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Partie A : Contextes et paramètres

1.2. Information et organisation

1.2.4. L’auto-organisation

1.2.6.2. Principe des « informations nouvelles »

Nous appellerons informations nouvelles les informations ponctuelles et nouvellement venues, qui nous apparaissent - consciemment ou non - porteuses d’organisation et sont, dès lors, susceptibles de devenir, à terme, des informations acquises. Il s’agit d’informations issues de manière immédiate de l'environnement (vues, entendues, ressenties, etc.).

Les informations nouvelles sont des attracteurs vers lesquels nous sommes conduits à orienter notre comportement et nos valeurs. Toute information acquise a nécessairement été une information nouvelle à un stade antérieur, sélectionnée en fonction de sa complémentarité avec les informations acquises déjà « stockées » (les informations acquises étant chronologiquement situées en amont par rapport aux informations nouvelles).

Les informations acquises sont les informations que nous conserverons à moyen ou à long terme, dès lors qu’elles constituent le réservoir de celles qui seront utilisées pour assurer notre organisation (y inclus celles qui, au départ, ont joué un rôle fortement désorganisateur dans notre existence : elles peuvent nous rappeler ce qu’il faut éviter de faire pour ne pas entraver nos comportements en termes d’organisation).

Les informations nouvelles constituent des informations qui, en « se mêlant » aux

informations acquises peuvent susciter des émergences de nouvelles informations, lesquelles, pour autant qu’elles se révèlent durables et organisatrices, se mueront à leur tour en

informations acquises. De fait, une information de type information nouvelle transitera toujours par le prisme des informations acquises avant de produire d’éventuels effets organisateurs. En tout état de cause, une information nouvelle a toujours un caractère d’innovation (elle est toujours un « bruit »), à savoir un caractère d’information potentiellement organisatrice.

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1.2.6.3. « Informations acquises », « informations nouvelles » et émergences

Le phénomène cause-effet nécessite au minimum deux facteurs pour se produire : un fait et un déclencheur d'effet appliqué à ce fait (tout fait résulte en soi de mécanismes déclencheurs). Il faut donc une interaction entre au moins deux éléments porteurs d'information. Cette interaction sera le facteur médiateur producteur de l'effet. En fait, on aura affaire à une émergence (au sens où nous l’avons définie plus haut), laquelle sera constitutive d'une nouvelle information, produit de l’interaction. Ainsi que nous l’avons montré plus haut, toute (nouvelle) information se définit dès lors comme étant une émergence. Cela dit, il est clair que tous les éléments entrant en interaction pour produire une émergence sont des phénomènes issus eux-mêmes d'interactions antérieures, donc d'émergences antérieures : ces éléments sont donc également nécessairement des informations.

La théorie physique indique que les émergences sont les fruits de phénomènes d'auto-organisation et que ces phénomènes sont le fait de structures dissipatives. L'environnement, d'une part, et l'individu, d'autre part, sont des structures dissipatives (étroitement imbriquées les unes avec les autres). La structure dissipative qu'est l'individu est constamment l'objet - le réceptacle - de facteurs d’entropie. Cela signifie que chaque portion de temps (de durée indéfinie, mais extrêmement brève) implique, pour contrer ces facteurs entropiques, une mise en oeuvre d'informations à caractère néguentropique. On a noté plus haut que chaque information propre à une portion de temps est une émergence des informations contenues dans des portions de temps antérieures. On peut considérer que chaque nouvelle portion d'entropie - correspondant à chaque nouvelle portion de temps - implique pour l'individu la production d'une nouvelle émergence, c'est-à-dire une nouvelle information lui permettant de produire une nouvelle tranche de néguentropie (chaque pas que l'on fait, chaque geste, chaque pulsation, chaque réflexion implique, pour se produire, l'entremise d'une émergence).

Chaque nouvelle émergence est le produit d'au moins deux informations : il s'agit ordinairement de l'interaction d'informations acquises avec des informations nouvelles. Initialement, l’information nouvelle est que l'on appelle un "bruit", notion dont nous avons déjà parlé et qui correspond en l’occurrence à un facteur de désorganisation instantanée (dès lors qu’il s'agit d'un facteur de nouveauté interrompant le cours des choses) ; on sait que, selon la théorie, toute organisation est le fruit d'une désorganisation (une désorganisation est un préalable obligé à toute organisation - voir à ce sujet le paragraphe « Notion

66 d’organisation » dans le présent chapitre). Il y a donc dans le cours des choses qui façonnent notre existence une succession infinie de bruits, autrement dit de « ruptures » désorganisatrices.

En fait, l'information nouvelle, issue de l'environnement (comme toute information) constitue, dans sa conjonction avec l'information acquise, le facteur de désorganisation (de « rupture ») qui permettra ensuite (le plus souvent instantanément) l'émergence d'une information organisatrice (néguentropique). La survenue de n'importe quelle information peut en quelque sorte être vue, sur le coup, comme une sorte d’"agression", au départ désorganisatrice du cours des choses.

Comme nous l’avons déjà mentionné, l'attracteur essentiel du comportement, celui qui régit le contenu informatif des successions d'émergences, est in fine - outre l’état d’équilibre -

la maximisation de la dissipation d'énergie (ou, autrement dit, la maximisation de production d'entropie à exporter dans l'environnement). Etant entendu que cette maximisation doit constamment s'accroître, il est indispensable qu'une part des informations émergées soit de caractère innovant (ce qui est d'autant plus pertinent que la théorie de l'information - cf. paragraphe ci-après - indique qu'il y a véritablement information à caractère néguentropique lorsque les messages sont imprévus et donc innovants). C'est grâce à l'information innovante que l'on peut régulièrement produire des nouveaux processus de maximisation de l'énergie libre, qui permettront une dissipation également maximisée, d'une manière accrue.

Dès lors que notre environnement est le producteur des informations nouvelles qui se combineront avec nos informations acquises pour produire de nouvelles émergences, il est clair que le contenu de ces informations sera largement tributaire des valeurs et critères de référence qui sont privilégiés dans ledit environnement (en l’occurrence l’environnement socio-culturel). La qualité de ces informations en termes d’innovation ou de complexité aura une incidence déterminante sur le taux de maximisation de la dissipation d'énergie.

On soulignera une fois encore que l'homme est un « outil » fabriqué par la nature via la sélection naturelle, outil contribuant à maximiser la dissipation de l'énergie. Le groupe humain (l'humanité dans son ensemble) est devenu au fil du temps un facteur de plus en plus essentiel de cette maximisation. Les individus qui composent les groupes humains formant au total l'humanité échangent entre eux des informations (les individus autour de nous étant pour chacun de nous des éléments de notre environnement) d'où il sortira des émergences qui

67 permettront, mises ensemble, de produire des successions d'autres émergences participant à la maximisation de la dissipation d'énergie. De même, les individus échangent avec leur environnement naturel non humain des informations qui provoqueront également des nouvelles émergences. En tout état de cause, c'est l'écosystème global (la Terre) qui impose - par voie de sélection naturelle des comportements - à ses sous-écosystèmes (dont les systèmes sociaux) de se comporter de manière à contribuer à l'accroissement de la dissipation globale d'énergie, et ce sont ces sous-écosystèmes qui imposent à l'homme de produire individuellement un maximum de dissipation, selon ses capacités. On est ici dans un schéma spécifiquement holistique, mais aussi algorithmique (cf. part.A, ch.2, para.2.2)

On notera encore que les grands conflits économiques et guerriers sont les fruits de "ruptures" à effets durables, c'est-à-dire de "ruptures" auxquelles il n'est pas possible, eu égard à l'état des informations acquises du groupe social (l'Etat ou la région, etc.) et l'état des

informations nouvelles accessibles dans l'environnement, de produire des émergences à caractère durablement néguentropiques. Il s'agira alors de produire une « rupture » d'un autre type, qui peut éventuellement consister dans un état de guerre ("bruit" violent et potentiellement puissant producteur de réorganisation violente et puissante).

Dans un autre ordre d’idées, on peut soutenir l’hypothèse que la pensée est une structure auto-organisée (et dissipative), produisant des émergences (idées neuves) à partir d’interactions d’informations. Elle est donc aussi le résultat d’émergences. On rappellera en passant que les émergences ne peuvent être produites ex nihilo, tout phénomène auto-organisateur nécessitant, à la base, l’intervention d’une ou de plusieurs impulsions (formes d’information) du milieu extérieur (l’environnement). Au-delà, on formera l’hypothèse que ce que l’on appelle les décisions sont essentiellement des successions d’émergences issues des interactions entre des informations nouvelles (attracteurs) et des informations acquises. Ces émergences sont indispensables à notre organisation néguentropique et, partant, à notre maximisation de dissipation d’énergie.