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Les politiques du marché du travail en faveur de l’égalité des sexes

Les tendances mondiales 2016

5.1.5 Les politiques du marché du travail en faveur de l’égalité des sexes

De nos jours, l’idée que la croissance économique seule n’assurera pas une distribution équitable des gains entre les hommes et les femmes fait généralement l’unanimité. Pour cette raison, nous avons besoin de politiques actives et efficaces pour nous attaquer aux causes structurelles des inégalités femmes-hommes sur le marché du travail exposées ci-dessus.

Les politiques en faveur de l’équilibre vie profession-nelle-vie privée sont un domaine d’action prioritaire pour l’égalité femmes-hommes.Ces politiques visent à réduire et redistribuer la charge de travail de soins non rémunéré, comme nous l’avons vu au Module 4.

Les politiques d’équilibre vie professionnelle-vie pri-vée reposent sur deux piliers : l’action sociale et la réglementation des heures de travail et des congés de soutien familial. Elles supposent :

•L’accès universel à des services de haute qualité et accessibles pour les soins des enfants, des personnes âgées, des malades et des personnes en situation de handicap.

•Des congés de maternité, de paternité et de soutien familial, accompagnés de chances et de mesures incitatives égales pour les hommes et les femmes au moyen de régimes d’assurance de congés de soutien familial universels et financés collectivement.

•La réglementation du marché du travail pour garantir des heures de travail décentes, afin que les personnes employées à temps plein disposent de suffisamment de temps pour s’occuper d’elles-mêmes et de leurs familles.

•L’harmonisation des horaires du lieu de travail avec ceux des services d’action sociale.

•L’accès à des pratiques de travail flexibles

temporaires en fonction de l’intensité changeante des obligations familiales sur le cycle de vie, dont le travail à temps partiel temporaire, les horaires aménagés et les options de télétravail pour les travailleurs ayant des personnes à charge.

Ces objectifs, en particulier les trois premiers, sont difficiles à atteindre. L’accès universel à des services d’action sociale de haute qualité et d’un coût abor-dable suppose des fonds publics importants (voir le Module 4 : Le travail non rémunéré).

La forme de congé de soutien familial la plus fréquente est le congé de maternité. Presque tous les pays du monde ont adopté une forme ou une autre de légis-lation protégeant la maternité (OIT, 2014). Néanmoins, un grand nombre d’entre eux ne respectent pas les conditions de protection établies dans la Convention no 183 de l’OIT :

•Un congé de maternité d’une durée de quatorze semaines au moins ;

•Des prestations égales au moins à deux tiers du gain antérieur de la femme pendant le congé ; et •Des prestations assurées par une assurance sociale

obligatoire ou par prélèvement sur des fonds publics.

On constate par ailleurs, dans de nombreux pays, un écart important entre le nombre de travailleuses couvertes par le congé de maternité conformément à la loi et le nombre qui en bénéficie dans la pratique, pour des raisons de mauvaise mise en application. De nombreuses catégories de travailleuses ne sont pas non plus couvertes par le congé de maternité rému-néré, notamment les indépendantes, les travailleuses contribuant à une entreprise familiale et autres tra-vailleuses relevant du secteur informel.

Il n’existe pas de normes internationales concernant le congé de paternité. Certains pays n’ont aucune loi en la matière. Quand une loi existe, le congé est de moins de deux semaines. Le congé parental, proposé au choix à la mère ou au père, n’est pas non plus aussi répandu que le congé de maternité. Lorsque le congé parental

est prévu, les données recueillies indiquent qu’il est généralement pris par les mères sauf si la politique concernée encourage fortement les pères dans ce sens.

Par conséquent, une réforme législative du congé de paternité s’impose : il s’agit de veiller à ce que les pères aient un droit égal au congé de soutien familial et de mettre en place des mesures incitatives appropriées pour faciliter l’utilisation efficace de leur congé.

Les essais menés dans certains pays européens, comme l’Islande, les Pays-Bas et la Suède, permettent de cerner les types de mesures incitatives qui aug-mentent le taux de participation des pères (Ilkkaracan, 2012). Les hommes ont généralement plus tendance à prendre un congé de soutien familial lorsque la rému-nération couvre presque entièrement leur salaire et lorsque le congé est suffisamment flexible pour être utilisé à temps partiel, en tandem avec le travail rému-néré à temps partiel et sans forcément nécessiter leur sortie du marché du travail. Le recours à des quotas de pères prenant un congé parental améliore aussi les taux d’adoption du congé par les hommes.

Au-delà de l’équilibre vie professionnelle-vie privée, la promotion de la réglementation du marché du travail et des politiques d’égalité femmes-hommes s’inscrit parmi les domaines d’intervention prioritaires. Les politiques en question peuvent être résumées comme suit (ONU Femmes 2016) :

•Une législation et des pratiques assurant un salaire égal pour un travail de valeur égale afin de valoriser le travail des femmes par les moyens suivants :

- Des politiques de valeur comparable ;

- Une législation permettant les comparaisons entre les secteurs et les organisations ;

- La responsabilité des employeurs d’entreprendre des audits obligatoires des salaires des deux sexes et des plans d’action pour éliminer les pra-tiques salariales inéquitables ;

- L’augmentation des salaires minimum pour élargir la couverture aux groupes précédemment exclus et la mise en application par des régimes d’inspection du travail ;

- L’appui à la réglementation collective coordonnée et inclusive des salaires ;

- Des lois et politiques d’égalité face à l’embauche et à la promotion, y compris des quotas d’hommes et de femmes et des politiques de discrimination positive.

•Une législation garantissant le droit à l’action col-lective organisée et à des mécanismes de dialogue social efficaces.

•Une législation et des politiques visant à prévenir toutes formes de violence sexiste et de harcèle-ment sexuel.

•Une législation et des politiques sur l’égalité des droits constitutionnels et civils, y compris le mariage, la parentalité, l’héritage et la propriété.

•Une législation et des politiques assurant l’égalité des sexes dans l’accès à l’éducation et à la santé, y compris l’accès aux services reproductifs et aux technologies permettant l’autonomie des femmes en tant que droit à disposer de leur corps.

Les politiques actives du marché du travail (PAMT) sont l’une des formes de politique du marché du travail le plus souvent employées dans le monde pour réduire le taux de chômage et améliorer le taux d’emploi. Elles impliquent généralement des formations profession-nelles et l’appariement de l’offre et de la demande sur les marchés du travail. Cependant, ces PAMT ignorent

pour la plupart les spécificités de genre. Leur gendéri-sation suppose les actions suivantes (Balakrishnan et al., 2016) :

•L’élargissement du périmètre de la PAMT, au-delà des chômeurs, de manière à inclure également la population inactive en âge de travailler ;

•La promotion de l’égalité femmes-hommes dans les services de l’emploi :

- en conseillant et en accompagnant les deman-deuses d’emploi pour les encourager à s’affranchir de la segmentation du marché du travail et à pé-nétrer dans de nouveaux domaines de travail, et - en s’attaquant aux pratiques d’embauche

discri-minatoires des employeurs.

•La garantie de l’égalité d’accès aux formations et aux cours de perfectionnement pour les femmes, y compris :

- des mesures encourageant l’entrée et la forma-tion dans des domaines non tradiforma-tionnels ; - la formation préalable à l’emploi, la formation en

cours d’emploi et la reconversion professionnelle ; - le recyclage professionnel pour permettre

l’adap-tation aux évolutions technologiques.

•L’adoption de programmes de travaux publics comme outil de PAMT, mais en élargissant leur portée, généralement limitée au développement

ENCADRÉ  5.2 

Un programme de travaux publics pour l’emploi dans l’action sociale en Macédoine9

Avec le concours des communes, le PNUD Macédoine recense les services dont les groupes vulnérables ont besoin.

Grâce à des fonds fournis par le ministère du Travail, le PNUD aide ensuite les communes à recruter du personnel pour fournir ces services parmi la population locale au chômage. Le programme est opérationnel depuis 2012.

Le résultat est une situation gagnant-gagnant : des chômeurs de longue durée acquièrent une expérience professionnelle et décrochent un emploi à temps partiel ; en même temps, des groupes vulnérables reçoivent des services auxquels ils n’auraient autrement pas accès. En règle générale, les services locaux demandés supposent un travail souvent non rémunéré : soin des personnes âgées, garderies et accompagnement des enfants et des personnes handicapées. Les femmes représentent 75 % des chômeurs de longue durée qui bénéficient du programme. Pour un grand nombre d’entre elles, cette expérience est leur première entrée dans la vie active. Au début de 2017, le programme avait employé 320 personnes dans 42 communes (sur 81), au service d’environ 10 000 clients.

Source : communication personnelle avec Louisa Vinton, représentante résidente du PNUD en Macédoine

d’infrastructures physiques à forte intensité capitalistique, à des projets d’infrastructure sociale à forte intensité de main-d’œuvre dans le cadre desquels les femmes peu qualifiées sont formées pour fournir des services de soins (Encadré 5.2). Il convient en outre d’inclure l’infrastructure verte et l’agriculture biologique pour les femmes des zones rurales.

•La promotion du travail indépendant et de la création de PME pour les femmes, par le biais de programmes de formation et en renforçant leur accès au crédit, à la terre, à la propriété, aux technologies, aux marchés, à l’information et aux réseaux.

Les politiques en matière d’équilibre vie profession-nelle-vie privée, la réglementation du marché du travail, les politiques d’égalité femmes-hommes et les PAMT sont autant d’interventions législatives directes venant s’ajouter à la fourniture de services publics.

Un cadre macroéconomique favorable est nécessaire pour pérenniser ces interventions directes et assurer leur efficacité. Les politiques macroéconomiques, qui ciblent en priorité le plein emploi et la création d’em-plois décents, favorisent la croissance inclusive et sont essentielles pour réaliser l’égalité femmes-hommes dans les marchés du travail.

La politique budgétaire peut être un outil important pour faire avancer simultanément les objectifs en matière d’équilibre vie professionnelle-vie privée et de création d’emploi. Ces objectifs peuvent être atteints au moyen d’un investissement public dans la construction d’une infrastructure d’action sociale universelle, et de dépenses budgétaires dans ce sens.

Une politique budgétaire formulée dans une optique anti-austérité crée une marge de manœuvre pour les dépenses d’action sociale et les programmes de tra-vaux publics supplémentaires en faveur de l’emploi.

La politique monétaire s’inscrit en complément de la politique budgétaire en visant une optimisation équi-librée entre plein emploi et stabilité des prix.