• Aucun résultat trouvé

1. Agir en faveur de ses intérêts : l’apport discursif, sociopolitique et économique

1.3 La fiscalité entre cités et royaumes : prélever et distribuer la richesse royale

1.3.1 Pratiques et cadre lexical de la fiscalité dans le dialogue diplomatique

Constitutive de la définition du statut des cités, la fiscalité caractérisait également les rapports entre les cités grecques et les dynasties hellénistiques. Elle apparaissait au centre des négociations, aux côtés des notions de liberté et d’autonomie. L’établissement des puissances hellénistiques s’accompagna d’une mise en place d’un système fiscal et tributaire durable, autrement dit viable pour les sujets. Celui-ci s’inscrivait dans la tradition de l’empire achéménide qui avait procédé à une organisation satrapique et fiscale de ses possessions, lesquelles versaient un tribut déterminé en fonction de leur productivité, de

leurs ressources financières et de leurs capacités commerciales.179 Outre l’exemple perse,

les communautés grecques expérimentèrent dès le VIe s. a.C. l’imposition de redevances

par des entités politiques dominantes ou hégémoniques grecques, telles que les amphictionies, les ligues, les alliances ou par le biais de dominations régionales. Dans le cas des πόλεις situées aux franges du monde grec, plusieurs durent composer avec des maîtres étrangers ou des sociétés considérées comme barbares, puisque non grecques, auxquels elles versèrent des contributions pour s’assurer paix, sécurité, protection et soutien

matériel ou financier.180

L’aspect fiscal des puissances royales est notamment souligné par une description de A. M. Eckstein des nouveaux États hellénistiques. Il les décrit comme des entités qui prélevaient la richesse de la population, par le biais d’impôts et de taxes, afin de contrôler leur territoire, de financer leurs armées et d’assurer le bon fonctionnement de

179 Hérodote, Histoires, III, 89-95. L’empire perse était divisé en vingt satrapies, dont cinq regroupaient

l’Anatolie, ce qui correspondait davantage à une organisation fiscale des possessions achéménides. Cf. M. Sartre, L’Anatolie hellénistique, p. 13-14; G. G. Aperghis, The Seleucid Royal Economy : The

Finances and Financial Administration of the Seleucid Empire, Cambridge, Cambridge University

Press, 2004, p. 51-54.

180 O. Picard, « Cités et royaumes », p. 68-69; L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 395-396;

L. Migeotte, « La situation fiscale des cités grecques dans le royaume séleucide », dans L. Migeotte (éd.), Économie et finances publiques des cités grecques. Volume II : Choix d’articles publiés de 2002

à 2014, Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée, 2015, p. 181-182, 193 (article initialement

49

l’administration royale qui, à son tour, organisait l’appropriation de cette richesse. Il se dessine à travers cette définition quelques éléments de l’économie royale, celle de l’acquisition des revenus, qui ne constituait cependant pas l’entièreté de l’action économique des royaumes hellénistiques. D’après le Pseudo-Aristote, le roi devait aussi utiliser et dépenser les ressources dont il disposait. L’économie royale comprenait, selon

l’auteur ancien, le monnayage, les sorties et les entrées des produits et les dépenses.181 La

collecte des revenus (πρόσοδοι) demeurait toutefois l’un des objectifs de l’économie royale qui en encourageait la production régulière et annuelle. Les revenus royaux s’avéraient nombreux et variés. Ils provenaient des impôts et des taxes sur les terres ou les troupeaux,

des ressources naturelles ou humaines, des lieux de commerce ou de marché.182 L’Asie

Mineure, dans ce contexte, répondait aux besoins économiques des autorités royales. Les cités grecques généraient d’importants revenus diversifiés, tandis que les terres anatoliennes produisaient de nombreuses ressources naturelles et matérielles, ce qui

justifiait peut-être l’octroi d’indemnités tributaires aux πόλεις par les rois.183

La nature et l’état fragmentaire des sources, qui exposent des situations particulières et des contextes variés plutôt que des pratiques usuelles, invitent à la prudence. Il est difficile de cerner et de définir les habitudes et les modalités fiscales des monarchies hellénistiques en Asie Mineure, que ce soit chez les Lagides ou les Séleucides, tout comme de fixer avec précision les montants demandés, la fréquence des paiements et les critères de leur évaluation. Les modes de prélèvement se réalisaient sur le plan local ou régional, exécutés par les communautés imposées sous la supervision, peut-être, des fonctionnaires royaux. Les autorités royales durent néanmoins considérer les capacités, les conditions, les

181 Aristote, Les économiques, II, 1-3.

182 Pour une description détaillée de la provenance des revenus dans le royaume séleucide, voir

G. G. Aperghis, The Seleucid Royal Economy, p. 137-179. Pour les Lagides, voir Cl. Préaux,

L’économie royale des Lagides, Bruxelles, Éditions de la Fondation égyptologique Reine Élisabeth,

1939, p. 61-435.

183 A. M. Eckstein, « Hellenistic Monarchy », p. 255; L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 395-396,

411-412, 425; L. Migeotte, Les finances des cités grecques, p. 25-27, 397-399; R. Strootman, « Kings and Cities », p. 144; G. G. Aperghis, The Seleucid Royal Economy, p. 51-54, 148-150; R. Descat, « Qu’est-ce que l’économie royale? », dans F. Prost (éd.), L’Orient méditerranéen de la mort

d’Alexandre le Grand aux campagnes de Pompée. Cités et royaumes à l’époque hellénistique, Rennes,

50

ressources et les activités de chaque cité, tant sur le plan public que privé. Quant aux types de redevances, L. Migeotte en identifia trois exigées aux cités grecques, telles que le tribut, les taxes directes et indirectes ainsi que les réquisitions, normalement destinées à financer les activités militaires. La taxation directe se prélevait aussi bien sur la production agricole que sur les propriétés, tandis que l’imposition indirecte se percevait dans le domaine commercial, que ce soit la taxe portuaire, les loyers d’ateliers-boutiques, les droits de douane et les taxes de vente, ou encore les droits de pacage sur les domaines publics. La remise d’une couronne à l’autorité royale par une cité servait également de paiement

d’impôt en nature.184

Un bel exemple de la variété des prélèvements et des taxes sur la production d’une cité, et de ses échanges, apparaît dans la correspondance entre Héraclée du Latmos et un représentant séleucide, Zeuxis, qui avait recouvré la cité pour le compte d’Antiochos III (196-193 a.C.). Héraclée du Latmos était alors sous la domination du roi

macédonien Philippe V depuis 201 a.C. et, peut-être avant lui, sous celle des Lagides.185 Ce

changement politique permit à la cité d’initier des négociations relatives à son statut fiscal en vue de retrouver les privilèges acquis sous les prédécesseurs du roi séleucide. Zeuxis accorda à la cité une exemption temporaire sur des impôts fonciers (τὰ τέλη καὶ ἔγγαια) et des taxes sur les ruches, le bétail et les récoltes (l. 4-5 : ἀτέλεια συγχωρῆσαι τῶν τε ἐκ τῆς γῆς καρπῶν πάντων καὶ τοῦ ἐννομίου τῶν τε κτηνῶν καὶ τῶν σμηνῶν), de même que sur les prélèvements d’importation (εἰσαγώγια), d’exportation (ἐξαγώγια) et de la vente du blé. Le pouvoir séleucide lui concéda aussi un don de grain (δωρέα) et la mainmise sur les

184 L. Migeotte, Les finances des cités grecques, p. 399-410; L. Migeotte, « Iasos et les Lagides », p. 203-

204; L. Migeotte, « La situation fiscale », p. 182-183, 187-188; R. S. Bagnall, The Administration, p. 227-228; L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 397-412.

185 Issu du début du IIe s. a.C., un décret fragmentaire, retrouvé sur le site d’Héraclée, conserve la mention

d’un Athénien Amphiklès, gouverneur de la cité pour le compte d’un roi Ptolémée. Une autre inscription, SEG 2 (1924), 536, plus tardive, suggère que la cité ait été sous la domination antigonide en 201-200 a.C. Deux épistates, originaires de Kalymnos, y sont mentionnés. Ils paraissent agir en tant que représentants de Philippe V. Celui-ci s’empara sans doute de la cité durant son expédition en Carie (201-200 a.C.). Pour le décret en l’honneur du gouverneur lagide et sur les représentants antigonides, voir M. Wörrle, « Inschriften von Herakleia am Latmos I : Antiochos III., Zeuxis und Herakleia », Chiron, 18 (1988), p. 435-436. Quant à l’expédition de Philippe V en Égée et en Asie Mineure, consulter J. Ma, Antiochos III, p. 57-62.

51

droits de douane, tout en confirmant l’atélie (ἀτέλεια) d’une certaine panégyrie.186 Héraclée

du Latmos obtint différentes atélies et franchises d’impôts du pouvoir séleucide, comme l’attestent les mots ἀτέλεια ou ἐννομίον. Celui-ci constituait une redevance prélevée sur le bétail (κτῆνos), mais il semble aussi s’appliquer aux essaims (σμήνη). Le terme désignait à l’origine le droit d’utilisation des pâturages qui, comme les ruches, n’appartenaient pas toujours aux bergers ni aux apiculteurs. Parmi les exemptions fiscales et foncières mentionnées dans l’inscription, aucune ne fait référence à la franchise du φόρος. N’étant pas considérée comme ἀφορολόγητος, Héraclée devait vraisemblablement payer un tribut

au roi Antiochos III.187

Le φόρος constituait un impôt collectif exigé aux entités politiques assujetties à une autorité royale, telles que les cités, les tributs ou les peuples. Il s’agissait d’une somme monétaire fixe et permanente, établie sur une durée indéterminée, que les communautés

politiques rassemblaient et versaient.188 Le montant du φόρος ne variait pas en fonction des

bonnes ou des mauvaises périodes, ce qui peut en expliquer le fardeau fiscal, d’autant plus qu’il s’ajoutait aux autres dépenses et taxations civiques. Afin de s’acquitter des obligations fiscales, les cités renoncèrent aux produits taxés par le pouvoir royal, ou bien en augmentaient les taux d’adjudication pour en conserver une part pour leurs revenus. Certaines sources évoquent le poids fiscal des φόροι. Dans sa lettre aux Milésiens,

Ptolémée II rappela l’acte bienveillant de son père, Ptolémée Ier Sôter, envers la cité. Il

l’avait libérée du versement de tributs lourds et difficiles (φόροι τε σκληροὶ καὶ χαλεποί),

ainsi que des droits de douane ou de passage (παραγώγια), que des rois189 lui avaient

186 J. Ma, Antiochos III, 31, II, l. 15-16; III, 1-10; IV, 6-7.

187 L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 412-413; L. Migeotte, Les finances des cités grecques, p. 403-

409; L. Migeotte, « La situation fiscale », p. 184-187; Ph. Gauthier, BE, 1989, 277; Ch. Chandezon,

L’élevage en Grèce (fin Ve – fin 1er a. a.C.). L’apport des sources épigraphiques, Bordeaux, De

Boccard, 2003, p. 235-239.

188 Téos collectait elle-même le φόρος payé au roi Attale. Cf. J. Ma, Antiochos III, 17, l. 33-34.

189 Milet fut dans un premier temps sous l’autorité du satrape Asandros, allié d’Antigone le Borgne puis

de Ptolémée Ier. La cité fut reprise par Antigone le Borgne en 313 a.C. et demeura sous l’influence

antigonide au moins jusqu’en 295-294 a.C. Démétrios Poliorcète et Lysimaque se la disputèrent, mais elle glissa dans l’orbite séleucide à la suite de la victoire de Séleucos Ier à la bataille de

Kouroupédion (281 a.C.) jusqu’à ce que Ptolémée II l’eût attiré dans son amitié et alliance (279 a.C.). À ce sujet, R. S. Bagnall, The Administration, p. 173-175; M.- C. Marcellesi, Milet, p. 75-81.

52

auparavant imposés.190 La cité de Téos mentionna également l’importance des

contributions versées au pouvoir attalide (l. 13 : τὸ μέγεθος ὧν ἐφέρομεν συντάξεων) dont

la soulagea Antiochos III.191 Ces contributions apparaissent plus loin dans le texte sous le

terme de φόροι.192 L’exemption de tributs (ἀφορολογησία) par le roi séleucide à la cité se

rangea aux côtés d’un allègement de taxes (τέλη) lourdes et difficiles.193 Cet exemple

illustre une diversité lexicale où plusieurs mots se réfèrent aux tributs, aux contributions et

aux taxes, tels que φόροι, σύνταξεις ou τέλη.194

Alors que le φόρος, traduit le plus souvent par « tribut », désignait parfois les taxes sur l’agriculture ou d’autres activités, sa forme au pluriel désignait peut-être une plus grande variété d’impôts. Les τέλη se concevaient davantage comme des taxes indirectes versées au trésor royal ou à la cité. Elles pouvaient aussi désigner les charges des particuliers. Un autre terme fiscal apparaît à l’occasion dans les sources, celui des εἰσφοραί, qui représentait des contributions spéciales des citoyens à la cité ou, parfois, d’une cité à une autorité royale. Quant à la σύνταξις, il s’agissait de contributions collectives et ponctuelles au même titre que le φόρος. Leur rapprochement lexical est souligné par l’historien Polybe qui les utilisait comme des synonymes lors de sa description des effets fiscaux et territoriaux de la Paix d’Apamée en 188 a.C. Les cités qui payaient une σύνταξις

au roi Attale devaient s’acquitter du même φόρος à Eumène.195 La documentation

épigraphique permet toutefois d’en distinguer une nuance, et ce, dès le IVe s. a.C. En

334 a.C., Alexandre le Grand produit un édit (διάγραμμα) à la cité de Priène. Il y différenciait le φόρος, que payaient les communautés villageoises environnantes associées à son domaine, et la σύνταξις, dont il exempta les Priéniens, établie pour soutenir sa guerre

190 C. B. Welles, RC 14, l. 5-6. L’allègement tributaire figurait dans les politiques officielles de

Ptolémée Ier. Une autre inscription souligne l’action fiscale du Lagide à l’égard de la ligue des Nésiotes

qu’il libéra de l’εἰσφορά (dans les environs de 280 a.C.). Cf. Syll3 390, l. 11-16.

191 J. Ma, Antiochos III, 17, l. 13-14, 17-18. Polybe V, 77, 5, raconte que Téos s’en serait remis, comme

Colophon, à l’autorité attalide après avoir quitté le parti d’Achaios (218 a.C.).

192 J. Ma, Antiochos III, 17, l. 33-34, 48. 193 J. Ma, Antiochos III, 18, l. 50-53.

194 L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 409; L. Migeotte, Les finances des cités grecques, p. 401-403;

G. G. Aperghis, The Seleucid Royal Economy, p. 148-150; E. Bikermann, Institutions des Séleucides, Paris, Geuthner, 1938, p. 106-110.

195 Polybe, XXI, 46, 2 : ὃσαι δ’ Ἀττάλῳ σύνταξις ἐτέλουν, ταύταις έπέταξαν τὸν αὐτὸν Εὐμένει διδόναι

53

contre les Perses.196 Quant aux Téiens, ils établirent une différence entre l’obligation fiscale

de verser un tribut, dont ils furent affranchis comme le suppose le terme d’ἀφορολογησία, et celle de remettre des redevances supplémentaires définies par les συντάξεις. Les deux cas renvoient vraisemblablement à des contributions globales, bien que les συντάξεις aient pu correspondre à une obligation fiscale définie. Quant à l’utilisation du terme φόρος, il paraît évité par les interlocuteurs royaux et civiques, sauf lors de certaines situations, notamment quand les souverains déclaraient les cités ἀφορολογησίαι, soit exemptes de tributs, ou évoquaient explicitement la suppression de certaines redevances. La σύνταξις constituait peut-être un euphémisme et ménageait la sensibilité des cités. Plutôt que de symboliser une marque de sujétion à l’instar du φόρος, la σύνταξις, qui se rattachait au vocabulaire

militaire, reflétait davantage une relation d’alliance entre les souverains et les πόλεις.197

La notion de σύνταξις définissait de manière plus positive certaines contributions versées au pouvoir royal, les présentant comme des paiements volontaires pour un but commun, soit la protection de la cité par les armées royales, ce qui constituait peut-être une nouveauté de l’époque hellénistique. Déclarée libre (ἐλευθερία), autonome (αὐτονομία), exempte de tribut (ἀφορολογησία) et de garnisons (ἀφρουρεσία), Iasos obtint la gestion de ses propres revenus et de ses taxes portuaires, affranchie de taxation royale directe sur les

citoyens.198 La correspondance entre la cité et les représentants lagides, postérieure aux

échanges entre Iasos et Ptolémée Ier, contient des éléments intéressants, puisque la mention

de l’exemption de tribut disparaît des négociations. Une contribution obligatoire et régulière, du moins pour un certain temps, nommée σύνταξις, est demandée à la cité, dont le montant fut négocié entre cette dernière et l’autorité royale afin d’assurer la défense et la protection du territoire d’Iasos. La σύνταξις pouvait également renvoyer à des contributions plus extraordinaires, exigées lors de situations particulières, comme le furent les fonds

galates (Γαλατικά). Imposés par Antiochos Ier sur des cités grecques, dont Érythrées, ils

196 P. J. Rhodes et R. Osborne, Greek Historical Inscriptions, 86, B, l. 8-15.

197 Au lendemain de la formation de la seconde ligne maritime athénienne, celle-ci employait déjà la

σύνταξις pour désigner les contributions des alliés. Cf. Ch. Chandezon, « Prélèvements royaux et fiscalité royale dans le royaume séleucide » Topoi, Suppl. 6 (2004), p. 138. Quant au sens du vocabulaire fiscal, voir L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 409-422; L. Migeotte, Les finances des

cités grecques, p. 98-100, 397-403; G. G. Aperghis, The Seleucid Royal Economy, p. 148-150. 198 I. Iasos, 2-3.

54

visaient à financer les guerres du roi contre les Galates en Asie Mineure.199 Cette

contribution, comme le φόρος, n’en demeurait pas moins un symbole de sujétion politique à un pouvoir étranger à la cité qui en alourdissait les dépenses. Il n’est donc pas surprenant que des communautés civiques déployèrent des efforts en vue d’obtenir l’exemption de

tributs et de taxes, comme Iasos200, Érythrées201, Téos202 ou Héraclée du Latmos203. Le

lexique du système fiscal et tributaire répondait, par conséquent, à un enjeu politique et idéologique de grande importance où le vocabulaire voilait la liberté précaire des communautés grecques. Il recourait au discours et à l’idéologie des communautés grecques quant à la maîtrise de leurs revenus, puisque le versement de tribut ou de contributions constituait l’un des symboles les plus flagrants de la domination royale. Perçues comme des bienfaits royaux, puisque prérogatives des rois, les exemptions fiscales contribuaient à la définition du statut des cités, intégrées au sein des royaumes hellénistiques, de même qu’à

leurs rapports économiques où cohabitaient la fiscalité civique et royale.204

Bien plus qu’un simple instrument d’extraction de la richesse des communautés sujettes, le système tributaire et fiscal s’inscrivait dans une structure politique, économique et idéologique des relations entre les pouvoirs royaux et les autres entités politiques. L’acquisition des ressources naturelles et matérielles favorisait, en contrepartie, une

distribution de la richesse royale.205

199 I. Erythrai, 31, l. 28. Un décret d’Érythrée datant de l’époque d’Antiochos Ier met en scène la

répartition d’une taxe, peut-être galate, entre les villes. Cf. I. Erythrai, 24.

200 I. Iasos, 2-3. 201 I. Erythrai, 31.

202 J. Ma, Antiochos III, 17 et 18. 203 J. Ma, Antiochos III, 31.

204 R. S. Bagnall, The Administration, p. 89-92; L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 408-411;

L. Migeotte, « Iasos et les Lagides », p. 202-206; Ch. Chandezon, « Prélèvements royaux », p. 131- 133, 138-139.

55