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principaux enjeux apparentés

5.1 L’emploi, le chômage, le travail décent et les marchés du travail

L’aspect le plus étudié de la question du genre et de l’économie est celui des schémas genrés observés sur les marchés du travail (le travail marchand rémuné-ré). La situation en très grande partie par le fait que l’économie conventionnelle se soucie exclusivement du marché et que les données sur les indicateurs du marché du travail abondent. Il est donc facile de traiter les disparités femmes-hommes dans les in-dicateurs du marché du travail comme des mesures concrètes des inégalités entre les sexes dans les résul-tats économiques.

Ce module commence par un exposé des principaux indicateurs du marché du travail, à savoir les taux

d’emploi et de chômage de la population active, ainsi que d’autres indicateurs plus récents comme le taux de non-emploi et le travail décent. Nous examinons ensuite les mesures des inégalités femmes-hommes, puis les tendances observées. La deuxième moitié du module présente un résumé analytique de la littérature sur les causes structurelles des inégalités femmes-hommes sur le marché du travail et conclut par un exposé des débats d’orientation.

5.1.1 Les indicateurs du marché du travail : définitions et mesures

Les données du marché du travail (sur le travail rémunéré) sont recueillies par le biais d’enquêtes périodiques sur la population active (EPA) auprès d’un échantillon de ménages et d’individus représentatif

de la population adulte d’âge actif (15 ans et plus). Ces enquêtes périodiques (mensuelles ou bimensuelles) sont conduites par les bureaux nationaux de la statis-tique dans presque tous les pays du monde.

La population active (PA) regroupe les personnes occupant un emploi et les personnes au chômage (graphique 5.1). :

PA = Personnes occupant un emploi + Personnes au chômage

Sont considérées comme ayant  un  emploi, les per-sonnes qui, d’après l’EPA, ont effectué un travail rémunéré, en nature ou en espèces, pendant au moins une heure dans la semaine de référence1.

Sont considérées comme au chômage les personnes qui : •n’ont pas d’emploi rémunéré en nature ou en

espèces ;

•recherchent activement un emploi pendant la semaine de référence ; et

•sont disponibles pour travailler dans les 15 jours suivant une offre d’emploi.

La dernière catégorie est composée d’individus qui ne font pas partie de la population active, c’est-à-dire les adultes qui ne sont ni employés ni au chômage.

Le taux d’activité (TA) est le rapport entre la popula-tion active et la populapopula-tion civile adulte. La populapopula-tion civile, également dite population non institutionnelle, exclut les populations non civiles ou institutionnelles, c’est-à-les personnes résidant en prison, en caserne militaire ou en institution sanitaire.

TA = (PA/Population civile adulte) x 100

Le taux d’activité est le rapport entre la population active occupée et la population civile (non institution-nelle) adulte totale ; le taux de chômage est le rapport entre les personnes au chômage et la PA (somme des personnes ayant un emploi et des personnes au chômage).

Taux d’activité = (Personnes ayant un emploi/

Population civile adulte) x 100

Taux de chômage = (Personnes au chômage/PA) x 100

Les personnes ayant un emploi sont réparties en plu-sieurs catégories :

•Salariés •Employeurs

•Travailleurs indépendants

•Travailleurs familiaux non rémunérés2

Ceux qui ne font pas partie de la PA sont catégorisés comme suit :

•Étudiants •Retraités

•Personnes au foyer

•Personnes malades ou invalides

•Personnes dont les revenus ne sont pas des revenus du travail

•Autres.

À partir de ces indicateurs, l’objectif principal de la po-litique économique, en ce qui concerne le marché du travail, est de réduire le taux de chômage. La hausse du taux d’emploi est un objectif secondaire de la poli-tique du marché du travail, moins mis en avant. Deux grandes critiques de cette conception de la politique du marché du travail se dégagent :

•Le taux de chômage officiel (défini ci-dessus) n’est pas un indicateur suffisant du vrai taux de non-emploi dans une économie

•La qualité de l’emploi n’est pas moins un problème que la quantité d’emploi.

Le taux de chômage officiel, tel qu’il est défini ci-dessus, est considéré par ses critiques comme un indicateur insuffisant de la véritable ampleur du chô-mage, car il n’inclut pas les relevant de la catégorie des travailleurs découragés ou des sous-employés.

Les travailleurs découragés sont les personnes qui ne sont pas en recherche active d’emploi parce qu’elles pensent qu’il n’y a pas de débouchés pour elles, mais qui aimeraient travailler si un emploi leur était pro-posé (elles sont disponibles très vite). Les travailleurs  sous-employés sont les personnes qui ont un emploi, mais qui en recherchent un autre (un deuxième ou un nouvel emploi) parce que leurs revenus sont in-suffisants3. L’inclusion des travailleurs découragés et

sous-employés donne un taux de chômage supérieur au chiffre officiel.

Par ailleurs, le taux de chômage ne donne aucune indication de l’ampleur de la population exclue de la population active, c’est-à-dire les personnes qui ne sont ni employées ni en recherche d’emploi. La plu-part des adultes exclus du marché du travail sont des femmes au foyer. Par conséquent, le taux de non-em-ploi est un indicateur plus intégral puisqu’il désigne la proportion de la population d’âge actif qui est soit au chômage soit sans emploi.

Taux de non-emploi = (personnes au chômage + sans emploi / population civile adulte totale) x 100 Par exemple, le taux de chômage global en Turquie en 2015 est de 10,3 % et les taux de chômage ventilés par sexe sont de 9,2 % pour les hommes et 12,6 % pour les femmes. Or, le taux de non-emploi est de 54 % pour la population globale, 35 % pour les hommes et 72 %

pour les femmes. L’écart de taux de non-emploi entre les femmes et les hommes (37 points) est beaucoup plus élevé que l’écart de taux de chômage (3,4 points de pourcentage). Ce constat s’explique par le fait que la plus grande partie de la population féminine adulte en âge de travailler en Turquie n’est pas active. La prin-cipale raison de cette inactivité citée par les femmes est qu’elles sont femmes au foyer à temps plein, c’est-à-dire responsable du travail de soins non rémunéré dans la sphère domestique. Par conséquent, dans une perspective de genre, le taux de non-emploi donne une indication plus précise de l’exclusion du marché du travail que le taux de chômage officiel. Pour que le taux d’inac-tivité diminue, le taux de chômage doit diminuer et le taux d’emploi doit augmenter en même temps.

Ce qui nous mène à la deuxième critique du taux d’emploi qui indique l’évolution de la quantité d’em-ploi. Il n’indique pas la qualité de l’emploi, ni si les emplois disponibles sur le marché du travail offrent des conditions décentes. L’agenda pour le travail GRAPHIQUE 5.1 

Les variables du marché du travail

population

totale Âge >15 ans (Population adulte)

Population adulte non

institutionnelle (civile) Population

institutionnelle Population inactive

Employés

• Ouvriers et employés

• Propriétaires d'entreprise

• Travailleurs indépendants

• Travailleurs familiaux non rémunérés

Chômeurs

1. actuellement sans emploi ; 2. activement en recherche d'emploi ; et

3. prêts à commencer le travail si une offre se présente Âge >15 ans

Population active • Armée

• Prisonniers

• Institutions sanitaires

• Étudiants

• Retraités

• Personnes au foyer

• Rentiers

• Personnes invalides ou malades

décent de l’Organisation internationale du travail (OIT) comporte des éléments importants favorables à l’égalité femmes-hommes.

5.1.2 Le travail décent

Le concept de travail décent, tel qu’il est présenté par l’Organisation internationale du travail (OIT)4, est dé-fini comme suit :

Le travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail. Il regroupe l’accès à un travail productif et convenablement rémunéré, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale pour les familles, de meilleures perspectives de dévelop-pement personnel et d’insertion sociale, la liberté pour les individus d’exprimer leurs revendications, de s’organiser et de participer aux décisions qui affectent leur vie, et l’égalité des chances et de traitement pour tous, hommes et femmes.

L’agenda  de  l’OIT  pour  le  travail  décent repose sur quatre piliers stratégiques : normes internationales, principes fondamentaux et droits au travail ; création d’emploi ; protection sociale ; dialogue social et tripar-tisme. Fondé sur ces principes, le Cadre de mesure du travail décent couvre 10 éléments importants étroite-ment liés (OIT, 2013) :

1. Possibilités d’emploi

2. Gains adéquats et emploi productif 3. Temps de travail décent

4. Combiner travail, famille et vie personnelle 5. Formes de travail qu’il y a lieu d’abolir 6. Stabilité et sécurité du travail

7. Égalité des chances et du traitement dans l’emploi 8. Sécurité du milieu de travail

9. Sécurité sociale

10. Dialogue social, représentation des employeurs et des travailleurs

Les indicateurs statistiques et juridiques du travail dé-cent sont organisés et classifiés selon ces dix aspects structurels du cadre de mesure.

Le travail décent a également été accepté comme un concept central du nouveau Programme de

développement durable à l’horizon 2030 adopté lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en sep-tembre 2015. Le huitième Objectif de développement durable (ODD) invite à promouvoir « une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous ».

Les quatre objectifs stratégiques de l’agenda pour le travail décent – création d’emploi, protection sociale, droits au travail et dialogue social – sont largement présents dans un grand nombre des 16 autres ODD.

L’OIT a dirigé le travail de définition et de mesure du travail décent, mais d’autres approches offrant d’autres définitions et mesures de référence du travail décent existent. Il convient de citer plus particulière-ment l’approche de l’Union européenne (UE), qui met l’accent sur la qualité des postes, par opposition à l’OIT qui s’intéresse davantage à la qualité de l’emploi. La définition de la qualité des postes est plus étroitement axée sur le contenu d’un poste et le milieu de travail, à partir de données microéconomiques. L’approche de l’OIT par la qualité de l’emploi est cependant plus globale, car elle cherche à décrire les niveaux macroé-conomique (possibilités d’emploi, structure de l’emploi et codes du travail), mésoéconomique (milieu de travail au niveau de l’entreprise) et microéconomique (conditions de travail des travailleurs individuels) (İzdeş et Yücel, 2016).

Un groupe d’études européennes s’intéresse aux in-dices de la qualité des postes dans la construction en suivant une méthode plus analytique. Ces indices re-posent sur une série de 18 indicateurs de la qualité des postes, adoptés au Sommet de Laeken de 20015. Les études en question dépendent de la disponibilité de données internationales comparables de l’Enquête eu-ropéenne sur les conditions de travail. L’OIT, en revanche, a créé des profils de pays simples à utiliser à partir des informations disponibles et n’a pas élaboré d’indice.

Malgré une unanimité apparente sur certains aspects du travail décent, et les indicateurs employés pour les mesurer, la multiplicité des approches traduit la complexité analytique de la mesure du travail décent (İzdeş et Yücel, 2016).

L’agenda pour le travail décent pourrait faire avan-cer le programme d’action en faveur de l’égalité femmes-hommes pour deux raisons : premièrement,

même quand les inégalités femmes-hommes face à l’emploi ou au chômage se résorbent, d’importantes disparités entre les sexes peuvent entrer en jeu dans la qualité de l’emploi. Par exemple, les femmes ont généralement des possibilités d’emploi plus limitées en raison de la ségrégation selon les sexes et des discriminations à l’embauche. Leurs débouchés sont concentrés dans les emplois informels mal rémuné-rés. Les femmes risquent davantage de se heurter à des discriminations au travail et leur représentation au sein des plateformes de dialogue social est limi-tée (voir la section suivante au sujet des disparités femmes-hommes dans l’accès au travail décent).

Deuxièmement, le manque d’emplois décents est l’une des explications sous-jacentes des inégalités d’accès à l’emploi entre les sexes. Par exemple, quand les emplois demandent de longues heures de travail et offrent peu de possibilités de concilier vie profes-sionnelle et vie familiale, ou quand la croissance sans emplois limite les débouchés, tous les actifs employés souffrent, quel que soit leur sexe. Les mauvaises condi-tions de travail, elles aussi, découragent les femmes d’entrer sur le marché du travail. Les causes structu-relles sous-jacentes des inégalités entre les sexes sur le marché du travail sont abordées à la section 5.1.4.

5.1.3 Les mesures des inégalités femmes-hommes sur le marché du travail

Les indicateurs des inégalités entre les sexes sur le marché du travail les plus couramment employés sont les suivants :

•· L’écart entre les taux d’activité et d’emploi des hommes et des femmes6

•· Les disparités entre les hommes et les femmes dans les taux de chômage et d’inactivité

•· L’écart salarial entre les hommes et les femmes •· La ségrégation selon les sexes dans les secteurs

d’activité et les professions (horizontale)

•· La ségrégation verticale selon les sexes et le plafond de verre

•· Les disparités entre hommes et femmes dans l’accès au travail décent (la qualité des emplois).

Ces mesures servent d’indicateurs quantitatifs des inégalités femmes-hommes dans les résultats

économiques. Chaque indicateur est décrit dans cette sous-section, où l’on trouvera également un bref ex-posé des tendances mondiales.

L’écart de taux d’activité (TA) et d’emploi