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Chapitre 3 Présentation et analyse des résultats

3.1 Première expérimentation

Lors de la première expérimentation, tous les élèves sont présents et chacun des membres des deux équipes avait en main une démarche à proposer à la suite du travail individuel. La tâche présentée lors de cette expérimentation est L’épicerie de grand-maman (annexe A). Dans cette situation-problème, on demande aux élèves de dresser la liste d’épicerie de leur grand-mère en tenant compte des contraintes suivantes : épicerie pour une semaine de sept jours, trois repas par jour à préparer, respect des portions recommandées pour chaque catégorie d’aliments, prévoir la préparation d’un souper de famille le dimanche et respect d’un budget de 120$. Pour cette expérimentation, les deux équipes ont bien fonctionné. Il y avait une bonne entente et tous les élèves ont pu exprimer leurs idées.

Cette expérimentation proposait une tâche de niveau 2e cycle du primaire. Ce

choix était voulu, car elle a été réalisée tôt en début d’année et c’était la première tâche que les équipes faisaient ensemble. Nous ne voulions pas que le niveau

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de difficulté nuise à la première activité en approche coopérative. Dans cette expérimentation des concepts comme l’addition, la soustraction, la multiplication, la lecture de diagramme à bandes étaient en jeu.

Lorsque l’on observe la production de l’équipe A (figure 1), nous pouvons constater que nous sommes en présence d’une démarche de type énumération. L’équipe a commencé par identifier les portions et le coût. Ensuite, chaque portion est multipliée par 7 pour répondre à la contrainte de la semaine. Les coûts de chaque catégorie d’aliments sont finalement additionnés pour trouver le coût total pour la semaine. Nous sommes devant une démarche davantage séquentielle où chaque donnée est en lien avec une autre et il y a un ordre dans les diverses étapes.

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La production de l’équipe B (figure 2) est plutôt une démarche de type énumération groupée. Les portions pour chaque jour sont identifiées et elles sont ensuite multipliées par 7 pour trouver le nombre total pour la semaine. À partir de ces portions totales, le coût pour chaque type d’aliment est trouvé par addition. Finalement, ces coûts sont additionnés pour trouver le coût total de l’épicerie pour la semaine. Lorsqu’on observe la production de l’équipe, on peut constater que l’équipe a davantage regroupé les divers éléments de la situation. Alors que la démarche de l’équipe A est davantage linéaire, la démarche de l’équipe B correspond à une représentation globale de la situation. On peut voir les relations entre les diverses données. Cette caractéristique des relations entre les données est un premier pas vers la démarche algébrique (Squalli et Cotnoir, 2015), un élément intéressant à exploiter pour faire développer la pensée algébrique chez les élèves.

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Comment les élèves ont-ils été en mesure d’arriver à ces solutions? Nous étudierons les habiletés qui se sont manifestées au fur et à mesure de leur développement.

En regardant le tableau 2, on peut constater que l’équipe A possède plusieurs habiletés au niveau organisationnel. Il n’y a que les critères «accepte les idées des autres» et «change sa façon de penser» qui sont manifestés seulement par deux membres sur quatre.

Tableau 2Manifestations des habiletés sociales de niveau organisationnel à la première expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Reste groupé 3/4 4/4

Participe à l’organisation de la tâche 4/4 4/4

Fait preuve d’engagement à l’égard du groupe 2/4 4/4

Respecte les contributions des autres 4/4 4/4

Change sa façon de penser en incorporant de nouvelles informations ou

idées des autres 2/4 3/4

Accepte la contribution des autres 2/4 4/4

Utilise tous les éléments de réflexion de l’équipe pour façonner une

réponse riche 4/4 4/4

Comprend le rôle qui lui a été assigné (rôle dans l’équipe) 4/4 4/4

La présence de deux habiletés sur l’ensemble de celles attendues peut s’expliquer par le fait que la consigne de départ avait été mal formulée. En effet, lors de cette expérimentation la consigne donnée a été de trouver la meilleure solution. Cela a eu comme impact dans l’équipe A d’orienter le choix des élèves par rapport à la solution de l’élève considéré comme le plus fort au niveau académique (élève 1). Les élèves étaient moins enclins à accepter les idées des autres membres de l’équipe. En même temps, l’élève 1 considéré, comme plus fort, n’a pas voulu changer sa façon de voir le problème. D’ailleurs on peut constater l’impact de ce biais dans cet extrait du verbatim :

Chercheure : Vous aviez tous de bonnes solutions. Élève 4 : C’est sûr que c’était bon lui.

Chercheure : Pourquoi vous dites ça? Vous aviez tous de bonnes solutions.

Élève 2 : Parce que l’Élève 1 c’est lui le plus intelligent.

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Dans l’équipe B, ce biais quant à la consigne, semble avoir eu moins d’impact. En effet, on peut voir que tous les membres de l’équipe possèdent l’ensemble des habiletés au niveau organisationnel, sauf pour le critère «change sa façon de penser» que l’élève 5 ne manifeste pas. Cela s’explique par le fait que la solution retenue est basée sur sa démarche. Il n’a donc pas eu à changer sa façon de penser. Par contre, contrairement à l’équipe A, l’équipe B a choisi la solution de l’élève considérée comme le plus fort, mais pas seulement en raison de cette reconnaissance. Ils affirment qu’ils ont choisi cette démarche parce qu’elle respecte une contrainte importante de la résolution de problème.

Élève 6 : C’est Élève 5 qui a la meilleure. Chercheure : Pourquoi tu dis ça?

Élève 6 : Elle a compris que fallait … que même si tu prends beaucoup de choses, t’es pas obligé de dépasser le budget. (Annexe M lignes 218-221) Le tableau 3 montre que les membres de l’équipe A et B possèdent un nombre sensiblement équivalent d’habiletés de niveau fonctionnel. Il n’y a qu’au niveau de l’intérêt envers les autres qu’on peut constater un avantage au niveau de l’équipe B.

Tableau 3 Manifestations des habiletés sociales de niveau fonctionnel à la première expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Donne des instructions 1/4 1/4

Suit des instructions 3/4 4/4

Démontre un support et de l’intérêt envers les autres 2/4 4/4 Propose d’expliquer ou de clarifier une idée ou un raisonnement 1/4 1/4 Écoute les questions ou les idées des autres membres 4/4 4/4 Respecte les contributions des autres membres 4/4 4/4 Respecte le rôle qui lui a été assigné (rôle dans l’équipe) 4/4 4/4 Teste la validité du travail d’équipe en regardant les instructions et les

contraintes 4/4 4/4

Ce tableau montre que dans l’équipe A, seuls les élèves 1 et 2 portent attention aux autres lorsqu’ils parlent. L’annexe L présente la grille d’observation de cette habileté dans l’équipe A et qui démontre ce fait. L’élève 4 avait bien commencé, mais rapidement, il se désintéresse du travail d’équipe. Il regarde l’autre équipe ou rit avec l’élève 3. Dans l’équipe B, les élèves manifestent leur intérêt en

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gardant un contact visuel constant. L’élève 7 et l’élève 8 sont plus discrets quant à leurs interventions, mais ils sont attentifs aux discussions. Ils écoutent ce que les autres proposent.

Également, le tableau 4 montre que lors de la première expérimentation, les membres de l’équipe A et B possèdent encore un nombre sensiblement équivalent d’habiletés de niveau social. Il n’y a que le critère « faire face à la pression du groupe » qui diffère.

Tableau 4 Manifestations des habiletés sociales de niveau social à la première expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Demande de l’aide 0/4 0/4

Offre son aide 0/4 0/4

Contribue aux discussions de façon positive 4/4 3/4

Partage ses idées 4/4 3/4

Accepte les idées des autres 4/4 4/4

Partage le matériel 4/4 4/4

Fait face à la pression d’un groupe 1/4 4/4

Encourage les autres 3/4 2/4

Demande que tout le monde partage ses idées pour bien planifier l’activité

de groupe. 1/4 1/4

Un seul membre de l’équipe A possède le critère «faire face à la pression d’un groupe», alors que tous les membres de l’équipe B le possède. En effet, l’élève 4 semble avoir de la difficulté à être en groupe. Il regarde souvent partout et cherche à parler avec l’élève 3. Il ne participe pas activement aux discussions de l’équipe. Il y a un sous-groupe qui se crée dans l’équipe A entre l’élève 3 et l’élève 4, alors que les membres de l’équipe B collaborent ensemble.

Pour ce qui est des habiletés au niveau affectif du tableau 5, elles se manifestent moins, mais une bonne entente est généralement observée dans les deux équipes. On peut penser qu’elles sont présentes ce qui explique le bon fonctionnement des équipes. Les élèves n’ont pas eu à faire face à des conflits qui auraient pu faire apparaître de la colère.

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Tableau 5 Manifestations des habiletés sociales de niveau affectif à la première expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Exprime ses sentiments 2/4 2/4

Reconnaît les sentiments d’une autre personne 0/4 0/4

Fait face à sa colère 0/4 0/4

Fait face à la colère de l’autre 0/4 0/4

Se calme 0/4 0/4

Se contrôle 4/4 4/4

Félicite les autres 0/4 1/4

Se félicite 0/4 0/4

On peut constater un bon contrôle chez l’ensemble des élèves des deux équipes. Bien que l’élève 4 ait envie de se désorganiser à quelques reprises en riant avec l’élève 3 ou en regardant l’équipe B. Il réussit à se contrôler pour la majorité du temps de la période de travail coopératif. Ce sera fort différent pour les deux expérimentations suivantes.

Synthèse de l’analyse de la première expérimentation

À la suite à l’analyse de la première expérimentation, nous observons que nous avons été davantage dans un mode de présentation des démarches de chacun des membres de l’équipe et du choix de la démarche de l’élève considéré comme celui qui réussit le mieux. L’approche coopérative n’a pas été utilisée à son plein potentiel en raison d’un biais fait par la chercheure qui amenait les élèves à trouver la meilleure solution. En effet, ce biais a fait en sorte de jouer sur le contrat didactique. L’utilisation des mots «meilleure solution» dans la consigne a fait en sorte d’orienter les choix des équipes vers la démarche de l’élève considéré comme le plus fort. Nous avons donc reformulé la consigne de départ pour les autres expérimentations en demandant aux élèves de discuter pour en arriver à une solution d’équipe et d’expliquer leurs choix.

De plus, nous avons constaté qu’il y avait eu trop d’interventions de la part de la chercheure. Cela fait en sorte que le verbatim n’a pas pu être utilisé pour analyser les discussions amenant la prise de décision collective. Pour la deuxième intervention, il a été convenu de limiter les interventions au maximum. Il devait y en avoir uniquement lorsque les élèves étaient devant un blocage et que

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personne de l’équipe n’arrivait à le contourner. Cela vient confirmer que la préparation pour le travail en apprentissage coopératif exige une planification rigoureuse.

Si on revient sur l’analyse a priori faite sur la situation-problème, nous sommes en mesure de constater que de durant cette expérimentation, les deux équipes ont manifesté deux composantes sur les cinq à développer lors d’une résolution de problème. D’abord, ils ont été en mesure de décoder les éléments de la situation-problème. Les deux équipes ont compris la tâche qui leur était demandée. Ils ont compris que le diagramme donnait le nombre de portions pour une journée, ce qui dénote une bonne interprétation d’un diagramme à bandes verticales. Les deux équipes ont aussi compris qu’il devait multiplier ces portions par sept, car ils devaient trouver les portions pour une semaine. Ils ont aussi été en mesure de trouver les montants à débourser. Ils ont été en mesure de reconnaître les opérations à choisir et les processus de calculs écrits à utiliser. En ce sens, les algorithmes d’addition, de soustraction et de multiplication ont été correctement utilisés. Ensuite, ils ont démontré un bon partage des informations. En effet, les démarches présentées par les deux équipes sont bien structurées. Nous sommes en mesure de comprendre la séquence réflexive de chacune des équipes.