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La chirurgie partielle verticale (laryngectomie partielle verticale ou LPV) a été dé- veloppée en Europe et aux Etats-Unis dès le début du XXème siècle. Elle concerne les cancers dont l’étendue est encore limitée à la région du plan glottique ou sous-glottique avec une mobilité normale du pli vocal qui doit être opéré. Elle repose également sur l’indépendance des deux plis vocaux. C’est un traitement défini après un diagnostic T1 ou certains T2 sélectionnés. Elle consiste en l’ablation, plus ou moins importante, d’un hémi-larynx. Dans cette section, nous décrirons quelques unes des principales laryngectomies verticales en les classant selon l’importance de l’exérèse (de la moins importante à la plus importante).

2.4. La chirurgie partielle verticale du plan glottique 39

2.4.1

La cordectomie

Cette chirurgie est l’une des interventions les plus anciennes. Comme nous l’avons brièvement décrit précédemment, elle fut pratiquée pour la première fois par un chirur- gien nommé Bowes en 1833. La cordectomie par voie externe est réservée aux patients dont la tumeur du plan glottique est classée T1a et limitée au tiers moyen du pli vo- cal encore mobile. La commissure antérieure doit être totalement saine pour ce type d’intervention.

2.4.1.1 Principe chirurgical

Cette chirurgie consiste en l’exérèse du pli vocal cancéreux, depuis la commissure antérieure jusqu’au processus vocal de l’aryténoïde (figure 2.2). L’ablation du pli vocal tumoral crée une fuite glottique importante, entraînant des troubles vocaux variables. Pour pallier à ce problème et garantir aux patients une voix efficace, les équipes chi- rurgicales réalisent souvent une reconstruction du pli vocal reséqué par « plastie des bandes ventriculaires ». Cette reconstruction consiste en l’abaissement de la bande ven- triculaire homolatérale au niveau de la muqueuse sous-glottique (Burgess 1993). Cette néocorde permet une reprise immédiate de la phonation et une amélioration certaine de cette dernière (Biacabe & al. 1998, 1999, 2001).

Figure 2.2 – Cordectomie (d’après Lefebvre & Chevalier 2005).

2.4.2

La laryngectomie frontolatérale

Cette chirurgie fut proposée par Leroux-Robert en 1956. Elle est indiquée pour les cancers de type T1a ou certaines tumeurs classées T2, sans atteinte de la commissure antérieure avec une mobilité cordale normale.

2.4.2.1 Principe chirurgical

L’intervention consiste en l’ablation d’un pli vocal (muqueuse, ligament vocal et muscle TA), de la commissure antérieure, de la partie antérieure du cartilage thyroïde

adjacent et d’une petite portion du pli vocal opposé. L’envahissement sous-glottique doit être néanmoins limité et la bande ventriculaire intacte. Comme pour les cordecto- mies par voie externe, les chirurgiens peuvent compléter la chirurgie par une recons- truction du pli vocal reséqué grâce à un abaissement de la bande ventriculaire au niveau de la muqueuse sous-glottique afin d’améliorer la fonction vocale (cf. figure 2.3).

Figure 2.3 – Laryngectomie frontolatérale (d’après Lefebvre & Chevalier 2005).

2.4.2.2 Conséquences sur la phonation

A l’instar de l’ensemble des laryngectomies verticales, peu d’études traitent des résultats fonctionnels après laryngectomie fronto-latérale. L’intervention réalisée mo- difie le vibrateur et le conduit vocal. Elle réalise également un raccourcissement de la glotte, ce qui est propice à la production de sons aigus. La néoglotte conserve sa forme en V, mais l’intervention crée toutefois une asymétrie entre le pli vocal sain et la par- tie reséquée, ce qui constitue une explication aux fuites glottiques. Les recherches de Biacabe & al. (1998, 1999, 2001) montrent des paramètres acoustiques (jitter, shim- mer, rapport signal/bruit, degré de dévoisement) et de parole (TMP, nombre de mots lus/minute) significativement altérés par rapport à une population témoin. Les auteurs notent cependant une amélioration des paramètres fréquentiels pendant les premiers mois post-opératoires pour l’ensemble des patients ainsi qu’une différence significa- tive pour le degré de dévoisement et le HNR entre le groupe des patients ayant subi une reconstruction glottique et le groupe de patients sans reconstruction. Enfin, les au- teurs observent une fermeture glottique statistiquement meilleure pour le groupe des patients ayant subi une reconstruction par rapport aux patients ayant subi uniquement la laryngectomie fronto-latérale. En outre, Wallet (2007) a démontré que d’un point de vue intonatif, ces patients étaient capables de reproduire le contraste entre phrases in- terrogatives et déclaratives. La réalisation de la focalisation est également comparable au groupe des témoins. Après une analyse perceptive de l’ensemble de ces phrases mo- dales, Wallet (2008, 2009) conclut à une bonne intelligibilité de ce groupe de patients en situation communicationnelle.

2.4. La chirurgie partielle verticale du plan glottique 41

2.4.3

La laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie

(dite de Tucker et Kambic)

Décrite dès les années 1960, cette chirurgie fut proposée pour la première fois par Tucker et Kambic en 1979 aux Etats-Unis et par Pech en 1982 en France. Elle est indiquée dans les tumeurs du plan glottique bilatérales avec atteinte des deux plis vocaux (T1b), sans altération de la mobilité du pli vocal ou de l’aryténoïde (Giovanni & al. 2001).

2.4.3.1 Principe chirurgical

L’intervention consiste en l’exérèse des deux plis vocaux, et parfois du cartilage aryténoïde du côté tumoral, des deux bandes ventriculaires et le tiers ou les deux tiers antérieurs du cartilage thyroïde. La reconstruction de la commissure antérieure est réalisée par l’abaissement de l’épiglotte que le praticien rattache au cartilage cricoïde. Ainsi, celle-ci prend la place du cartilage thyroïde reséqué (cf. figure 2.4).

Figure 2.4 – Laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie (d’après Le- febvre & Chevalier 2005).

2.4.3.2 Conséquences sur la phonation

Selon Pech & al. (1988), le mécanisme phonatoire semblerait se rapprocher de ce- lui des laryngectomies partielles supracricoïdiennes. La phonation résulte de la mise en place de mouvements complexes de substitution combinant les structures conser- vées. Finalement, ces derniers mettent en évidence trois façons de produire un son. Premièrement, par un affrontement sagittal des deux aryténoïdes ou de l’aryténoïde restant contre un repli muqueux latéral. Deuxièmement, par un affrontement frontal de l’aryténoïde contre la face postérieure de l’épiglotte. Enfin, par un affrontement mixte combinant les deux premiers mécanismes compensatoires.

Les études de Giovanni & al. (1996, 2002) montrent des paramètres aérodyna-

miques (TMP et débit d’air phonatoire) et acoustiques (F0, jitter, HNR) perturbés.

Ainsi, en 2002, ces auteurs comparèrent 21 patients traités par laryngectomie de Tu- cker avec 10 sujets témoins contrôles sur la portion la plus stable d’un [a] tenu. Le

constat est que le jitter et le shimmer restent statistiquement plus élevés par rapport aux témoins. De même le débit d’air oral et la pression sous-glottique estimée (PSGE) sont supérieurs par rapport aux sujets contrôles. Les auteurs expliquent que l’éléva- tion de la PSGE serait une compensation à l’inefficacité glottique et que cette hausse permettrait de mieux initier la vibration.

2.4.4

L’hémilaryngectomie

Pratiquée dans les années 1920, l’hémilaryngectomie est indiquée dans les cancers du pli vocal mobile, descendant vers la région sous-glottique moyenne. Cette inter- vention permet la résection de la totalité de l’hémilarynx et de la margelle laryngée homolatérale.

2.4.4.1 Principe chirurgical

Cette intervention consiste en l’ablation de la moitié du cartilage thyroïde, d’une bande ventriculaire, d’un pli vocal et d’un aryténoïde. Nous noterons donc la création d’une néoparoi latérale et d’une néoglotte, formée via l’accolement de l’hémilarynx restant à cette nouvelle néoparoi pharyngée. Cette chirurgie ne semble toutefois plus pratiquée de nos jours (cf. figure 2.5).

Figure 2.5 – Hémilaryngectomie (d’après www.msdlatinamerica.com).

2.4.4.2 Conséquences sur la phonation

La phonation résulte de l’accolement du pli vocal restant contre le bourrelet cica- triciel qui se forme de l’autre côté. Une néoglotte est créée permettant l’établissement d’une voix de substitution. A notre connaissance, aucune étude ne fait état des résultats fonctionnels après ce type d’intervention.