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CHAPITRE 4 : RÉSULTATS

4.1. Représentations des infirmières SAT quant au PHN et à leur pratique dans le cadre

4.1.1. Organisation du travail

4.1.1.2. Encadrement professionnel

Les représentations des infirmières à l’égard du PHN et de sa mise en oeuvre sont fortement influencées par la présence ou non d’un PSSE dans l’entreprise déclarée hors normes. Si l’entreprise possède un tel programme (PSSE), cela signifie qu’un médecin de l’équipe SAT est responsable de l’entreprise et que les activités de l’équipe SAT sont prévues dans cette dernière. Pour plusieurs participantes, l’encadrement professionnel que procure le PSSE a une influence importante sur la représentation qu’elles ont du PHN et de leurs rôles. Ainsi, certaines rapportent que le PHN occasionne peu d’impact sur leur pratique, puisqu’elles intervenaient déjà dans l’entreprise et ce, dans le cadre d’un PSSE :

« Il y a des situations où cela était prévu de toute façon que les techniciens [en hygiène du travail] aillent effectuer des mesures [environnementales]. Cela [le PHN] n’a pas changé beaucoup ce que j’aurais fait dans l’entreprise. Si elles [les mesures environnementales] avaient été au-dessus de la norme, on aurait eu le même suivi [médical] que l’on a actuellement ». A2166

« En général, les sessions d’information [traitant des effets d’un contaminant chimique sur la santé des travailleurs] avaient déjà été données [avant la découverte d’une situation hors normes] ». D2274 « Moi, au point de vue [de ma] pratique, [le PHN] ne l’a pas changée. C’est la même sensibilisation [auprès des travailleurs et de l’employeur] que je faisais. La même formation ». D2249

Pour la majorité des participantes, le PHN amène peu de changements dans leur pratique. En effet, le PSSE témoigne que les risques pour la santé des travailleurs sont déjà identifiés, évalués, priorisés et que des activités sont déjà prévues, voire même réalisées, par les membres de l’équipe SAT dans l’entreprise, en regard de ces risques. Or, l’identification d’une situation hors normes, dans le cadre d’activités déjà prévues ou réalisées, occasionne peu d’impact sur les activités de l’infirmière dans l’entreprise. En effet, ses activités découlent, entre autres, de la mise en application de protocoles de surveillance de l’état de santé reposant sur un seuil d’intervention médical (SIM). Concrètement, pour certains contaminants chimiques, par exemple la silice, sa présence dans l’environnement de travail est suffisante pour mettre en place des activités telles que le dépistage de la silicose et des activités d’information et de formation auprès des travailleurs exposés à ce contaminant. En ce sens, pour plusieurs participantes, savoir si un contaminant respecte ou ne respecte pas les normes légales est certes important, mais le seuil d’intervention médicale (SIM) l’est encore plus, puisque de là découlent leurs activités de surveillance de l’état de santé des travailleurs. Donc, le PHN pour la majorité des participantes occasionne peu d’impacts sur leur pratique, sauf peut-être l’élaboration ou la mise à jour prochaine d’un PSSE ou encore, l’application d’un protocole de surveillance de l’état de santé des travailleurs lié à l’exposition de ces derniers au contaminant chimique hors normes.

À l’opposé, lorsque les infirmières interviennent dans une entreprise sans PSSE, les représentations de leur pratique dans le cadre du PHN varient davantage de l’une à l’autre car les infirmières ont des représentations différentes du meilleur moment pour intervenir dans le cadre du PHN.

Certaines infirmières veulent intervenir rapidement, notamment, pour vérifier l’état de santé des travailleurs surexposés. Ceci témoigne de l’importance accordée au rôle de clinicienne pour certaines participantes. Alors que d’autres affirment qu’une situation hors normes chimique relève davantage de l’inspecteur de la CSST (pouvoir coercitif) et des techniciens en hygiène du travail (évaluation environnementale de l’exposition des travailleurs). Plusieurs infirmières rapportent par exemple, qu’en présence d’un employeur réticent, lequel tarde à apporter les correctifs nécessaires dans son entreprise pour assurer la protection de la santé des travailleurs, il fera davantage l’objet de suivis rigoureux de la part de l’inspecteur de la CSST, notamment, par l’application de mesures coercitives (émission d’avis de dérogation, arrêt du procédé générant une situation hors normes, etc.). Aussi, les spécialistes en hygiène industrielle de l’équipe SAT (hygiénistes et techniciens), par leur formation, leurs connaissances et leur expertise dans la réduction à la source des risques chimiques (substitution, ventilation à la source, etc.) sont mieux disposés pour offrir leur soutien à l’employeur dans ce contexte (risque chimique). Pour certaines, il est nécessaire d’intervenir rapidement dès la découverte d’une situation hors normes en entreprise, parce qu’il n’y a pas de PSSE et parce que s’il y a dépassement de normes environnementales, il y a nécessairement dépassement du seuil d’intervention médicale (SIM) :

« J’essayais de faire valoir qu’il aurait fallu qu’on ajoute un petit carré [dans l’algorithme du PHN] qui dise, si on a une déclaration hors normes, il faut faire la surveillance médicale en même temps [que les activités visant à corriger le hors normes au niveau environnemental]. Cela [la surveillance médicale] aurait dû se retrouver tout de suite après ça [la surveillance environnementale]. Pourquoi? Pour aller sensibiliser les travailleurs, faire des sessions d’info et de la surveillance médicale tout de suite ». B172

Alors que pour d’autres, leurs représentations du PHN les amène à penser que le PHN propose presqu’exclusivement des activités réservées aux médecins, aux techniciens en hygiène ou encore aux inspecteurs de la CSST :

«Quand la DSP a implanté le PHN, cela [le PHN] a toujours visé plus le chimique [les activités de suveillance et de contrôle environnementaux]. Cela a toujours visé les techniciens en hygiène du travail. C’est toujours comme ça. C’est chimique, c’est technicien ». B1164

« Je trouve que ce projet [le PHN], c’est le travail de l’inspecteur [de la CSST] ». B232

« Je trouve que [le PHN] c’est une affaire de techniciens, de mesures [environnementales] de ci et de ça. Ils [les concepteurs du PHN] n’ont pas défini quel était le rôle de l’infirmière. Ils [les concepteurs du PHN] ont défini que lorsqu’il y a un hors normes, la première chose [à faire] est d’envoyer une lettre. La deuxième chose, que l’on [l’équipe SAT] doit faire c’est telle affaire. Il n’y a rien dans ce programme qui parle du médical, de l’infirmière ». D2457

« Nous ne nous sommes pas impliquées car les activités du PHN avaient rapport aux [contaminants] chimiques ». C1149

« C’est un projet qui a débuté en hygiène, qui est mis sur pieds par l’hygiène et pour l’hygiène dans le fond. Le nom de l’infirmière n’apparaît pas dans l’arbre décisionnel, dans la démarche ». A2733

Ces propos démontrent la résistance que certaines infirmières manifestent face au PHN. Jusqu’ici, l’affectation et l’encadrement professionnel des infirmières influencent leurs représentations du PHN et sa mise en oeuvre. L’analyse des représentations des infirmières, quant au PHN et à leur pratique dans ce dernier, laisse entrevoir que le partage des rôles et des fonctions au sein des équipes SAT, découlant de l’organisation du travail est déterminant dans l’interprétation qu’elles font de leur pratique dans le cadre du PHN.