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1 C ONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.3 Les approches et pratiques en enseignement de la grammaire depuis le

1.3.2 Les pratiques prescrites par le PFEQ (MELS, 2004) en enseignement de

En fait, la véritable transformation apportée par le PFÉQ (MELS, 2004) tient à l’approche par compétences et à ce qu’elle implique en termes d'intervention éducative.

En introduction au PFÉQ de l’enseignement préscolaire et primaire (MELS, 2001), on peut lire :

Les pratiques pédagogiques sont tributaires des idées que l’on se fait de la manière dont on apprend. Deux grands courants de pensée, le behaviorisme et le constructivisme, ont marqué et marquent encore nos conceptions de l’apprentissage. Certains apprentissages que doit développer l’école bénéficient de pratiques d’inspiration behavioriste axées, notamment, sur la mémorisation de savoirs au moyen d’exercices répétés. Cependant, beaucoup d’éléments du Programme de formation, en particulier ceux qui concernent le développement de compétences et la maitrise de savoirs complexes, font appel à des pratiques basées sur une conception de l’apprentissage d’inspiration constructiviste. Dans cette perspective, l’apprentissage est considéré comme un processus dont l’élève est le premier artisan. Il est favorisé de façon toute particulière par des situations qui représentent un réel défi pour l’élève, c’est-à-dire des situations qui entrainent une remise en question de ses connaissances et de ses représentations personnelles. (MELS, 2001, p.5)

D’après les programmes du MELS, le paradigme béhavioriste, et donc les approches pédagogiques qui en découlent, est un courant de pensée privilégié pour l’apprentissage et la mémorisation des savoirs, alors que le constructivisme, et les approches qui en découlent, est un courant de pensée privilégié, cette fois, pour le développement des compétences et la maitrise des savoirs complexes, que l'on pourrait définir comme des savoirs impliquant savoirs procéduraux et conditionnels15

(Tardif, 1992). Dans le PFÉQ du secondaire (MELS, 2004), on ne fait plus mention explicitement du behaviorisme, mais on mentionne que ce programme est en continuité avec celui du primaire.

Si on applique la vision du programme à l'enseignement de la grammaire, la prescription ministérielle devient un peu floue, selon le statut que l'on reconnait aux savoirs grammaticaux («savoirs» ou «savoirs complexes»?). On peut déduire, par la terminologie utilisée dans la section concernant les apprentissages grammaticaux, que les approches impliquant une construction de savoirs, plus inductives, devraient être privilégiées pour l’apprentissage de ces notions et concepts. En effet, on peut lire dans le PFEQ (2004) que l’élève doit « apprendre à construire et à mobiliser des connaissances en fonction des situations dans lesquelles il est placé. » (p.129) L’enseignant doit d’ailleurs « aider [les élèves] à poursuivre la construction de leurs représentations de même que veiller à la consolidation et au transfert des notions et concepts. » (p.129). La terminologie utilisée suggère un paradigme socioconstructiviste et des pratiques pédagogiques qui en découlent, où l'intervention éducative est centrée sur l'élève16. Chartrand (2011) mentionne, après une analyse

15 Tardif (1992), inspiré des travaux de Gagné (1985) distingue trois types de savoirs: les savoirs

déclaratifs, procéduraux et conditionnels. Les connaissances déclaratives correspondent essentiellement aux savoirs théoriques. Il s’agit, selon Gagné (1985), des savoirs relatifs à la connaissance de faits, de règles, de lois, de principes. Les savoirs procéduraux correspondent au comment de l’action, aux étapes pour réaliser une action, à la procédure permettant la réalisation d’une action. Quant aux savoirs conditionnels, ils se réfèrent aux conditions de l’action. Ils concernent le «quand» et le «pourquoi».

16 Le rapprochement entre épistémologie, approche pédagogique et activité cognitive de l’élève est un

raccourci dont nous aborderons les nuances au cadre conceptuel.

historique des programmes qui ont été en vigueur au Québec, qu'aucun des trois derniers ne s’engage « sur le terrain du comment faire sous prétexte de respecter l’autonomie des enseignants» (p.51). Ainsi, ils « manifestent un manque flagrant d’articulation des finalités » (Chartrand, 2011, p.51). Nous avons tout de même préalablement cité quelques extraits du programme qui annoncent une orientation paradigmatique.

Si on analyse la bibliographie du PFEQ du 1er cycle du secondaire (2004), pour la section langue et grammaire, on peut voir que sur les 13 ouvrages cités, seuls deux traitent de didactique de la grammaire (Chartrand, 1995; Tomassone, 2002), les autres traitant de théorie grammaticale (Charaudeau 1992; Charaudeau et Maingueneau, 2002; Maingueneau, 1996; Riegel, Pellat et Rioul, 2002; Tomassone, 2001), de théorie orthographique (Arcand, 1991; Ashraf, 1999; Ters, Reichenbach et Mayer, 1995) ou d’histoire de l’orthographe (Catach, 1994; Chaurand, 2003; Chevalier, 1995).

Le collectif dirigé par Chartrand (1995) contient cinq articles traitant « de nouvelles démarches pour l’apprentissage de la grammaire » (p.193), et ceux-ci sont tous de paradigme socioconstructiviste (Blain, 1995; Chartrand, 1995; Leeman, 1995; Nadeau, 1995; Reboul, 1995). Chartrand (1995) propose un chapitre qui soutient une pratique inspirée à la fois des courants cognitivistes et constructivistes, la démarche active de découverte. Leeman (1995), à partir du cas de l’attribut du sujet, propose de considérer les contenus des manuels comme contestables, car eux-mêmes résultats d’une construction. Par l’analyse des caractéristiques de l’objet à partir d’autres sources (corpus, autres grammaires), les élèves peuvent en arriver à leur propre construction de la théorie de l’objet, et ensuite la transférer en situation de compétence écrite ou orale. Reboul (1995) propose elle aussi une pratique hypothético-déductive où, à partir de l’identification d’un problème linguistique, l’élève doit composer des hypothèses qui seront vérifiées dans un corpus écrit. Nadeau (1995), dans un contexte d’enseignement au primaire, s’intéresse à la réussite des accords grammaticaux. Deux dimensions sont principalement prises en compte :

la théorie grammaticale (donneur-receveur, importance syntaxique de l’analyse) et l’approche pédagogique inductive. Blain (1995) s’intéresse quant à lui à la révision de texte. Tomassone (1995) vante aussi les mérites de l'approche inductive. Or, bien que les avantages de l'approche inductive et les inconvénients de l'approche déductive soient exposés, jamais leurs effets ne sont comparés. Les effets sont inévitablement plus nuancés que l’efficience présentée d’une approche et l’inefficience de l’autre.

Nous constatons donc que les rédacteurs du PFÉQ (MELS, 2004), bien que suggérant une liberté de choix d'approches pédagogiques aux enseignants, utilisent un métalangage suggérant le choix d'approches faisant appel à l’induction. De plus, le PFÉQ (MELS, 2004) s'inscrit entre autres dans un paradigme constructiviste, ce qui est un changement de discours par rapport au précédent programme par objectifs (1980). Mais les enseignants ont-ils modifié leurs pratiques à l'arrivée du PFÉQ (MELS, 2004)? Et si oui, dans quel sens et avec quel effet?

1.3.3 Les pratiques déclarées et effectives d'enseignement de la grammaire