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Entre rois et cités : loyauté et pouvoir au sein des interactions sociopolitiques, diplomatiques et idéologiques durant la haute époque hellénistique (323-188 a.C.)

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Texte intégral

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© Emilie Lamarre-Bolduc, 2019

Entre rois et cités : loyauté et pouvoir au sein des

interactions sociopolitiques, diplomatiques et

idéologiques durant la haute époque hellénistique

(323-188 a.C.)

Mémoire

Emilie Lamarre-Bolduc

Maîtrise en études anciennes - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Entre rois et cités : loyauté et pouvoir au sein des

interactions sociopolitiques, diplomatiques et idéologiques

durant la haute époque hellénistique (323-188 a.C.)

Mémoire

Émilie Lamarre-Bolduc

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Le démantèlement de l’empire d’Alexandre le Grand et les nombreux conflits militaires menés par ses principaux généraux, les Diadoques, annoncèrent la formation de nouvelles puissances suprapoliades, celles des dynasties hellénistiques. Bien que certaines cités grecques conservassent leur indépendance, plusieurs d’entre elles glissèrent, de gré ou de force, dans ce nouveau cadre multipolaire et antagoniste. Les possessions territoriales des autorités royales variaient cependant selon les aléas des victoires et des défaites des Diadoques et de leurs successeurs, qui parvinrent seulement à y établir une domination précaire. Cette effervescence géopolitique agita tout particulièrement le bassin égéen et le territoire anatolien qui, convoités pour leurs ressources et leur position stratégique, devinrent un espace de compétition et une zone de contact des principales dynasties hellénistiques.

La présence et la rivalité de plusieurs entités monarchiques sur le territoire anatolien caractérisa les échanges diplomatiques entre les communautés civiques et les souverains. Soucieux de gagner le soutien des cités, les rois instrumentalisèrent un discours émancipateur qui, en contrepartie, en appelait au dialogue évergétique grâce auquel les cités négocièrent des privilèges relatifs à leur autonomie et à leur liberté. Ce jeu de pouvoir fragilisait l’autorité royale et suscitait de rapides changements d’allégeance de la part des cités. Un regard sur la documentation officielle, lettres royales et décrets honorifiques, permet de mettre en lumière un dialogue politique, diplomatique et idéologique par le biais duquel se distinguaient les idéaux et les intérêts de chacun des partis. Ce mémoire vise ainsi à déterminer, en regard de divers facteurs idéologiques, sociopolitiques ou économiques, comment se justifiaient les allégeances des cités grecques durant la haute époque hellénistique, ce qui constituait un enjeu important pour les souverains.

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v Sommaire Résumé ... iii Sommaire ... v Remerciements ... viii Introduction ... 1

1. Agir en faveur de ses intérêts : l’apport discursif, sociopolitique et économique dans la prise de décision civique et royale ... 14

1.1 Entre cités grecques, intermédiaires et royaumes hellénistiques : l’apport des négociations dans les relations internationales ... 14

1.1.1 Le dialogue diplomatique : l’appel à la négociation et à la persuasion ... 14

1.1.2 De la cité au roi : le rôle des intermédiaires dans les rapports internationaux .. 23

1.2 Le discours politique : la sollicitation des notions diplomatiques et de la rhétorique des concessions royales ... 33

1.2.1 L’ἐλευθερία et l’αὐτονομία : le développement d’un slogan ... 33

1.2.2 La φιλία καὶ συμμαχία : l’usage de la phraséologie diplomatique dans le processus d’incorporation des cités aux royaumes hellénistiques... 41

1.2.3 Les concessions royales et le statut des cités grecques... 45

1.3 La fiscalité entre cités et royaumes : prélever et distribuer la richesse royale .... 48

1.3.1 Pratiques et cadre lexical de la fiscalité dans le dialogue diplomatique ... 48

1.3.2 La richesse royale entre distribution et évergétisme ... 55

2. Paraître aux yeux des autres : attentes, obligations et performance au sein de la culture politique grecque et de l’idéologie royale... 63

2.1 Le seul à régner : concevoir le pouvoir personnel dans la culture politique grecque ... 63

2.1.1 Le pouvoir d’un seul homme dans le monde et l’imaginaire grec ... 63

2.2.2 Le tyran et le roi : un discours d’opposition au sein de l’imaginaire politique grec ... 68

2.2 Consentir aux rôles attendus : réputation, prestige et légitimité royale ... 75

2.2.1 Légitimité et attentes... 75

2.2.2 La plume et l’encre : une royauté de l’écriture ... 77

2.2.3 Le conquérant et le sauveur ... 81

2.2.4 Le bienfaiteur : source de richesse et de prospérité ... 88

2.2.5 La famille dynastique entre le passé, le présent et le futur ... 92

2.3 Consentement et loyauté : l’importance de la culture rituelle et visuelle dans la vie religieuse et politique des cités grecques ... 98

2.3.1 Le don appelle le don : formulation et démonstration de la loyauté civique dans le langage ritualisé de la bienfaisance ... 98

2.3.2 Honorer et commémorer : l’apport cultuel et rituel dans les relations entre les πόλεις et les souverains hellénistiques ... 102

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vi

2.3.3 Le corps royal et ses représentations : l’affermissement symbolique et visuel de

la présence royale au sein des communautés civiques ... 107

Conclusion ... 113

Annexes ... 120

Annexe I - Succession des règnes ... 120

Annexe II - Figures ... 122

Fig. 1 - L’empire d’Alexandre le Grand ... 122

Fig. 2 - Répartitions territoriales après l’entente de paix de 311 a.C. ... 123

Fig. 3 - Répartitions territoriales après Ipsos (301 a.C.) ... 124

Fig. 4 - Formation des principales dynasties hellénistiques après 276 a.C. ... 125

Fig. 5 - Le sud-ouest de l’Asie Mineure ... 126

Fig. 6 - Arsinoé II ... 127

Fig. 7 - Alexandre le Grand ... 127

Fig. 8 - Ptolémée Ier ... 128

Fig. 9 - Ptolémée III ... 128

Fig. 10 - Démétrios Poliorcète ... 129

Fig. 11 - Antiochos Ier... 129

Fig. 12 - Séleucos II ... 130

Fig. 13 - Antiochos III du Louvre ... 130

Bibliographie ... 131

I. Liste des abréviations ... 131

II. Sources littéraires ... 132

III. Encyclopédie ... 134

IV. Ouvrages généraux ... 134

V. Études ... 134

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viii

Remerciements

La réalisation de ce projet a été possible grâce à l’implication et au soutien de nombreuses personnes. Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de recherche, M. Patrick Baker, pour le temps qu’il a consacré aux lectures et aux révisions du mémoire. Ses commentaires et ses conseils m’ont été bien utiles. J’aimerais ensuite exprimer ma gratitude aux membres de mon jury, M. Gaétan Thériault et M. Thierry Petit, qui ont accepté de lire, de commenter et d’évaluer mon mémoire, et cela, malgré les délais serrés. J’aimerais aussi remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du

Canada (CRHS) grâce auquel j’ai pu bénéficier d’un soutien financier durant la deuxième

année de la maîtrise.

Je réserve une mention spéciale à deux personnes qui, depuis bien des années, m’ont suivie et encouragée dans l’accomplissement de mes projets. Je remercie ma sœur, Kélie, et ma cousine, Trycia, pour leur support, leur écoute et leurs conseils. Une petite pensée va à mon père, qui m’a transmis sa passion pour l’histoire, et à ma mère, qui m’a appris l’importance de dépasser ses limites. Je voudrais aussi exprimer ma gratitude à Camille Bilodeau, à Stéphanie Roussel, à Julie-Anne Dorval et à Geneviève Marchand pour tous les moments partagés à se changer les idées, à rire et à rêver. Pour leur enthousiasme et leurs encouragements constants, mais surtout pour leur patience, je tiens aussi à remercier chaleureusement amis et collègues : Carlos Chaparro Sepulveda, Gracia Stephan, Josée Brulotte, Ariane Marquis, Anne-Sophie Matthieu, Camille Arsenault, Alexandre Hébert, François Rousseau, Joanne Duschesne, Hada Lopez, Claire Thérault, Anne-Marie Rivard, Marie-Hélène Trépanier, Alice Fanguet et Gaston Kidd.

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1

Introduction

À certains moments de leur histoire, les cités grecques de l’Asie Mineure occidentale glissèrent sous l’autorité et l’influence de pouvoirs suprapoliades tels que les monarchies achéménide, macédonienne ou hellénistique. Conquises par Alexandre le Grand, à la suite de son arrivée en Asie, en 334 a.C., ces communautés civiques intégrèrent, de gré ou de

force, le royaume macédonien.1 Celui-ci s’étendit, presque dix ans plus tard, de la Grèce

continentale jusqu’à l’Indus, tout en incluant l’Égypte et le pourtour oriental méditerranéen (fig. 1). Le décès du Conquérant en 323 a.C. inaugura l’éclatement progressif de son empire aux mains de ses principaux généraux et successeurs, les

Diadoques, qui, devant l’absence d’un héritier argéade majeur ou compétent2, se divisèrent

les responsabilités politiques et territoriales lors des arrangements de Babylone (323 a.C.)3

et du traité de Triparadeisos (320 a.C.).4 L’entente de paix conclue entre Antigone le

Borgne et Cassandre, Lysimaque et Ptolémée (311 a.C.)5, l’issue de la bataille

1 Devant l’avancée d’Alexandre en Asie Mineure, des cités, comme Éphèse, avaient plutôt soutenu

l’autorité achéménide, qui gouvernait l’Asie Mineure depuis 546 a.C. Cf. M. Sartre, L’Anatolie

hellénistique de l’Égée au Caucase (334-31 av. J.-C.), Paris, Armand Colin, 2004 [2e éd.], p. 13-24. 2 La femme d’Alexandre, Roxanne, était alors enceinte, mais rien ne garantissait qu’elle donnerait

naissance à un garçon – qui deviendrait Alexandre IV. L’autre enfant du Macédonien, nommé Héraclès, qu’il avait eu avec une concubine, Barsinè, n’était pas considéré comme légitime. Au sein même de la famille argéade, il demeurait Philippe III Arrhidaios, inapte à gouverner en raison de ses dispositions psychologiques. Cf. A. B. Bosworth, The Legacy of Alexander : Politics, Warfare and

Propaganda under the Successors, Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 30.

3 Au terme de ces négociations, les satrapies associées aux possessions territoriales d’Alexandre le

Grand furent distribuées parmi plusieurs de ses généraux : Ptolémée obtint l’Égypte; Antigone le Borgne l’Anatolie occidentale, la Lycie, la Pamphylie et la Grande Phrygie; Lysimaque la Thrace et le pourtour du Pont Euxin; Eumène de Cardia la Cappadoce et la Paphlagonie; Asandros la Carie; Ménandre la Lydie et Léonnat la Phrygie hellespontique. Quant à Antipater, à Cratère et à Perdiccas, celui-ci nommé régent, ils maintinrent respectivement leur autorité sur la Macédoine, la Cilicie et la Babylonie. Cf. Diodore, XVIII, 2-4; Éd. Will, Histoire politique du monde hellénistique

323-30 av. J.-C., Paris, Seuil, 2003 [1979-1982], p. 20-26; A. B. Bosworth, The Legacy of Alexander,

p. 44-45.

4 Ce traité validait la cession de l’Égypte à Ptolémée Ier; la Grande Phrygie et la Lycie à Antigone le

Borgne alors nommé stratège d’Asie; la Carie à Asandros; la Thrace à Lysimaque; la Macédoine et la Grèce au régent Antipater; la Phrygie hellespontique à Arrhidaios; la Lydie à Cleitos; la Babylonie à Séleucos Ier. Concernant la mention de ce traité dans les sources antiques, voir Diodore, XVIII, 39, 1-7;

consulter aussi A. Meeus, « Treaty of Triparadeisos », dans R. S. Bagnall (éd.), The Encyclopedia of

Ancient History, Malden, Blackwell, 2013, p. 6864-6865.

5 Ce traité confirmait les responsabilités de Cassandre en tant que stratège d’Europe et régent

d’Alexandre IV – Philippe III Arrhidaios ayant été éliminé en 317 a.C. La Thrace demeurait une possession de Lysimaque, tandis que Ptolémée régnait sur l’Égypte et quelques cités frontalières du côté de l’Arabie et de la Libye et Antigone le Borgne sur toute l’Asie. Séleucos Ier n’est pas mentionné

(12)

2

d’Ipsos (301 a.C.)6 et celle de Kouroupédion (282/1 a.C.)7 contribuèrent à définir l’espace

géopolitique des puissances hellénistiques.

Les ambitions des Diadoques suscitèrent des conflits militaires qui, selon les aléas

des victoires et des défaites, affectèrent pendant presque cinq décennies, de 323 à 276 a.C.8,

le cadre géopolitique du bassin égéen et du territoire anatolien, alors devenu le théâtre des rivalités hégémoniques. Ces luttes entre successeurs signalèrent non seulement la fin de la dynastie argéade, avec l’assassinat des derniers membres de la famille royale

macédonienne9, mais aussi l’établissement de nouvelles puissances royales. Dès 306 a.C.,

les Diadoques imitèrent Antigone le Borgne et son fils, Démétrios Poliorcète, en adoptant le diadème et la titulature royale (βασιλεύς), qu’ils octroyèrent par la suite à leur

épouse (βασίλισσα). Leur avènementsouligna l’émergence, notamment, de trois puissantes

dynasties, celles des Lagides en Égypte, des Séleucides en Asie, des Antigonides en Grèce

6 Aussi antérieurement nommée bataille des rois, elle opposa Antigone le Borgne et son fils Démétrios

Poliorcète à la coalition formée par Séleucos Ier, Lysimaque et Cassandre, qui vainquit leurs

adversaires antigonides. Alors qu’Antigone le Borgne y trouva la mort, son fils s’enfuit et devint ultérieurement roi de Macédoine. La structure géopolitique des nouvelles puissances hellénistiques, car les Diadoques avaient adopté depuis 306 a.C. la titulature royale, disposait les Antigonides en Macédoine, les Séleucides en Syrie et en Babylonie, les Lagides en Égypte, alors que Lysimaque gouvernait la Thrace et dont l’influence s’étendit en Asie. Cf. P. Wheatley, « Ipsos », dans R. S. Bagnall (éd.), The Encyclopedia of Ancient History, Malden, Blackwell, 2013, p. 3492-3493. Voir aussi fig.3.

7 Elle se clôtura par la défaite et la mort de Lysimaque face aux armées séleucides. L’Anatolie passa

alors sous la domination de Séleucos Ier, bien que l’influence lagide se diffusait dans les régions

côtières. Voir S. Psoma, « Battle of Kouropedion », dans R. S. Bagnall (éd.), The Encyclopedia of

Ancient History, Malden, Blackwell, 2013, p. 3819-3820 et aussi A. Meadows, « Ptolemaic

Possessions outside Egypt », p. 5625-5629 dans le même ouvrage.

8 Ce cadre chronologique est proposé par A. Meeus. L’année 276 soulignerait la désintégration complète

de l’empire du Conquérant, de même que l’ascension d’Antigone Gonatas sur le trône macédonien. Les trois principaux royaumes hellénistiques – lagide, séleucide et antigonide – étaient donc établis. Cf. A. Meeus, « Confusing Aim and Result? Hindsight and the Disintegration of Alexander the Great’s Empire », dans A. Powell (éd.), Hindsight in Greek and Roman History, Swansea, Classical Press of Wales, 2013, p. 113. Voir aussi fig. 4.

9 En Macédoine, les années qui suivirent la mort d’Alexandre le Grand se caractérisèrent par des luttes

dynastiques et des guerres civiles. En 317 a.C., Philippe III Arrhidaios et son épouse Eurydice furent éliminés par la mère du Conquérant, Olympias, qui sera elle-même vaincue et mise à mort par Cassandre un an plus tard. En 310 a.C., Cassandre, qui occupait alors la régence en Macédoine, assassina Alexandre IV et Roxanne. La sœur d’Alexandre le Grand, Cléopâtre, fut exécutée par Antigone le Borgne en 308 a.C. avant qu’elle puisse se marier à Ptolémée Ier. Cf. A. Meeus, « Wars of

Successors », dans R. S. Bagnall (éd.), The Encyclopedia of Ancient History, Malden, Blackwell, 2013, p. 6432-6434.

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3

continentale, qui se disputèrent des portions de l’Asie Mineure occidentale10, notamment

côtières comme celles de Carie ou d’Ionie.11

Convoitées pour leurs ressources humaines, naturelles, économiques ou portuaires, tout comme pour leur position stratégique entre la Macédoine, la mer Égée et l’Orient, les cités grecques d’Asie Mineure se retrouvaient au cœur des rivalités entre les rois qui, jouissant par ailleurs de bases plus sûres, ne parvinrent pourtant jamais à établir une

domination stable et durable sur ces possessions précaires. Dans un monde multipolaire,

caractérisé par la présence et la rivalité de plusieurs monarchies de puissance similaire, les πόλεις représentaient d’importantes ressources pour les rois. Ceux-ci, dans leur entreprise de les gagner à leur cause, cherchaient à en priver leurs adversaires. Cette concurrence alimenta et caractérisa par conséquent les échanges diplomatiques entre cités grecques et

souverains, comme ces derniers recherchèrent l’appui des premières par

l’instrumentalisation d’un discours émancipateur et évergétique. Cette instabilité

géopolitique, qui fragilisait les puissances royales et favorisait les rapides changements d’allégeance de la part des cités, contribuait à une interaction asymétrique entre les souverains et les πόλεις. Elle facilitait toutefois une certaine marge de manœuvre avec laquelle jouèrent les cités qui, toujours en quête d’indépendance, profitèrent de ce jeu de pouvoir entre les souverains pour inscrire les transactions diplomatiques en dehors d’une relation de pure domination. Selon leur renommée et leur pouvoir de négociation, certaines d’entre elles obtinrent des privilèges favorables à leur liberté et à leur autonomie. Elles

recoururent pour ce faire à un dialogue politique, diplomatique et idéologique.12

10 Un autre important joueur politique s’éleva au rang de pouvoir royal vers le milieu du IIIe s. a.C., soit

celui des Attalides de Pergame. Pour en lire davantage à ce sujet, voir Éd. Will, Histoire politique, p. 150-151, 293-297; M. Sartre, L’Anatolie hellénistique, p. 52-56.

11 Quant au contexte historique, voir Éd. Will, Histoire politique, p. 20-85; M. Sartre, L’Anatolie hellénistique, p. 24-56; A. Meeus, « Confusing Aim and Result? », p. 113-133.

12 Quant aux interactions entre les cités grecques et les souverains, voir Ph. Gauthier, « Les cités

hellénistiques », dans M. H. Hansen (éd.), The Ancient Greek City-State, Copenhague, Munksgaard, 1993, p. 211-212 (article initialement publié en 1984); O. Picard, « Cités et royaumes : équilibres politiques », dans O. Picard, Fr. de Callataÿ, Fr. Duyrat (éd.), Royaumes et cités hellénistiques : des

années 323-55 av. J.-C., Paris, Sedes, 2003, p. 57-58, 61-62, 56-57; R. A. Billows, Kings and Colonists : Aspects of Macedonian Imperialism, New York, Brill, 1995, p. 78; J. Ma, Antiochos III et les cités de l’Asie Mineure occidentale, Paris, Les Belles Lettres, 2004, p. 7-9, 17; L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide : territoire, administration, finances d’un royaume hellénistique (321-129 avant

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J.-4

Le dialogue ainsi établi entre les cités grecques et les souverains hellénistiques prenait la forme d’un aller-retour diplomatique où la correspondance royale répondait aux décrets honorifiques. Ces documents constituaient un outil de communication et d’autoreprésentation tant de l’autorité royale que des communautés civiques. Les sources épistolaires, qui renvoyaient à une forme de communication attestée en Grèce dès le

VIe s. a.C., apparaissent dans la documentation épigraphique, papyrologique et, plus

rarement, dans les œuvres littéraires. Quant à la correspondance royale, elle se trouvait au centre des relations diplomatiques entre les souverains hellénistiques et les cités grecques, entre les rois et leurs officiers, entre ces derniers et les πόλεις. En réalité, les lettres royales pouvaient susciter des changements cultuels, politiques, administratifs et économiques et, lorsque les décisions royales étaient favorables aux cités grecques, nécessitaient une publication officielle et permanente au même titre que les lois et les décrets civiques. La reproduction sur pierre d’une lettre royale relevait le plus souvent de l’initiative de la cité, qui manifestait ainsi son respect envers le souverain tout en se garantissant, par la

publication sur support pérenne, des privilèges octroyés.13

La production des lettres royales et des décrets honorifiques coïncidait par conséquent avec l’inauguration de nouvelles relations politiques après une conquête, ou à la suite d’une validation des rapports entre cités et souverains, notamment lors d’un changement de règne ou d’une succession dynastique. Le discours ainsi engagé, le plus souvent par les cités, employait un langage politique, diplomatique et idéologique à travers une structure stéréotypée, uniforme et formalisée, qui masquait la domination royale et exaltait la reconnaissance des cités. Ce langage à caractère évergétique promouvait, comme le souligna J. Ma, une relation de réciprocité et d’échange entre les rois et les cités grecques. Loin d’être vidées de leur substance comme plusieurs l’ont suggéré, les formules politiques C.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007, p. 191-194; J. Ma, « Kings », dans A. Erskine

(éd.), A Companion to the Hellenistic World, Oxford, Blackwell Publishing, 2005, p. 191-192.

13 Concernant la documentation officielle, voir J. Ma, Antiochos III, p. 9; B. Virgilio, Le roi écrit. La correspondance du souverain hellénistique, suivie de deux lettres d’Antiochos III à partir de Louis Robert et d’Adolf Wilhelm, Pise, Frabrizio Serra Editore, 2011, p. 37; A. Bencivenni, « The King’s

Words : Hellenistic Royal Letters in Inscriptions », dans K. Radner (éd.), State Correspondence in the

Ancient World. From New Kingdom Egypt to the Roman Empire, Oxford, Oxford University Press,

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5

et diplomatiques contenues dans les lettres et les décrets reflétaient les préoccupations et les valeurs des cités grecques et des souverains hellénistiques. Ces documents présentaient également les cités comme des corps politiques unis. Cependant, les rapides changements d’allégeance des cités durant la haute époque hellénistique suggèrent des tensions, des divisions ou des changements internes, de même qu’un souci des cités de préserver leur

identité et leurs intérêts.14 Dans cette optique, nous tâcherons de déterminer, en regard de

divers facteurs idéologiques, sociopolitiques ou économiques, comment se justifiaient les allégeances des cités grecques durant la haute époque hellénistique, ce qui constituait un enjeu important pour les souverains.

Les relations entre les πόλεις et les royaumes hellénistiques s’inscrivent au sein d’une

vieille problématique de l’histoire hellénistique, qui naquit de l’étude des inscriptions. Le

XXe siècle se distingua par l’essor de l’épigraphie, qui suscita d’importantes publications

quant aux relations entre les souverains et les cités grecques concernant, par exemple, le degré de soumission de ces dernières. Parmi les éditions critiques des corpus d’inscriptions, l’ouvrage de C. B. Welles sur la correspondance royale constitue l’œuvre pionnière des

relations établies entre rois et cités.15 Cette étude s’inséra au sein d’un riche débat

historiographique sur les rapports de soumission, de domination et d’indépendance selon une approche politico-juridique, qui favorisa l’émergence de la notion de statut des cités. Ce furent J. et L. Robert qui établirent la première définition d’une cité sujette et influencèrent, deux générations plus tard, L. Capdetrey et J. Ma, dont les études proposèrent une typologie du statut des cités – autonomes, subordonnées, sujettes ou

intégrées.16

14 Ph. Gauthier, « Les cités hellénistiques », p. 211-212; J. Ma, Antiochos III, p. 9, 16-18, 136-138, 143;

A. Bencivenni, « The King’s Words », p. 142, 145-149, 155.

15 Notons l’étude antérieure, très peu connue et consultée de Fr. Schroeter, De regum hellenisticorum epistulis in lapidibus servatis quaestiones stilisticae, Leipzig, Teubner, 1932, 113 p.

16 C. B. Welles, Royal Correspondence in the Hellenistic Period : A Study in Greek Epigraphy, Chicago,

Ares Publishers, 1984 [1934], 403 p.; J. et L. Robert, La Carie II. Le plateau de Tabai et ses environs, Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien-Maisonneuve, 1954, 452 p.; J. Ma, Antiochos III, p. 116-128; L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 193-213.

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L’étude de C. B. Welles, qui s’est intéressé aux aspects linguistique, philologique et historique de soixante-quinze lettres royales d’Asie Mineure et des îles égéennes, suscita

par la suite des recherches sur le discours politique et le langage du pouvoir.17 Plus

récemment, J. Ma, dans son ouvrage sur Antiochos III and the Cities of Western Asia

Minor, publiée en 1999 et traduit en français en 2004, traita des rapports de domination et

de soumission par le biais d’une étude langagière de la documentation épigraphique. B. Virgilio s’inscrivit aussi dans cette tendance historiographique grâce à sa publication sur le discours et la communication royale de la correspondance des rois hellénistiques, dans

laquelle il annonçait la préparation d’une nouvelle édition de l’œuvre de C. B. Welles.18

L’ouvrage de B. Virgilio se concentra cependant sur une documentation datant principalement du temps d’Antiochos III.

L’étude des lettres royales et des décrets civiques favorisa également des publications sur les stratégies de communication et les schémas de circulation de l’information au sein

des royaumes hellénistiques, notamment séleucides et attalides.19 Certains spécialistes,

comme I. Savalli-Lestrade, L. Capdetrey et P. Kossmann, s’intéressèrent au rôle et à l’intervention des agents politiques locaux et royaux au sein des cités grecques et des

royaumes hellénistiques, de même qu’à leur influence dans la prise de décision royale.20

Ces personnages participaient à l’établissement de la communication et à la pérennité des relations entre la périphérie territoriale des royaumes et le centre du pouvoir que représentaient la personne du roi et les cours dynastiques. Ils assumaient les rôles de

17 J.-M. Bertrand, « Formes de discours politiques : décrets des cités grecques et correspondance des rois

hellénistiques », dans Cl. Nicolet (éd.), Du pouvoir dans l’Antiquité : mots et réalités, Genève, Librairie Droz, 1990, p. 11-25; J.-M. Bertrand, « La revendication de la liberté, réflexions sur les modalités du discours politique dans les cités grecques », dans M. Molin (éd.), Images et

représentations du pouvoir et de l’ordre social dans l’Antiquité, Paris, De Boccard, 2001, p. 11-25. 18 B. Virgilio, Le roi écrit, p. 69-75.

19 L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 335-392; A. Bencivenni, « The King’s Words », p. 141-171. 20 I. Savalli-Lestrade, « L’élaboration de la décision royale dans l’Orient hellénistique », dans F. Prost

(éd.), L’Orient méditerranéen de la mort d’Alexandre le Grand aux campagnes de Pompée. Cités et

royaumes à l’époque hellénistique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 17-39;

I. Savalli-Lestrade, Les philoi royaux dans l’Asie hellénistique, Genève, Librairie Droz, 1998, 453 p.; I. Savalli-Lestrade, « Des amis des rois aux amis des Romains. Amitié et engagement politique dans les cités grecques à l’époque hellénistique (IIIe-Ier s. av. J.-C.) », RPh, 72 (1998), p. 65-86;

L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, 535 p.; P. Kossmann, « Intercéder pour la cité dans l’Asie Mineure lagide », dans Ch. Feyel et J. Fournier, L. Graslin-Thomé et Fr. Kirbihler (éd.), Communautés locales

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médiateur et d’intermédiaire, tout en s’inscrivant dans un rapport d’amitié qui liait les

πόλεις aux royaumes.21 D’autres études soulignèrent l’intervention des femmes royales

hellénistiques dans le domaine de la diplomatie et de leur influence à la cour, que les cités

grecques mirent à profit, et dont l’autorité royale usa pour gagner la dévotion des sujets.22

Les pratiques diplomatiques alimentèrent elles aussi quelques études. L’une d’entre elles, publiée en 1975 par les auteurs Fr. Adcock et D. J. Mosley, porte sur les origines, le développement et la définition de la diplomatie en Grèce ancienne, des âges homériques à l’époque impériale, alors que les relations internationales des cités grecques se caractérisèrent par l’établissement progressif de concepts, d’instruments et d’institutions diplomatiques. Les auteurs y soulignent également l’importance de l’apport oral et du

discours au sein des activités diplomatiques à des fins de persuasion.23 Le traitement du rôle

de l’art oratoire dans le contexte des relations entres les cités grecques et les souverains hellénistiques apparaît dans un article rédigé par A. Erskine, qui s’intéressa à la place et aux

fonctions de la rhétorique dans la composition de l’idéologie et de l’identité grecque.24 Une

autre étude, publiée par M. D. Gygax, porta sur les relations de pouvoir dans les pratiques sociopolitiques grecques et dans l’évolution du discours public aux époques archaïque, classique et hellénistique. L’auteur s’intéressa au concept de don et de contre-don en tant

21 R. Strootman, « Kings and Cities in the Hellenistic Age », dans O. M. van Nijf et R. Alston (éd.), Political Culture in the Greek City after the Classical Age, Louvain, Peeters, 2011, p. 141-154;

P. Paschidis, « Φίλοι and φιλία between Πόλεις and Kings in the Hellenistic Period », dans M. Mari et J. Thornton (éd.), Parole in movimento. Linguaggio politico e lessico storiografico nel mondo

ellenistico. Atti del convegno internazionale, Roma, 21-23 febbraio 2011, Pise, F. Serra, 2013, p.

283-298.

22 G. Ramsey, « The Queen and the City : Royal Female Intervention and Patronage in Hellenistic Civic

Communities », dans L. Foxhall et G. Neher (éds), Gender and City before Modernity, Oxford, Wiley-Blackwell, 2013, p. 20-37; I. Savalli-Lestrade, « La place des reines à la cour et dans le royaume hellénistique », dans R. Frei-Stolba, A. Bielmanm et O. Bianchi (éd.), Les femmes antiques entre

sphère privée et sphère publique, Bern, Peter Lang, 2003, p. 59-76; A.Bielman, « Régner au féminin. Réflexions sur les reines attalides et séleucides », dans F. Prost (éd.), L’Orient méditerranéen de la

mort d’Alexandre le Grand aux campagnes de Pompée. Cités et royaumes à l’époque hellénistique,

Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 41-61.

23 Fr. Adcock, et D. J. Mosley, Diplomacy in Ancient Greece, Londres, Thames and Hudson, 1975,

287 p. Une étude, plus récente, se concentre sur les pratiques diplomatiques royales à l’époque hellénistique, voir J. D. Grainger, Great Power Diplomacy in the Hellenistic World, London, Routledge, 2017, 264 p.

24 A. Erskine, « Rhetoric and Persuasion in the Hellenistic World : Speaking up for the πόλις », dans

I. Worthington (éd.), A Companion to Greek Rhetoric, Malden, Blackwell Publishing, 2007, p. 272-285.

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que manifestation de pouvoir et tentative de persuasion, par opposition à la violence et aux

menaces comme forme et preuve de puissance.25 P. Kossmann analysa à son tour d’autres

méthodes de persuasion développées par les cités grecques pour faire valoir leurs intérêts aux yeux de l’autorité monarchique, notamment lagide, qu’elle identifia comme des

moyens d’intercession.26 Ces rapports politiques et diplomatiques entre cités grecques et

monarchies hellénistiques, qui visaient à défendre les intérêts de chacun, s’articulaient autour de notions, d’appels à la négociation et d’attentes particulières, qu’évoquèrent

également Ph. Gauthier, A. Giovannini, O. Picard et J. Ma.27

Les lettres royales et les décrets civiques reflètent également les idéaux civiques et royaux. Par exemple, il est fait mention dans les inscriptions des principes d’autonomie, de liberté et d’indépendance, des concepts qui alimentèrent la production historiographique. En 1995, M. H. Hansen publia un article sur le développement du concept d’αὐτονομία et de son rapport à la πόλις aux époques classique et hellénistique. La thématique de la liberté

fut récemment revisitée, mais davantage du point de vue de la conquête romaine.28 Ces

thématiques apparaissent également au sein des relations diplomatiques entre les cités

grecques et les monarchies hellénistiques29, associées parfois à des notions relevant des

relations internationales, notamment la φιλία καὶ συμμαχία et l’ἐλευθερία καὶ αὐτονομία.30

Ces deux derniers éléments, considérés comme vidés de leur sens à l’époque hellénistique, alimentèrent des réflexions sur leur origine, leur définition et leur usage, notamment à

l’époque classique.31 Les inscriptions se référaient également à un lexique fiscal qui met en

25 M. D. Gygax, « Gift-Giving and Power Relationships in Greek Social Praxis and Public Discourse »,

dans M. L. Satlow (éd.), The Gift in Antiquity, Hoboken, Wiley-Blackwell, 2013, p. 45-60.

26 P. Kossmann, « Intercéder pour la cité », p. 161-183.

27 Ph. Gauthier, « Les cités hellénistiques », p. 221-231; A. Giovannini, Les relations entre États dans la Grèce antique : du temps d’Homère à l’intervention romaine (ca. 700-200 av. J.-C.), Stuttgart, Franz

Steiner, 2007, 445 p.; O. Picard, « Cités et royaumes », p. 57-82; J. Ma, Antiochos III, p. 133-184.

28 E. S. Gruen, The Hellenistic World and the Coming of Rome, vol. I, Berkeley, University of California

Press, 1984, p. 132-156; S. Dmitriev, The Greek Slogan of Freedom and Early Roman Politics in

Greece, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 112-142.

29 M. H. Hansen, « The “Autonomous City-State”. Ancient Fact or Modern Fiction? », dans

M. H. Hansen et K. Raaflaub (éd.), Studies in the Ancient Greek Πόλις, Stuttgart, Franz Steiner, 1995, p. 38-44.

30 L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 191-208.

31 É. Lévy, « Αὐτονομία et ἐλευθερία au Ve siècle », RPh, 57 (1983), p. 249-270; A. B. Bosworth,

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lumière les versements exigés aux cités grecques par les puissances royales hellénistiques et

l’enjeu idéologique des revenus.32 Les relations entre les cités grecques et les royaumes

hellénistiques revêtaient par conséquent de nombreuses facettes, et l’une d’entre elles correspondait à la fiscalité. L’apport économique de ces interactions entre gouvernants et gouvernés apparaît dans les études publiées par L. Migeotte, qui traita des finances des cités grecques, de leurs revenus et de leurs dépenses, de même que des diverses contributions

versées à un pouvoir suprapoliade.33 Certains spécialistes, comme L. Capdetrey,

K. Bringmann et M.-C. Marcellesi, abordèrent l’évergétisme d’un point de vue économique par la redistribution des richesses royales, prélevées au préalable sur les communautés sujettes, sous des formes variées, afin de soutenir et de favoriser, au besoin, les activités

économiques et la prospérité des πόλεις grecques.34

Le contenu de la documentation civique et royale se distingue également par l’utilisation d’un vocabulaire et de notions idéologiques qui exaltaient les mœurs et les

qualités des personnages royaux. Bien des Modernes, comme F. W. Walbank35,

O. Murray36 ou M. Haake37, s’intéressèrent par conséquent au développement des

conceptions idéologiques et théoriques des monarchies hellénistiques dans la pensée

grecque. D’autres, plus récemment, comme A. M. Eckstein38, confrontèrent les principes

pour les époques classique et hellénistique, voir M. H. Hansen, « The “Autonomous City-State” », p. 21-44.

32 L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 395-425.

33 Parmi les publications de L. Migeotte sur l’économie des cités grecques, on doit citer la somme

L. Migeotte, Les finances des cités grecques aux périodes classique et hellénistique, Paris, Les Belles Lettres, 2014, 769 p.

34 L. Capdetrey, Le pouvoir séleucide, p. 395-425; K. Bringmann, « Grain, Timber and Money :

Hellenistic Kings, Finance, Buildings und Foundation in Greek Cities », dans Z. H. Archibald, J. Davies, V. Gagrielsen et G. J. Olive (éd.), Hellenistic Economies, London, Routledge, 2001, p. 155-162; M.-C. Marcellesi, « Milet et les Séleucides, aspects économiques de l’évergétisme royal », Topoi,

Suppl. 6 (2004), p. 165-188.

35 F. W. Walbank, « Monarchies », CAH, 7 (1984), p. 62-100.

36 O. Murray, « Philosophy and Monarchy in the Hellenistic World », T. Rajak, S. Pearce, J. Aitken et

J. Dines (éd.), Jewish Perspectives on Hellenistic Rulers, Berkeley, University of California Press, 2007, p. 13-28.

37 M. Haake, « Writing down the King : The Communicative Function of Treatises on Kingship in the

Hellenistic Period », dans N. Luraghi (éd.), The Splendors and Miseries of Ruling Alone. Encounters

with Monarchy from Archaic Greece to the Hellenistic Mediterranean, Stuttgart, Franz Steiner, 2013,

p. 166-206.

38 A. M. Eckstein, « Hellenistic Monarchy in Theory and Practice », dans R. K. Balot (éd.), A Companion to Greek and Roman Political Thought, Malden, Blackwell Publishing, 2013, p. 247-265.

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idéologiques royaux à la conduite des rois dans la réalité historique, tant sur les plans sociaux que politiques, afin de nuancer les principales composantes qui définissaient et caractérisaient les dynasties hellénistiques. Dans un même ordre d’idées, H.-J. Gehrke examina la nature de ces monarchies par le recours aux conceptions théoriques de la

sociologie de gouvernement développée par M. Weber39, qui avait auparavant défini trois

types de gouvernement légitime : traditionnel, rationnel et charismatique.40 Cette dernière

forme de gouvernement apparaît comme la plus appropriée pour décrire les royautés hellénistiques. Cette reprise des théories politiques de M. Weber, analysées par le biais d’exemples et d’évènements historiques, permet d’enrichir le concept de légitimation et de contribuer à une meilleure compréhension de la nature des monarchies hellénistiques.

Les études susmentionnées s’inscrivaient par conséquent dans une réflexion sur les concepts de pouvoir et de légitimité au sein des différentes formes de gouvernement du monde grec. Elles s’attardaient par le fait même aux relations de pouvoir entre les joueurs

politiques, notamment entre les personnages royaux et les cités grecques.41 La nature des

monarchies hellénistiques alimenta la recherche historique en fonction des divers domaines

d’intervention des pouvoirs royaux, notamment au sein des pratiques diplomatiques42,

administratives43, militaires44, politiques, évergétiques ou économiques45. Ces études

39 M. Weber, Économie et société, Paris, Librairie Plon, 1971, p. 219-261.

40 H.-J. Gehrke, « The Victorious King : Reflections on the Hellenistic Monarchy », dans

N. Luraghi (éd.), The Splendors and Miseries of Ruling Alone. Encounters with Monarchy from

Archaic Greece to the Hellenistic Mediterranean, Stuttgart, Franz Steiner, 2013, p. 73-98.

41 U. Gotter, « Cultural Differences and Cross-Cultural Contact : Greek and Roman Concepts of Power », HSPh, 104 (2008), p. 179-230; N. Luraghi, « Ruling Alone : Monarchy in Greek Politics and

Thought », dans N. Luraghi (éd.), The Splendors and Miseries of Ruling Alone. Encounters with

Monarchy from Archaic Greece to the Hellenistic Mediterranean, Stuttgart, Franz Steiner, 2013, p.

1-23.

42 I. Savalli-Lestrade, « Ambassadeurs royaux, rois ambassadeurs. Contribution à l’étude du métier de roi

dans le monde hellénistique », DHA, suppl. 17 (2017), p. 695-718.

43 B. Virgilio, Le roi écrit, 330 p.

44 M. M. Austin, « Hellenistic Kings, War and the Economy », CQ, 36, 2 (1986), p. 450-466; P. Beston,

« Hellenistic Military Leadership », dans H. van Wees (éd.), War and Violence in Ancient Greece, London, Classical Press of Wales, 2000, p. 315-336; A. Chaniotis, War in the Hellenistic World : A

Social and Cultural History, Malden, Blackwell, 2005, 308 p.

45 Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs (IVe-Ier siècle avant J.-C.). Contribution à

l’histoire des institutions, Athènes, École française d’Athènes, 1985, 236 p.; K. Bringmann, « The

King as Benefactor : Some Remarks on Ideal Kingship in the Age of Hellenism », dans A. Bulloch (éd.), Images and Ideologies. Self-definition in the Hellenistic World, Berkeley, University of California Press, 1993, p. 7-24.

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abordent par conséquent l’idéologie royale hellénistique, en tant qu’outil de validation des pouvoirs dynastiques, et grâce à laquelle les personnages royaux se voyaient attribuer une aura quasi-divine s’ils respectaient, entre autres choses, un mode de conduite idéal établi par les attentes des sujets. Cet aspect idéologique de l’autorité royale suscita de nombreuses études sur les cultes royaux, la nature divine des rois et de leur famille et les formes de

représentation des monarchies hellénistiques.46

Ces publications prennent souvent la forme d’un travail d’enquête, d’étude régionale ou de synthèse générale, adoptant le point de vue des cités, des monarchies ou des deux. Elles traitent davantage de la relation des cités grecques de l’Asie Mineure avec les

monarchies séleucide et attalide à partir du IIe s. a.C. Tout au long de notre étude, qui

s’inscrit dans cette foisonnante tradition historiographique, nous procéderons à l’analyse de certaines inscriptions trouvées en Asie Mineure, que ce soit des lettres royales ou des décrets civiques. Les régions côtières de l’Asie Mineure, telles que la Carie ou l’Ionie, retiendront plus particulièrement notre attention, puisque leur sujétion à une autorité royale, notamment séleucide ou lagide, changeait selon l’instabilité géopolitique des royaumes hellénistiques (fig. 5). Le cadre chronologique de l’étude, de la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la paix d’Apamée (323-188 a.C.), nous paraît intéressant puisqu’il renvoie à la formation des royaumes hellénistiques et à l’élaboration des relations entre les cités grecques et les nouveaux souverains. Il se caractérise également par des conflits territoriaux ou des troubles dynastiques, pendant lesquels les cités profitèrent de la position précaire des rois pour maintenir ou révoquer leur loyauté et fidélité. Une telle étude nous permettra de mettre en lumière le développement des rapports entre ces protagonistes historiques à travers un dialogue politique, diplomatique et idéologique où les cités grecques tenteront d’obtenir, par une alliance ou un changement d’allégeance, des privilèges favorables à leur liberté et à leur autonomie.

46 On peut citer, par exemple, l’ouvrage fondateur de Chr. Habicht, Gottmenschentum und griechische Städte, Munich, C. B. Beck, 1956, 255 p.; R. R. R. Smith, Hellenistic Royal Portraits, Oxford,

Clarendon Press, 1988, 196 p.; A. Chaniotis, « The Divinity of Hellenistic Rulers », dans A. Erskine (éd.), A Companion to the Hellenistic World, Oxford, Blackwell, 2005, p. 431-445; A. Erskine, « Ruler Cult and Early Hellenistic City », dans H. Hauben et A. Meeus (éd.), The Age of

the Successors and the Creation of the Hellenistic Kingdoms (323-276 B.C.), Louvain, Peeters, 2014,

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Bien que l’allégeance volatile des cités grecques durant la haute époque hellénistique relève d’un fait connu et mentionné tant par les auteurs antiques que par les spécialistes modernes, ce sujet, jusqu’à présent, n’a suscité aucune étude qui s’y soit attardée plus en détail. Pourtant, ces moments de changement d’allégeance ou de renouvellement d’alliance des cités découlent d’évènements révélateurs de tensions et de transformations au sein du corps civique, tout en soulignant les réelles valeurs identitaires et traditionnelles des cités. Une telle étude nécessitera un regroupement de plusieurs thématiques souvent considérées indépendamment, telles que l’appareil diplomatique, administratif et économique, le langage et les concepts idéologiques, symboliques et politiques de la correspondance et des décrets, ainsi que l’identité, les valeurs et l’intérêt des entités royales et civiques. Ce projet de recherche, qui vise une analyse globale du phénomène des changements d’alliance, s’appuiera sur une documentation majoritairement épigraphique qui témoigne de l’instabilité géopolitique du bassin égéen comme de la relation entre les cités grecques et les souverains hellénistiques. Le recours aux sources littéraires et iconographiques permettra également d’étayer le propos. Ainsi, une lecture de la documentation épigraphique, littéraire, numismatique et iconographique dans une perspective de revirement d’alliance ou de réaffirmation d’allégeance contribue à la compréhension de la construction des relations entre les cités grecques et les monarchies au temps des Diadoques et de leurs successeurs, alors que se diffusent les revendications de liberté des cités grecques.

Pour ce faire, le présent travail est divisé en deux parties. La première traite de l’apport discursif, sociopolitique et économique de la communication entre les cités grecques et les pouvoirs monarchiques, afin de dégager les éléments qui ont mené à une prise de décision en faveur des intérêts de chacun des protagonistes. Le rôle du dialogue diplomatique et l’implication d’agents civiques et royaux au sein des négociations feront l’objet d’un bref survol. Nous nous intéresserons ensuite au discours politique et, plus précisément, à différents concepts politiques et diplomatiques qui caractérisèrent la communication entre les souverains et les cités grecques, tels que l’ἐλευθερία et l’αὐτονομία, la φιλία καὶ συμμαχία, les concessions royales et le statut des cités grecques.

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Une autre section porte sur la dimension économique des rapports, soit sur les pratiques et le lexique fiscaux des royaumes hellénistiques, lesquels prélevaient et distribuaient la richesse royale. La deuxième partie est consacrée à la dimension idéologique du discours entre les rois et les cités, qui définit les attentes et les obligations de chacun. À cet effet nous analyserons le développement du pouvoir personnel dans le monde et l’imaginaire grec, de même que celui des modèles culturels de pouvoir où la figure du roi est construite en opposition à celle du tyran. La documentation épigraphique conserve également des éléments relatifs à l’idéologie royale et civique qui, en dictant un code de conduite idéalisé, contribuaient à la légitimation du pouvoir monarchique. Celle-ci se fondait sur les fonctions administratives, militaires, salvatrices et bienfaitrices des personnages royaux, de même que sur le prestige de la lignée dynastique. La validation du pouvoir nécessitait le consentement et la loyauté des gouvernés. Ces derniers démontraient leur soutien grâce au langage ritualisé de la bienfaisance, tout comme à la réalisation de gestes cultuels et rituels. La présence royale intégrait par conséquent la culture politique et religieuse des cités grecques, ce qui confortait la diffusion de représentations iconographiques des dynasties hellénistiques.

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1. Agir en faveur de ses intérêts : l’apport discursif, sociopolitique et économique dans la prise de décision civique et royale

1.1 Entre cités grecques, intermédiaires et royaumes hellénistiques : l’apport des négociations dans les relations internationales

1.1.1 Le dialogue diplomatique : l’appel à la négociation et à la persuasion

Les enjeux politiques, économiques et territoriaux de la période hellénistique impliquèrent une présence accrue de la politique étrangère au sein des préoccupations

civiques, comme en témoigne la forte circulation d’émissaires diplomatiques47 entre les

différents groupes politiques – cités, ligues, pouvoir monarchique. Ces envoyés permettaient d’initier un contact avec une autre entité politique, tout comme d’entretenir une forme de communication entre États. Ils liaient par conséquent les cités, les confédérations et les souverains les uns aux autres, tout en favorisant l’échange d’un

dialogue politique qui définissait les rapports de domination et de soumission.48

L’historiographie antique, notamment dans les œuvres de Polybe ou de Diodore de Sicile, met en lumière cette effervescence diplomatique qui paraît associée au domaine militaire, puisqu’elle encadre le début ou la fin des hostilités. Comme les récits anciens, la documentation épigraphique apporte quelques informations ponctuelles sur les missions diplomatiques. Malheureusement souvent lacunaires, ces sources, tant littéraires qu’épigraphiques, ne procèdent guère à la description des audiences, à l’analyse technique de la diplomatie antique ni à celle des différentes étapes de négociation entreprises par les communautés civiques et les autorités royales en temps de paix. La pensée gréco-romaine n’avait, dans les faits, élaboré ni un concept ni un vocabulaire terminologique spécifique à la diplomatie. Celle-ci n’était donc pas considérée comme un domaine distinct des

47 Différents termes peuvent désigner les personnages en mission diplomatique, tels que héraut (κῆρυξ),

théore (θεωρός) ou envoyé (πρέσβευς), celui-ci étant l’expression la plus usitée dans la correspondance entre les souverains et les πόλεις. Ces mots ne concernent pas nécessairement la sphère diplomatique. Πρέσβευς, par exemple, signifie l’individu le plus vieux ou le plus sage. À ce sujet, voir Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 12, 152.

48 I. Savalli-Lestrade, « Ambassadeurs royaux », p. 695-696; J. D. Grainger, Great Power Diplomacy,

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pratiques politiques. Il existait cependant des institutions, comme l’envoi d’ambassades, qui

caractérisaient les pratiques diplomatiques.49 Du point de vue des autorités civiques,

confédératrices ou monarchiques, la diplomatie se concevait comme l’une des ramifications

de l’activité politique et s’adaptait en fonction des contextes régionaux et internationaux.50

Comme l’illustre la correspondance entre les dynasties hellénistiques et les πόλεις, les échanges diplomatiques se déclinaient de bien des façons, de la consécration d’honneurs à des personnalités particulières, voire bienfaitrices, à l’évocation des termes négociés et convenus dans les traités, les trêves ou les résolutions officielles. Les lettres et les décrets, à travers lesquels se distingue la vitalité des institutions civiques, soulignent ainsi l’important rôle de la diplomatie à cette époque. En plus de favoriser la régularisation des rapports entre cités et États voisins, de contribuer à l’envoi et à la réception de juges étrangers et d’ambassadeurs, de faciliter la création de festivals panhelléniques, d’éviter ou de résoudre les conflits, les pratiques diplomatiques établissaient aussi un dialogue politique, diplomatique et idéologique entre les communautés grecques, considérées comme indépendantes, libres ou sujettes, et les pouvoirs royaux. Initiés et maintenus par l’envoi d’une ambassade civique ou royale, ces échanges sollicitaient diverses notions politiques et diplomatiques par le biais desquelles se négociaient certains privilèges relatifs à l’indépendance sociopolitique et économique des πόλεις, en échange de leur soutien envers une puissance royale. Les concepts d’autonomie et de liberté, instrumentalisés par les cités et les pouvoirs royaux, puisaient dans le cadre relationnel établi dès 315 a.C. lors de la

49 Les pratiques diplomatiques traditionnelles de la société grecque s’inspirèrent des épopées homériques

et s’institutionnalisèrent grâce à l’élaboration progressive de la politique étrangère des communautés grecques. Cette dernière résultait, en quelque sorte, des relations d’amitié ou d’hostilité entretenues entre cités, qui constituaient un univers politique varié et disparate, ou avec des puissances étrangères (l’empire achéménide, la monarchie macédonienne, l’empire d’Alexandre le Grand, les royaumes hellénistiques ou les Romains). Afin d’éviter les tensions et les conflits, les cités grecques appliquèrent différentes méthodes pour établir et préserver la paix. Le Ve s. a.C., marqué par les guerres médiques et

la guerre du Péloponnèse, paraît déterminant dans le développement et la cristallisation des principes diplomatiques grecs qui en appelaient, à travers les traités et les ententes, à l’amitié (φιλία), à l’alliance (συμμχία), à l’hospitalité (ξενία), à la parenté (συγγένεια) ou à la paix (εἰρήνη). Cf. Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 9-13, 120-122; I. Savalli-Lestrade, « Des amis des rois », p. 65. Quant aux usages diplomatiques durant l’époque hellénistique, et davantage du point de vue des puissances royales, voir J. D. Grainger, Great Power Diplomacy, p. 1-55.

50 Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 120-122; I. Savalli-Lestrade, « Ambassadeurs royaux »,

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déclaration d’Antigone le Borgne à Tyr. Ce dernier avait alors proclamé les communautés

grecques libres, exemptes de garnisons et autonomes.51 Les déclarations d’autonomie et de

liberté formèrent par la suite un programme rhétorique qui caractérisa le dialogue entre les

cités et les souverains.52

Les ambassades civiques se composaient de citoyens, désignés le plus souvent au nombre de trois, de cinq ou de dix par l’Assemblée, puisqu’il n’existait pas de représentants diplomatiques permanents. La sélection des ambassadeurs, souvent des hommes politiques ou des philosophes, reposait sur une variété de critères subjectifs tels que le rang social, le prestige, les qualités relationnelles, le réseau de contacts personnels, les compétences culturelles et la participation active dans la vie sociopolitique de la cité. Témoignage de confiance, la désignation confortait la réputation et confirmait la reconnaissance de la cité, puisqu’elle constituait l’une des plus grandes distinctions publiques. Parmi les exemples épigraphiques, on retient celui de l’échange diplomatique entre Érythrées et le pouvoir séleucide que préservent un décret fragmentaire et une lettre royale, mieux conservée, tous deux datés entre 270 et 260 a.C. Cette correspondance illustre la réception par le roi

Antiochos Ier ou II53 d’ambassadeurs (πρεσβευταί) désignés par la cité, Tharsynôn, Pythès et

Bottas.54 Leur identité n’est pas assurée. Pythès peut être associé à un autre Pythès, père

d’un certain Parméniskos, qui apparaît comme garant de l’achat d’une prêtrise en 250 a.C.55

Quant à Bottas, il s’agit peut-être de Bottas, fils de Bottas, honoré avec d’autres généraux

51 Diodore, XIX, 61, 1-4.

52 Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 121-140; A. Erskine, « Rhetoric and Persuasion », p.

272-273; I. Savalli-Lestrade, « Ambassadeurs royaux », p. 696-697; J. D. Grainger, Great Power

Diplomacy, p. 3-7, 56-70.

53 Il demeure difficile de préciser auquel des Antiochos se réfère le décret. À ce sujet, voir I. Erythrai, 30,

p. 122, qui présente les principales hypothèses. Celles-ci ont été émises par D. Magie et Chr. Habicht, qui optèrent pour Antiochos Ier (280-262 a.C.), tandis que C. B. Welles se prononça pour

Antiochos II (261-246 a.C.). Il appuie son argumentation sur l’exemption de la taxe galate qui correspondrait davantage au début du règne difficile d’Antiochos II. Il aurait pu accorder des concessions afin de maintenir le soutien de la cité. Cf. D. Magie, Roman Rule in Asia Minor to the End

of the Third Century after Christ, vol. II, New York, Arno Press, 1950, p. 928, n. 23; Chr. Habicht, Gottmenschentum, p. 95-99; C. B. Welles, RC, p. 80-81.

54 I. Erythrai, 31, l. 1-4.

55 I. Erythrai, 201, d, 35. Le nom de Pythès, sans la mention du père, apparaît aussi sur le revers d’une

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pour sa conduite efficace dans sa fonction.56 S’il s’agit du même Tharsynôn, celui-ci,

accompagné du patronyme Alkémôn, apparaît dans une liste de noms datée entre 270 et

260 a.C.57 Les exemples susmentionnés illustrent l’implication sociopolitique et

économique de ces hommes au sein de leur communauté civique.58

Déboursant eux-mêmes les frais liés au déplacement, les ambassadeurs se rendaient auprès du roi, de la reine ou de leurs représentants, porteurs d’une requête écrite définie au préalable par le Conseil et l’Assemblée, afin de plaider en faveur de leur cité, de négocier et de conclure une entente avec son destinataire tout en respectant les instructions fournies par leur communauté politique. De retour dans leur cité, ces délégués transmettaient à leurs concitoyens la décision royale, matérialisée sous forme épistolaire. Comme dans le cas d’Érythrées, les envoyés initièrent leur échange par la remise d’un décret qui annonçait les honneurs votés à l’égard du souverain, ainsi que d’une couronne et de l’or en guise de présents d’amitié (ξένια). Ils tinrent devant l’autorité royale un discours (ἀπολογισάμενοι) sur la bonne volonté (εὔνοια) et la gratitude (εὐχαριστία) d’Érythrées envers la maison séleucide en vue de négocier le renouvellement de leur autonomie politique et

économique.59 La remise de cadeaux d’hospitalité et l’évocation des qualités morales

démontrées par la cité, qui rappelait son attitude favorable à l’égard de l’autorité séleucide, se concevaient comme des méthodes de persuasion dans les négociations entre les πόλεις et les rois. Partie intégrante de l’activité politique des communautés civiques, la diplomatie

recourait au savoir-faire politique et à l’art de la persuasion des émissaires diplomatiques.60

La réalisation de missions diplomatiques requérait donc, à des fins de persuasion, une certaine expertise des mots et de la rhétorique, comme elle dépendait d’un échange oral direct. Les envoyés diplomatiques devaient par conséquent s’exprimer de manière

56 I. Erythrai, 29, l. 4.-15. 57 I. Erythrai, 160, l. 25.

58 Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 154-167; I. Savalli-Lestrade, « Ambassadeurs royaux »,

p. 695-697.

59 I. Erythrai, 31, l. 2-6.

60 Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 11-13; A. Giovannini, Les relations entre États, p. 92-97;

(28)

18

éloquente en public et persuasive en privé. Étroitement associée aux cités démocratiques, au concept de la prise de la parole en public, à l’idéologie civique et à l’éducation grecque, la rhétorique composait la vie politique interne et externe des πόλεις, notamment aux époques hellénistique et romaine. D’un point de vue civique, elle s’avérait utile pour débattre et formuler des discours devant l’Assemblée, le Conseil ou la cour de justice, voire pour négocier avec un pouvoir suprapoliade. Alors que les monarchies hellénistiques dominaient dorénavant le monde des cités, les compétences rhétoriques des élites civiques fournissaient aux communautés grecques une certaine forme de pouvoir, celle de faire valoir leurs intérêts. En lien, peut-être, avec l’expansion des activités diplomatiques durant la période hellénistique, le discours des ambassadeurs semble devenir un genre distinct. L’historien Polybe l’identifiait aux côtés des harangues des généraux et des discours

adressés au peuple.61 L’intérêt de ces discours dans les sources littéraires s’explique non

seulement par l’apparition de divisions, de désaccords et de débats au sein même des cités, contrairement aux sources épigraphiques qui exaltaient une image fière et unie des

communautés civiques, mais aussi par les types d’argument utilisés par les ambassadeurs.62

Ces derniers en appelaient aux relations et aux conduites antérieures, bonnes ou mauvaises, entre les protagonistes, aux faveurs concédées ou au respect d’une politique juste et cohérente afin d’inciter les entités politiques à s’inspirer des actions passées en vue

d’adopter les meilleures décisions.63

61 Au sujet de la vie et de l’œuvre de Polybe, voir J. Marincola, Greek Historians, Oxford, Oxford

University Press, 2001, p. 113-138. Pour les discours,voir Polybe, XII, 25a, 3; C. W. Wooten, « The Speeches in Polybius. An Insight into the Nature of Hellenistic Oratory », AJPh, 95 (1974), p. 235-251; J. Marincola, Greek Historians, p. 128-133, ainsi que le chapitre dédié aux discours dans P. Pédech, La méthode historique de Polybe, Paris, Les Belles Lettres, 1964, p. 254-302.

62 Un bel exemple de deux discours prononcés par deux ambassadeurs sont ceux de Chlainéas, un

ambassadeur étolien et allié des Romains, puis de Lykiscos, un ambassadeur acarnanien et allié du roi de Macédoine Philippe V (221-179 a.C). Ces hommes cherchaient à persuader l’assemblée spartiate de se joindre à l’un ou à l’autre camp lors de la Première guerre de Macédoine (215-205 a.C.). Considérés comme les plus élaborés dans l’œuvre de Polybe, ces deux discours se composent d’exemples historiques, d’éléments moralisateurs et d’attaques contre l’adversaire, ce qui constituait des aspects communs des discours des ambassadeurs à l’époque hellénistique. Cette tentative de persuasion par le passé se manifeste chez l’Étolien Chlainéas par l’incrimination de la conduite des rois de Macédoine, de Philippe II à Philippe V, envers les cités grecques. Lykiscos reprend la même méthode, mais pour réfuter les charges portées à l’encontre des souverains, s’attaquant ensuite aux Étoliens et aux Romains. Cf. Polybe, IX, 28-39. Pour le contexte, voir Éd. Will, Histoire politique, p. 82-88.

63 C. W. Wooten, « The Ambassador’s Speech. A Particularly Hellenistic Genre of Oratory », QJS, 59

(1973), p. 210-212; Fr. Adcock et D. J. Mosley, Diplomacy, p. 125-140, 165-169; A. Erskine, « Rhetoric and Persuasion », p. 272-279.

Figure

Fig. 1 - L’empire d’Alexandre le Grand
Fig. 2 - Répartitions territoriales après l’entente de paix de 311 a.C.
Fig. 3 - Répartitions territoriales après Ipsos (301 a.C.)
Fig. 4 - Formation des principales dynasties hellénistiques après 276 a.C.
+6

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