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4.5 Comprendre la séparation : expériences en molécules uniques

4.5.2 Une preuve directe de la migration vers les bords

Les conclusions tirées des chromatogrammes, bien que fort utiles, ne constituent pas une preuve

directe de la migration vers les parois des molécules. Afin de remédier à ce constat nous avons imaginé

un protocole expérimental inspiré des expériences de suivi de molécules individuelles. Travaillant avec des molécules d’ADNλ (N = 48502 bp [Sanger et al., 1982]) dans des conditions (tampon et

mode d’actionnement) identiques à celles de la séparation, il nous est apparu qu’à chute de pres- sion imposée, une différence de tension unique permettait de stopper les molécules. Tout comme l’ont observé et publié au cours de cette thèse Ren et al. [Ren et al., 2012] la molécule adopte alors une conformation globulaire, d’extension bien inférieure à celle présentée en écoulement hydro- dynamique seul. L’illustration du piégeage d’une molécules d’ADN est donné avec la figure 4.25.

FIGURE 4.25 – Illus- tration du piégeage d’une molécule

Cette figure présente un montage d’images espacées de 16.7 ms et illustre les phases du piégeage. En phase a) la molécule est libre et se meut dans le fluide qui s’écoule ici de gauche à droite et est caractérisé par une vitesse maximale

v0 = 250 µm.s−1. La molécule est alors partiellement étirée et présente une

longueur bout à bout d’environ 12µm. b) Un champ électrique, d’amplitude

E = 13.5V.cm−1est alors appliqué. Celui-ci crée une force d’origine électrophoré-

tique sur la molécule s’opposant à son mouvement dans le fluide. Cette dernière commence alors à s’étirer pour atteindre une longueur maximale d’environ 17µm, soit près de 80 % de sa longueur de contour. Elle relaxe ensuite jusqu’à aboutir à une conformation globulaire stable, d’extension fixe c). L’étude de ces dyna- miques de relaxation a été ébauchée par Ren et al. [Ren et al., 2012] et ne fera pas l’objet de ce manuscrit.

Pour l’heure, notre sujet portera sur la phase c). Nous avons évoqué plus tôt que la limite de résolution axiale de la microscopie en champ large était incompatible avec le repérage d’objets selon la direction parallèle à l’axe optique (z). Cette assertion n’est vraie que pour des objets rapides, tel qu’il est impossible d’effec- tuer un balayage selon la direction z. En phase c) les molécules sont quasiment immobiles, si bien qu’il est possible de les garder dans le champ d’observation et de balayer l’épaisseur du canal. On peut ensuite déconvoluer les positions des molécules en z par repérage du maximum d’intensité.

Ayant disposé la puce microfluidique sur une platine de nano-positionnement, la procédure mise en place se résume par les étapes qui suivent et est schématisée en figure 4.26 :

1. Étant donnée une vitesse de fluide dans le canal imposée par la chute de pression, l’amplitude du champ électrique est ajustée de façon à stopper (au phénomène de diffusion près) le mouvement des molécules suivant la direction du flux, puis le générateur de tension et la source lumineuse sont éteints,

2. La platine est positionnée de manière à ce que le plan focal soit situé plus bas que la partie basse de la canalisation,

3. la source lumineuse toujours éteinte, le champ électrique (d’amplitude prédéfinie) est appliqué,

4. la source est allumée et l’axe z balayé sur une gamme et avec un incrément

δz prédéfinis,

5. la synchronisation de la caméra sur les mouvements de la platine permet l’acquisition d’une image de fluorescence par altitude.

été subdivisés afin d’isoler les molécules6. Un suivi du maximum d’intensité rayonnée a été conduit à l’aide du logiciel ImageJ pour ∼ 80 molécules par condition (∆P,∆V ). Cette étude a été menée pour deux fentes de hauteurs H= 2 et 12µm. Un montage d’images acquises pour différentes altitudes dans cette dernière hauteur est présenté en figure 4.27. Il apparaît sur celle-ci que les molécules semblent préférentiellement focalisées sur deux plans distants d’environ H. Ceux-ci sont repérés par 1) et 2). Notons que la rupture d’indice optique aux interfaces verre/PDMS et PDMS/verre conduit à une

distorsion de la mesure de la hauteur (effet poisson dans son bocal ou masque de plongée). Considérant

les indices optiques de ces matériaux, la coordonnée zr éél peut être obtenue à partir de l’altitude zpde

la platine reliées dans l’approximation de Gauss par l’expression :

zr éél= nH2O nver r e µ zp− e nver r e nP D M S ¶ (4.20) Où e est l’épaisseur de la couche de PDMS. Notons que pour éviter d’avoir à repérer la position exacte du bas de la canalisation7, nous avons raisonné en altitude relative, et invoqué la symétrie plane par rapport au centre de la canalisation que doivent satisfaire les distributions de densité en application du principe de Curie [Curie, 1894], cette procédure ayant aussi pour avantage de corriger la dérive temporelle inéluctable de la hauteur du système.

Résultats obtenus dans des canalisations de hauteur H = 2 et 12µm

Cette procédure a été menée sur une canalisation de 2µm de hauteurs pour plusieurs débits et ampli- tudes de champ électrique. La figure 4.28 présente les résultats du suivi de l’intensité en fonction de l’altitude pour une vitesse maximale au centre de la canalisation de v0= 240µm.s−1et une amplitude

du champ électrique E = 9.6 V.cm−1. Afin de simplifier la lecture des graphiques, les courbes d’intensité ont été normées sur la valeur maximale atteinte. Aussi avons-nous mis en place un tri des trajectoires selon le critère ¯z < 0 µm et ¯z > 0 µm où ¯z est la valeur moyenne de l’altitude pondérée par l’intensité

acquise au cours de la course de la platine. Ce simple critère permet ainsi de classer les molécules en deux groupes, celles majoritairement plus proches du haut ou du bas de la canalisation. Ces derniers correspondent respectivement aux couleurs verte et rouge sur les graphiques de la figure 4.28 a). Il apparaît à la lumière de ces données que la zone centrale de la canalisation est dépeuplée et que 6Notons qu’afin d’éviter la saturation des pixels autour du maximum d’intensité nous avons procédé à un filtrage passe-

bande des empilements d’images.

7Une procédure commune consiste à mettre à profit l’adsorption d’objets fluorescents sur la surface Cf. par exemple

[Joseph and Tabeling, 2005]. Or cet évènement n’est que très rarement observé pour des molécules d’ADN dans des canalisa- tions traitées avec du PVP.

FIGURE4.27 – Images acquises pour différentes altitudes du plan focal dans une canalisation de hauteur H=12 µm. Les indices 1 et 2 indiquent approximativement les positions où les molécules sont "focalisées". Les altitudes indiquées sont relatives et corrigées pour l’effet de rupture d’indice optique. Conditions d’actionnement v0= 300µm.s−1, E = 5.2V.cm−1

FIGURE4.28 – Suivi de l’intensité maximale normée en fonction de l’altitude dans une canalisation de hauteur H = 2µm pour v0= 240µm.s−1et E = 9.61 V.cm−1, [PVP] = 2% wt. a) Données brutes. b) Données superposées au valeurs moyennes sur toutes les trajectoires.

FIGURE4.29 – Évolution des intensités maximales moyennes pour différentes vitesses maximales du fluide et

amplitudes de champ électrique associées. H = 2µm, [PVP] = 2% wt

les molécules occupent préférentiellement les zones proches des parois. Le cadrant b) présente la procédure de moyennage des molécules appartenant aux mêmes groupes ainsi que les barres d’erreurs associées. Les deux maxima d’intensité apparaissent séparés d’une distance de 2µm environ, soit la hauteur de la canalisation. La figure 4.29 présente les résultats, en terme d’intensité moyennées pour différentes chutes de pression et tensions telles que v0∈ [60, 410] µm.s−1et [4.7, 12] V.cm−1. Il

apparaît sur ces figures que quel que soit le débit imposé, la probabilité de présence des molécules admet toujours deux maxima proches des parois. Toutefois, les barres d’erreurs nous empêchent de conclure sur l’évolution de la position des maxima en fonction du couple [v0, E ].

Ce constat étant, nous avons ensuite mené le même type d’expérience dans une fente de hauteur plus importante H = 12µm. La limite de résolution optique étant constante (pour un même indice de réfrac- tion du milieu et une même ouverture numérique), aller vers un confinement moins important présage un suivi de l’évolution spatiale d’intensité mieux résolu. Les courbes ainsi obtenues sont présentées dans la figure 4.30. Notons qu’un temps d’équilibre plus important que pour la fente de hauteur H = 2µm s’est révélé nécessaire après application du champ. Encore une fois les erreurs entachant les mesures ne permettent de déterminer si les couples [v0, E ] permettant l’arrêt des molécules impactent

FIGURE4.30 – Évolution des intensités maximales moyennes pour différentes vitesses maximales du fluide et

amplitudes de champ électrique associées. H = 12µm, [PVP] = 2% wt

la distribution d’équilibre. Toutefois, cette expérience nous permet d’entériner l’effet de migration vers les parois des molécules puisque les pics d’intensité sont encore éloignés d’une distance comparable à H.

Les mesures présentées ici ne sont valables que pour des combinaisons de vitesse de fluide et d’ampli- tude de champ électrique permettant l’arrêt des molécules. Or, dans les expériences de migration, cette situation n’est pas souhaitée puisque les espèces moléculaires contenues dans l’échantillon doivent avoir un mouvement global vers le détecteur. Afin de nous rapprocher de cette situation, des mesures de dynamiques de suivi de molécules ont été réalisés. Ceux-ci font l’objet de la prochaine sous-partie.