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Une forte baisse de l’intensité en GES, mais dont l’origine est difficile à déterminer

L’approche précédente fondée sur l’examen des courbes des émissions de GES et de CO2 peut être réexaminée à la lumière d’autres analyses, au premier rang desquelles on trouve celle de l’intensité carbone. « En effet, à long terme, la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre d’une économie est le produit de trois facteurs la croissance de la population la variation de la production par habitant l’évolution du contenu de cette production en émissions, habituellement dénommée intensité carbone. Dans les pays développés, cette intensité carbone a été très significativement réduite depuis un demi-siècle106. »

Il s’agit de distinguer dans l’évolution des émissions de GES ce qui relève de la croissance démographique et économique de ce qui résulte de gains d’efficacité des moyens de production. Le tableau ci-dessous fournit des éléments de comparaison pour la France.

Tableau 22 : Comparaison des évolutions des émissions par rapport à la population et au PIB, 1990-2012 (Tous les cinq ans puis les cinq dernières années)

1990 1995 2000 2005 2008 2009 2010 2011 2012

CO2 en Mt 399 398 415 426 401 382 391 365 369

PRG total format

CCNUCC en Mt CO2e 560 557 565 564 538 514 522 496 496

Population en M ha 58,6 59,9 61,3 63,6 64,8 65,2 65,5 65,8 66,2

Kg de CO2 par hab. 9 556 9 298 9 172 8 867 8 302 7 883 7 969 7 537 7 492 G de CO2/ par euro de

PIB 517 439 372 301 254 250 249 227 224

Source : CITEPA, tableau CESE.

106 Delbosc, Lesueur, Keppler ; Croître sans réchauffer ? L’intensité carbone des économies développées ; Note d’étude de la Mission climat de la Caisse des dépôts, n° 10, janvier 2007.

On voit que l’intensité en CO2 a diminué beaucoup plus rapidement que la production de CO2 proprement dit ou que le PRG global.

« Une comparaison européenne et internationale tant en émissions par unité de PIB qu’en émissions par habitant montre que la France occupe une place favorable au sein des pays industrialisés et européens107.

Les émissions de la France ont été d’environ 8,1 tCO2eq/habitant en 2010 (8,7 t CO2eq/

habitant en 2005). Avec des émissions par unité de PIB de 271 tCO2eq/M€ en 2010 (320 tCO2eq/

M€ en 2005), la France fait partie des pays du monde présentant la meilleure intensité carbone.

Ces résultats s’expliquent notamment par :

y la faible utilisation du charbon et du gaz pour produire de l’énergie ; y une forte proportion d’électricité d’origine nucléaire et hydraulique ; y la place importante de la biomasse dans la production de chaleur ; y un parc automobile globalement sobre. »

Le tableau reproduit ci-après montre d’ailleurs comment le gaz et l’électricité primaire se substituent au charbon et au pétrole dans la consommation d’énergie de la France.

Tableau 23 : Production d’énergie primaire par énergie

En millions de tep 1973 1979 1985 1990 2000 2005 2010 2012 2013

Charbon 17,3 13,3 10,9 7,7 2,3 0,2 0,1 0,1 0,1

Pétrole1 2,2 2,2 3,3 3,5 1,7 1,6 1,9 1,7 1,8

Gaz naturel 6,3 6,5 4,5 2,5 1,5 0,9 0,6 0,4 0,3

Électricité

primaire dont : 8,0 16,2 63,9 86,8 114,4 122,7 118,3 118,0 118,8

- nucléaire 3,8 10,4 58,4 81,7 108,2 117,7 111,6 110,9 110,4

- hydraulique et

éolien 4,1 5,8 5,5 5,0 6,2 5,0 6,7 7,1 8,4

EnRt2 et déchets 9,8 9,5 11,1 10,7 11,1 12,2 16,2 16,9 18,1

Total 43,5 47,7 93,8 111,2 131,1 137,6 137,2 137,2 139,1

Source :Calcul SOeS, chiffres clés de l’énergie, février 2015.

L’énumération du paragraphe précédent, comme l’indique d’ailleurs l’adverbe

«  notamment  » qui l’introduit, ne révèle qu’une partie des explications de cette baisse globale. Les émissions du résidentiel tertiaire, par exemple, dépendent beaucoup des conditions climatiques. Dans son édition 2015 des chiffres clés du climat108, par exemple, le MEDDE souligne à propos de ces émissions que la douceur des années 1994, 2002, 2007 et 2011 a fait baisser la consommation de chauffage et donc les émissions de CO2 alors que les années 1991, 1996 et 2010, très froides, ont enregistré des pics de consommation de carbone.

La Caisse des dépôts fait quant à elle observer109 en premier lieu que si la diminution de l’intensité carbone d’une économie peut permettre de stabiliser le volume global des émissions de GES, ce qui a été observé dans l’UE à quinze, il peut advenir également que

107 Rapport de la France aux institutions européennes, actualisation 2013, déjà cité.

108 Chiffres clés du climat, France et Monde - édition 2015, op. cit.

109 Note sur l’intensité carbone, déjà citée.

ce gain soit compensé par la croissance économique et démographique, entraînant une hausse du volume global des émissions.

Ensuite, la CDC souligne « que les échanges extérieurs peuvent fausser les comparaisons entre pays. Certains pays peuvent importer des biens ou services à fort contenu en carbone et d’autres exporter des biens et services à faible contenu en carbone. L’intensité en carbone d’une économie mesurée comme le rapport entre ses émissions et son PIB peut donc s’éloigner de la contribution des modes de vie de ses habitants à l’effet de serre ».

Si l’étude des données économiques et d’émissions fait apparaître une relation positive entre le PIB par habitant d’un pays et ses émissions par habitant, elle révèle aussi qu’à niveau comparable de PIB/habitant deux pays peuvent avoir des niveaux d’émission très différents et ce même si le volume des émissions par habitant augmente en moyenne plus lentement que le niveau de vie mesuré en PIB.

Cette baise d’intensité, selon la CDC, répond partiellement à une logique économique.

Lorsque le niveau de vie augmente, « on observe que certaines consommations, notamment celles de première nécessité augmentent à un rythme inférieur à celui du revenu (loi dite de

«Engel»). La consommation énergétique, à l’origine d’une grande partie des émissions de CO2, appartient à cette catégorie de biens qui ont une élasticité vis-à-vis du revenu inférieure à l’unité.

Cependant cette évolution est loin d’être linéaire et doit être interprétée avec prudence :

une baisse de production dans un secteur émetteur ne s’accompagne pas nécessairement d’une moindre consommation des biens qu’il produit mais peut résulter de délocalisations cette « fuite «du carbone, difficilement mesurable, joue sur la baisse des intensités en CO2 des économies développées qui importent une fraction croissante de leurs produits manufacturés des pays émergents ;

d’autre part le développement de la tertiarisation des économies n’implique pas nécessairement une baisse d’intensité en CO2. Certains secteurs de services, comme le transport ou le tourisme sont à l’origine d’importantes émissions de carbone ».

Les chercheurs de la CDC climat relèvent en outre que l’évolution des conditions politiques et institutionnelles de la prise en compte des enjeux climatiques joue un rôle non négligeable dans la hausse ou la diminution de l’intensité carbone.

La notion d’intensité carbone rejoint ici celle d’intensité énergétique, sans que les deux ne se confondent. Les statistiques de la première et celles de la seconde sont souvent présentées de concert. On rappellera la définition donnée de l’intensité énergétique par le Conseil dans son avis sur la transition énergétique110 « C’est le rapport de la consommation d’énergie primaire sur le PIB d’un pays. Elle est souvent utilisée d’un point de vue macroéconomique pour quantifier l’efficacité énergétique. »

110 La transition énergétique 2020-2050 un avenir à bâtir, une voie à tracer, avis déjà cité, liste des références bibliographiques.

Encadré 2 : Les émissions de CO2 dues à la combustion d’énergie dans le monde intensité énergétique

«  La quantité de CO2 émise par unité de PIB recule en 2012 par rapport à 1990 dans toutes les régions du monde (- 28 %), sauf au Moyen-Orient (+ 23 %).

En Chine, cet indicateur a été divisé par deux depuis 1990. Toutefois, il reste élevé, tout comme en Russie une unité de PIB, exprimée en $ des États-Unis 2005 Parité du pouvoir d’achat, entraîne dans ces deux pays l’émission de plus de 600 g de CO2, contre 383 g en moyenne dans le monde. Dans l’UE à 28, il est relativement faible (248 g CO2/$). Avec 170 g CO2/$, la France affiche la deuxième performance de l’UE à 28, derrière la Suède (122 g CO2/$) où nucléaire et hydraulique sont aussi très développés. »

Source : Chiffres clés du climat, CDC climat et MEDDE, édition 2015.