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1 C ONTEXTE DE LA RECHERCHE

2.5 L'objet de savoirs doit donner lieu à des apprentissages

Nous rappelons que notre objectif est de comparer l'efficience de deux approches pédagogiques sur l'apprentissage d'un objet de savoir grammatical et non de montrer la pertinence de l'approche inductive pour certains objets de savoir. Peu importe l'objet choisi, certaines de ses caractéristiques pourraient influencer une ou l'autre des approches, et c'est pourquoi nous tenons compte de ces caractéristiques dans notre démarche.

Barth (2013) mentionne qu'une approche inductive est à privilégier pour les nouveaux apprentissages, alors qu'une démarche déductive19 est plus pertinente «quand on pense que les élèves connaissent déjà les attributs essentiels, mais qu'ils éprouvent de la difficulté à savoir ce qui va avec quoi et qu'ils confondent les concepts; ceci est particulièrement flagrant en grammaire […] » (p.63).

La question qui tout de suite émerge d'une telle affirmation est celle concernant la nature des nouveaux apprentissages. En effet, qu'est-ce qui est nouveau, dans une perspective de progression spiralaire (Chartrand, 2008), où l'étude de la langue est articulée aux genres de textes, aux phénomènes langagiers multiples, où l'apprentissage des savoirs procède par paliers, par bonds, par stagnation, par régression, et implique de rompre avec les représentations de linéarité, de continuité des apprentissages?

La notion d'adjectif receveur d'accord, par exemple, ne l'est probablement pas, mais qu'en est-il du groupe prépositionnel CN? Des opérations textuelles impliquant un CN? Des subordonnées relatives? En consultant la Progression des apprentissages du primaire (MELS, 2009) et du secondaire (MELS, 2010), on peut

19 Il est à noter, pour nuancer le propos, que l'approche déductive, décrite par Barth (2013), où l'élève

induit un processus de conceptualisation, est appelé approche inductive par découverte dans notre cadre conceptuel. Elle s'éloigne donc de l'approche déductive traditionnelle.

voir que pour chacune de ces notions, certains apprentissages sont prévus au primaire et d'autres au premier et deuxième cycle du secondaire.

Ajoutons à cela qu'il faut être prudent et assumer qu'il existe une marge importante entre la progression des apprentissages prévue par les prescriptions officielles et les apprentissages effectifs faits en classe, soit à cause des adaptations nécessaires à la planification annuelle des enseignants du primaire, soit parce qu'il y a une marge entre enseignement et apprentissage effectif.

Nous verrons plus loin, à la lumière des résultats obtenus au prétest, que si nous ne pouvons nous avancer quant à la nouveauté de l'apprentissage du CN pour les élèves de notre échantillon, nous pouvons à tout le moins qualifier le CN d'objet de savoirs clairement non maitrisé par les élèves. Cela permet donc une validité théorique à son enseignement tant en approche déductive qu'en approche inductive.

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BJECTIFS DE RECHERCHE

C'est en tenant compte de la nuance nécessaire pour comparer les approches inductive et déductive, et en s'intéressant à la spécificité des élèves québécois du 1er cycle du secondaire, que nous en venons à définir notre objectif général de la façon suivante :

Comparer l’efficience d'approches pédagogiques inductive et déductive sur l’apprentissage par des élèves québécois de 1re secondaire des savoirs concernant le complément du nom et sur la mobilisation de ces savoirs pour le développement de la compétence scripturale.

Aussi, pour nous permettre de recueillir les données les plus complètes possible, nous établirons trois objectifs spécifiques :

1) Mesurer l'efficience d'approches inductive ou déductive à court et à long terme sur l’apprentissage par des élèves de 1re secondaire des connaissances déclaratives et procédurales en lien avec le CN;

2) Comparer la mobilisation de ces apprentissages par les élèves dans une tâche d’écriture, selon que l’enseignant privilégie l'approche inductive ou déductive;

3) Comprendre les perceptions qu'ont les enseignants et les élèves des aspects des interventions éducatives proposées, en particulier des approches pédagogiques.

Le cadre qui suit permettra de bien définir les concepts auxquels nous faisons référence dans le libellé de ces objectifs.

DEUXIÈME CHAPITRE - CADRE CONCEPTUEL

Nous faisons appel à plusieurs concepts pour énoncer notre objectif principal et nos objectifs spécifiques. En prenant un raccourci un peu grossier, nous pouvons résumer cette recherche de la façon suivante: nous cherchons à comparer l'efficience de deux interventions éducatives, en contrôlant une variable, soit l'approche pédagogique. Les concepts que nous avons choisis peuvent être intégrés à celui d''intervention éducative, que nous définirons en premier, et peuvent être divisés selon leur lien avec un des pôles du triangle didactique sous-jacent. Puisque notre variable indépendante concerne une pratique de l'enseignant, nous insisterons dans l'ordre sur ce pôle (performance, efficacité et efficience; dispositif de formation et pratiques d'enseignement; gestes; approches pédagogiques inductive et déductive), puis sur le pôle objet (grammaire actuelle, savoirs, CN, processus rédactionnel) et, finalement, sur le pôle élève (compétence scripturale).

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INTERVENTION ÉDUCATIVE ET SES COMPOSANTES

Plusieurs termes sont en concurrence pour définir les interrelations dans une classe: intervention, situation, pratiques, acte, démarche, approche, etc. Nous choisirons pour représenter la relation didactique générale, à la suite d'autres chercheurs (Lenoir, 2005; Lenoir et al., 2002; Not, 1979, 1987), le terme d'intervention éducative, qui a l'avantage de mettre l'accent sur l'agir de l'enseignant, et qui prend en considération toutes les composantes fondant les interactions de la relation didactique tripartite (Chevallard, 1985) entre les sujets apprenants, les objets de savoir et les enseignants, dans un contexte, sans pour autant privilégier une ou l'autre des composantes de l'intervention.

Lenoir et al. (2002) établissent que l'intervention éducative « se caractérise par l'association qu'elle établit entre les dimensions didactiques, les dimensions psychopédagogiques, les dimensions organisationnelles et les dimensions institutionnelles et sociales » (p.1) de l’acte d’enseigner.

L'intervention éducative, tout en s’intéressant à l’agir de l’enseignant, intègre les autres aspects de la relation, telle que présenté à la figure 1. De plus, Lenoir et al. (2002) soulignent que ce modèle théorique permet de mettre l’accent sur l’aspect transitionnel, sur les relations entre les éléments, et oblige la présence d’autres concepts centraux, comme celui de médiation.

L'intervention éducative sera donc un des concepts dont nous userons, bien que nous nous intéressions à un objet de savoir bien particulier, en contexte d'enseignement du français, et que les spécificités de cet objet ne nous amènent pas à vouloir transférer nos observations à d'autres champs disciplinaires (Halté, 1992).

Figure 1: L’intervention éducative, adaptée de Lenoir et al. (2002) 1.1 Les médiations

Les médiations (Lenoir et al. 2002; Lebrun, Zaid, Habboub et McConnel, 2007) sont qualifiées de médiation pédagogico-didactique, selon la perspective enseignante, et de médiation cognitive, selon la perspective de l’élève. Nous croyons que l’apprentissage est un processus dialectique de production sociale mené par la pratique sociale d’êtres humains vivant en société et interagissant socialement par le biais du langage en s’inscrivant dans un réseau dialectique de rapports socioculturels,

comme le conçoit le constructionnisme social (Lenoir et al., 2007). Par exemple, un enseignant qui choisit une approche inductive – selon sa conception des pratiques inhérentes à une telle approche – intervient par ses choix sur la médiation cognitive de l’élève sur l’apprentissage de l’objet de savoir. Nous reconnaissons le caractère distinct de ces deux médiations, mais voulons ici insister sur les effets de l’interactionnisme de l’intervention sur les constructions par les acteurs impliqués de l’objet de savoir, mais aussi sur les constructions des gestes d’apprentissage et d’enseignement. Nous ajouterons que le sens est construit dans les interactions à travers les pratiques discursives impliquant l’oral, mais aussi l’écrit.20

L'apprentissage est donc le résultat de la médiation cognitive, elle-même pouvant être influencée par la médiation pédagogicodidactique. Lenoir et al. (2002) reconnaissent que l'intervention éducative est parfois confondue, d'un point de vue pratico-interactif, avec la médiation pédagogicodidactique, soit l'acte enseignant. Pour éviter la confusion, nous conserverons le terme d'intervention éducative pour ce qui concerne la situation d'enseignement et d'apprentissage, et nous utiliserons plutôt le concept de pratique d'enseignement pour parler de l'acte enseignant (sa médiation) qui est le résultat de la mise en application d'un dispositif de formation choisi, entre autres, en fonction de l'approche pédagogique préconisée.