• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS

2.2. ÉCRITS EMPIRIQUES

2.2.1. Pratique infirmière en santé au travail

Plusieurs études réalisées dans divers pays dont le Canada, les États-Unis, la Finlande, le Japon, le Portugal, le Royaume-Uni et l’Australie, traitent de la pratique infirmière SAT. Toutefois, la majorité d’entre-elles concernent la pratique SAT dans le secteur privé. Néanmoins, plusieurs études (Hart, Olson, Fredrickson & McGovern, 2006; Ishihara, Yoshimine, Horikawa, Majima, Kawamoto & Salazar, 2004; Neumanen- Tuomela, 2001; OIIQ, 1995; Rodgers & Livsey, 2000; Salazar, Kemerer, Amann & Fabrey, 2002; Strasser, Maher, Knuth & Fabrey, 2006; White & Williamson, 1999) visant à identifier et à décrire la formation, les compétences et les activités réalisées par les

infirmières SAT dans les entreprises, ont permis de constater que ces aspects de la pratique infirmière SAT sont similaires à celles des infirmières SAT du secteur public du Québec. Toutefois, il semble que les infirmières qui détiennent une certification (COHN ou COHN-S) dans le domaine SAT ou une formation post-graduée spécialisée en SAT (infirmière praticienne SAT) bénéficient d’une reconnaissance de leur expertise leur permettant d’organiser efficacement leurs activités, d’utiliser de façon optimale leurs compétences et d’assumer pleinement leurs rôles et leurs fonctions dans les milieux de travail (AAOHN, 2007; Deith, 1995; Harrison, Harriss & Maw, 2005; Rodgers & Livsey, 2000). En parallèle à ces études, d’autres visant à évaluer l’efficacité des interventions des infirmières (Morris & Smith, 2001; Silpasuwan, Viwatwongkasem, Phalee & Kalampakornm, 2006) ou encore à évaluer la pratique des infirmières en matière de promotion de la santé en établissement (Eakin, Cava & Smith, 2001; Gunnarstottir & Bjornsdottir, 2003; Mellor & St John, 2009) démontrent que l’expertise des infirmières SAT, en la matière, a besoin d’être approfondie et que les milieux de travail, bien qu’ils appuient notamment les activités de promotion de la santé, ils ne les favorisent pas ou ils ne sont pas organisés pour les soutenir. En effet, ces études rapportent que les infirmières, travaillant souvent seules et étant surchargées par leur travail, assument la plupart du temps un rôle de clinicienne et les employeurs et les travailleurs s’attendent à ce qu’elles assument des rôles traditionnels (prendre soin, surveiller l’état de santé des travailleurs, etc.). Au Québec, le comité provincial des soins infirmiers en santé au travail (CPSI-SAT), formé des infirmières conseils des unités régionales SAT de chacune des régions du Québec, a produit en 2006 un rapport synthèse rapportant l’évolution des la pratique infirmière SAT du secteur public en promotion de la santé au travail depuis une décennie. Ces auteurs rapportent que la pratique infirmière de prévention et de

promotion de la santé au travail tarde aussi à s’implanter et ce, notamment à cause de l’absence d’une orientation claire du secteur public SAT, d’un soutien professionnel et d’outils d’intervention en la matière (CPSI-SAT, 2006). Le CPSI-SAT recommande aux gestionnaires nationaux et régionaux : « 1) de s’engager dans le développement des compétences des infirmières conseils de manière à favoriser l’ancrage et l’intégration des rôles et des stratégies de santé publique, 2) de contribuer à la réflexion pour une nouvelle offre de service en santé au travail, 3) d’appuyer la mobilisation interdisciplinaire et intersectorielle à cette nouvelle offre de service et, 4) d’assurer que les universités ou l’institut national de santé publique offrent une formation continue pour des programmes de base adaptés aux besoins spécifiques de la santé au travail. » (CPSI-SAT, 2006). Toujours au Québec, les résultats d’une étude, portant sur les pratiques de promotion de la santé et de prévention en CSSS-mission CLSC selon une approche populationnelle (PPPP), confirment que ces pratiques tardent aussi à s’implanter (Beaudet et al., 2007). L’étude menée par Beaudet et al. (2007), auprès de gestionnaires et d’infirmières œuvrant dans divers services de santé intégrés dans des CSSS (enfance/famille/jeunesse, personnes âgées/perte d’autonomie, services généraux et services spécifiques), permet d’une part, d’observer des écarts entre la pratique actuelle et celle souhaitée et d’autre part, d’identifier les contraintes et les leviers qui influencent le développement de la PPPP.

En ce qui concerne les écarts observés par Beaudet et al. (2007), la pratique actuelle des infirmières est davantage axée sur des facteurs de risque individuels, sur des activités d’éducation à la santé et sur une approche réactive et fragmentée. Alors que dans une approche PPPP, l’infirmière applique une approche intégrée et une

intervention de type populationnelle (planifier, gérer et évaluer des projets ou des programmes). Aussi, actuellement, l’infirmière agit à titre d’intervenante centrale de soutien alors que dans la PPPP, elle intervient plutôt en tant qu’acteur stratégique. Enfin, les liens entretenus par les infirmières avec les acteurs réseaux (autres professionnels de la santé, les organismes publics ou communautaires, etc.) sont de type « Référence » (réfère la clientèle à d’autres acteurs du réseau) plutôt que de type collaborateur tel que privilégié par l’approche PPPP.

Selon Beaudet et al. (2007), plusieurs contraintes organisationnelles (réformes successives du système de santé, ressources limitées, culture axée sur les services cliniques) et le manque d’accompagnement et de formation des infirmières expliquent, en parties, ces écarts. Devant ces contraintes (organisationnelles et le manque de soutien professionnel), les infirmières à l’étude témoignent des tensions (sentiments d’impuissance, d’incompréhension et de crainte) face aux nouveaux rôles qu’elles sont invitées à actualiser dans le cadre de la PPPP. L’analyse et l’interprétation des résultats ont conduit ces chercheurs à identifier cinq composantes essentielles et interreliées dans le développement de la PPPP. Ces composantes sont : la formation, les activités privilégiées, l’identité professionnelle, l’organisation du travail et les liens entre acteurs. Afin de permettre une meilleure transition de la pratique infirmière actuelle (rôle de clinicienne) vers celle souhaitée (rôle d’acteur stratégique), soit la PPPP, les chercheurs proposent les recommandations suivantes :

1) un positionnement organisationnel fort en faveur de la promotion/prévention; 2) des formations axées sur l’approche populationnelle et la promotion de la

santé;

3) des activités infirmières qui s’inscrivent dans l’intervention populationnelle comportant la planification, la gestion de projets et l’évaluation;

4) des infirmières qui s’affirment comme des acteurs stratégiques;

5) une approche intégrée de l’organisation du travail qui tient compte de la diversité du continuum d’interventions;

6) des acteurs qui collaborent et se donnent des temps de réflexion. (Beaudet et al., 2008, p.10-11)