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Perceptions d’infirmières quant à leurs rôles dans l’institution publique

CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS

2.2. ÉCRITS EMPIRIQUES

2.2.3. Perceptions d’infirmières quant à leurs rôles dans l’institution publique

Plusieurs études ont exploré les perceptions des infirmières quant à leurs rôles dans l’institution publique (Nikbakht Nasrabadi & Emami, 2006; Schmitt, 2006; Takase et al., 2005). Ayant réalisé des entretiens semi-dirigés individuels ou de groupes auprès d’infirmières (Nikbakht Nasrabadi & Emami, 2006; Schmitt, 2006) ou encore un sondage auprès d’elles (Takase et al., 2005), l’analyse et l’interprétation des données ont permis aux chercheurs d’identifier plusieurs enjeux liés au contexte institutionnel dans lequel elles œuvrent.

D’abord, les infirmières soulignent leurs conditions de travail difficiles dans l’institution publique (charge de travail élevée, tâches routinières et peu stimulantes, pénurie d’infirmières, manque de soutien de la direction des soins infirmiers) (Nikbakht Nasrabadi & Emami, 2006).

Aussi, les résultats de l’étude menée par Takase et al. (2005) démontrent que parfois, les besoins professionnels des infirmières ne sont pas comblés dans le cadre de leur pratique. En effet, il existerait un écart entre les rôles qu’elles souhaiteraient accomplir et ceux qu’elles accomplissent. Cet écart se traduirait chez ces infirmières par de l’insatisfaction au travail et par un sentiment de non-reconnaissance des gestionnaires en regard des besoins professionnels des infirmières.

Les entreprises et les établissements de santé cherchent à réduire les coûts liés aux soins de santé et à améliorer les services. Plusieurs professionnels de la santé, dont des infirmières, sont invités à quitter leur fonction de clinicien pour entreprendre une fonction de gestionnaire de cas (Case Manager). Schmitt (2006) s’est justement intéressée à l’expérience d’infirmières traversant une période de transition entre le rôle d’infirmière soignante vers celui de gestionnaire de cas. Les résultats de son étude démontrent que ces infirmières rencontrent un écart entre ce qu’elles s’attendent de faire et ce qu’exige le nouveau rôle. Autrement dit, les infirmières traversent une période de transition où elles se confrontent à diverses sources de difficultés leur occasionnant des tensions. Les principales sources de difficultés liées au nouveau rôle concernent le temps alloué pour assurer le suivi des dossiers (task-time), les interactions et les relations avec la clientèle et les collègues de travail, la culture d’affaires et les objectifs financiers de l’institution et enfin, l’identité professionnelle et l’image de soi. Dans cette optique, bien que les infirmières éprouvent des tensions à différents degrés, les résultats démontrent que ces tensions, combinées aux sources de difficultés liées à un nouveau rôle, ont le potentiel d’un côté, d’accroître la motivation et le développement professionnel des infirmières ou de l’autre côté, d’éroder leur confiance, diminuer leur

efficacité à résoudre les problèmes et enfin, d’occasionner de l’insatisfaction au travail. Toutefois, il semble que malgré les enjeux rencontrés dans le cadre de leur pratique, plusieurs infirmières identifient des sources de satisfaction au travail dont une plus grande autonomie professionnelle, une possibilité de favoriser le processus de guérison et d’améliorer l’état de santé des patients, une opportunité d’approfondir leurs connaissances, leurs habiletés et de rehausser leur développement professionnel et leur confiance et enfin, le témoignage de respect et de reconnaissance des collègues de travail et de la clientèle. Les infirmières affirment que le sentiment d’accomplissement qui émerge de ces sources de satisfaction au travail compense pour les aspects négatifs liés à leurs conditions de travail (Schmitt, 2006).

Enfin, Schmitt (2006) rappelle l’importance de préparer, d’encadrer et de former adéquatement les infirmières avant et durant une période de transition de rôle. Ceci leur offre la possibilité de mieux cerner leurs besoins d’apprentissages, de saisir l’opportunité pour se développer professionnellement et d’apprécier leurs acquisitions et leurs nouvelles compétences. Également, il semble avantageux de favoriser les échanges entre celles qui sont plus expérimentées en regard des nouveaux rôles et celles qui le sont moins, afin que ces dernières soient mieux guidées dans leurs nouvelles fonctions.

2.2.4. Travail en équipe interprofessionnelle et intersectorielle

Outre les études de Caux et al. (2007) et Carpentier-Roy et al. (2001), plusieurs chercheurs s’intéressent à la pratique des professionnels de la santé et des services sociaux du secteur public au sein d’équipes interprofessionnelles et / ou intersectorielles (Boarder, 2002; Frost, Robinson & Anning, 2005; Keable, 2004; White & Featherstone,

2005). Ces chercheurs ont exploré plusieurs facettes du travail réalisé en équipe interprofessionnelle et intersectorielle, soient :

• les rôles et la pratique des infirmières dans des équipes multidisciplinaires en santé communautaire (Boarder, 2002);

• l’expérience professionnelle des travailleurs sociaux quant à une réforme sociale visant à promouvoir le travail en équipe interprofessionnelle et intersectorielle (Frost et al., 2005);

• la communication interprofessionnelle et les relations sociales entretenues entre les professionnels de la santé et les services sociaux (White & Featherstone, 2005);

• les représentations sociales des travailleurs sociaux au sujet d’une nouvelle approche pour l’intervention (Keable, 2004).

Recueillies par le biais de sources documentaires, d’entretiens semi-structurés et d’entrevues de groupe, l’analyse et l’interprétation des données de ces études conduisent à l’émergence de principaux enjeux liés :

• aux rôles et activités; • à la reconnaissance;

• au besoin de clarification du rôle;

• au développement des rôles et des intérêts professionnels; • à la santé comme cible principale des interventions;

• aux attitudes des collègues de travail;

Broader (2002) suggère que la grande diversité des activités accomplies par les équipes interprofessionnelles et intersectorielles conduit les infirmières à ne pas avoir de spécificité. Autrement dit, les rôles et les activités professionnelles spécifiquement liées au champ d’exercice de ces dernières semblent se noyer au profit de celles de l’équipe. Ce chercheur a pu mettre en évidence d’une part, le besoin d’affirmer et de développer une identité professionnelle plus forte chez des infirmières et d’autre part, le besoin de recentrer les activités des infirmières sur l’identification de besoins de santé de la clientèle et sur leur développement professionnel à ce sujet.

Boarder (2002), Frost et al. (2005), Keable (2004), White & Featherstone (2005) démontrent que le travail en équipe interprofessionnelle et intersectorielle est complexe et contesté. En effet, les chercheurs remarquent qu’il existe autant de modèles de pratique que de professions au sein de l’équipe (Frost et al., 2005). En conséquence, dans un contexte de réforme sociale (Frost et al., 2005), l’implantation d’une nouvelle approche semble occasionner plus de problèmes que la nouvelle approche elle-même (Boarder, 2002; Frost et al., 2005; Keable, 2004; White & Featherstone, 2005), notamment, au sujet de l’objectif poursuivi par l’approche préconisée pour l’intervention et au sujet du rôle assumé par le professionnel au sein de l’équipe interprofessionnelle et intersectorielle.

En effet, puisque les différentes approches pour l’intervention des professionnels se traduisent par des visions différentes des problématiques au sein de l’équipe, ceci contribue à générer des tensions non seulement entre les professionnels de l’équipe mais également avec les partenaires (Boarder, 2002; Carpentier-Roy et al., 2001; Caux

et al., 2007; Frost et al., 2005; Keable, 2004; White & Featherstone, 2005). À titre d’exemple, des discussions et des luttes émergent afin de maintenir certains pouvoirs ou pratiques. Ainsi, les reproches (blâmes et jugements moraux) que divers professionnels d’une organisation ou d’un service font à l’endroit des autres sont mis au jour (White & Featherstone, 2005). Les identités professionnelles des membres des diverses équipes se fragilisent et ces derniers luttent pour les préserver. Il appert que les jugements cliniques des professionnels et les objectifs visés par les diverses organisations ou les divers services sont différents, ce qui occasionnent des tensions à cause des mésententes entre les professionnels des diverses équipes (Carpentier-Roy et al., 2001; White & Featherstone, 2005).

Malgré l’émergence de tels conflits, il ressort de certaines études que si l’objectif visé par tous les professionnels et les partenaires demeure commun et clair, il favorise l’engagement de ces derniers dans l’application d’une approche pour l’intervention (Boarder, 2002; Frost et al., 2005; Keable, 2004; White & Featherstone, 2005). Également, les relations interprofessionnelles empreintes de respect influencent les professionnels non seulement à s’engager à travailler en équipe, mais aussi à favoriser le développement d’une nouvelle façon de travailler. Ainsi, l’engagement de ces derniers, envers l’équipe, résulte en un sentiment de fierté partagé par les professionnels et les partenaires et occasionne un travail efficient et efficace et l’atteinte de résultats auprès de la clientèle.

Selon White et Featherstone (2005), le défi à relever pour encourager le travail d’équipe, est de favoriser des relations sociales efficaces en créant des conditions où

les pratiques professionnelles quotidiennes sont ouvertes au changement et où les professionnels, sans se sentir piégés, entament une réflexion quant à leur identité.

Des professionnels des services sociaux faisant face à une nouvelle approche pour l’intervention (l’approche milieu), dans un contexte de restructuration et de coupures budgétaires, ont fait l’objet d’une étude de leurs représentations d’une approche pour l’intervention (Keable, 2004). La majorité des participants de cette étude s’est représentée ce virage comme étant une réforme administrative visant à justifier les coupures dans les services. Néanmoins, les résultats de cette étude laissent entrevoir que les intervenants déjà familiers avec les principes à la base de la nouvelle approche détiennent plus de connaissances et par conséquent, semblent plus favorables avec la nouvelle approche proposée par l’organisation. Autrement dit, ces derniers manifestaient moins de résistance au changement que les autres.