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1 Pratiques et dispositifs: quelques exemples

1.2 Les pratiques d’évaluation observées dans les différents domaines

1.2.1 Les pratiques d’évaluation dans l’enseignement supérieur

A notre époque, l’enseignement et l’apprentissage des langues sont concernés par de multiples réformes politiques sur les plans international et national, parmi lesquelles figurent l’influence croissante du Cadre européen commun de

référence pour les langues, le Processus de Bologne ainsi que l’implémentation continue des portfolios européens de langues dans les cursus d’enseignement (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10). Ces réformes ont engendré des modifications dans les pratiques didactiques, notamment, l’explosion de l’usage des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) dans la formation en langues (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10). Malgré la nécessité d’accompagner ces réformes d’une réflexion approfondie sur les questions d’évaluation, ceci n’a pas été suffisamment le cas (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10). L’évaluation n’a pas profité de la nouvelle ère induite par les réformes pour se renouveler de façon fondamentale (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10). Ceci est regrettable puisque les pratiques d’évaluation ont une grande influence sur tous les aspects liés à l’apprentissage d’une langue (Boud & Falchikov 2006: xviii). Pour certains chercheurs, les modifications dans le domaine des pratiques évaluatives auraient même un impact plus élevé sur l’apprentissage que les changements effectués dans les programmes d’enseignement (Boud & Falchikov 2006 : xviii). Il en résulte la nécessité de réfléchir aux innovations en

matière d’évaluation, non seulement pour faire évoluer les procédures mais pour améliorer l’apprentissage lui-même (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10).

Puisque le contexte et les acteurs de l’enseignement-apprentissage dans le Supérieur diffèrent largement de ceux du secondaire, les pratiques évaluatives doivent également se différencier. Un trait distinctif essentiel de l’enseignement des langues dans le Supérieur est l’extrême hétérogénéité des catégories d’apprenants (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10). Parmi les étudiants de langues, on trouve aussi bien des spécialistes de langues vivantes, des spécialistes d’autres disciplines que des apprenants souhaitant développer de simples compétences communicatives dans une langue étrangère. Tous ces groupes d’apprenants ont des objectifs d’apprentissage distincts. Les enjeux de formation en langues vivantes étrangères ne sont pas les mêmes, si bien qu’il faut envisager de fortes variations dans les méthodes d’enseignement-apprentissage et dans les pratiques évaluatives. Un autre facteur de diversité est la différence en matière de formation parmi les enseignants du supérieur (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10). Tous n’ont pas nécessairement été formés aux spécificités de la pédagogie universitaire.

La variété des pratiques évaluatives dans les établissements d’enseignement supérieur se manifeste par l’usage de méthodes d’évaluation sommatives, formatives ainsi que de méthodes hybrides combinant ces deux méthodes, souvent dans le même département et par le même enseignant. Cette variété des méthodes d’évaluation ne constitue pas un problème en soi, mais peut le devenir si les évaluateurs ressentent un manque de contrôle dans ce domaine. Pareil sentiment peut s’installer pour des raisons objectives, comme l’ignorance d’une méthode ou le manque d’expérience d’un enseignant, mais peut également émerger suite à des convictions pédagogiques individuelles (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 10).

De tout ceci il ressort que l’évaluation en langues est aujourd’hui un domaine complexe englobant une multitude d’approches. Celles-ci ne sont pas interchangeables puisqu’elles sont tributaires des objectifs d’évaluation visés (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 22). Le point commun de toutes les méthodes d’évaluation contemporaines est que celles-ci ne servent plus uniquement à mesurer les connaissances, mais entendent accompagner le processus d’apprentissage lui-même. A ce titre, les méthodes d’évaluation sont devenues

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de véritables « outils pédagogiques » qui ne sont pas nécessairement élaborés par l’enseignant (Dervin & Suomela-Salmi 2007 : 22). Cette dernière qualité peut constituer un problème car elle peut aussi expliquer le manque de contrôle du processus d’évaluation, qui se complexifie et qui peine à trouver une cohérence en poursuivant plusieurs objectifs à la fois. En effet, pour être pertinent et adapté, un acte d’évaluation doit simultanément respecter les objectifs d’apprentissage, tout en étant adapté aux qualités valables pour tous les dispositifs d’évaluation(Bachman & Palmer 1996 : 17).1

1.2.2 Les pratiques d’évaluation en didactique des langues vivantes étrangères

La question de l’évaluation attire tout particulièrement l’attention des chercheurs en didactique des langues, comme en témoigne la parution de divers textes dédiés à l’évaluation des compétences langagières, dont le plus connu est le

Cadre européen commun de références pour les langues, abrégé CECRL (Huver

& Springer 2011 : 7). Dès sa parution en 2001, le CECRL s’impose comme le document de référence incontournable pour définir et harmoniser l’évaluation des compétences en langues, dans l’espace européen. On constate que le CECRL, ainsi que d’autres textes de référence, s’inscrivent dans un paradigme objectiviste et quantitatif car leur but est de concevoir des dispositifs permettant une évaluation fiable et « juste » se prêtant à l’utilisation, indépendamment du contexte (Huver & Springer 2011 : 8). Bien qu’une grande latitude soit laissée aux concepteurs dans la réalisation de dispositifs d’évaluationdes compétences, le cadrage procède par objectivation des compétences soumises à évaluation et listage de descripteurs précis.

En didactique des langues, la question de l’évaluation est traitée sous un angle méthodologique nécessairement inscrit dans un courant particulier (Huver & Springer 2011 : 8). Ce courant, qui dessine un cadre pour les dispositifs d’évaluation, relève plutôt de l’approche communicative dans certaines publications (Tagliante 1991 : 3) ou de l’approche communicative-actionnelle dans d’autres (Goullier 2005 : 5, Tagliante 2005 : 36). On note cependant que le récent numéro de la Revue française de linguistique appliquée (RFLA 2010) se distingue en « proposant des approches diversifiées susceptibles de fournir au

lecteur une vue plus globale de la multiplicité des problèmes que pose l’évaluation […] » (RFLA 2010 :5). Cette manière particulière de conjuguer diverses approches, effectuée par la RFLA, paraît raisonnable, vu qu’une analyse strictement méthodologique des outils de l’évaluation et de leurs usages a ses limites. Celles-ci sont dues au fait que pour comprendre les dispositifs et les pratiques d’évaluation, il faut non seulement analyser la méthodologie dont ces derniers relèvent, mais également prendre en compte leurs dimensions individuelles, sociales et politiques. La raison à cela est que les outils et les pratiques d’évaluation sont, au-delà d’une approche méthodologique particulière, toujours inscrites dans ces trois paradigmes opposés. Il en résulte que les pratiques d’évaluation basées sur un même outil peuvent néanmoins varier fortement en fonction de ces dimensions (Huver & Springer 2011 : 9).

1.3 Typologie des tests de langues: variations et convergences