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I. La photographie missionnaire en exploration (1880-1910)

I.3. Diffusion des photographies missionnaires à la fin du XIX e : quelles images pour

I.3.1. Les explorations missionnaires photographiées

Si le partage de l’Afrique a déjà commencé durant le dernier quart du XIXe siècle, il n’existe encore bien souvent que dans les traités. Les puissances européennes éprouvent certaines difficultés à pénétrer vers l’intérieur du continent et de nombreuses régions restent encore méconnues. C’est notamment le cas du Zambèze ou du Gabon dont l’exploration est encore limitée à la fin des années 1880 au fleuve Ogooué. Face à ces territoires qui restent à découvrir, il est nécessaire pour la SMEP d’organiser des voyages d’exploration qui lui permettront de déterminer s’il lui est possible d’installer de nouvelles stations missionnaires.

Les premières missions d’exploration de la SMEP ont lieu dans le sud de l’Afrique aux environs de 1830. Largement commentées et documentées par des notes, des lettres, des relevés ou des cartes, ces expéditions commencent à être photographiées dans les années 1880 : François Coillard s’équipe d’un appareil pour son deuxième voyage vers le Zambèze et Allégret et Teisserès suivent son exemple quand ils partent vers le Gabon en 1889. À leur retour en France, leurs images sont utilisées de différentes façons. En complément des rapports rédigés par les missionnaires, certaines servent de documentation au comité directeur de la SMEP, tandis que d’autres sont diffusées auprès du grand public via différents supports. Que montrent les missionnaires de leurs expéditions ? Comment leurs images s’inscrivent-elles dans la grande exploration du monde qu’a entrepris l’Europe ?

Les photographies d’exploration à usage de la SMEP

Après l’implantation de sa première station missionnaire au Lesotho en 1833, la SMEP s’installe au Sénégal et à Tahiti dans les années 1860. Mais c’est durant le dernier quart du XIXe siècle que la Mission de Paris étend le plus largement ses activités. Entre 1877 et 1900, quatre nouveaux champs de travail sont créés : au Zambèze, au Gabon, à Madagascar et en Nouvelle-Calédonie. Le climat géopolitique mondial de l’époque explique cette rapide progression du travail de la SMEP en quelques années. L’Afrique constitue depuis un siècle un vaste terrain d’explorations diverses visant à répondre à des préoccupations diverses : «

trouver de nouveaux débouchés commerciaux, lutter contre l’esclavage et la traite des Noirs, évangéliser le continent et surtout résoudre les deux grandes énigmes géographiques que représentent les sources du Nil et le cours du Niger211 ». Différents pays européens y envoient des missions officielles, avec des objectifs scientifiques, mais aussi politiques. Face à cette colonisation du monde qui se met peu à peu en place, les missions chrétiennes souhaitent étendre leur travail d’évangélisation et envoient, elles aussi, des missions d’exploration à travers le continent africain, afin d’étudier les possibilités qui s’offrent à elles. Jeune diplômé de l’école des missions, Élie Allégret est envoyé par la SMEP au Gabon en 1889 avec le pasteur Urbain Teisserès212. Le contexte de ce départ est différent de celui de Coillard. Ce dernier part vers le Zambèze afin de répondre à la volonté de la mission Lesotho qui souhaite poursuivre l’évangélisation de l’Afrique vers d’autres territoires. Le départ d’Allégret et Teisserès se fait dans un contexte plus politique, suite à une demande adressée à la SMEP par Pierre Savorgnan de Brazza, alors commissaire général de la région, qui souhaite faire venir des Français pour reprendre le travail des missionnaires américains213. Les deux hommes doivent établir un rapport à propos de la région afin que la Mission de Paris décide s’il lui est possible ou non de reprendre ce champ de mission. Après deux ans d’enquêtes et d’observations du terrain, Allégret et Teisserès proposent un texte comportant vingt-six pages dans sa version imprimée214. Aucune image n’illustre le propos des missionnaires. Mais des tirages papier circulent de « main en main215 » lors des réunions où les deux hommes présentent leur rapport. C’est Allégret qui réalise des photographies au cours de l’expédition. Si Urbain Teisserès ne possède pas d’équipement photographique lors de ce voyage, Allégret est pour sa part équipé d’un appareil instantané, un « portefeuille », qui présente plusieurs qualités : « légèreté – petit volume – simplicité de l’obturateur – rapidité variable du susdit – châssis bien faits et s’ouvrant par le bas – enfin, et surtout, netteté de l’objectif 216 ». Toutes ces photographies n’ont pas été conservées. D’après la

211 DUCLOS France et LOISEAUX Olivier, L’Afrique au cœur, carnets d’explorateurs français au XIXe siècle,

op.cit., p. 20.

212 La région qui correspond aujourd’hui au Gabon change de nom à plusieurs reprises : à partir de 1880, le

territoire prend le nom de Congo français, puis de Gabon-Congo en 1888, avant de redevenir le Congo français en 1891 et enfin le Gabon en 1903 (Source : Autorités géographiques de la Bibliothèque Nationale de France). Le territoire appelé Gabon par Allégret et Teisserès lors de leur premier séjour entre 1889 et 1891 ne correspond pas au Gabon d’aujourd’hui : seule la région autour de Libreville, alors seule région véritablement occupée par les colons, a le nom de Gabon. Pour plus de simplicité, nous utiliserons le nom de Gabon, quelque soit l’époque, pour l’ensemble du territoire aujourd’hui occupé par le pays.

213 La Board of foreign Missions of the presbyterian Church of the USA, société de mission de l’Église

presbytérienne américaine, travaille au Gabon depuis 1842. En 1885, alors que la région passe sous domination française et que l’enseignement en français devient obligatoire, les missionnaires américains demandent de l’aide auprès de la SMEP.

214 ALLÉGRET Élie et TEISSERÈS Urbain, Rapport présenté au comité dans sa séance ordinaire du 6 avril

1891, 26 p.

215 Procès-verbal de la séance des Amis des missions du 7 avril 1891, n.p. 216 MONOD Maurice, Lettre à Élie Allégret, 5 novembre 1889, op.cit.

numérotation des clichés, l’ensemble, qui comprend aujourd’hui quarante-quatre images, était à l’origine plus important. Il est possible qu’Allégret ait transmis l’intégralité de ses photographies à la SMEP et que certaines aient disparu avec le temps. Il est aussi envisageable que le missionnaire n’ait fourni qu’une sélection de clichés à sa direction.

Quelque soit la façon dont elles aient été remises à la Mission de Paris, ces images témoignent aujourd’hui du regard porté par Allégret sur le Gabon au fur et à mesure qu’il le découvre. Il nous a donc semblé intéressant de confronter ses photographies au texte du rapport écrit au terme de son voyage, après son retour en Europe.

Le paysage forme un élément important de ce corpus [Illustration 31 ; Illustration 32]. Le rapport explique que « les tribus qui habitent cet immense delta ont leurs villages dispersés sur les bords du fleuve et dans les lacs. Le seul moyen de communication est la pirogue217 ». Dans une région où la forêt peut être très dense, le fleuve apparaît comme la seule voie de transport. La plus grande partie du voyage des deux missionnaires se fait donc par voie d’eau et il apparait très vite nécessaire aux deux hommes que la SMEP s’installe le long de l’Ogooué si elle souhaite investir la région. L’importance du fleuve se retrouve donc naturellement dans les images d’Allégret. Le missionnaire fait de l’Ogooué un de ses principaux sujets.

À côté des paysages naturels, Allégret photographie aussi les différentes constructions qu’il rencontre à travers le Gabon [Illustration 33 ; Illustration 34]. À chaque fois, il fait poser des personnes devant les bâtiments. Ce ne sont pourtant pas les figures qui sont importantes mais bien les architectures : le cadrage est choisi pour faire apparaître les constructions en entier et les personnages servent davantage d’indicateurs d’échelle. Tous les types de construction présents dans la région intéressent le missionnaire qui photographie aussi bien des bâtiments indigènes, que missionnaires ou coloniaux. Ces images apportent ainsi des informations sur les différentes populations qui habitent la région.

Allégret complète sa description du Gabon avec des portraits. Le corpus étudié comprend onze photographies d’indigènes, essentiellement présentés en groupe. La démarche est similaire à celle de Coillard quand celui-ci photographie le peuple Lozi en donnant à voir des « types ». Le rapport de l’expédition Gabon fait état d’un certain nombre de groupes de populations rencontrés par les missionnaires : les Mpongoués, les Galoas, les Fang218, les Okanda, etc. Allégret et Teisserès tentent de décrire sommairement la plupart de ces groupes ethniques en mettant en évidence de supposées caractéristiques physiques, morales, sociales,

217 ALLÉGRET Élie et TEISSERÈS Urbain, Rapport présenté au comité dans sa séance ordinaire du 6 avril

1891, p. 6.

culturelles ou religieuses. Les portraits sont réalisés dans le même but. Les indigènes y sont présentés suivant leur ethnie ou leur activité et aucune individualité ne se détache des groupes photographiés : Femmes Galoas, Pahouins de Lambaréné [Illustration 35], Pahouins vendant leurs bananes à Lambaréné, Pagayeurs adoumas [Illustration 36]. Les deux portraits individuels conservés témoignent de la même démarche : Allégret semble davantage s’intéresser à l’activité présentée qu’à la personne photographiée [Illustration 37]. Son traitement photographique des populations indigènes correspond d’ailleurs tout à fait au rapport qu’il coécrit avec Teisserès : les Fangs sont présentés comme des hommes « à demi nus […], portant sur le dos une sorte de hotte remplie de bananes ou de manioc219 », « généralement grands, bien bâtis, ils n’ont qu’un petit pagne noué autour des reins220 ».

Aucune image liée aux religions indigènes n’a par contre été conservée. Il est difficile de savoir si Allégret a photographié des objets ou des hommes liés aux croyances locales. Mais il est possible que le sujet ne lui semble pas suffisamment important et intéressant pour être photographié. Cette idée peut paraître paradoxale pour un pasteur qui souhaite se consacrer à l’évangélisation de populations non-chrétiennes, mais à plusieurs reprises au cours de leur rapport, Allégret et Teisserès semblent considérer les diverses croyances locales comme des éléments assez superficiels dans la culture indigène : « Une chose frappe chez tous ces peuples, c’est l’absence d’idoles. Leur religion est le fétichisme, c’est-à-dire une sorte de vague spiritualisme221 ». Il est aussi possible qu’Allégret n’ait pas eu l’opportunité de photographier des scènes liées aux croyances indigènes, les cérémonies et autres pratiques religieuses se tenant à l’écart des Européens. Enfin il est important pour les deux missionnaires de montrer que les populations indigènes apparaissent disposées à accueillir le christianisme sans trop d’opposition. S’il leur semble nécessaire de souligner que la conversion au christianisme apportera des bienfaits à des peuples perçus comme « primitifs », il est important pour eux de suggérer que l’évangélisation de la région est possible afin d’obtenir l’appui de leur hiérarchie et des fidèles. Les deux hommes expliquent ainsi que les groupes ethniques au sein desquels ils proposent d’établir la mission, comme les Fangs par exemple, « n’ont pas encore été entamés ni par la civilisation, ni par le christianisme222 ». D’après eux, « le moment est venu de conquérir toutes ces peuplades fétichistes où l’islamisme n’a pas encore pénétré, avant que le catholicisme ou la mauvaise civilisation n’aient rendu la tâche plus difficile223 ». Très peu d’images viennent d’ailleurs témoigner de

219 ALLÉGRET Élie et TEISSERÈS Urbain, Rapport présenté au comité dans sa séance ordinaire du 6 avril

1891, p. 6.

220 Ibid. 221 Ibid., p. 7. 222 Ibid., p. 5. 223 Ibid., p. 17.

l’implantation missionnaire et coloniale dans la région en dehors des quelques bâtiments photographiés. Alors qu’Allégret et Teisserès vivent quelques mois au sein de la mission américaine à Kangoué (Lambaréné) et séjournent à plusieurs reprises avec des administrateurs français à Ndjolé, Lopé, Lastourville ou Franceville, seules neuf photographies s’intéressent au travail d’évangélisation entrepris par la mission américaine. L’équipe de Board of foreign Missions of the presbyterian Church of the USA est présentée à cinq reprises [Illustration 38], mais ne réapparait sur aucun autre cliché. L’œuvre en elle- même est présentée via quatre portraits de groupe où posent de jeunes élèves avec leurs instituteurs [Illustration 39 ; Illustration 40]. Bien que des missionnaires spiritains soient présents dans la région dès 1844, aucune photographie ne montre les stations catholiques. Allégret tourne le plus souvent son objectif vers ce qu’il connaît le moins et qui, par conséquence, l’intéresse le plus : le territoire au-delà de Libreville, et donc de la colonie, et ses habitants. Le rapport remis à la SMEP confirme l’orientation du missionnaire. Les rapports avec les Occidentaux sont réduits à quelques lignes et la vie coloniale est décrite en des termes peu sympathiques :

Partout régnait la même apathie ; tous travaillaient le moins possible, vivant au jour le jour, indifférents de l’avenir, comme envahis par une torpeur invincible. On semblait n’avoir de force que pour se plaindre de la fièvre, des indigènes, de l’administration, de tout le monde. À Baraka, on critiquait les missionnaires de l’Ogooué ; les agents du gouvernement se jalousaient les uns les autres et n’étaient jamais traités suivant leurs mérites ; les commerçants trouvaient l’administration absurde224.

Cette faible mention du travail mené par les autres missionnaires ou les Européens dans la région amène le lecteur peu au fait de la situation au Gabon à penser que la SMEP est face à une région relativement « vierge » de toute présence occidentale et constitue donc un territoire où la Mission de Paris pourra étendre son influence sans rencontrer d’autres rivalités que celle des indigènes.

Le rapport d’Allégret et Teisserès propose les résultats d’une enquête menée sur le terrain et mêle des observations aussi bien géographiques qu’anthropologiques. Mais l’ensemble n’est pas une véritable étude scientifique. Il est un récit d’exploration au service d’une cause. Le vocabulaire employé et les remarques formulées à propos du caractère des populations indigènes présentent de fortes similarités avec les écrits de certains explorateurs

militaires. M.A. Pécile225, collaborateur de Savorgnan de Brazza, décrit les Fang comme

« intelligents et courageux226 » et précise que « lorsqu’ils seront à la côte, ils pourront rendre

de réels services à la colonie, qui se servira de ce peuple laborieux et intelligent et de beaucoup supérieur à la race des Mpongoués, d’ailleurs race presque complètement éteinte227 ». De leur côté, Allégret et Teisserès écrivent à propos des Fang qu’ils sont « intelligents, sobres, durs au travail228 », « braves, entreprenants229 ». Les missionnaires concluent d’ailleurs comme Pécile qu’ils « deviendront pour la colonie soit un précieux auxiliaire, si on sait en tirer parti, comme le désire M. de Brazza, soit un redoutable adversaire, si on essaie de les civiliser à coups de fusil, comme on a parfois voulu le faire230 ». Pour les Adoumas, dont Pécile écrit qu’ils « construisent des pirogues et les mènent dans la perfection231 », Allégret et Teisserès se contentent de rapporter qu’ils sont « très habiles à manier la pirogue, le gouvernement les emploie comme pagayeurs232 ». Enfin, à propos des Batékés, le collaborateur de Savorgnan de Brazza observe que l’homme « est fort peu sympathique, de nature emportée et méfiante233 », qu’il est anthropophage, mais surtout qu’il est bon porteur, quand les missionnaires écrivent qu’ils sont « de petits hommes, incroyablement laids, vifs, sautillants, capables de faire jusqu’à 100 kilomètres par jour, sales, voraces et anthropophages234 ». Le dispositif descriptif utilisé par Pécile est relativement le même que chez Allégret et Teisserès : les populations sont décrites à travers quelques traits de caractères types chez les hommes, notamment autour du thème du travail, et une ou deux pratiques traditionnelles, liées au mariage ou à une religion indigène.

Le même constat s’applique aux images de l’expédition. Les photographies d’Allégret présentent de nombreux points communs avec certains clichés réalisés par Pierre-François Michaud qui accompagne Savorgnan de Brazza dans ses expéditions vers le Congo français. Les indigènes sont, la plupart du temps, photographiés en groupe, de face [Illustration 35 ; Illustration 41]. L’objectif est de mettre en avant des types ethniques, notamment ceux décrits dans le rapport. L’environnement naturel visible dans le fond sert à attester que ces images ont été faites in situ, dans les lieux de vie même de ces populations, soulignant ainsi

225 Naturaliste italien, Pécile accompagne Savorgnan de Brazza pour la Mission de l’ouest africain en 1883. 226 GOCHET Alexis-Marie, Le Congo français illustré : géographie, ethnographie et voyages, op.cit., p. 185. 227 Ibid.

228 ALLÉGRET Élie et TEISSERÈS Urbain, Rapport présenté au comité dans sa séance ordinaire du 6 avril

1891, p. 4.

229 Ibid., p. 5. 230 Ibid.

231 GOCHET Alexis-Marie, Le Congo français illustré : géographie, ethnographie et voyages, op.cit., p.186. 232 ALLÉGRET Élie et TEISSERÈS Urbain, Rapport présenté au comité dans sa séance ordinaire du 6 avril

1891, p. 12.

233 GOCHET Alexis-Marie, Le Congo français illustré : géographie, ethnographie et voyages, op.cit., p. 188. 234 ALLÉGRET Élie et TEISSERÈS Urbain, Rapport présenté au comité dans sa séance ordinaire du 6 avril

que ces photographies sont des images d’exploration de façon à donner aux sujets une certaine « authenticité ». Si les images possèdent certains éléments intrinsèques susceptibles de guider la lecture des Européens, ce sont toutefois les légendes et les textes qui orientent la perception des photographies. En effet, aucun cliché de la SMEP ne montre véritablement des pratiques condamnées par le christianisme235. Seuls les vêtements sont des marqueurs visuels de traditions morales différentes.

La photographie est donc utilisée comme le témoin « d’un état situé du réel236 ». Elle fournit des « preuves visuelles » de l’existence d’un Autre. Mais la perception morale de l’Africain non-chrétien reste principalement introduite par le texte. Les images présentées par Allégret et Teisserès à la SMEP obéissent à un objectif : défendre l’idée de la création d’une mission au Gabon.

Images d’exploration missionnaire à destination du grand public

Quelques années plus tôt, envoyé à la recherche d’un nouveau champ de travail pour la SMEP, Coillard explore successivement, entre 1877 et 1879, la région du Transvaal, le pays Nyaï et enfin le pays Barotsi. Suite à cette expédition, le pasteur retient le territoire Lozi comme le plus à même d’accueillir une équipe missionnaire. Le deuxième voyage de Coillard dans la région, entrepris en 1884, a un objectif plus concret : le missionnaire entend désormais installer les premières stations de la mission Zambèze. Arrêté au niveau de Sesheke lors de son premier voyage, Coillard a désormais la possibilité de rentrer davantage dans le pays. Son exploration du terrain se poursuit donc en parallèle à l’installation missionnaire.

L’Album Zambèze

Ce deuxième séjour au Zambèze est l’occasion pour Coillard, nouvellement équipé d’un appareil, de réaliser de nombreuses images. Sa pratique photographique s’inscrivant dans son engagement missionnaire, il entend diffuser ses clichés auprès du grand public dans le but de

235 Il est possible de noter ici une différence entre les images de la SMEP et les photographies des missions

catholiques. Aurélie Sécheret note en effet l’existence de clichés chargés « d’un discours dénonçant la sauvagerie de certaines pratiques », voir SÉCHERET Aurélie, Regard missionnaire sur l’Afrique française de

1900 à 1945 : pour un approche photographique, op.cit., p. 77-78.

236 TISSIER Jean-Louis et STASZAK Jean-François, « La passion de l’inventaire », in LOISEAUX Olivier

mieux faire connaître la mission Zambèze. Il propose ainsi dès 1883 de diffuser ses meilleures photographies sous la forme de « collections de vues ». À ce sujet, il écrit :

J’envoie tous mes clichés à Genève aux dames qui m’ont donné mon appareil. Je leur demanderai de les faire imprimer pour la vente des missions – en faveur du Zambèze. On pourrait les envoyer ensuite à Paris et vous feriez la même chose. On pourrait en faire des albums et dans ce cas je me recommanderais pour deux ou trois exemplaires. Si l’essai réussit, je vous promets de tirer le meilleur parti possible de mon appareil. Il vaut la peine d’essayer sérieusement237.

Dans sa lettre, Coillard révèle que ses photographies ne sont, dans un premier temps,