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4.4 Migration transverse en microfluidique : pistes bibliographiques pour l’interprétation de

4.4.2 Migration transverse en fluide viscoélastique

Comme nous avons pu le décrire, les spécificités du tampon peuvent avoir des conséquences drastiques sur la possible migration des objets dans un écoulement. Des simulations de Krekre et al. ressortent que la migration anormale vers les bords est en relation avec la force ionique du fluide. Travaillant dans un tampon TBE 2X, la longueur de Debye dans nos expériences est de l’ordre de 2 nm. Mais il est un autre composant que nous n’avons jusqu’alors pas remis en cause. En effet, nous travaillons dans un

fluide constitué de chaînes de PVP diluées à 2% en masse soit une concentration c ∼ 55 µM. Or, cette molécule est caractérisée par un rayon de gyration de l’ordre de 25 nm [McFarlane et al., 2010] ce qui équivaut à une concentration critique de recouvrement cdonnée par c∗= 4 1

3πR 3

gNA ∼ 25 µM ! Nous

somme donc dans un régime où le fluide porteur a des propriétés viscoélastiques. Cette propriété est d’autant plus importante, qu’un effet de migration en régime non inertiel vers les zones de cisaillement nulle est connu et décrit pour de tels fluides [Ho and Leal, 1976].

Un fluide viscoélastique se caractérise par un comportement intermédiaire entre un solide élastique et un liquide visqueux. Il existe de nombreux modèles donnant l’équation caractéristique de ceux-ci. Dans le cas très général du fluide Oldroyd [Oldroyd, 1958], la description d’un fluide non-newtonien passe par l’introduction de 8 paramètres. Avec un seul paramètre, en plus de la viscosité, le modèle de Maxwell [Bird et al., 1960] est l’approximation viscoélastique la plus simple. Un fluide de Maxwell est représenté par un amortisseur visqueux mis en série avec un ressort linéaire. Si l’on s’intéresse au cas d’un cisaillement pur à une dimension (les notations sont bien sûr sous forme tensorielle dans le cas général), lorsqu’une contrainte axiale est appliquée, la contrainte totaleσT et la déformation totaleγT

sont définies de la manière suivante :

σT = σA= σR γT= γA+ γR (4.8)

où l’indice A désigne l’amortisseur et l’indice R le ressort. Ces deux contraintes sont respectivement données par :

σA= µ ˙γA σR= EγR (4.9)

où E est le module élastique associé au ressort etµ le coefficient de viscosité associé à l’amortisseur. Ces deux grandeurs sont isotropes. Si l’on dérive alors la déformation totale par rapport au temps :

˙ γT= ˙γR+ ˙γA= 1 Eσ +˙ 1 µσ (4.10)

Cette équation est l’équation constitutive du liquide, c’est-à-dire reliant l’évolution de sa déformation en fonction de la contrainte. Un fluide newtonien prévoit une relation linéaire directe entre ces quanti- tés. L’histoire de la déformation intervient donc dans l’équation constitutive d’un fluide de Maxwell. En définissant le temps caractéristique de relaxation du fluide :

λ = µ

E (4.11)

On en déduit l’expression de la contrainte, qui dépend de l’histoire du taux de cisaillement imposé :

σ(t) =µ λ t Z −∞ exp µ −t − t 0 λ ¶ ˙ γ¡t0¢ d t0 (4.12)

Cette dernière équation est d’importance car elle permet la caractérisation du fluide à l’aide d’un rhéomètre. Notamment, la mesure sous cisaillement oscillant de petite amplitude consiste à imposer une déformation à la fréquenceω selon γ(t) = γ0(ω)eiωt et on mesure la contrainte associéeσ(t) = σ0(ω)eiωt+φ. On définit alors le module de cisaillement complexe G= G0+ iG00où G0est le module de

conservation et G00est le module de perte. Dans le cadre du modèle de Maxwell ceux-ci sont donnés par :

G0= 2λ2

1+ω2λ2 G00= Eωλ 2

FIGURE4.20 – Modules de conservation et de perte en fonction de la fréquence d’oscillation. Les lignes continues représentent l’ajustement à l’aide du modèle de Maxwell conduisant àλ = 15.10−3s pour une viscosité égale à 5.5 mP a.s

Ces mesures ont été menées au laboratoires des IMRCP (Toulouse) avec l’aide de B. Lonetti. Les résul- tats des mesures en oscillation sont présentées dans la figure 4.20. L’ajustement à l’aide du modèle de Maxwell nous permet de remonter à la valeur du temps caractéristique du fluideλ ∼ 15.10−3s connais-

sant la valeur de la viscosité qui s’est révélée être constante sur toute la gamme de cisaillement imposé

µ ∼ 5.5mPa.s. L’ajustement semble valide pour des valeurs ω < 100s−1. Le modèle de Maxwell n’est

adapté que pour la description du fluide dans cette gamme. En effet, ce modèle prédit correctement le comportement de solutions micellaires, qui sont formées de longs tubes ressemblant à des polymères pour des cisaillements au temps long, et susceptible de se réorganiser dynamiquement dans le cas de contraintes rapides, ce qui lui confère une réponse élastique. Les solutions ou les fondus de polymères ne sont pas correctement décrites par le modèle de Maxwell, et on emploie le plus souvent le modèle de Oldroyd-B, de Giesekus, ou de Dumbbell, qui introduisent tous un paramètre supplémentaire attribué à différents mécanismes moléculaires. Giesekus propose par exemple une non linéarité de la réponse en contrainte, qui permet d’obtenir des comportements non linéaires en viscosité [Bird and Wiest, 1995].

Afin d’appréhender le possible impact de ces effets dans nos systèmes il est utile d’exprimer le nombre le nombre de Deborah De, le nombre de Reynolds Re et le ratio des deux défini comme nombre

d’élasticité El . Des caractéristiques de nos expériences il vient De = λ ˙γW ∼ 10−1à 1, Re = 10−5à10−4

soit encore El ∼ 102− 103. Il apparaît que les effets élastiques dominent clairement.

On dénomme par N1et N2les différences de contraintes normales de premier et deuxième ordre N1= σxx− σy y et N2= σyy − σzz. Ces différences sont nulles pour des fluides newtoniens, mais non nulles

dans le cas d’un fluide non-Newtonien. Dans le cadre d’un fluide de Maxwell N1= λµ ˙γ2et N2= 0 dans

le cas du cisaillement simple pris pour exemple plus tôt. Par un argument de loi d’échelle, Leshansky

et al. [Leshansky et al., 2007] ont montré que l’on pouvait approximer par FM ∼ a∂N1¡ ˙γ¢/∂z¢ la

force de migration exercée sur une bille de rayon a dans un fluide viscoélastique. Ces derniers ont ainsi interprété la focalisation de microparticules dans des capillaires de 20µm de diamètre interne. Le sujet a depuis le vent en poupe, et les applications pour la focalisation de particules et même de molécules d’ADN se multiplient [Young Kim et al., 2012] [Giudice et al., 2013]. Ces développements

sont à notre sens très prometteurs, puisqu’ils augurent la diversification des applications de la mi- crofluidique (historiquement royaume du laminaire Newtonien) et vont dans le sens des systèmes

à fois cool, simples et bon marché selon les mots de G. Whitesides [Whitesides, 2012]. Dans ce do-

maine, il est une équipe de l’université de Naples très active [D’Avino et al., 2010] [Villone et al., 2011] [D’Avino et al., 2012] [Villone et al., 2013] [Giudice et al., 2013] qui a très récemment développé une loi d’échelle pour l’expression de la vitesse de migration perpendiculairement aux lignes de champ dans un capillaire [Romeo et al., 2013]. Étant donné le nombre de Deborah caractéristique du fluide (dans nos notations De = λ ˙γW) les coefficients de contraintes normales N1et N2, le rayon R du capillaire le

ratio de cette vitesse de migration vM(r ) sur la vitesse moyenne du fluide ¯v est donné par :

vM(r ) ¯ v = · −De µ 1 +CN2 N1 ¶ ³a R ´2 r R − a ¸ f (a/R) g³ r R − a ´ (4.14)

Où r est la position radiale de la particule, C une constante, f (u) = A + Bu2avec A et B des constantes, et g¡ r

R−a¢ une fonction permettant de prendre en compte le ralentissement hydrodynamique de la

particule aux bords.

Toutefois ces études dépeignent des situations dans lesquelles les particules sont libres. Nos conditions expérimentales font plus écho à des situations de particules fixes. Plus proche de notre situation, Dhahir et Walter [Dhahir and Walters, 1989] ont montré qu’un cylindre fixe dans un écoulement de Poiseuille subit une force vers les murs. Cette observation a été confirmée par Carew et Townsend [Carew and Townsend, 1991] par simulation dans un fluide d’Oldroyd-B et de Phan–Thien–Tanner. Plus récemment, Lee et al. [Lee et al., 2010] ont, par leurs simulation et méthode des perturbations, encore une fois confirmé l’effet de focalisation vers le centre pour une particule libre et de migration vers les bords pour une particule fixe. Selon leurs mots, dans ce type de fluide, les particules, fixes ou non, migrent toujours vers les zones où le cisaillement est le plus faible. Dans le cas d’une particule fixe, la condition de non glissement à la surface de la particule y impose une vitesse de fluide nulle. Ainsi le gradient de vitesse, dans le cas d’un écoulement Poiseuille, est donc plus fort sur la face la plus proche du centre : d’où une migration vers le bord.

Ces points bibliographiques et sur la nature du fluide renforce un peu plus la nécessité de rechercher si oui ou non un phénomène de migration existe dans nos expériences et, dans le cas d’une réponse positive, de caractériser comment celui-ci se manifeste. La figure 4.21 résume les discussions qui précédent, ou libre et fixe correspondent aux situations où les particules se meuvent librement dans un profil Poiseuille ou une force tend à les ralentir. Les références bibliographiques sont volontairement non exhaustives, mais à notre sens, représentatives.

FIGURE4.21 – Évidences des phénomènes de migration transverse dans la bibliographie pour les fluide non- newtonien et viscoélastiques.

FIGURE4.22 – Évolution du diamètre hydrodynamique (dh) apparent de traceurs de d=200 nm dans des solutions

de diverses concentrations en PVP.

[PVP] (% wt) 0 % 0.1 % 2% 4 %

dh(nm) 196 240 1162 3834

µ (mPa.s) 0.93 1.14 5.5 18.15

TABLE4.1 – Évolution des diamètres hydrodynamiques apparents des traceurs et viscosités associées