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I. La photographie missionnaire en exploration (1880-1910)

I.1. Les premiers missionnaires photographes de la SMEP

I.1.2. Premières photographies de la SMEP

Apparition de la photographie au sein des missions chrétiennes

Rapidement après l’annonce de sa découverte en 1839, la technique photographique attire des explorateurs qui voient en elle « une manière nouvelle de satisfaire [leurs] curiosités multiples sur le monde58 ». Comme leurs contemporains, certains missionnaires commencent eux aussi, dès le milieu du XIXe siècle, à faire de la photographie au cours de leurs séjours dans les champs de mission. William Ellis, missionnaire de la LMS, réalise ses premiers portraits à Madagascar en 185359. D’abord formé à l’utilisation du daguerréotype

par James Cameron60, il favorise ensuite, sur les conseils de Roger Fenton, la nouvelle

58 TISSIER Jean-Louis et STASZAK Jean-François, « La passion de l’inventaire », in LOISEAUX Olivier (dir.),

Trésors photographiques de la société de géographie, op.cit., p. 141.

59 William Ellis (1794-1872), pasteur au service de la London Missionary Society, travaille comme missionnaire

en Afrique du Sud, puis en Polynésie avant de rejoindre Madagascar.

technique des plaques de verres au collodion61. Toujours à Madagascar, le père Marc Finaz62,

missionnaire jésuite, commence pour sa part à réaliser des daguerréotypes à partir de 1855. Les deux hommes, dépendants de deux sociétés missionnaires différentes, affichent une certaine rivalité dans leur travail et perçoivent dans la photographie un moyen d’impressionner la population malgache et de la faire venir à eux63.

Il arrive aussi que certains missionnaires ne réalisent pas d’images eux-mêmes et confient cette tâche à des membres de leur équipe. Entre 1858 et 1864, deux hommes participant à l’expédition de David Livingstone64 dans la région du fleuve Zambèze sont ainsi chargés de faire de la photographie. Il s’agit de John Kirk, officiellement employé comme botaniste et médecin, et du frère de David Livingstone, Charles, embauché comme agent moral.

De son côté, la Basler Mission fait remonter sa première génération de missionnaires photographes aux années 1860. Envoyé au Ghana, Wilhelm Locher est équipé d’un appareil avec lequel il réalise, entre 1860 et 1867, des photographies qu’il envoie à Bâle65.

Quelles sont les motivations poursuivies par les missionnaires qui décident d’utiliser la photographie à une époque où les appareils sont encombrants, la préparation des plaques fastidieuse et la diffusion des images auprès du grand public encore peu envisageable ? La réponse à cette question ne peut être qu’incomplète, les missionnaires parlant peu de leur pratique photographique et un grand nombre d’images réalisées avant la fin du XIXe siècle ayant disparu. Mais en reprenant l’argumentaire développé par Simon Peers sur les objectifs poursuivis par Ellis66, trois principales raisons pour lesquelles les missionnaires choisissent

d’utiliser la photographie se distinguent.

Il est tout d’abord intéressant de noter qu’Ellis comme Livingstone s’intéresse particulièrement aux paysages et aux populations qu’il côtoie. Les deux hommes semblent

61 Pour en savoir plus sur le travail photographique de William Ellis, voir PEERS Simon, The working of

miracles. William Ellis photography in Madagascar 1853-1865, Ny fiasan’ny fahagagana, Londres : The British

Council / De la Rue / Ministère malgache de la culture, de la communication et des loisirs, 1995, 71 p.

62 Marc Finaz (1815-1880) est un missionnaire de la Compagnie de Jésus à Madagascar.

63 Les deux hommes se servent aussi de la photographie pour réussir à avoir accès à la capitale malgache,

Antananarivo, interdite aux missionnaires sous le règne de la reine Ranavalona I. La technique photographique leur permet de montrer leur maitrise des instruments modernes au service de la science pour impressionner le pouvoir royal. Voir l’ouvrage de PEERS Simon, William Ellis. The Working of Miracles. Willam Ellis

photography in Madagascar 1853-1865, op.cit.

64 David Livingstone (1813-1873), médecin écossais, commence à travailler pour la London Missionary Society

en 1840. Il remonte notamment le Zambèze et découvre les chutes du fleuve qu’il baptise « Chutes Victoria ». Parti exploré les sources du Nil à partir de 1866, il perd tout contact avec l’Europe avant d’être retrouvé par Henry Morton Stanley en 1871.

65 Voir l’article de JENKINS Paul, « The earliest generation of missionary photographers in West Africa: The

portrayal of Indigenous people and culture », op.cit., p. 115-145.

avoir réalisé peu d’images les mettant eux-mêmes en scène. Leurs motivations peuvent donc apparaître avant tout scientifiques, comme en témoignent les instructions données par David Livingstone à son frère : « Tu t’efforceras d’obtenir des spécimens caractéristiques des différentes tribus qui résident ou qui visitent Tete à l’intention de l’ethnologie. Ne choisit pas les plus affreux […] mais la meilleure classe de natifs qui sont perçus comme caractéristiques de la race67 ». De son côté, Ellis souhaite réunir un corpus de photographies botaniques et ethnographiques. En qualité de missionnaires, ils visitent et découvrent des territoires et des peuples encore peu connus en Europe. Leurs images, comme leurs notes et journaux de bord, peuvent donc servir de documentation à des disciplines telles que la géographie ou l’anthropologie, jeune science alors en plein développement :

Ce qui est visible pour le voyageur, ce qu’il considère comme la réalité du lieu visité, est enregistrable instantanément, transférable matériellement dans un autre lieu, où l’image- document témoignera d’un état situé du réel68.

Au-delà de cet objectif scientifique, les photographies sont aussi utilisées pour attirer les populations à évangéliser vers les missions. Toutes les inventions amenées depuis l’Europe excitent la curiosité et Ellis note rapidement le pouvoir de séduction de ses clichés auprès du peuple malgache, étonné de la capacité du missionnaire et de ses appareils à reproduire l’image de chacun.

Enfin, les photographies sont aussi rapidement utilisées pour la cause missionnaire elle- même. Au cours du XIXe siècle, les publications missionnaires se développent. Dépendantes

des dons pour continuer leurs activités, les sociétés de mission éditent des livres, des rapports, des revues, qui leurs servent de principaux relais pour faire appel à la générosité des fidèles. Avant l’apparition de la photographie et des moyens techniques permettant sa reproduction imprimée, les missionnaires exploitent déjà les images au sein de leurs ouvrages. Ces derniers sont souvent illustrés par des gravures, parfois faites d’après des dessins réalisés et envoyés par les missionnaires. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, l’innovation technique de la photographie apparaît comme un moyen de simplifier les fastidieuses « études d’après nature » pour ces hommes qui ne sont pas particulièrement formés aux techniques du dessin.

67 « You will endeavour to secure characteristic specimens of the different tribes residing in, or visiting Tete for

the purpose of Ethnology. Do not choose the ugliest but […] the better class of natives who are believed to be characteristic of the race ». LIVINGSTONE David, Lettre à son frère Charles, 10 mai 1858, cit. in

LIVINGSTONE David, The Zambezi expedition of David Livingstone 1858-63, Londres : Chatto and Windus, 1956 vol. 2, p. 431.

68 TISSIER Jean-Louis et STASZAK Jean-François, « La passion de l’inventaire », in LOISEAUX Olivier (dir.),

C’est ainsi que les clichés réalisés sur le terrain vont rapidement servir de sources aux gravures insérées dans les publications.

En 1859, William Ellis illustre le récit de ses voyages à Madagascar69 avec des gravures sur bois faites d’après ses photographies. De son côté, poursuivant le « désir de contribuer à l’ouverture du territoire africain, si follement interdit à l’activité européenne, de désigner ce champ si fécond et si vaste à l’esprit d’entreprise, d’aider les peuplades qui s’y trouvent à prendre rang parmi les nations de la terre, de concourir à la prospérité de ces tribus, plongées actuellement dans la barbarie, et dégradées par l’esclavage70 » et caressant « l’espérance que [son récit] pourra être un encouragement à la propagation de l’Évangile dans ces contrées naguère inconnues71 », Livingstone publie, à son retour en Europe, Explorations du Zambèze et de ses affluents et découverte des lacs Chiroua et Nyassa : 1858- 196472. L’ouvrage est illustré de gravures faites d’après des photographies de l’expédition et des indications données par David Livingstone.

Ces images poursuivent un objectif précis, celui de promouvoir l’action missionnaire. Comme le montre Simon Peers, William Ellis opère une sélection dans ses sujets et favorise les vues mettant en valeur les réalisations missionnaires : nouvelles architectures, éducation, etc.73 À travers elles, il entend montrer le développement de ce que l’Occident perçoit comme étant le progrès. Face à ces images, il diffuse aussi quelques photographies des populations non-évangélisées susceptibles de choquer la morale chrétienne occidentale. Elles sont pour leur part destinées à attirer la compassion, et par conséquent les dons, des chrétiens soutenant de la London Missionary Society en Grande-Bretagne.

La SMEP et les images au XIXe siècle

Les premiers missionnaires de la SMEP ne produisent pas ou peu d’images. Préoccupés par la découverte des territoires qu’ils explorent pour installer des champs de mission, ils se concentrent sur la réalisation de nombreux relevés géographiques qui servent ensuite à l’élaboration de cartes. Détaillant les voyages des missionnaires et la progression de

69 ELLIS William, Three visits to Madagascar during the years 1853-1854-1856, Philadelphie : J.W. Bradley,

1859, 426 p.

70 LIVINGSTONE David et Charles, Explorations du Zambèze et de ses affluents et découverte des lacs Chiroua

et Nyassa : 1858-1964, Paris : L. Hachette, 1866, p. 2.

71 Ibid.

72 LIVINGSTONE David et Charles, Narrative of an expedition to the Zambesi and its tributaries and the

discovery of the lakes Shirwa and Nyassa, 1858-1864, Londres : J. Murray, 1865, 608 p. L’ouvrage est publié en

France l’année suivante sous le titre Explorations du Zambèze et de ses affluents et découverte des lacs Chiroua

et Nyassa : 1858-1964, Paris : L. Hachette, 1866, 580 p.

73 Voir PEERS Simon, William Ellis, The working of Miracles. William Ellis photography in Madagascar 1853-

l’implantation des stations, celles-ci sont diffusées par la SMEP et constituent pendant longtemps les seules illustrations publiées dans le Journal des missions évangéliques74.

Frédéric Christol, artiste-peintre amateur, est un des premiers missionnaires de la SMEP à réaliser de nombreux dessins qui vont servir à la société dans sa propagande75. Élève auprès de Flandrin et de Gérôme, il fait des études à l’école des Beaux-arts avant de s’engager en 1882 auprès de la Mission de Paris comme évangéliste. Alors qu’il travaille au Lesotho, il esquisse régulièrement les paysages et les gens qui l’entourent. Certains de ses dessins servent ensuite de modèles aux gravures publiées dans les revues de la SMEP et constituent les premières images diffusées par la Mission de Paris auprès du grand public.

Il n’existe aucune trace de remarques faites par la SMEP à propos de la photographie dans les procès-verbaux des différentes réunions tenues par la direction et les comités. Les élèves missionnaires reçoivent à l’école des missions un enseignement intellectuel et technique assez complet à travers des cours de théologie, de philosophie, d’histoire, de géographie, de langues, etc.76 Pour faire face à la diversité des tâches des missionnaires,

différents ateliers sont aussi organisés pour permettre aux jeunes hommes d’acquérir des compétences techniques. Le dessin est enseigné à certaines époques, mais aucune formation à la photographie n’est proposée au sein de l’école77. Ce sont les missionnaires eux-mêmes qui décident, ou non, de se faire photographes. Comme la plupart des amateurs, ils se forment à travers la littérature disponible sur le sujet ou auprès de gens qui pratiquent déjà la photographie. À partir de la fin du XIXe siècle, les jeunes missionnaires bénéficient aussi de

l’expérience de ceux qui font déjà de la photographie sur le terrain. En 1889, Maurice Monod peut ainsi demander à Élie Allégret de prendre « note de ce qu’il faut sous ton climat pour réussir en photographie ou pour éviter les insuccès, afin que tes futurs collègues puissent profiter de tes expériences78 ».

Disposant de peu d’informations directes sur la façon dont la SMEP envisage l’image au XIXe siècle, il est difficile de déterminer précisément les circonstances dans lesquelles les appareils photographiques prennent leur place dans les bagages des missionnaires. Mais la

74 Le Journal des missions évangéliques est la principale revue diffusée par la SMEP. Elle commence à être

publiée dès 1823.

75 Frédéric Christol (1850-1933) travaille comme missionnaire au Lesotho pour la SMEP entre 1882 et 1908. 76 L’école des missions dispense une formation à tous les futurs missionnaires de la SMEP. À partir de 1887, elle

est installée au sein de la Maison des missions, siège de la SMEP, boulevard Arago à Paris.

77 Voir le tableau des enseignements proposé par Frédéric Monod en 1826, cit. in dans ZORN Jean-François, Le

Grand siècle d’une mission protestante, op.cit., p. 611.

volonté de témoigner de leur expérience du terrain est vraisemblablement la première motivation des envoyés de la SMEP qui s’intéressent à la photographie.

François Coillard, premier missionnaire photographe de la SMEP

François Coillard semble être le premier missionnaire de la SMEP à prendre l’initiative de s’équiper d’un appareil pour photographier sa future expédition vers le Zambèze en 1881. Bénéficiant d’une aide financière d’un « comité des dames » suisse79, il demande à l’un de ses amis, photographe à Londres, de lui acheter un appareil photo et de lui apprendre à l’utiliser80. Sa formation se poursuit ensuite à Paris avec le photographe Pénabert qui possède un studio passage du Havre. Au cours de ses tournées en France, en Suisse ou au Royaume- Uni, lors de ses jours de repos, et jusqu’à son départ vers l’Afrique en 1882, le missionnaire se sert régulièrement de son appareil, afin de mieux maitriser son utilisation. Il perçoit cette activité comme une « récréation81 » et regrette de ne pas pouvoir y consacrer plus de temps au milieu de ses conférences et de son travail de préparation pour sa prochaine expédition vers le Zambèze.

François Coillard ne répond pas à une demande de la SMEP quand il commence à faire de la photographie. C’est une initiative tout à fait personnelle. Agé de quarante-sept ans quand il achète son premier appareil, Coillard n’est pourtant pas un homme d’images. Issu d’une famille paysanne de Huguenots, il s’engage très jeune vers des études de théologie. Il est ordonné pasteur à vingt-trois ans et devient missionnaire auprès de la SMEP en 1857. Dans quelles circonstances François Coillard commence-t-il donc à s’intéresser à la photographie ?

Ses liens avec différentes sociétés savantes européennes jouent vraisemblablement un rôle important dans sa démarche. Abonné à différentes revues scientifiques, Coillard s’intéresse beaucoup à la géographie, à l’anthropologie et aux progrès de ces disciplines à travers les récits des diverses explorations menées à travers le monde. Membre de plusieurs sociétés de géographie82, il se rend à plusieurs reprises aux réunions de celle de Paris,

79 Des épouses de pasteurs, de missionnaires et des femmes sympathisantes de la cause missionnaire

s’organisent en comités de soutien régionaux peu après la création de la SMEP. Le premier comité des dames est celui de Paris, créé en 1825. Ces groupes se proposent notamment d’aider les enfants de missionnaires lors de leur scolarité en Europe. Ils organisent aussi des réunions de coutures et des ventes de charité annuelles afin d’envoyer de l’argent et du linge vers les champs de mission.

80 Voir COILLARD François, Journal, 15 janvier 1881.

81 COILLARD François, Lettre à Mme Odier, Paris, 28 février 1881.

boulevard Saint-Germain, en 1880. Lors de l’assemblée générale du 16 avril, il rend d’ailleurs compte des vingt-trois années qu’il a passées en Afrique Australe (Lesotho) et de son premier voyage vers le Zambèze83. À cette époque, la Société de géographie de Paris organise régulièrement des conférences illustrées de projections photographiques. Suite à une exposition de la deuxième session du Congrès international des sciences géographiques de 1875 montrant des tirages aux côtés d’autres productions géographiques, la photographie acquiert une véritable place « dans le discours géographique84 ». Au fur et à mesure des années, les collections de la Société de géographie de Paris s’enrichissent de clichés réalisés sur le terrain et envoyés ou déposés par les explorateurs avec qui elle correspond. Au cours d’une de ses visites boulevard Saint-Germain, il est donc vraisemblable que François Coillard ait eu la possibilité d’observer certaines de ces images réalisées par des voyageurs.

Le missionnaire est aussi personnellement lié à certains grands explorateurs comme Serpa Pinto, major portugais, qu’il rencontre au Zambèze en 187985. Parti en tête d’une expédition scientifique, Pinto voit partir ses associés vers le nord et l’essentiel de ses porteurs le quitter ; seul et souffrant de la fièvre, il rejoint l’expédition de Coillard qui l’aide à retourner vers Pretoria. Pinto et Coillard se retrouvent ensuite en Europe, probablement au cours de certaines réunions de la Société de géographie et, dans le but de préparer son prochain voyage vers le Zambèze, le missionnaire demande conseil au major qui a réussi sa traversée du continent africain86 : « Comme Serpa Pinto m’a plaisamment représenté en Europe, j’ai continué ma route tout seul, avec un Zambézien, « ma canne à la main » 87 ».

Intéressé par les sciences humaines et souhaitant contribuer à leur développement, Coillard s’équipe donc naturellement d’appareils d’observation et de mesure. Lecteur régulier des bulletins édités par différentes sociétés de géographie, il est tout à fait possible qu’il ait connaissance des manuels rédigés à l’intention des voyageurs, qui donnent des instructions quant au matériel à emporter avec soi, ainsi qu’« une typologie précise des échantillons et témoignages à rapporter88 ». Souhaitant lui aussi contribuer à l’avancée des découvertes de son époque, Coillard s’attache à donner des renseignements géographiques précis sur les territoires qu’il traverse. En 1883, il commence des relevés météorologiques à l’aide d’un

83 COILLARD François, « Voyage au pays des Banyais et au Zambèze », Bulletin de la société de géographie,

6e série, tome XX, novembre 1880, p. 385-400.

84 LOISEAUX Olivier, « Le fonds photographique de la Société de géographie », in LOISEAUX Olivier (dir.),

Trésors photographiques de la société de géographie, op.cit., p. 200.

85 COILLARD François, Sur le Haut-Zambèze, Paris : Berger-Levrault, 1898, p. 64.

86 Procès-verbal de la SMEP, 21 décembre 1881. Registres des procès-verbaux de la SMEP. 87 COILLARD François, Sur le Haut-Zambèze, op.cit., p. 144.

88 POUTIERS Cécile, « La préparation du voyage », in LEFÉBURE Antoine (dir.), Explorateurs photographes.

matériel particulier dont l’usage lui est enseigné par Frédéric-Herman Kruger, missionnaire au Lesotho89. Coillard n’est pas le seul missionnaire à s’occuper d’observations scientifiques

en parallèle à son travail de missionnaire. En 1887, le comité directeur de la SMEP annonce :

Il [le comité] a obtenu de la Société de botanique un subside de 500 francs destiné à remettre à M. Dardier les appareils nécessaires pour préparer et réunir dans la région du Zambèze des échantillons d’histoire naturelle destinés à former des collections qui seront envoyées par nos missionnaires au Muséum, et comme l’ont fait de leur côté les missionnaires catholiques90.

Cette pratique est assez courante. Alors que les expéditions d’exploration sont couteuses et difficiles à mettre en place, les sociétés savantes profitent parfois des voyages des missionnaires, des militaires ou des fonctionnaires coloniaux, pour leur confier des instruments de mesure et leur demander de réaliser certaines observations ou des prélèvements. Coillard suit de près les développements des appareils techniques utilisés par les divers explorateurs qui partent pour l’Afrique. Son utilisation de la photographie s’inscrit en partie dans cette démarche « scientifique ». Comme Baudelaire qui remarque que la photographie peut enrichir « rapidement l’album du voyageur et [rendre] à ses yeux la précision qui manquerait à sa mémoire91 », Coillard est séduit par la rapidité d’exécution de