n’atteste d’une élévation de l’inten- sité sonore après cordectomie laser, cet article met en évidence une plus forte intensité sonore pour le groupe de patients traités par chirurgie laser par rapport au groupe de patients irradiés. Sans que la différence soit statistiquement significative, les auteurs rapportent une intensité moyenne de 60,53 dB pour la radiothérapie et 70,80 dB pour le laser sur la voyelle [a].

La recherche de Jotic & al. (2011) corrobore également partiellement nos résultats. Effectivement, les auteurs ont pu relever les intensités moyennes sur des phrases lues pour les groupes de cordectomies laser, cordectomies par voie externe et radiothéra- pie. Bien que le corpus soit différent du nôtre et qu’aucun groupe contrôle ne serve de comparaison à cette étude, Jotic & al. (2011) notent une intensité sonore plus élevée après cordectomie par voie endoscopique. Les auteurs relèvent une intensité moyenne de 76,4 dB pour le groupe de patients ayant subi une cordectomie laser, une intensité moyenne de 74,15 dB pour le groupe de patients ayant subi une cordectomie classique et une intensité moyenne de 70,9 dB pour le groupe de patients irradiés. Les résul- tats ne sont pas significatifs mais cette hiérarchie selon le traitement nous donne une certaine tendance quant à leur efficacité sur la puissance vocale. Nous pouvons tendre vers deux hypothèses principales : la cordectomie laser permet une meilleure conser- vation des qualités de la puissance vocale ou la cordectomie laser entraîne différentes compensations articulatoires ou aérodynamiques, responsables de cette élévation. A ce stade, nous ne pouvons choisir l’une ou l’autre des hypothèses car nous n’avons pas de valeurs normatives à disposition pour établir une comparaison.

Enfin, comme nous le mentionnions précédemment, le mémoire de Mirghani (2009) reste le plus proche de notre travail d’un point de vue méthodologique. Effectivement, bien que la prise de mesures soit différente de la nôtre — mesures aérodynamiques effectuées avec l’Aérophone II sur la voyelle [a] pour l’auteur vs mesures acoustiques sous Praat sur les trois voyelles [i, a, u] dans la présente recherche — l’auteur établit une comparaison inter-groupes entre une population témoin et une population de pa- tients de type I. Celui-ci observe que les valeurs de l’intensité moyenne sur la voyelle tenue prononcée à hauteur et intensité confortables par l’ensemble des patients res-

tent très proches de la moyenne de référence (74,3 dB). Ce travail ne met donc pas en évidence de différence significative entre les deux groupes, ce qui est contraire à la présente étude même si nous sommes consciente que deux chirurgies distinctes sont concernées.

Cette discussion montre la difficulté pour l’étude de l’intensité de la voix. En effet, les différentes méthodologies utilisées (corpus, matériels, logiciels) rendent les compa- raisons difficiles d’une recherche à une autre. De plus, les comportements individuels sont variables, ce qui rend l’interprétation des résultats complexe. Malgré tout, nos ré- sultats préliminaires tendent à confirmer que la cordectomie laser de type II-III n’altère pas la puissance vocale des patients.

Hypothétique relation entre intensité et fréquence fondamentale. Nous avons

déjà pu noter que les hausses de l’intensité sonore étaient étroitement corrélées à la PSG (Ishikki 1964 ou Sundberg & al. 1993, entre autres) et donc plus largement à la fréquence fondamentale (Titze 1992, Henrich 2001). Des études sur le forçage vocal

ont pu mettre en évidence une certaine corrélation positive entre intensité et F0: plus la

F0est élevée et plus l’intensité aurait tendance également à croître (Black 1961, Baken

1987 par exemple).

La première partie de ce chapitre met en évidence des valeurs de F0 intrinsèques

statistiquement plus élevées pour notre groupe de patients par rapport aux témoins pour les trois voyelles analysées.

Notre but est donc de vérifier si les valeurs élevées de F0 des patients expliquent

l’élévation de leurs intensités intrinsèques ou inversement. Nous avons donc effectué

des tests de corrélation entre les différentes valeurs d’intensité et de F0 pour nos deux

populations pour toutes les voyelles confondues et pour les voyelles indépendamment les unes des autres. Nous ne présenterons pas ces résultats en détails car le nombre li- mité de sujets représente, selon nous, un biais dans l’analyse statistique. Néanmoins, le tracé du graphe 5.22 résumant la répartition de l’ensemble des voyelles en fonction de

leurs intensités et F0spécifiques permet de dégager une tendance générale pour la cor-

rélation. Nous observons que deux « paquets » se distinguent : les valeurs des patients regroupées en haut à droite et les valeurs des témoins davantage compactées en bas à gauche. Pour généraliser, nous remarquons que les mesures des voyelles des témoins se situent autour de 100 Hz et sont comprises entre 55 et 65 dB. En ce qui concerne les patients, les mesures des voyelles oscillent autour de 175 Hz et sont comprises entre 60 et 72 dB. Nous observons également une certaine linéarité dans le graphique (en particulier pour les témoins), ce qui nous laisse supposer une certaine relation de cause à effet entre ces deux paramètres acoustiques. Il existe potentiellement un lien entre

l’intensité et la F0 : les valeurs plus élevées de F0 sont corrélées à des valeurs plus

élevées de l’intensité et inversement.

Pour aller plus loin dans notre recherche, nous avons également effectué des tests de corrélation entre ces deux paramètres pour chacune des trois voyelles et pour nos deux populations confondues. Nos résultats semblent davantage concluants. Ainsi, pour la voyelle [a], r = .5, pour la voyelle [i], r = .41 et pour la voyelle [u], r = .5.

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Du point de vue de la pathologie, nous avons déjà abordé le fait que l’élévation

de la F0 était principalement due aux changements anatomiques ainsi qu’à la struc-

ture des plis vocaux, conséquences directes de la chirurgie. La diminution de la masse vibrante associée à l’affinement du pli vocal sont des arguments en faveur d’une vi- bration plus rapide des plis vocaux. Cette hypothèse devra faire l’objet d’une étude plus approfondie faisant appel à une analyse stroboscopique, ce qui permettrait de vérifier l’ondulation muqueuse et la vibration du pli vocal opéré. Nous avons égale- ment évoqué le fait que l’élévation de l’intensité dépend de la vitesse d’accolement des plis vocaux : plus ceux-ci s’accolent rapidement et plus l’intensité augmente pro- portionnellement (Baken 1987). Ainsi, selon nous, l’exérèse liée à la cordectomie est l’explication à cette relation. Effectivement, l’augmentation de la fréquence des cycles

vibratoires pour notre groupe de patients fait varier à la fois les paramètres de F0 et de

l’intensité de façon parallèle.

Figure 5.22 – Corrélation entre les valeurs de F0et de l’intensité intrinsèques des

voyelles [a], [i], [u] des témoins et des patients (n = 60).

5.5.3.2 Le shimmer

Différences de shimmer entre nos deux populations. Nous avons pu mettre en

évidence que les valeurs du shimmer restent plus élevées pour notre population de patients mais sans que cela soit statistiquement significatif par rapport à notre cohorte

de témoins. Nous pouvons également noter, que pour nos deux populations, les valeurs du shimmer de [a] sont plus importantes que celles des voyelles hautes. En outre, nous devons préciser que les importants écarts-types relevés pour les sujets pathologiques révèlent de fortes irrégularités intra-sujets en production.

Nos résultats sont en contradiction avec les travaux de Peretti & al. (2003), Had- dad & al. (2006), Mirghani (2009) et Sjôgren & al. (2009). Les travaux de Peretti & al. (2003), basés sur une répartition des patients en deux groupes, montrent des diffé- rences statistiquement significatives par rapport à la population contrôle (3,54%). Le pourcentage du shimmer du G1 (type I-II) s’élève à 6,52% en PO, tandis que celui du G2 (type III-IV-V) représente un taux de 8,05%. De la même manière, l’article de Haddad & al. (2006) tend vers ces mêmes conclusions. En effet, les auteurs ont mis en évidence un pourcentage du shimmer statistiquement plus haut pour le groupe des pa-