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4.5 Outils d’analyses

4.5.2 Présentation de EVA et Phonedit

Le recueil de données aérodynamiques a été réalisé grâce au système d’Evaluation Vocale Assistée EVA2 (cf. figure 4.1). Cette station de travail, destinée à l’analyse de la voix et de la parole dans le domaine de la phoniatrie a été développée par le laboratoire « Parole et Langage » d’Aix-en-Provence, en collaboration avec le centre hospitalier de la Timone de Marseille (Galindo & al. 1989 ; Teston & al. 1999). Cette plateforme permet la prise de mesures simultanées de données acoustiques grâce à la présence d’un microphone et d’un sonomètre, de données aérodynamiques grâce aux différents capteurs aérodynamiques et de données EGG grâce au raccordement d’un laryngo- graphe portable (cf. figure 4.2). Le microphone, calibré à 120 dB et positionné à 30 cm de la bouche, se situe à l’arrière du capteur du débit d’air buccal. La mesure du débit d’air est possible grâce à la présence de pneumatachographes à grilles. L’ensemble des capteurs sont disposés sur une pièce à main, montée sur un pied réglable, positionné face au sujet. Cette pièce à main est directement reliée à un micro-ordinateur de type PC. La fréquence d’échantillonnage du signal acoustique est de 25000 Hz tandis que celle pour les données aérodynamiques est de 6250 Hz. Afin de recueillir le DAB, un masque de silicone adapté à la morphologie buccale des sujets est plaqué sur leurs bouches afin d’éviter toutes fuites d’air. Pour mesurer la PIO, nous avons placé un tube d’environ 4 cm de long et de 5 mm de diamètre à l’intérieur du masque. Les sujets de- vaient garder les dents serrées sur l’embout, sans l’écraser, pendant toute la séquence

2. L’enveloppe d’un son est une courbe représentant l’amplitude ou énergie d’un son en fonction du temps. Cela correspond grosso modo à un oscillographe. L’enveloppe d’un son met particulièrement en évidence trois parties distinctes de ce dernier : l’attaque, la stabilité et la chute (phase pendant laquelle la vibration n’est plus entretenue. Dès lors, l’amplitude décroit).

d’enregistrement. Pendant toute la session de recueil des données, les sujets étaient assis, le buste droit afin de faciliter la phonation. La plupart des sujets maintenaient la pièce à main par l’arrière afin de conserver une adhérence entre la bouche et le masque. Pour des raisons de confort des locuteurs, des pauses sont réglées entre les différentes séquences d’enregistrements.

Figure 4.1 – Dispositif EVA2 (d’après de guide d’utilisation).

Figure 4.2 – Pièce à main du dispositif EVA2 permettant les prises de mesures si- multanées de données aérodynamiques et acoustiques (d’après Basset & al. 2006).

Les enregistrements, les commandes des diverses instrumentations, l’affichage des résultats et leur traitement sont possibles grâce à des logiciels spécifiques. La prise de données a été réalisée sous Phonedit (Ghio 2002). A ce sujet, il est important de préciser que les paramètres aérodynamiques sont calibrés de façon manuelle entre chaque session d’enregistrement. Ce logiciel, spécifique aux études acoustiques et aé- rodynamiques de la voix et de la parole, a été élaboré par la société SQLab (Aix en

4.6. Conclusion 101

Provence). Il permet d’afficher des fichiers acoustiques, EGG et aérodynamiques de manière synchronisée. Son atout principal est qu’il permet à la fois d’obtenir des me- sures moyennes sur un segment donné mais aussi des valeurs exactes du DAB ou de la PIO sur n’importe quel point de la courbe. Il est également possible de procéder à un étiquetage manuel afin de faciliter les analyses.

4.6

Conclusion

Le but principal de ce chapitre consistait à présenter nos populations d’étude et notre corpus. Nous avons ainsi pu décrire nos cohortes de patients et de témoins et mettre en évidence les difficultés méthodologiques et logistiques que posent les en- registrements de patients dysphoniques. Ainsi, nous avons pu établir un corpus ba- sique enregistré des points de vue acoustique et aérodynamique (avec utilisation d’un laryngographe portable branché). Les enregistrements acoustiques de chacun de nos sujets ont été réalisés dans des conditions similaires, avec un matériel commun. De la même manière, les méthodes d’enregistrements aérodynamiques sous EVA2 ont été identiques pour tous les sujets. Ces prises de données acoustiques, aérodynamiques et électroglottographiques sur des voyelles tenues — dépendantes des tâches à réaliser — associées aux productions de logatomes nous ont permis de réaliser diverses études présentées dans la suite de cette thèse.

En résumé...

Notre travail concerne les cordectomies de type II-III.

Nous avons enregistré 10 patients masculins francophones entre 6 mois et 1 an post- opératoire. Ceux-ci sont comparés à une cohorte de 10 témoins.

 Nous avons couplé des voyelles tenues avec des logatomes lus de type CVCVCVC (C= Consonnes du français et V= Voyelles [a,i,u]).

Les enregistrements ont été effectués lors de deux sessions : une session de recueil de données acoustiques et une session de recueil de données aérodynamiques et EGG. Les analyses acoustiques ont été réalisées avec le logiciel Praat et les données aérody- namiques et EGG ont été traitées avec le logiciel Phonedit.

Chapitre

Chapitre

5

Cinq ´etudes relatives `a la F

0

et

`a l’intensit´e de la voix

"There are three kinds of lies : lies, damned lies, and statistics." – Mark Twain

R´esum´e

Ce chapitre comprend trois études, augmentées d’un excursus, qui mettent en évidence l’impact de la chirurgie sur les paramètres de la fréquence fondamentale (F0), de l’intensité sonore et de leurs indices de perturbation (le jitter et le shimmer). Les plages de variation de F0 des sujets ont également été analysées. Dans l’étude 1, la F0 de nos patients et de nos témoins a été évaluée sur les voyelles tenues [a, i, u] à hauteur et intensité confortables (n = 60). Nous avons également pu relever les mesures du jitter sur les parties stables de ces voyelles (n = 60). Nous avons réalisé une série de tests-t non appariés sur les données issues des productions de ces trois voyelles. Les résultats montrent que :

– la hiérarchie des F0intrinsèques des voyelles, à savoir F0[a]< F0[i]< F0[u], est conser- vée pour les deux groupes,

– la F0 moyenne des patients est toujours significativement plus élevée que celle des té- moins,

– il n’existe pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes pour le paramètre du jitter.

Dans l’étude 2, nous cherchons principalement à observer l’adaptation et le contrôle de la F0des sujets lors d’une expérience d’imitation des voyelles [a, i, u] synthétisées à dif- férentes F0, de 90 Hz à 250 Hz selon des intervalles de 20 Hz (n = 540). Le premier objectif de cette étude consistait à déterminer si les F0 moyennes des imitations des deux populations étaient significativement différentes des cibles théoriques attendues (i.e. les valeurs des stimuli crées). Nous avons donc conduit une série de tests-t univariés qui ont principalement montré une bonne imitation des témoins mais des difficultés dans les fré- quences entre 90 et 150 Hz (voyelle [a]), entre 90 et 170 Hz (voyelle [i]), entre 90 et 230 Hz (voyelle [u]) pour les patients. Le second objectif de cette étude consistait en une compa- raison inter-goupes des F0moyennes des imitations de nos sujets. Les tests-t non appariés effectués montrent que les différences statistiquement significatives entre les deux groupes se situent principalement dans les moyennes fréquences (entre 90 et 130 Hz pour [a], 110 et 130 Hz pour [i], 110 et 190 Hz pour [u]), ce qui est prévisible puisque les écarts des patients aux cibles théoriques sont d’autant plus importants dans la zone fréquentielle de 90 à 190 Hz.

La troisième étude était consacrée aux mesures de l’intensité sonore (n = 60) et du shim- mer (n = 60) de nos sujets sur les voyelles [a, i, u] tenues à hauteur et intensité confor- tables. Nous avons réalisé une série de tests-t non appariés sur les données issues de la production des trois voyelles. Les résultats sont les suivants :

– la hiérarchie des intensités intrinsèques des voyelles, à savoir I[a]> I[i,u], est conservée pour les deux groupes,

– les intensités des patients sont toujours significativement plus élevées que celles des témoins,

– il n’existe pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes pour le shimmer.

Finalement, afin d’évaluer les problèmes liés au corpus, nous avons confronté nos résultats préliminaires concernant les mesures de l’intensité et de F0 des voyelles tenues (études 1 et 3) à des mesures prises sur des voyelles en contexte, sur les positions 2 des logatomes de type CVCVCVC (où C= [p, t, k, b, d, g] et V=[a, i, u]) (n = 60). Dans le cas où un effet du corpus était relevé, nous avons établi une comparaison intra-sujets afin de mettre en évidence les stratégies individuelles en production. En ce qui concerne l’intensité intrin- sèque (étude 4), les tests-t non appariés conduits sur les différentes voyelles en contexte occlusif n’ont montré aucune différence significative entre les deux populations. De plus, l’ANOVA à 3 facteurs a particulièrement mis en évidence un effet significatif du corpus, entre autres, pour les mesures de l’intensité. La comparaison intra-sujets suggère que les patients ont tendance à produire des segments vocaliques plus forts à l’isolé par rapport aux voyelles des logatomes. En ce qui concerne la F0 (étude 5), les tests-t non appariés établis sur les différentes voyelles en contexte occlusif confirment les résultats de notre première étude, à savoir qu’il existe bel et bien une différence statistiquement significative entre les patients et les témoins. De plus, l’ANOVA à 3 facteurs ne montre aucun effet lié au corpus. Les patients présentent une F0 plus élevée quels que soient les contextes.

5.1. Introduction 105

5.1

Introduction

La voix est un phénomène très riche et complexe. L’interaction entre ses différentes composantes qui sont d’ordre physique, physiologique, psychologique, social ou lin- guistique rendent son étude souvent délicate. Il est impossible de rendre compte de ces diverses dimensions au travers de quelques valeurs chiffrées. Les analyses acoustiques permettent néanmoins de quantifier certains aspects de la fonction vocale et elles sont très utiles aux professionnels dans leurs démarches diagnostiques et thérapeutiques.

Nous avons vu précédemment que la cordectomie laser — aussi minime qu’elle soit — est très dégradante d’un point de vue anatomico-physiologique. Elle mutile différentes couches du pli vocal opéré et par conséquent interfère sur les mécanismes vibratoires. La modification de la structure du pli vocal engendre une asymétrie et une diminution de la masse qui causent des perturbations du cycle en fréquence et en am- plitude. Ce chapitre, qui concerne plusieurs études basées sur des protocoles cliniques classiques (cf. chapitre 4), sera entièrement consacré à l’étude de la fréquence fonda- mentale et de l’intensité sonore après chirurgie ainsi qu’aux indices de perturbation correspondants : le jitter et le shimmer.

Après avoir rappelé quelques éléments de statistique utiles pour la suite de ce cha- pitre, et plus largement dans ce document, nous nous intéresserons à différents aspects de ces paramètres au travers de quelques études originales.

Une première étude cherchera à rendre compte de la fréquence fondamentale et du jitter de nos patients et de nos témoins sur des voyelles tenues et isolées. Dans une se-

conde étude, nous étudierons les plages de variation de F0 de nos sujets à l’aide d’une

expérience d’imitation de voyelles tenues et synthétisées à différentes fréquences. La troisième étude sera consacrée à l’évaluation de l’intensité sonore et du shimmer de nos sujets sur les voyelles tenues et isolées. Nous nous sommes confrontée à des pro- blèmes de méthode concernant l’intensité sonore. La distance du micro-casque à la bouche influence l’intensité mesurée et peut représenter un biais pour ce type de re- cherche et invalider partiellement nos conclusions préliminaires. En conséquence, la dernière section de ce chapitre présente un excursus permettant d’examiner nos ré- sultats précédents. Les valeurs d’intensité relevées dans notre troisième étude sur les voyelles tenues seront comparées avec des valeurs d’intensité mesurées dans des loga- tomes, pour chacun de nos sujets. Dans un souci de cohérence, nous avons adopté une démarche et une méthodologie similaire dans la comparaison de nos valeurs pour le paramètre de la fréquence fondamentale.