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1.3 Le système phonatoire

1.3.4 Les plis vocaux

1.3.4.1 L’espace glottique

L’espace entre les plis vocaux est la glotte. Celle-ci se divise en deux parties, à savoir une glotte postérieure et cartilagineuse délimitant « la glotte respiratoire » et une glotte antérieure ou musculo-ligamentaire délimitant « la glotte phonatoire ». Ces plis vocaux jouent le rôle « d’oscillateur » puisque ils transforment l’air en un bour- donnement. Les plis vocaux s’accolent mollement, grâce aux différentes actions des muscles laryngés, pour la production des sons voisés, à savoir les consonnes voisées et les voyelles. Lors de l’articulation des sons non voisés, la glotte reste ouverte. De manière plus précise, Ladefoged & Maddieson (1998) ou Stevens (1977) ont mis en

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évidence deux modes de production des consonnes et trois modes de production des voyelles. En fonction de la compression ou de l’adduction des plis vocaux, on obtien- dra soit une voix soufflée dite « breathy » soit une voix rauque dite « creaky ». Les consonnes soufflées sont réalisées lorsque les plis vocaux ne s’accolent pas totalement et vibrent avec une fuite d’air postérieure. En phonétique acoustique, le caractère souf- flé est reconnaissable à la baisse de l’amplitude du F1, à la diminution de l’amplitude des harmoniques supérieurs, à la diminution de l’énergie dans les hautes fréquences et à l’apparition de bruit. Au contraire, les sons pressés sont obtenus par un rappro- chement serré et intense des aryténoïdes et une tension importante des plis vocaux. La vibration des plis vocaux devient incomplète et irrégulière en fréquence et en ampli- tude (Malmberg 1954, Stevens 1991, Crevier Buchman 1999, entre autres).

En ce qui concerne les voyelles, nous relevons trois modes de production : mo- dale, soufflée (breathy) ou serrée (creaky). Les voyelles soufflées sont produites avec un espace glottique qui ne ferme pas complètement, c’est-à-dire avec des aryténoïdes écartés. Dans ce modèle, les plis vocaux sont détendus et le larynx en position basse. Pour les voyelles pressées, nous constatons une configuration glottique resserrée où les cartilages aryténoïdes et les plis vocaux sont tendus et extrêmement rapprochés.

1.3.4.2 Structure interne des plis vocaux

Les plis vocaux sont soutenus par les cartilages aryténoïdes. Ils sont essentielle- ment constitués de trois éléments : un muscle vocal, une couche moyenne (la lamina propria) et une muqueuse (épithélium) qui recouvre et protège le tout. La figure 1.9 montre le schéma d’une coupe frontale d’un pli vocal. La couche extérieure du pli

vocal est fine et correspond à un épithélium4 stratifié (Hirano 1981). Il mesure de

0.05 à 0,10 mm d’épaisseur et agit comme une couverture dont le but est de main- tenir la forme du pli vocal. Celui-ci constitue la partie la plus mobile du pli vocal puisqu’il ondule sous l’effet des muscles environnants et surtout de la pression sous- glottique (Hirano & al, 1986). La lamina propria, un système composé de fibres de col- lagène et d’élastine (tissu conjonctif), se trouve entre l’épithélium et le muscle thyro- aryténoïdien. Celle-ci peut être divisée en trois couches : superficielle, intermédiaire et profonde. La couche superficielle ou espace de Reinke, qui peut être comparée à une masse de gélatine molle, est constituée de fibres de protéine élastiques entourées par les liquides interstitiels. La couche intermédiaire, qui peut être comparée à un faisceau de bandes de caoutchouc souple, est constituée principalement de fibres élastiques. En ce qui concerne la couche profonde, celle-ci se compose de fibres de collagène qui pourraient être comparées à un paquet de fils de coton. La couche superficielle mesure environ 0,5 mm d’épaisseur au milieu du pli vocal alors que les couches intermédiaires et profondes mesurent environ 1 à 2 mm à elles deux. Le muscle thyro-aryténoïdien constitue la majeure partie (le corps) du pli vocal, soit environ 7-8 mm d’épaisseur (Titze 1994).

4. L’épithélium est un tissu mince formé de couches de cellules juxtaposées qui recouvre divers organes du corps (cavités internes, glandes, etc.).

Figure 1.9 – Schéma d’une coupe frontale d’un pli vocal (d’après Titze 1994).

La fréquence fondamentale du son — exprimée en Hertz — produite par la vi- bration des plis vocaux dépend de la masse, de la longueur vibrante de ces derniers, de l’élasticité du conduit vocal et de la pression sous-glottique. Toute modification de l’oscillateur entraînera des modifications du mode et de la régularité de la vibration. Si

l’on augmente la masse vibrante, il y aura un abaissement de F0. Si les plis vocaux ne

s’accolent pas correctement, une fuite glottique sera constatée. Enfin, une asymétrie de masse sera responsable de perturbations de la vibration en fréquence et en amplitude.

1.3.4.3 Modèles mécaniques des plis vocaux

Les modèles masse-ressort constituent une première approche pour simuler le com- portement des plis vocaux. Ils sont construits en amalgamant la masse des plis vocaux à quelques éléments de masse discrète, reliés les uns aux autres, et à une frontière ri- gide avec des éléments de ressort et d’amortissement. La figure 1.10 montre un modèle simple des plis vocaux faisant intervenir une masse.

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(a) Modèle mécanique des plis vocaux (b) Système vocal utilisé

Figure 1.10 – Deux représentations des plis vocaux dans un modèle à une masse (d’après Titze 1994).

Dans un modèle des plis vocaux à une masse, ces derniers sont considérés comme un simple système constitué d’une masse, d’un ressort et d’un amortisseur (où m re- présente la masse, k la constante du ressort et b la constante de l’amortisseur, Flanagan & Landgraf 1968). La masse correspond à la masse totale des plis vocaux humain. La constante du ressort correspond à l’élasticité du tissu alors que l’amortissement rend compte de la perte d’énergie vibratoire causée par la viscosité du tissu. La constante du ressort peut être variée selon la tension des plis vocaux et l’amortissement peut être déterminé de manière expérimentale. Le système est excité par la force F (t), résultant du produit de la pression de l’air dans la glotte et de l’aire de la surface intra-glottale. La force, qui agit sur les plis vocaux, est distribuée et sa résultante est appliquée à la masse m.

Toutefois, le problème que pose un modèle des plis vocaux à une masse est que celui-ci n’est capable de représenter que le déplacement latéral des plis vocaux. Puisque l’onde mucosale ne peut pas être modélisée, ce modèle n’est en mesure de maintenir

à lui seul une oscillation, qu’en présence d’un conduit vocal et de l’inertance5 de la

colonne d’air à l’intérieur du conduit (cf. Titze 1994). Par conséquent, un modèle à une masse de ce type exagère l’effet du couplage du conduit vocal et des plis vocaux et n’est généralement pas suffisant pour rendre compte des mécanismes mis en jeu. Par exemple, dans l’étude de Titze (1994), le degré d’interaction acoustique produite entre la source et le conduit vocal était plus grande que celle observée dans la parole hu- maine. Néanmoins, Avanzini & al. (2001) ont récemment proposé un modèle des plis vocaux à une masse amélioré dans lequel la simplicité du modèle original a été retenue mais qui, par ailleurs, est capable de produire des formes d’onde glottique réalistes.

Devant les problèmes soulevés par la modélisation à une masse de Flanagan & Landgraf (1968), l’idée a été d’introduire davantage de propriétés physiologiques et des représentations à masses multiples ont alors été considérées. Ainsi, dans le modèle d’Ishizaka & Flanagan (1972) par exemple, chaque pli vocal est représenté par deux oscillateurs couplés masse-ressort-amortisseur (cf 1.11).

5. En acoustique, l’inertance correspond à l’inertie qu’oppose une masse mécanique à une variation rapide de vitesse.

(a) Modèle mécanique des plis vocaux (b) Système vocal utilisé

Figure 1.11 – Deux représentations des plis vocaux dans un modèle à deux masses (d’après Ishizaka & Flanagans 1972) .

Le modèle à deux masses est en mesure de simuler la différence de phase entre les parties hautes et basses des plis vocaux. En plus du déplacement général des tissus, les deux degrés de liberté (les masses) permettent de représenter l’onde de la muqueuse, ce que n’étaient pas en mesure de faire les modèles à une masse. Par conséquent, un modèle à deux masses facilite l’oscillation et ce même en l’absence d’un conduit vocal et de l’inertance. La limite des modèles des plis vocaux à deux masses est que leur dis- crétisation du tissu — c’est-à-dire le fait de remplacer une variable continue, une partie du pli vocal dans le cas qui nous intéresse ici, par une variable discrète (i.e. un ressort) — ne tient pas compte de la structure en couches des plis vocaux (Story 2002). Malgré

le fait que la masse inférieure (m2) dans le modèle de Ishizaka and Flanagan (1972)

est plus épaisse et plus lourde afin de simuler l’effet du muscle thyro-aryténoïdien, la configuration ne permet pas une oscillation conjuguée de la couverture (épithélium et première couche de la lamina propria) et du corps du pli vocal. Par conséquent, le mo- dèle à deux masses peut être interprété comme un modèle qui rend compte uniquement de l’oscillation de la couverture et non de l’oscillation conjuguée de la couverture et du corps du pli vocal. En outre, dans les plis vocaux humains, la tension est contrôlée par la contraction du muscle thyro-aryténoïdien. Dans le modèle à deux masses de Ishi- zaka and Flanagan (1972), il n’existe aucune corrélation physiologique directe entre la tension des ressorts et l’effet de la contraction musculaire (Story and Titze 1995), ce qui pose un problème non négligeable à ce type de modélisation.

Les problèmes liés à cette modélisation peuvent néanmoins être résolus en ajoutant une masse supplémentaire au modèle (cf. figure 1.12), créant ainsi un modèle à trois masses (Hirano 1977, Story and Titze 1995). En effet, selon Hirano (1977), le pli vocal peut être décrit comme un modèle à trois masses où l’épithélium et l’espace de Reinke représentent les parties les plus souples et les plus propices aux forces aérodynamiques, la couche profonde de la lamina propria assure quant à elle une stabilité du pli vocal lors de la mise en vibration et où le muscle vocal est stable et ne bouge que très peu lors de la vibration des plis vocaux.

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Figure 1.12 – Modèle des plis vocaux à trois masses (d’après Hirano 1977).

Dans ce type de représentation, la masse supplémentaire (m) simule le corps du pli vocal et est positionnée de manière latérale par rapport aux deux masses qui simulent

la couverture du pli vocal (m1 et m2). La connexion de ces deux masses représente

aussi bien la tension propre à la couverture que la tension qui existe entre le corps et la couverture du pli vocal. La masse du corps est quant à elle connectée à une frontière rigide. Cette connexion représente la tension propre au corps du pli vocal, laquelle dépend du degré de contraction du muscle thyro-aryténoïdien. Par conséquent, ce modèle permet de rendre compte de manière réaliste des paramètres physiologiques qui caractérisent les composants du corps et de la couverture du pli vocal. Ainsi, la contraction du muscle thyro-aryténoïdien augmente la tension du corps du pli vocal mais pas nécessairement celle de la couverture.