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1 C ONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.3 Les approches et pratiques en enseignement de la grammaire depuis le

1.3.1 Les contenus grammaticaux et les caractéristiques influençant les

toujours en cohérence avec les conceptions des programmes ministériels.

1.3.1 Les contenus grammaticaux et les caractéristiques influençant les pratiques

Le PFÉQ, publié en 2004 pour le premier cycle du secondaire, ne marque pas un changement majeur d'un point de vue didactique, en ce qui a trait à l'approche de la langue préconisée et à la sélection des concepts grammaticaux. Il s'inscrit dans la continuité du Programme d'études de 1995 qui, lui, marquait le passage de la grammaire traditionnelle à la grammaire actuelle. Chartrand (1995a) justifie cette coupure avec la grammaire dite « traditionnelle » par un constat par rapport à l’enseignement de la grammaire : « Ni sa finalité […] la maitrise de l’orthographe

13 Nous sommes conscient qu'un certain nombre de termes sont en concurrence pour définir la

grammaire actuelle (grammaire nouvelle, grammaire rénovée, grammaire moderne). Nous choisirons le terme de grammaire actuelle, qui nous semble le moins connoté. Son utilisation est plus rare que celle de ses concurrents (peut-être justement à cause de cette absence de connotation), mais nous semble plus justifiée, surtout dans la perspective d'une recherche cherchant une objectivité face à deux approches, dont une, l'inductive, est souvent directement associée à la grammaire dite «nouvelle» (Paret, 2000), «rénovée» (Lord et Chartrand, 2010) ou «moderne» (Boivin et Pinsonneault, 2008). Comme nous ne nous intéressons pas dans le cadre de cette thèse à la comparaison de deux grammaires, nous voulons éviter ce rapprochement par l'utilisation d'un terme plus neutre, et nous choisissons celui de grammaire actuelle.

grammaticale, ni ses objectifs officiels – amener les élèves à utiliser une langue correcte à l’oral et à l’écrit et contribuer à la formation d’une pensée rigoureuse - ne sont atteints» (p. 26). Ce constat d’échec mène à deux remises en question : celle du contenu grammatical – qui est officialisé par les programmes de 1994 (primaire) et 1995 (secondaire), et celle de l'approche pédagogique, qui est confirmée avec le programme de 2004 (MELS, 2004).

Mais pourquoi avoir tant insisté pour changer le contenu grammatical? Essentiellement, parce qu’autant nos connaissances scientifiques se sont approfondies (inspirées particulièrement par les travaux menés dans le champ de la grammaire générative et transformationnelle), autant la société et ses besoins ont changé. Nadeau et Fisher (2006) précisent que « la démocratisation de l’enseignement et l’évolution de la société présentent [...] de nouveaux défis au monde de l’éducation» (p. 74). Les auteures indiquent que dans une société du savoir, la réussite sociale passe par une scolarisation de plus en plus poussée et renouvelée. De plus, la croissance de l’immigration dans les pays occidentaux francophones amène une augmentation du nombre d’apprenants du français ayant une autre langue première. Finalement, la globalisation sociale et économique encourage l’apprentissage des langues secondes. De ces faits résultent deux éléments fondamentaux : une démocratisation de l’apprentissage du français écrit (l’école est obligatoire pour tous jusqu’à l’âge de seize ans) et une nécessité de s’adapter à l’apprenant du français langue seconde ou étrangère. C’est pourquoi les contenus ont évolué afin d’assurer l’accessibilité et l’universalité de leur compréhension.

De ces principes ont découlé certaines approches de la langue. Fondamentalement, nous sommes passés d’une description de la langue fondée sur des propriétés sémantiques à une description fondée principalement sur des propriétés syntaxiques (p.e. Nadeau et Fisher, 2006). Cela a modifié collatéralement le métalangage, mais principalement l’approche de la langue.

Considérant le manque des repères de la langue orale pour plusieurs apprenants, il a fallu adapter l’approche pour la rendre davantage syntaxique. De toute façon, depuis longtemps avait-on remarqué certaines incongruités dans les questionnements, devenus des “trucs” sous l’influence de la grammaire fonctionnelle (Chartrand, 1995; Nadeau et Fisher, 2006). L’approche syntaxique préconisée en grammaire actuelle amène l’apprenant à pouvoir s’appuyer sur les structures de la langue (l’ordre des mots, leur classe, leur organisation) plutôt que sur des interprétations sémantiques pouvant entrainer une confusion. Évidemment, la grammaire actuelle ne peut pas décrire parfaitement l’ensemble de la langue française - la grammaire étant une représentation ultérieure d’une langue formée depuis longtemps et, de surcroit, évolutive – mais selon Nadeau et Fisher (2006), la nouvelle grammaire cherche à ce que « l’élève acquière surtout une manière d’aborder l’étude des structures d’une langue grâce à des outils qui peuvent être transposés à l’étude d’une autre langue » (p. 74), ce qui répondait, et répond encore, aux exigences contemporaines de l’enseignement des langues préalablement exposées.

Avec les courants linguistiques actuels, l’approche de la langue est plus systémique, moins fractionnée. Il est cohérent que l’approche pédagogique suive le même cheminement, car, comme le mentionne Paret (2000), « quand par le passé on a tenté de changer l’un sans l’autre, on a malheureusement constaté peu d’améliorations [à l’écrit, chez les élèves] » (p. 54).

Les programmes de 2001 (au primaire) et de 2004 (au secondaire), en vigueur aujourd’hui, reprennent essentiellement le même contenu grammatical que celui de 1995, bien que la distribution des contenus d'enseignement par niveau scolaire, officialisée par la publication de la Progression des apprentissages (MELS, 2010), ait quelque peu varié.

Par ailleurs, plus fondamentalement, il faut se rappeler que, selon le PFÉQ (MELS, 2004), le développement des savoirs grammaticaux n'est pas une fin en soi,

mais un moyen de développer les trois compétences disciplinaires, soit la lecture, l'écriture et la communication orale. Plusieurs chercheurs en didactique de la grammaire (par exemple Chartrand, 1995, Nadeau et Fisher, 2006, Paret, 2000) reconnaissent cet état et remarquent que nous sommes passés d'une approche traditionnelle à une approche fonctionnelle, pour ensuite, avec la grammaire actuelle, nous intéresser davantage à la langue en tant que système, au service des compétences.

Des méta-analyses portant sur l'enseignement des langues étrangères (par exemple Graham et Perin, 2007) ont monté l'importance de l'enseignement grammatical lorsque celui-ci est rattaché à un contexte d’écriture formel, mais arrivent à la conclusion que l’enseignement même de la grammaire, décontextualisé, aurait un effet négatif sur le développement de la compétence scripturale. Andrews (2005) explique : « L'erreur serait, cependant, de supposer que la connaissance de la terminologie, des caractéristiques et du fonctionnement de la langue résoudrait nécessairement le problème de la qualité de l'écriture et du développement chez les jeunes14 » (p.73). Il ajoute en effet qu'aucune étude n'a démontré que l'enseignement décontextualisé de règles de grammaire abstraites et a un effet direct sur le développement de la compétence scripturale. Il faut dire que les questionnements, pour l'enseignement de l'anglais, concernent principalement les apprentissages d'éléments syntaxiques. Les savoirs grammaticaux, en français, impliquent plusieurs éléments morphologiques (Jaffré, 2004), et ceux-ci peuvent difficilement s'acquérir sans un enseignement explicite, qu'il s’inscrive dans une approche inductive ou déductive. La question, en didactique du français L1, n’est donc pas de savoir si on doit ou non enseigner la grammaire, mais bien de savoir comment on doit l’enseigner pour assurer sa mobilisation en situation de compétence scripturale.

14 Notre traduction de « The mistake would be, however, to assume that knowledge of such

terminology, and of the features and workings of language that the terms represent, will necessarily solve the problem of writing quality, accuracy and development in young people. »

Par ailleurs, la confirmation par le PFÉQ (MELS, 2004) du statut des savoirs grammaticaux au service du développement des compétences cherche à modifier certaines pratiques en classe, les rapprochant de situations d'écriture réelles. En s'inspirant de la taxonomie des savoirs (Gagné, 1985, Tardif, 1992), qui distingue les savoirs déclaratifs, procéduraux et conditionnels, on constate que l’objectif de la mobilisation des savoirs grammaticaux en situation de développement de compétences, entre autres de la compétence scripturale, implique comme but de développer tous les types de savoirs, incluant les savoirs conditionnels, afin que les élèves puissent utiliser les savoirs grammaticaux en situation d'écriture.

1.3.2 Les pratiques prescrites par le PFEQ (MELS, 2004) en enseignement