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1989-1998 Les premiers programmes, entre les mains de l’exécutif

Premiers pas

Le 6 septembre 1989, le Premier ministre, Michel Rocard, demande à son secrétaire d’État en charge de l’Environnement, Brice Lalonde, de constituer un groupe technique interministériel pour élaborer un programme d’action contre l’effet de serre. Il s’agit, pour donner corps aux intentions manifestées par les participants à la conférence de La Haye (1989), de réfléchir sur les changements climatiques qu’entraînerait l’augmentation de l’effet de serre. La lettre de mission signée de Michel Rocard précise que « la France a contribué activement à l’action internationale dans ce domaine. Elle doit aussi donner l’exemple en mettant en œuvre une politique nationale efficace. L’élaboration de cette politique et la poursuite de nos efforts nécessitent un important travail technique d’évaluation de la situation, d’appréciation des perspectives d’évolution et des stratégies de réduction des gaz à effet de serre, et de préparation des mesures permettant de mettre en œuvre ces stratégies ».

Le groupe de travail doit comprendre les représentants de l’ensemble des ministères concernés. En outre, il lui est demandé de tenir informé le ministère des Affaires étrangères afin de l’aider à élaborer la position françaises dans les instances internationales. Un polytechnicien ingénieur du corps des mines, Yves  Martin, est nommé président de ce groupe de travail interministériel.

Le groupe rend son rapport sur l’effet de serre le 15 novembre 1990, en précisant que celui-ci ne peut « que constituer l’amorce d’un travail important et de longue durée, dont le caractère interministériel est marqué ». En outre, Yves Martin indique qu’« une structure appropriée devrait être mise en place pour animer la coopération interministérielle sur ce sujet ».

La mission est formalisée en 1992, par un décret de création de la Mission interministérielle sur l’effet de serre (MIES). Yves Martin en assurera la présidence jusqu’en 1995.

La Mission interministérielle sur l’effet de serre

La MIES a eu pour mission de coordonner l’action de la France dans sa lutte contre les émissions de GES, tant au niveau national que dans les instances européennes et internationales. Dès l’origine, elle intègre les acteurs économiques, sociaux et associatifs à sa réflexion, dans un esprit de dialogue. Ses premiers travaux s’inscrivent dans un contexte qui va perdurer, marqué par une incertitude et des fluctuations quant à la prise en charge des questions environnementales globales par le Premier ministre ou le ministère de l’Environnement, puis de l’Écologie.

Une double mission nationale et internationale

Dès 1992, la MIES a une double mission à la fois impulser le programme national d’action de lutte contre l’effet de serre, mais aussi contribuer à la négociation internationale sur le sujet. « La mission interministérielle de l’effet de serre est chargée d’animer, de coordonner et d’organiser, en concertation avec les associations et les partenaires économiques et sociaux, la préparation et la réalisation du programme d’action contre l’effet de serre pour ce qui concerne ses aspects intérieurs; elle assiste également le ministère des Affaires étrangères dans le cadre des négociations internationales relatives à l’effet de serre. »

Pour mener à bien son action, elle a en charge la réalisation d’évaluation et de scénarios prospectifs : « À cet effet, les travaux de la mission portent notamment sur l’étude des mécanismes et conséquences de l’effet de serre, l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre, l’étude technique et économique des mesures de prévention, le suivi de l’application des décisions prises par le gouvernement. »

Le président de la MIES est en outre chargé d’animer la Commission interministérielle de l’effet de serre, qui rassemble les représentants de nombreux ministères.

La MIES conservera au fil du temps sa mission principale de préparation, de suivi et de mise en œuvre des programmes d’action contre le changement climatique. Elle viendra en appui aux négociations internationales sur la question climatique, souvent assurées en première ligne par des conseillers spécifiques à l’Élysée (Laurence Tubiana entre 1997 et 2002).

Une équipe de pointe, mais de taille restreinte

Entre 1992 et 1995, en plus de son président, la MIES est constituée de trois personnes : un agent à temps partiel pour la partie concernant le ministère de l’équipement, un agent pour la Direction de prévention des risques du ministère de l’Écologie, qui suit notamment les aspects « air », et un dernier agent en charge des aspects « économie et transport ». Avec le temps, l’effectif de la MIES s’étoffera jusqu’à compter une dizaine de personnes dans le courant des années 2000.

Un rattachement ministériel qui évolue dans le temps

La MIES est placée d’emblée sous l’autorité du Premier ministre. Si elle rassemble des agents venus de différents ministères, son secrétariat est assuré par la Direction de la prévention des pollutions et des risques (DPPR) du ministère en charge de l’environnement.

La MIES sera placée sous l’autorité du ministre de l’Écologie et du développement durable en 2002.

Pendant toute son existence, l’efficacité de la MIES dépend des liens qu’elle noue avec le cabinet du Premier ministre, et de sa capacité à amener les différents ministères à engager des actions.

Programmes de lutte contre l’effet de serre

En mars 1993, à la suite de Rio et de l’adoption du projet de la CCNUCC, grâce au travail réalisé par la MIES, la France fournit à la Commission européenne, les « premiers éléments pour un programme français de lutte contre l’effet de serre ». Le titre témoigne de la principale préoccupation de l’époque « l’effet de serre » plutôt que « les changements climatique ».

L’objectif est alors de parvenir à maintenir en 2000 les émissions de GES à leur niveau de 1990.

Puis en février 1995, c’est un premier « programme national de prévention du changement de climat » qui est transmis à la Commission européenne. Ce dernier est présenté à l’occasion de la première communication nationale à la CCNUCC à la Conférence de Berlin.

Ce programme commence par rappeler que la politique énergétique « menée depuis le premier choc pétrolier a déjà permis de réduire très sensiblement les émissions de CO2 et donc la contribution de la France à l’effet de serre ». Sont ensuite déclinées les mesures mises en œuvre (économies d’énergie, taxe sur les carburants, sensibilisation aux économies d’énergie et à l’efficacité énergétique, développement d’un parc nucléaire…), qui ont permis à la France

« de réduire ses émissions de CO2 par habitant entre 1980 et 1990 plus qu’aucun autre État membre de l’UE (- 26,5 % contre une moyenne communautaire de 19,3 % ». La France souligne alors qu’au sein de l’OCDE, seule la Suède a connu une réduction plus forte de ce ratio. En définitive, le programme adopté alors ne comprendra comme mesures concrètes nouvelles que des allègements d’impôts pour la plantation forestières ainsi que l’annonce d’une réglementation thermique, qui verra le jour en 2005.

On observe ainsi que la réflexion est organisée autour de l’énergie et non du climat et que la France est réticente à prendre des nouvelles mesures dont elle prévoit que le coût de mise en œuvre sera plus élevé que dans les autres pays européens ou de l’OCDE en raison des efforts déjà accomplis. C’est pourquoi elle propose de répartir l’effort de réduction des émissions de CO2 entre nations développées en commençant par réaliser dans chacun d’eux toutes les réductions dont le coût est inférieur à un niveau de référence commun, par exemple une taxation progressivement croissante sur le CO2 à des taux coordonnés

dans ces divers pays. Elle propose toutefois à ses partenaires de l’UE de mettre en place progressivement une taxation du CO2 dans les seuls secteurs consommateurs d’énergie dont la compétitivité internationale ne peut être affectée par cette taxe au point d’entraîner des risques de délocalisation d’activité. Elle plaide enfin pour faire disparaître dans tous les pays les subventions qui encouragent la consommation d’énergie fossile.

En novembre 1997, la France présente sa « Seconde communication à la convention cadre sur le changement climatique » et de nouvelles mesures sont annoncées en Conseil des ministres en vue de la conférence de Kyoto.