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4.4 Migration transverse en microfluidique : pistes bibliographiques pour l’interprétation de

4.4.1 Migration transverse d’objets sous l’action de champs hydrodynamique et électro-

Considérant des particules sphériques solides, il a été théoriquement et expérimentalement démon- tré qu’il existe une focalisation des particules vers le centre de la canalisation dans le cas parti- culier ou une force tend à s’opposer au mouvement de la bille dans un écoulement de Poiseuille [Jeffrey and Pearson, 1965]. Cet effet a récemment été mis en application pour la focalisation pla- naire de traceurs sphériques soumis à l’action conjuguée d’un champ électrophorétique et dans un capillaire [Kim and Yoo, 2009]. Comme discuté plus tôt, ces effets sont essentiellement d’origine inertielle, et les forces de cette origine sont négligeables devant l’agitation Brownienne de particules sub-micrométriques.

Sur le plan des expériences avec des molécules d’ADN, le précédent le plus ancien à notre connais- sance correspond à des travaux de Zheng et al. [Zheng and Yeung, 2002]. Ceux-ci ont démontré qu’un phénomène de migration radiale des molécules d’ADN pouvait apparaître, en direction des parois ou du centre d’un capillaire, suivant le mode d’actionnement. Travaillant avec des molécules d’ADNλ (∼ 48 kbp) migrant dans des capillaires de 75µm de diamètre interne sous l’action conjuguée d’un champ hydrodynamique et électrophorétique, ceux-ci on mis en avant les résultats suivants :

• Lors de l’application conjuguée d’un flux hydrodynamique et électrophorétique, tels que ces deux tendent à actionner les molécules dans la même direction, ces dernières migrent vers le centre du capillaire.

• Lors de l’application de ces deux champs en opposition, les molécules migrent vers les parois du capillaire avec un temps de relaxation de l’ordre de 20 s.

Il est intéressant de noter que ces derniers ont mis en évidence ces phénomènes pour des valeurs de vitesses maximales au centre proches des nôtres (v0∼ 115 − 340 µm.s1 et E ∼ 40 − 60V.cm−1).

Toutefois, la force ionique de leur tampon est bien plus basse (∼ 5mM NaCl contre 180 mM TBE) et compte tenu du rayon du capillaire, le taux de cisaillement au bord est environ 40 fois plus faible que dans nos expériences. Cette expérience a amené les auteurs à tenter d’interpréter ce phénomène en modélisant les molécules d’ADN comme des bâtonnets rigides sous flux. Un schéma issu de leur publication est donné en figure 4.15 : La molécule migrant à une vitesse électrophorétique vedans la

direction du fluide ou de manière opposée, il est possible de décomposer les composante des forces suivant Fnet Fttelles que :

FL=12µvesin 2θ (cn− ct)

FD= µve¡cncos2θ + −ctsin2θ¢

FIGURE 4.15 – Schéma descriptif du phénomène de migration selon J. Zheng et S. Yeung tiré de [Zheng and Yeung, 2002]. FD : force de friction. FLforce de lift. Les directions Fnet Ft indiquent les compo-

santes normales et tangentielles des forces suivant l’axe principal de la molécule assimilée à une ellipse. L’angle

θ décrit l’orientation de la molécule par rapport à la direction du fluide.

Les coefficients cnet ctcorrespondant aux coefficients de friction visqueuse pour un objet ellipsoïdal

suivant les directions normale et tangentielle à l’axe principal. Dans le cas spécifique où force hydro- dynamique et électrophorétique agissent conjointement, l’orientation de la molécule est telle que 0 < θ < π/2 du fait de la déformation induite par le flux. De fait et faisant remarquer que cn> ctdans

cette géométrie particulière, la force FLtend à faire migrer les molécules vers le centre de la canalisation.

Dans la situation ou les deux modes d’actionnement sont opposés, la transformation ve→ −veconduit

à une force de lift vers les parois du tube. Cette explication, bien que critiquable, a le mérite de fixer une certaine idée du phénomène. Toutefois, poursuivant la même logique, on peut tout à fait se demander pourquoi cette force ne conduit pas à une simple rotation de la particule sur elle-même plutôt qu’une migration globale au sein du capillaire.

Il est intéressant de noter que les auteurs de cette étude ont eu l’idée d’appliquer ce phénomène à la séparation [Zheng and Yeung, 2003]. Remarquant le temps de relaxation des biomolécules vers le bord est dépendant de leurs tailles (une molécule plus grande migrant plus rapidement), il est a priori possible de séparer des entités chargées de tailles différentes. Toutefois, comme le font remarquer les auteurs, celle-ci est impossible en régime continu. Les positions axiales d’équilibre étant indépendantes de la taille, la séparation se fait au prix d’un protocole laborieux comme décrit dans la figure 4.16. Les étapes composant la séparation vont successivement de la gauche vers la droite et peuvent se résumer ainsi. Débutant avec deux populations de molécules (les petits cercles pleins représentant les plus petites d’entre elles) réparties de façon homogène dans une canalisation, celles-ci sont amenées à migrer (vers le haut du schéma) suivant un actionnement électrophorétique. Un flux hydrodynamique est alors appliqué tendant à advecter les molécules du haut vers le bas du schéma. Compte tenu du mécanisme de migration décrit plus tôt, les objets les plus déformables (les grosses molécules) migrent plus rapidement vers le bord. Situées en moyenne plus proche du centre, les petites molécules se situent sur les lignes de fluide rapides de l’écoulement de Poiseuille. Elle se décalent donc vers la zone d’injection (Cathode sur le schéma). Puis le sens du flux hydrodynamique est inversé, tendant à rapprocher les molécules vers le centre de la canalisation. Encore une fois, cette migration étant plus

FIGURE4.16 – Schéma descriptif du phénomène de l’expérience de séparation selon J. Zheng et S. Yeung tiré de

[Zheng and Yeung, 2003]. HDF : flux hydrodynamique. EpFlux électrophorétique.

rapide pour les grandes molécules, celles-ci se décalent vers le entre de la canalisation, où, migrant dans les lignes de fluide de vitesses supérieures, elles confortent leur avance sur les petites. Ainsi, alternant les champ le sens du champ hydrodynamique suivant des cycles répétés, les auteurs ont montré la possibilité de séparer deux ADN (λ - 48.5 kbp - et ΦX 174 -5.3 kbp-) en environ 20 minutes sur une distance de migration de 52 cm dans un capillaire de 75µm de de diamètre interne.

Les auteurs mentionnent clairement qu’une séparation en continue est impossible. Aussi, depuis lors, on ne trouve plus trace dans la bibliographie de séparation de ce type. Si expérimentalement cet effet semble être tombé en désuétude, il n’a pas manqué d’éveiller l’intérêt de théoriciens. En effet, Butler et al. [Butler et al., 2007] ont ainsi mené des travaux numériques sur le transport de molécules confinées en présence d’un champ hydrodynamique (profil Poiseuille) et d’un champ externe, avec pour application particulière l’électrophorèse. Leurs conclusions s’énoncent comme suit :

• Lorsque seul un champ hydrodynamique est appliqué, les chaînes de polymères tendent à migrer vers le centre

• Lorsque seule une force externe est appliquée les molécules tendent à migrer vers le centre également

• Lorsque les deux champs sont appliqués simultanément, les molécules migrent tantôt vers les bords, tantôt vers le centre de la canalisation suivant l’intensité relative de ces deux forces. • Dans le cas particulier où la force externe est une force électrophorétique, les polymères migrent

suivant le mécanisme mis en avant par Zheng et al..

La migration vers le centre des canalisations pour des polymères dans un écoulement de Poiseuille a fait l’objet de nombreux travaux, tant numériques qu’expérimentaux, récemment revus par Graham [Graham, 2011]. Cet effet est aujourd’hui suffisamment compris tel qu’il est possible de l’énoncer en quelques phrases. Proche d’une paroi, la forte variation spatiale de la vitesse de fluide implique une extension du polymère. Ce dernier se relaxant induit un écoulement secondaire qui par réflexion avec la paroi se transforme en une force normale à cette dernière. Aussi observe-t-on une déplétion proche des murs dans un écoulement. Le polymère subissant un cisaillement plus faible au centre de la canalisation, admet une conformation plus globulaire qui augmente sa diffusivité par rapport

FIGURE4.18 – Distribution de probabilité de présence du centre de masse (CDM) des molécules d’ADN conte- nues dans le kb ladder selon la résolution de l’équation (101) de [Butler et al., 2007] pour des conditions repro-

duisant a) l’expérience à∆P = 200 mbar et ∆V = 20V et b) ∆P = 500 mbar et ∆V = 30V (Cf. 4.7). Ces valeurs

sont données sur l’espace z ∈ [0.25Rg,H2] celles-ci étant, de fait, symétriques. Les valeurs expérimentalement

trouvées sont également représentées.

aux zones proches des parois où le polymère est déployé et admet un rayon hydrodynamique plus important. La zone centrale de la canalisation tend ainsi à être plus dépeuplée par augmentation de diffusivité. Aussi la combinaison de ces deux effets conduit-elle à des distributions d’équilibre dans la canalisation en forme de volcan tel qu’illustré dans la figure 4.17, issue de travaux de Jendrejack et al. [Jendrejack et al., 2003].

En ce qui concerne l’application d’un champ externe, sans champ hydrodynamique Butler et al. mettent en avant que l’orientation préférentielle des chaînes linéaires entre les parois crée une migration nette vers le centre de la canalisation. Dans les cas d’un actionnement mixte, il existe un couplage complexe que nous ne saurons décrire ici. Cet effet est essentiellement basé sur les valeurs relatives de deux nombres de Péclet, relatifs à l’actionnement hydrodynamique Pef =

¯˙γR2

g

D0 et électrophorétique

Pee= veRg

D0 . Avec Rgle rayon de gyration de la molécule dans un milieu infini, D0son coefficient de

diffusion, vesa vitesse électrophorétique et ¯˙γ la valeur moyenne du taux de cisaillement sur l’espace

entre le centre de la canalisation et bord de cette dernière. Dans nos mains et compte tenu des valeurs de ces deux coefficients dans nos expériences (Pef ∼ 500, Pee ∼ 103), la résolution numérique de

l’équation du premier ordre non linéaire (101) donnée dans leur publication conduit à des effets inverses à ceux expérimentalement observés, comme présenté en figure 4.18.

FIGURE4.19 – Vitesse moyenne des molécules en fonction de leur taille selon la résolution de l’équation (101)

de [Butler et al., 2007] pour des conditions reproduisant les expériences à∆P = 200 mbar et ∆V = 20V et b)

∆P = 500 mbar et ∆V = 30V (Cf. 4.7).

molécules (de bp paires de bases) contenues dans le kb ladder pour des conditions de champ électrique et de vitesse au centre de la canalisation correspondant à l’expérience pour∆P = 200 mbar et ∆V = 20V présentée en figure 4.7. Le panneau b) a quant à lui été obtenu pour des valeurs correspondantes à∆P = 500 mbar et ∆V = 30V . Il apparaît clairement sur ces courbes que le centre de masse des molécules de plus grandes tailles se déplace vers le centre de la canalisation (et les lignes de haute vitesse) alors que les plus petites restent distribuées de manière homogène selon la canalisation3. Il nous est alors possible de calculer la vitesse moyenne ¯v¡bp¢ des molécules en fonction de leur taille via : ¯ v¡bp¢ = H /2 R 0 (vh(z) − ve) n¡z,bp¢ H /2 R 0 n¡z,bp¢ (4.6)

L’évolution de cette vitesse moyenne superposée aux données expérimentales est donnée en figure 4.19 Il apparaît que, dans nos conditions et selon les travaux de Butler et al., les molécules de plus grandes tailles migrent plus rapidement vers le détecteur que le plus petites, ce qui va à l’encontre des résultats expérimentaux. Notons toutefois que cette théorie sacrifie de son acuité à des fins louables qui sont de fournir à l’expérimentateur une équation analytique. Même si celle-ci donne des tendances correspondant à l’expérience de Zheng et al., la modélisation consistant à modéliser le polymère par deux billes et un ressort atteint certainement sa limite dans nos géométries confinées.

Afin de cerner quantitativement les effets mis en avant dans les expériences de migration de Zheng et

al., la même équipe a eu recours à des dynamiques Browniennes (modèle gros grains) et ont réussi à

reproduire les résultats de l’expérience de migration [Kekre et al., 2010]. Plus fort encore, ces résultats ont été obtenus sans paramètre ajustable en reprenant les données expérimentales décrites par Zheng

et al.. Il s’avère que la migration anormale observée, pour les champs électrophorétique et hydrodyna-

mique agissant conjointement ou non, est le résultat du champ de fluide généré par la distribution de charge le long de la molécule. Comme l’explique les auteurs, il est communément admis qu’en 3Notons que ce calcul contient une part d’arbitraire puisque la résolution de l’équation différentielle requiert la donnée du

rayon a des billes reliées par un ressort linéaire simulant la chaîne de polymère. Nous avons ici choisi la valeur a = 0.125 Rg à l’instar des auteurs et vérifié que la tendance observée restait constante pour des valeurs plus hautes ou plus basses dans la limite a < Rg/2.

Conclusion et mise en perspective des discussions à suivre La migration vers le bord des canalisa- tion est un candidat parfait à l’explication des performances de séparation atteintes dans notre système. Dans de telles conditions, pourvu que la migration soit dépendante de la taille des molécule, nous pouvons tout à fait entrevoir la possibilité de séparer des molécules par taille. Toutefois, il reste ici encore des points d’ombre qu’il nous incombe de lever.

Si la migration radiale lors d’un actionnement hydride est un fait avéré [Zheng and Yeung, 2002] [Zheng and Yeung, 2003] [Zheng et al., 2004] (et plus récemment [Ren et al., 2012]) les auteurs de ces études ont toujours mis en avant l’impossibilité de séparer les molécules par taille lors d’un action- nement continu. De plus, à la lumière des différents travaux théoriques décrit plus tôt, rien n’indique que cet effet est aussi présent dans notre système compte tenu des taux de cisaillement un ordre de grandeur plus grand et le confinement accru des molécules (chez Zheng H /R g ∼ 100 dans notre système H /R g ∼ 10). La prévalence du couplage hydrodynamique intra-chaîne devant les interactions hydrodynamiques chaîne-paroi est loin d’être acquise dans nos conditions d’expérience. Ce constat est d’autant plus vrai que le tenseur de couplage bille-bille par interaction hydrodynamique lors d’ac- tionnement par électrophorèse est proportionnel à un facteur f (a/λD) (avecλDlongueur de Debye)

tel que :

f (a/λD) → 0 λD<< a

f (a/λD) → 1 λD>> a

(4.7)

Ou a est une taille caractéristique du monomère d’ADN prise égale à 0.34 nm dans [Kekre et al., 2010]. En effet, autre point majeur différenciant nos expériences des expériences de Zheng et al. est que nous travaillons à très haute force ionique, telle que la longueur de Debye n’est que d’environ 2 nm contre 30 à 140 nm chez ces derniers.

Ainsi ne pouvons nous prendre pour acquis le phénomène de migration vers les bords de la canalisation dans nos expériences.