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Chapitre 3 Présentation et analyse des résultats

3.2 Deuxième expérimentation

À la deuxième expérimentation, il manque un membre dans chaque équipe. De plus, personne n’avait réussi à compléter sa démarche de résolution de problème de façon individuelle. Seuls les membres de l’équipe B avaient tous une solution, bien qu’incomplète, à proposer à la suite de la période de travail individuel. Un seul membre de l’équipe A avait une solution partielle à proposer. La tâche proposée pour cette expérimentation était Boulanger en Nouvelle-France (Annexe B). Pour cette tâche, les élèves devaient proposer un horaire pour un boulanger en respectant les contraintes d’un nombre de pains à préparer selon le nombre d’habitants du quartier. Pour cette deuxième expérimentation, les concepts de conversion de mesure de masse, de temps, de multiplication, de division et d’approximation sont en jeu. La notion de conversion de mesure au

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niveau du gramme et du kilogramme était par contre nouvelle. Cela à fait en sorte que les deux équipes n’ont pu résoudre le problème dans son entièreté. Cette fois-ci, la consigne de départ a été différente. En effet, il a été demandé aux élèves de discuter pour en arriver à une solution d’équipe et d’expliquer leurs choix.

Lorsqu’on observe la production de l’équipe A (figure 3), on observe, comme pour la première expérimentation, une démarche de type énumération, mais elle est beaucoup moins organisée. Il s’agit d’une énumération de calculs, mais il est difficile de voir l’organisation des différents calculs. Il est plus difficile de suivre le parcours de leur réflexion. Lors de cette expérimentation, il y a peu d’échanges entre les membres de l’équipe. Au début, l’élève 1 propose sa démarche et l’élève 3 (secrétaire en remplacement de l’élève 2) prend en note sa démarche. Dans un premier temps, il fait 8 400 divisé par 3 pour trouver le nombre d’habitants du quartier, ce qui lui donne 2800. Ensuite, il propose de faire 2 800 divisé par 4 pour trouver le nombre d’habitants nourris par chaque boulanger. Il trouve alors 700 habitants. À partir de là, l’élève 1 et 3 discutent pour trouver le reste de la démarche. L’élève 4 tente d’intervenir pour apporter son idée, mais il n’est pas pris en compte. Il finit par se retirer et reste en marge de l’équipe. En effet, il fait sa dernière intervention à la ligne 35 (Annexe N) et tout de suite après, l’élève 1 refuse son idée. Il n’y a plus d’interventions de nature mathématique de l’élève 4 pour le reste de la période de travail en équipe. Lorsque la période se termine, l’élève 1 constate que le nombre de fournées qu’il a trouvé ne fonctionne pas (il a trouvé 35 fournées). Il dit aux autres que cela ne fonctionne pas, mais personne n’intervient pour l’aider à corriger la situation. L’élève 1 dit donc de placer 15 fournées le matin, 10 en après-midi et 10 en soirée. Il sait que sa réponse n’est pas plausible en lien avec la contrainte de temps, mais il n’a pas d’autres propositions. Il remet la feuille à contrecœur.

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Figure 3 Production de la deuxième expérimentation de l’équipe A

L’Équipe B, quant à elle, a une démarche de type énumération groupée (figure 4), comme pour la première expérimentation. Leur approche quant au travail d’équipe diffère de l’équipe A. En effet, l’élève 5 invite chaque membre de l’équipe à présenter sa démarche avant de construire leur démarche collective. Il est intéressant de noter que l’élève 6 constate que la multiplication est plus rapide que l’addition répétée quand vient le temps de trouver le nombre de personne pour un boulanger.

Élève 5 : Moi ça m’a donné 700 habitants par boulanger.

Élève 8 : Par les 4 c’est ça (il pointe son calcul avec un résultat de 2800). Mais 700 habitants pour 1 boulanger.

Élève 6 : 700+700+700+700 attend 700x4 ça va aller plus vite. (Annexe N lignes 165-168)

Lorsqu’ils essaient de trouver le nombre de grammes pour nourrir les habitants, ils constatent qu’ils doivent convertir des kilogrammes en grammes. C’est l’élève 8 qui montre comment le faire avec le tableau de conversion de mesure. Cet élève est en reprise d’année. Il a donc vu cette notion plus souvent que le reste de l’équipe. Il est intéressant de voir que les autres membres écoutent ce qu’il a à dire, même si ce n’est pas un élève reconnu comme fort. On peut constater que le nombre élevé de manifestations d’habiletés sociales de niveau

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organisationnel, fonctionnel et social ont permis à cette équipe d’utiliser tous les éléments des membres de l’équipe pour produire une démarche collective où tous se reconnaissent. Une fois la conversion terminée, l’élève 5 a suggéré de diviser 630 en 2,7. L’élève 8 a alors fait remarquer que la tâche disait environ 2,7. L’élève 5 a donc suggéré de diviser par 3 ce qui rendait le calcul beaucoup moins difficile à réaliser pour trouver le nombre de pains à faire.

Élève 8 : Si je fais 630 divisé en ça. Élève 5 : 630 divisé en 2,7.

Élève 8 : Ouain, mais c’est environ 2,7. Élève 5 : On va prendre 3.

Élève 8 : 630 divisé en 3 … Égale 210. Élève 6 : 210 kg.

Élève 5 : Non 210 pains. (Annexe N lignes 280-286)

Par la suite, ils ont divisé 210 par 24, car une fournée comprenait 24 miches. Ils ont donc trouvé que chaque boulanger devait faire 8,75 fournées pour nourrir les habitants du quartier. L’élève 5 a donc suggéré que l’on devait arrondir, car un nombre à virgule ne fonctionnait pas. Il a donc suggéré 9 fournées. L’équipe a donc choisi de placer 3 fournées le matin, 3 en après-midi et 3 en soirée. Ils n’ont pas eu le temps de prendre le temps en considération pour valider leur réponse, car la période de travail se terminait. Par contre, leur solution est plausible.

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Figure 4 Production de la deuxième expérimentation de l’équipe B

Nous étudierons maintenant les habiletés qui se sont manifestées au fur et à mesure de leur développement. Pour cette expérimentation, nous observons une réelle différence au niveau des habiletés entre les deux équipes.

Dans l’équipe A, c’est l’élève 4 qui initie la discussion de l’équipe, même s’il n’a aucune démarche individuelle à proposer. Par contre, il est rapidement exclu des discussions ce qui l’amène à se retirer. L’élève 1 et l’élève 3 forment une équipe dans l’équipe où l’élève 1 initie et expose sa démarche. Dans l’équipe B, tous les membres de l’équipe contribuent aux discussions. En regardant le tableau 6, il est possible de constater que l’équipe A possède moins d’habiletés de niveau organisationnel que l’équipe B.

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Tableau 6 Manifestations des habiletés sociales de niveau organisationnel à la deuxième expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Reste groupé 2/3 3/3

Participe à l’organisation de la tâche 2/3 3/3

Fait preuve d’engagement à l’égard du groupe 2/3 3/3

Respecte les contributions des autres 1/3 3/3

Change sa façon de penser en incorporant de nouvelles informations ou

idées des autres 0/3 3/3

Accepte la contribution des autres 1/3 3/3

Utilise tous les éléments de réflexion de l’équipe pour façonner une

réponse riche 1/3 3/3

Comprend le rôle qui lui a été assigné (rôle dans l’équipe) 2/3 3/3 En effet, tous les membres de l’équipe B manifestent toutes les habiletés organisationnelles. Dans l’équipe A, on peut voir que ce n’est pas le cas. En se retirant de l’équipe tôt dans l’expérimentation, l’élève 4 manifeste peu de ces habiletés. L’élève 1 devient l’organisateur de la tâche et l’élève 3 suit cette organisation de façon plus passive. Peu de manifestations sont donc observées chez l’élève 3. L’élève 4, quant à lui, se désorganise et ne participe plus à la tâche. Il joue et il fait des commentaires qui ne sont pas en lien avec la tâche. La tâche s’organise donc bien dans l’équipe B alors que dans l’équipe A, s’est beaucoup plus difficile.

On peut constater que les membres de l’équipe B manifeste toutes les habiletés au niveau fonctionnel alors que dans l’équipe A, ce n’est pas le cas.

Tableau 7 Manifestations des habiletés sociales de niveau fonctionnel à la deuxième expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Donne des instructions 1/3 3/3

Suit des instructions 1/3 3/3

Démontre un support et de l’intérêt envers les autres 2/3 3/3 Propose d’expliquer ou de clarifier une idée ou un raisonnement 1/3 3/3 Écoute les questions ou les idées des autres membres 1/3 3/3 Respecte les contributions des autres membres 1/3 3/3 Respecte le rôle qui lui a été assigné (rôle dans l’équipe) 2/3 3/3 Teste la validité du travail d’équipe en regardant les instructions et les

contraintes 1/3 3/3

Dans l’équipe A, l’élève 1 dicte sa démarche à l’élève 3. En ce sens, l’élève 1 donne des instructions et l’élève 3 les suit. Ce sont ces deux élèves qui voient

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au bon fonctionnement de la tâche. Ils se partagent les différentes manifestations de ces habiletés. L’élève 4 n’en démontre aucune. Il ne respecte même pas son rôle de gardien du temps, car il ne fait pas de remarque pertinente lorsqu’il semble évident que le temps manquera. Sa seule remarque au niveau du temps, il la fait sans le souci de vraiment encadrer le travail de son équipe au niveau du temps. Dans l’équipe B, cela est différent. En effet, l’élève gardien du tour de parole a invité l’élève 8 à expliquer sa façon de faire. Il était le seul à savoir comment procéder pour convertir les kilogrammes en grammes. Cette contribution a permis aux autres membres de l’équipe B de respecter la contribution de tous et de valider leur démarche. Le gardien de la parole invite souvent les autres membres de l’équipe B à s’exprimer et chacun peut le faire sans se faire interrompre. Avant de décider ce qu’ils vont faire, ils prennent le temps d’écouter les idées des autres. Chaque membre est écouté comme le montre l’extrait de verbatim suivant :

Élève 5 : Toi Élève 6 t’avais commencé par quoi?

Élève 6 : J’ai commencé par la quantité, bien combien il y avait de personnes dans le quartier.

Élève 5 : Toi? (en regardant Élève 8)

Élève 8 : Moi aussi j’ai calculé combien il y avait de boulangers dans un quartier. Il était déjà écrit, mais mettons combien de boulangers en feraient pour les habitants

Élève 5. On en comptait un.

Élève 6 : C’était écrit dans le texte qu’il y avait 4 boulangers.

Élève 5 : Moi j’avais commencé par le nombre d’habitants. Pis vous ça vous a donné comment? (Annexe N lignes 144 à 154).

Lors de cette deuxième expérimentation, nous pouvons observer une plus grande présence des habiletés de niveau social chez l’équipe B. Il est important de souligner, à nouveau, que lors de cette deuxième expérimentation, le travail individuel a été difficile en raison de la conversion de mesure. Cela à fait en sorte que l’on observe une diminution du nombre de solutions individuelles.

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Tableau 8 Manifestations des habiletés sociales de niveau social à la deuxième expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Demande de l’aide 1/3 3/3

Offre son aide 0/3 3/3

Contribue aux discussions de façon positive 2/3 3/3

Partage ses idées 1/3 3/3

Accepte les idées des autres 1/3 3/3

Partage le matériel 2/3 1/3

Fait face à la pression d’un groupe 0/3 3/3

Encourage les autres 0/3 3/3

Demande que tout le monde partage ses idées pour bien planifier l’activité

de groupe. 0/3 3/3

Dans l’équipe B, tous les membres manifestent l’ensemble des habiletés au niveau social. Il n’y a que le partage de matériel qui n’a pas été observé, mais la tâche ne demandait pas de matériel obligatoirement. Seul l’élève 6 a utilisé le matériel en base 10 pour représenter le nombre d’habitants, donc elle n’avait pas à le partager. Cela ne semble toutefois pas avoir eu d’impact sur leur collaboration. Dans l’équipe A, cela est fort différent puisque quatre manifestations n’ont pas été observées, et ce, pour aucun d’entre eux. L’élève 1 a dicté sa démarche et c’est celle-ci qui a été remise comme solution d’équipe. Il y a eu peu d’échanges. L’élève 1 réfléchit seul et l’élève 3 suit ce que l’élève 1 lui partage. Dans l’équipe B, on essaie de trouver des différences et des ressemblances entre les démarches. On veut fabriquer une démarche collective. En plus d’écouter les idées des autres, ils les acceptent comme en témoigne cet extrait de verbatim :

Élève 5 : Ça c’est matin, midi…

Élève 6 : Ah! Il faut diviser par 3! 9 partagé en 3. C’est 3! Élève 8 : C’est ça! 3 fournées, 3 fournées, 3 fournées. Élève 6 : 3 le matin, 3 l’après-midi et 3 le soir.

Ils terminent d’écrire et ils me remettent les feuilles (Annexe N lignes 316 à 320)

Au niveau des habiletés de niveau affectif, l’équipe B en manifestent peu, mais cela ne veut pas dire que les membres de l’équipe n’en possèdent pas. La bonne entente au sein du groupe fait en sorte qu’il est possible de supposer les élèves

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les utilisent naturellement. Il y a des échanges et aucun conflit. Les élèves manifestent tous l’habileté «le contrôle de soi». Ils la manifestent en gardant chacun le focus sur la tâche, même si la tâche est difficile pour eux. Dans l’équipe A, c’est différent. Le fait que l’élève 4 se retire sans exprimer son mécontentement de ne pas être pris en considération ajoutant à cela que les autres ne constatent pas son mécontentement a fait en sorte que l’équipe est passée de trois à deux membres actifs. Également, si l’élève 4 avait eu un meilleur contrôle de soi, il serait demeuré centré sur la tâche plutôt que de déranger les autres membres de l’équipe. En ce sens, le fait de manifester davantage d’habiletés de niveau affectif aurait pu changer la dynamique d’échanges de l’équipe A.

Tableau 9 Manifestations des habiletés sociales de niveau affectif à la deuxième expérimentation

Nature des habiletés Équipe A Équipe B

Exprime ses sentiments 1/3 0/3

Reconnaît les sentiments d’une autre personne 0/3 0/3

Fait face à sa colère 1/3 0/3

Fait face à la colère de l’autre 0/3 0/3

Se calme 1/3 0/3

Se contrôle 2/3 3/3

Félicite les autres 0/3 0/3

Se félicite 0/3 0/3

Synthèse de l’analyse de la deuxième expérimentation

À la suite à l’analyse de la deuxième expérimentation, nous ne sommes plus dans un mode de présentation des démarches de chacun des membres de l’équipe et du choix d’une démarche. La reformulation de notre consigne de départ a fait en sorte que nous avons davantage été dans un mode de construction d’une démarche collective, du moins pour l’équipe B. Dans l’équipe A, nous avons plutôt observé un travail en parallèle. Cette fois-ci, les interventions de l’adulte ont été réduites au minimum. Cela n’a pas été suffisant pour permettre à l’équipe A de contourner le blocage que les membres ont eu face à un nombre de fournées beaucoup trop élevé.

Si on revient sur l’analyse a priori faite sur la situation-problème, nous sommes en mesure de constater que de durant cette expérimentation, il y a des différences au niveau des composantes de la compétence à résoudre

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manifestées par les deux équipes ainsi qu’au niveau des savoirs mathématiques utilisés.

Dans l’équipe A, aucune des composantes n’est réellement manifestée pas l’équipe. En effet, l’élève 1 travaillait de façon individuelle. Cet élève manifeste des composantes, mais comme nous nous intéressions à ce que l’équipe démontrait, cela est moins pertinent. Au niveau des savoirs mathématiques, cet élève a été capable d’utiliser l’algorithme de la division et de la multiplication, mais il n’a pas utilisé les bonnes données pour trouver les éléments nécessaires à la solution. Il a aussi utilisé la fraction comme partage. Il a divisé le nombre d’habitants de Montréal par trois pour trouver le tiers de la population du quartier. Nous avons assisté à une situation où des composantes de la compétence à résoudre et des savoirs mathématiques utilisés ont été manifestés par un seul membre de l’équipe. Comme l’équipe a fonctionné avec difficulté, elle n’a pas été en mesure de construire une démarche collective plausible.

Dans l’équipe B, quatre composantes sur les cinq à développer lors d’une résolution de problème ont été manifestées. D’abord, l’équipe a été en mesure de décoder les éléments de la situation-problème et appliquer les stratégies nécessaires. En effet, au niveau des savoirs mathématiques, l’équipe été capable d’utiliser les algorithmes de la multiplication pour calculer le nombre de livres de pain total nécessaire et celui de la division pour obtenir le nombre de miches à fabriquer, le nombre de fournées totales et le nombre de fournées pour un boulanger. Ils ont aussi été en mesure de faire la conversion de mesure du kilogramme au gramme. L’équipe a aussi été en mesure de modéliser la situation problème en regroupant les données à trouver pour réaliser la tâche. Ensuite, elle a démontré un bon partage des informations. En effet, la démarche présentée est bien structurée. Nous sommes en mesure de comprendre la séquence réflexive. Il n’y a que la validation qui n’a pu être complétée. En effet, ils n’ont pas été en mesure de vérifier si l’horaire établi respectait les contraintes de temps de préparation et d’horaire d’un boulanger pour une journée. Ils ont manqué de temps pour le faire.

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