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On peut comprendre ce que le modèle de la pertinence de Sperber et Wilson et sa dimension cognitive ont d’intéressant pour décrire dans la communication le fonctionnement de phénomènes tels que l’implicitation, l’inférence pragmatique, la catégorisation, etc., dans la perspective de l’intelligence artificielle. Cependant il est encore insuffisant à rendre compte, pour des didacticiens de l’enseignement des langues, de tous les phénomènes qui sont en jeu dans la communication verbale et dans l’apprentissage d’une langue étrangère. En effet, s’il se tient sur le terrain de la pragmatique, il délaisse celui du fonctionnement réel de l’échange verbal et didactique, pour privilégier un modèle cohérent de fonctionnement des capacités cognitives, du module central, en quelque sorte du cerveau dans son rapport aux significations.

C’est exactement ce qui a gêné une didacticienne de l’enseignement du français comme Rosen quand elle a analysé la communication de classe dans les techniques de simulation pour l’apprentissage du français langue étrangère auprès d’ingénieurs et techniciens de l’automobile en Chine (Rosen 2001). Elle nous rappelle que la recherche en pragmatique ne s’est pas seulement orientée, à partir de ses origines philosophiques, dans une direction linguistique, puis psycho-linguistique, mais qu’elle a pris aussi très tôt une orientation socio-linguistique. Et c’est cette orientation socio-linguistique, délaissée par les pragmatistes cognitivistes, qu’elle a privilégiée pour son analyse des échanges didactiques en français langue étrangère.

6.2.1. Analyse conversationnelle et pragmalinguistique

Pourquoi ? Parce que, pour elle, c’est dans ce domaine que l’analyse conversationnelle a été poussée le plus loin. En effet, l’orientation socio-linguistique, en particulier celle qui a été prise à partir des travaux de Hymes, « étend la compétence du domaine linguistique à celui de la communication» (Rosen 2003 : 141). C’est, une fois de plus, le critère communicatif qui permet de trancher chez une didacticienne qui fait l’analyse de sa propre pratique, mais cette fois-ci pour une orientation sociologique.

Rosen reprend les analyses de Reboul et Moschler (1998 b: 437-479) lorsqu’ils présentent l’historique de ce domaine de recherche. Celui-ci, partant de l’analyse des conversations, s’est scindé en deux courants : l’analyse du discours et l’analyse conversationnelle (Levin 1983). Tandis que l’analyse de discours se réfère à la linguistique pour traiter et conduire l’analyse linguistique des unités plus grandes que la phrase par une modélisation de la conversation, l’analyse conversationnelle se réfère plutôt à la sociologie, en recherchant l’organisation préférentielle des unités de conversation par une généralisation de données nombreuses relevant de plusieurs disciplines (Rosen 2003 : 141). Ce domaine s’est développé dans un foisonnement de courants et d’axes de recherches que Rosen explore pour s’arrêter à un modèle qu’elle propose de privilégier : la pragmatique linguistique de Bange. C’est de ce lieu que Rosen se propose de partir pour proposer un modèle d’analyse cohérent, parce que, « lieu d’investissement pluridisciplinaire » (Vion 2000 cité par Rosen 2001 : 140), c’est le cadre de référence pragmatique le plus approprié pour se relier aux notions d’interlangue et de communication endolingue/exolingue.

Nous présentons ici ce courant, et nous nous intéresserons dans notre troisième partie aux applications de ce modèle dans l’analyse d’échanges de classe afin de voir si la perspective prietienne peut lui être compatible.

6.2.2. La pragmalinguistique de Bange.

La caractéristique de ce courant pragmatique qui se fonde sur la notion d’acte de parole est d’avoir mis l’accent d’une façon plus radicale sur la notion d’acte, c’est-à-dire d’action par la parole. On se retrouve donc, comme avec Prieto, dans une perspective avant tout fonctionnelle.

une perspective fonctionnelle, ce que Bange considère comme « un changement de paradigme scientifique » (ibidem : 9) : de la langue comme signe à la parole comme action, de la théorie des signes à la théorie de l’action.

Une perspective fontionnelle

Pour Carnap (1942), la pragmatique (analyse des relations entre les interlocuteurs) devient le domaine de la sémantique (domaine des dénotés) et de la syntaxe (domaine des expressions) et les structures linguistiques sont considérées comme « des moyens commandés et guidés par des buts pragmatiques et permettant de les réaliser » (Bange, ibidem ) et subordonnées à des fonctions d’ordre socio-communicatif.

Nous ne résistons pas à reproduire plusieurs citations de Bange, dans lesquelles nous croyons retrouver une explicitation très claire des formulations nettes mais plus condensées et elliptiques de Prieto sur le sens comme rapport social, sur le retournement théorique d’une linguistique de la langue à une linguistique de la parole, sur le rôle de la parole comme action, du signe comme outil, de la communication comme activité de sujets doués d’intentionnalité, etc. :

Les structures linguistiques servent à produire du sens dans la communication (…) Dans une telle perspective, les énonciations vont être considérées comme des actions verbales en relation avec une situation de communication qui comporte des dimensions spatio-temporelles et surtout sociales ; comme des actions accomplies par un locuteur en produisant un énoncé dans une langue naturelle vis-à-vis d’au moins un récepteur, dans le but de modifier la situation antérieure à l’acte d’énonciation en provoquant une réaction du ou des interlocuteurs (une réaction interne, cognitive, qui peut elle-même déclencher des réactions verbales et/ou comportementales). Les énonciations seront donc considérées comme des actes sociaux, par lesquels les membres d’une communauté socio-culturelle interagissent à l’aide de signes. (Bange 1997 : 9).

La parole n’est donc pas simplement une « mise en fonctionnement individuelle du code linguistique donné préalablement », c’est d’abord « une forme socialement essentielle d’action ». De sorte que la linguistique retrouve des domaines de contiguïté, dans une perspective anthropologique, avec la sociologie et la psychologie.

On fait ici le choix inverse de celui de Saussure qui, en séparant « langue » et « parole », permettait à la linguistique structurale de constituer une théorie close, au prix d’une renonciation à analyser la relation entre la langue et la conscience, la langue et la société (ibidem : 10).

une linguistique des activités verbales, (..) une linguistique de la communication qui est amenée à prendre en compte des phénomènes non-verbaux (transmis par les canaux visuel et auditif) comme nécessaires au déroulement des actions de communication (ibidem :10).

Cessant d’être le cadre ultime de référence, la théorie du signe n’est pas abandonnée pour cela. Rompant avec la conception selon laquelle « la langue comme structure rend seule possible la parole comme activité », la langue comme système devient un « aspect de l’activité verbale » comme phénomène englobant. « Cela signifie seulement que le signe est considéré comme un moyen d’action au même titre que l’outil (ibidem : 10, note 1) ».

Bange renvoie sur ce point à Vygotski (1978/1934) qui voit dans la fonction de médiation la ressemblance fondamentale entre l’outil et le signe, l’un étant « orienté extérieurement », produisant des changements dans les objets de l’activité humaine pour la maîtrise de la nature, l’autre étant « orienté intérieurement », « moyen d’activité interne pour se dominer soi-même », dont l’utilisation « affecte le comportement des hommes », qui « nait de la transformation – sociale d’abord, intériorisée ensuite – de la fonction d’un acte » (Vygotski 1978/1934 : 53-57). Bange y reprend l’évocation de l’enfant, dont le geste d’attraper un objet hors de sa portée prend un sens pour la mère, celui de désigner l’objet, de sorte que l’enfant donnera lui-même ensuite ce sens au geste de tendre la main vers un objet, lequel sera aussi un moyen d’entrer en relation avec d’autres personnes. L’action de saisir l’objet, de le prendre, serait ainsi antérieure à l’action de le désigner. L’ostension serait une forme détournée, abstraite, de la préhension des objets, devenant ainsi appréhension médiatisée du réel. Comprendre, ce ne serait que prendre un objet placé hors de sa portée.

C’est aussi dans la linguistique soviétique, particulièrement chez Leontiev (1971), que Bange remarque la première présence de la tendance opposant linguistique structurale et linguistique de la communication. Cette opposition se fonde sur le double sens du mot « parole » ou « activité verbale » : l’une, comme « continuum spatio-temporel », « expression d’un contenu de pensée » entre des locuteurs individuels ; l’autre, comme une des « sortes possibles d’activités (..) en quoi tel ou tel besoin du sujet se concrétise », c’est-à-dire « la totalité complexe de processus reliés par une orientation commune et par un but déterminé qui est aussi l’occasion objective de cette activité » (Leontiev 1971 : 24 )18. Leontiev « propose l’intégration de l’activité de communication dans le système général d’activité de l’homme et envisage la parole dans le cadre d’une analyse but-moyens » (Bange 1992 : 11).

Nous voyons que, dans cette conception de la pragmatique, nous quittons le domaine de la représentation, du vrai et du faux, pour entrer dans celui de l’action, de l’efficience, de la réussite ou de l’échec.

« L’acte de parole est toujours un acte de construction d’une correspondance entre deux activités, plus précisément un acte d’insertion de l’activité de parole dans un système plus large d’activités comme l’une des composantes indispensables de cette dernière, ces deux activités se conditionnant réciproquement. » (Leontiev 1971 : 25).

L’acte de parole n’est plus l’expression d’une pensée, d’un processus cognitif, elle est la manifestation d’une visée, d’une action inserrée dans une activité plus globale orientée par un but. De sorte que l’analyse pragmatique ne consistera pas seulement à décrire les relations des éléments linguistiques avec les éléments extra-linguistiques « mais à établir une relation entre des structures linguistiques et l’activité projetée dans telle situation globale concrète » (Bange 1992 : 11). C’est franchir un pas supplémentaire dans la pragmatique : ce ne sont plus des énoncés ou même des structures que l’on met en relation à une situation, mais un activité : une activité verbale. Et, reprenant la formule de Léontiev, Bange insiste sur le fait que cette relation est faite de telle sorte que « la situation (le contexte) et l’activité verbale se conditionnent réciproquement » (Bange 1992 : 11). Qu’est-ce-à dire ?

C’est dire que, d’une part, la situation et le « système plus large d’activités » déterminent, contraignent l’activité verbale et que, d’autre part, l’activité verbale fournit une interprétation de la situation et définit du même coup un contexte, un cadre où certaines choses deviennent possibles et où d’autres sont exclues. » (ibidem : 12).

Leontiev oppose en outre mécanisme et processus, c’est-à-dire les « conditions de possibilités physiologiques et psychologiques » d’une opération et la « réalisation d’une opération dans un contexte réel d’activité dans les conditions d’une motivation concrète et d’un but et en présence d’un objet réel et d’un outil de production réel. » (Leontiev 1971 : 28).

Ne retrouve-t-on pas, formulés dans le cadre d’une analyse de la parole comme action, tous les principes – à l’exclusion de la notion d’univers de discours – qui forment le cadre conceptuel de l’analyse du processus ou mécanisme de l’indication de Prieto ? Ne peut-on pas voir chez Leontiev, Vygotski, Carnap, les principaux inspirateurs de la théorie prietienne19 et proposer même Prieto comme précurseur de la pragmalinguistique de Bange20 ?

19 Lire au sujet du projet de noologie de Prieto, les anticipations de Vygotski (1997/1934) pp. 53 et suivantes.

6.2.3. L’interaction et l’action

C’est sous le concept d’interaction que Bange formalise l’analyse conversationnelle. Et c’est à partir de la définition de l’interaction comme « action sociale réciproque » (Bange 1992 : 71) qu’il analyse l’action et présente une modélisation de l’interaction.

Le syllogisme pratique

Cette modelisation s’appuie, à partir d’une « théorie naïve du comportement », sur les concepts de buts à atteindre et de projet d’action comme moyen d’atteindre ces buts (ibidem : 67-68). Le « syllogisme pratique », ou « inférence pratique », d’Aristote en donne une formulation dont Apostel (1976), à la suite de Wright (qui déjà dégageait les formes intentionnelles et cognitives des prémices, et prévisionnelle de la conclusion), affine l’analyse.

Apostel met en valeur la prémisse cognitive, montrant ainsi que l’action « présuppose de la part de l’agent le savoir-faire pour l’accomplir » (Apostel 1976 : 205). Le syllogisme pratique se formule ainsi à l’aide d’une « règle de production de l’action [qui] a la forme : si p, alors fais q. » (ibidem). Cette règle nécessite de prendre en compte la situation dans la définition de l’action (si p).

Se représenter et interpréter la situation

Bange définit cette situation comme les « conditions et circonstances qui précèdent et entourent l’action et lui donnent sa raison d’être qui est de modifier la situation existante. » (Bange 1992 : 73). De sorte que « l’antécédent « si p » résume l’interprétation de la situation par l’acteur » (ibidem : 73) et qu’

il faut faire entrer dans la définition de l’action des opérations cognitives qui la constituent en partie : une représentation et une évaluation du contexte extérieur, d’une part, et, d’autre part, du savoir pratique disponible dans ces circonstances, c’est-à-dire une évaluation de ce qui peut effectivement être fait pour modifier la situation. L’action n’existe pas sans ce travail cognitif qui est un examen de l’état d’inadaptation entre l’acteur et une situation initiale, un examen qui est une définition du caractère problématique de la situation. La nature des moyens qui seront mis en œuvre dans l’action dépend partiellement de cette définition de la situation : si p, alors fais q. Dans une telle règle, l’action concrète est définie comme le conséquent de la situation, ou plus précisément de l’interprétation que l’acteur fait de cette situation. Dans l’action (y compris dans l’action verbale), l’opération concrète doit être comprise comme liée par une relation d’implication à l’interprétation de la situation. (ibidem : 73)

Cette analyse du syllogisme pratique, selon laquelle la conclusion de l’inférence renvoie aux opérations – à la décision – par lesquelles l’action est accomplie, reste cependant insuffisante pour Bange car elle ne dit rien sur la dimension d’attribution des actes, sur le fait

que l’attribution d’un sens à un acte fait partie des phénomènes à analyser et qu’elle ne peut être regardée comme automatique sur la base d’un répertoire objectif (aucune action n’entre en scène avec un badge à son revers). [Elle] entre dans le processus de coordination entre les acteurs et fait appel de leur part aux ressources de la « psychologie naïve » quotidienne. (ibidem :74)

Les actions et les interactions sociales ne sont en effet possibles que sur la base d’un savoir partagé sur le monde et sur les conventions de comportements (comme base des actions sociales et de la communication).

Un savoir partagé : stratégies et schémas d’action

Bange se tourne vers la théorie psychologique de l’action de Cranach et al. (1980), qui intègre la psychologie naïve du comportement, l’approche systémique et la théorie du contrôle social par les règles de Goffman (interactionnisme). Elle permet de soutenir le fait que « les cognitions individuelles sont la réalisation d’attentes sociales et de rôles » et constituent le relais individuel de la « construction sociale de la réalité » (Bange 1992 :74).

Bange propose alors un modèle qui s’appuie sur les notions de stratégie et de schéma d’action. La notion de stratégie, « ensemble d’actions sélectionnées et agencées en vue de concourir à la réalisation d’un but final », qui « consiste dans le choix d’un certain nombre de buts intermédiaires et subordonnés (…) pouvant à son tour se subdiviser en actions-moyens pour arriver à la réalisation de son propre but » (Bange 1992 : 76), est problématique. L’analyse des buts d’une action, complexes et multiples, n’est pas simple, et la notion de but, « pulsion diffuse qui s’éclaircit dans le déroulement de l’action » (Aebli 1980, cité par Bange ibidem), couplée à celle de besoin, reste vague et liée à ses corrélats empiriques d’action et de stratégie,

avec lesquels ils peuvent même se confondre. Mais elle représente pour Bange l’intérêt d’inclure l’idée de hiérarchie de buts et de moyens et l’idée d’action. La notion de schéma d’action, « savoir pratique disponible sur le déroulement prévisible de l’action », appelé aussi plan ou projet d’action, peut lui être associé.

Le modèle TOTE

Le modèle proposé par Bange est le modèle TOTE (Test-Opération-Test-Exit) d’analyse de l’action proposé par Miller, Galanter, Pribram (1960), dont Rosen (2003) offre de très intéressantes illustrations dans l’analyse de la communication exolingue, et auquel nous aurons pour notre part l’occasion de recourir dans l’analyse de notre corpus21. Ce modèle a l’intérêt de permettre une distinction entre les niveaux stratégiques ou supérieurs d’organisation de l’action «structurés par les choix des buts, les plans et les stratégies, et les niveaux opérationnels ou inférieurs d’organisation de l’action « organisés par des mécanismes » (Bange 1996 : 86).

On voit l’intérêt de ce modèle : il permet d’interpréter la structure du discours comme une unité autonome dont les unités de niveau inférieur sont dépendantes et qui prennent pleinement leur sens par rapport à lui. On remarquera par ailleurs sa pertinence pour l’analyse du discours dans le cadre d’une activité didactique qui s’élabore aujourd’hui systématiquement sous la forme d’un projet ou d’une démarche. Les thèmes et contenus traités, savoirs et savoirs-faire, visent à transmettre des compétences évaluables en terme de comportement. Ils sont organisés dans le projet en activités se succédant selon un déroulement déterminé, voire selon une progression, chaque activité comportant des phases, des séquences, des actions déterminées. L’ensemble du projet (savoirs, savoirs-faire, déroulement) s’élabore à partir d’une définition rigoureuse et hiérachisée de finalités, de buts, d’objectifs généraux, opérationnels ou opératoires que les référentiels ont pour fonction de formuler. Nous verrons dans notre troisième partie l’illustration que nous tenterons de donner de certains aspects de l’analyse du discours didactique en tant qu’activité déterminée par des buts et organisée par des moyens.

6.2.4. Le sens de l’action

Mais c’est chez Max Weber (1947) que Bange trouve la définition de l’action la plus propre à le satisfaire, car elle se relie à la notion de sens.

On appellera « action » un comportement humain (peut importe qu’il s’agisse d’un faire externe ou interne, d’omettre de faire ou de subir) si et dans la mesure où celui ou ceux qui agissent y associent un sens subjectif . (1947 : 1).

Nous nous trouvons confronté à une définition du sens à laquelle Prieto nous a rendu familier, que Bange commente ainsi :

Ce n’est évidemment pas de « signification sémantique ou linguistique ou grammaticale » qu’il s’agit ici, mais de ce que Leech 1983 appelle « force pragmatique » pour éviter, pense-t-il, des confusions que l’usage courant n’a pas à redouter. C’est quelque chose qui est lié à des circonstances particulières. C’est ce que Grice appelle « signification en situation » et qu’il oppose à « signification conventionnelle » (..). M. Weber indique qu’un comportement « porteur de sens (sinnhaft), c’est-à-dire compréhensible » est un comportement en relation avec des « moyens » et un « but » que l’acteur se représentait et vers lequel il dirigeait son action (1947 : 2-3). Il importe de souligner que, pour Max Weber, l’idée de sens est liée à l’idée même d’action et que ce qui peut faire d’un objet quelque chose de « compréhensible », c’est sa « relation à l’action humaine » (1947 : 3) . (Bange 1992 :77)

L’action se présente ainsi sous deux faces : externe (ensemble observable de gestes, de modifications physiques dans un ensemble physique) et interne (processus cognitifs : perceptions, buts, décisions, valeurs, savoir social, etc.), qui sont tous liés entre eux et qui composent la signification de l’action. D’où la formule : « le flot du comportement est articulé en actions par des buts » (Cranach et al. 1980 : 87). Cette articulation est

le résultat d’une interprétation par laquelle l’acteur construit le sens de son action et/ou un co-acteur attribue un sens à l’action d’un acteur. Une action n’est jamais directement perçue. Ce sont les gestes qui la composent qui sont perçus. L’action en tant que telle est l’objet d’un processus de compréhension . (Bange 1992 : 78)

Bange nous indique que Schütz (1962 : 24) enrichira ce concept d’action en distinguant, relativement aux savoirs, valeurs, objectifs admis dans un groupe socio-culturel, l’action sensée (compréhensible, les moyens étant adéquats au but), l’action raisonnable (action sensée exécutée après un choix judicieux entre plusieurs manières), et l’action rationnelle